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20/06 2018
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AFFAIRE DU SAMU DU BAS-RHIN: L'IGAS POINTE UN RETARD GLOBAL DE PRISE EN CHARGE DE PRÈS DE 2H20

PARIS, 20 juin 2018 (APMnews) - L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a fait état mercredi de dysfonctionnements ponctuels et structurels dans la prise en charge de Naomi Musenga par le Samu du Bas-Rhin dans son rapport sur le décès de la jeune femme aux urgences du CHU de Strasbourg, qu’APMnews a consulté.

La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, avait diligenté une enquête de l'Igas début mai afin de faire la lumière sur les circonstances du décès de cette femme de 22 ans en décembre 2017 aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), rappelle-t-on (cf dépêche du 09/05/2018 à 18:16).

Le rapport remis à Agnès Buzyn à l'issue de cette enquête avait pour objet d'étudier les réponses du Samu de Strasbourg aux appels reçus concernant Naomi Musenga, les circonstances du décès de cette jeune femme, l'accompagnement de la famille par des HUS, les conditions de conservation du corps jusqu'à la réalisation de l'autopsie, mais également les modalités de signalement de cet événement et, de manière plus générale, des procédures mises en place au sein du Samu de Strasbourg en matière de régulation des appels.

Sur la prise en charge des appels reçus par le Samu de Strasbourg, l'Igas a tout d'abord relevé que "l'analyse des flux d'appels reçus au cours de la matinée du 29 décembre 2017 montre un contexte de forte activité, mais des conditions normales d'organisation du service avec des effectifs rapportés au nombre d'appels décrochés conformes aux conditions habituelles".

Par ailleurs, les enquêteurs notent que le premier appel passé à 11h30 ce jour-là par Naomi Musenga n'a pas été correctement pris en charge par l'assistante de régulation médicale (ARM) à qui il avait été finalement transféré.

"Le ton employé en réponse à l'appel et les propos tenus sont particulièrement choquants [...] Les questions posées ne sont pas adaptées à la situation [...] L'appel n'a pas été transmis au médecin régulateur du Samu [...] et donc n'a pas été traité administrativement par l'ARM comme un appel à caractère médical", peut-on lire dans le rapport.

Un second appel avait été pris en charge par la même ARM

Par ailleurs, le rapport de l'Igas révèle qu'à la suite du premier appel passé par Naomi Musenga, un second appel, de la part d'un proche de la jeune femme cette fois, a été pris en charge à 12h32 par la même assistante de régulation.

"L'appelant est un proche qui ne mentionne pas l'appel antérieur et appelle d'un autre téléphone, ce qui empêche le rapprochement immédiat des deux appels par l'assistante", décrit le rapport.

Une nouvelle fois, cet appel ne sera pas transféré à un médecin régulateur -contrairement aux recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) et à la procédure générale de régulation du Samu 67- et l'ARM a de nouveau laissé "à son interlocuteur le soin de contacter un médecin ou SOS Médecins".

"Pas plus que lors du premier appel, l'assistante de régulation ne recherche les informations qui auraient permis de préciser l'état clinique de la patiente. Elle ne demande ni le nom de l'appelant, ni celui de la personne pour qui le Samu est sollicité, ni l'adresse correspondante", souligne le rapport Igas, en notant toutefois que "le ton apparaît approprié" cette fois.

La jeune femme a finalement été prise en charge à 13h58 par un Smur dépêché par un appel de SOS Médecins une dizaine de minutes plus tôt. Prise en charge au service de réanimation polyvalente à 16h46 -après avoir passé un scanner directement à son arrivée-, Naomi Musenga est finalement décédée aux urgences du Nouvel hôpital civil des HUS à 17h30.

Selon les enquêteurs de l'Igas, "les réponses non adaptées de l'assistante de régulation médicale ont conduit à un retard global de prise en charge de près de 2h20".

"Seule une expertise clinique permettrait de mesurer la perte de chance afférente à ce délai", peut-on lire dans les conclusions du rapport.

Pas de signalement à l'ARS ni de volonté de "dissimuler l'événement"

Outre le manque d'accompagnement proposé à la famille de Mme Musenga, l'Igas a fustigé l'absence de signalement de cet évènement à la direction du CHU et à l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est "alors que les éléments de qualification étaient réunis: décès et élément avéré suggérant un retard de prise en charge".

Après avoir relevé que "les suites immédiates qui ont été données par le responsable du Samu n'ont pas été à la hauteur de la gravité de la situation", à savoir un rappel à l'ordre de l'ARM concernée, la mission de l'Igas a recommandé à la direction des HUS "d'accepter la démission présentée par le responsable de service du Samu".

Dans la foulée de la publication du rapport, le CHU de Strasbourg a indiqué lundi dans un communiqué qu'il avait agi en conséquence (cf dépêche du 20/06/2018 à 19:02).

En revanche, la mission a conclu que "les délais de conservation du corps et d'autopsie" avaient été "conformes aux standards".

"L'enregistrement du corps à la chambre funéraire du Nouvel hôpital civil a été effectué dans des délais conformes au règlement", note le rapport, en mentionnant une durée de 9 heures et 10 minutes.

"La réalisation de l'autopsie a permis une analyse fine avec description histologique et contredit les termes 'putréfaction avancée' employés dans les documents transmis à la famille", est-il précisé peu après.

L'Igas formule 9 recommandations pour le Samu 67

Après avoir relevé tous ces dysfonctionnements dans la prise en charge de Naomi Musenga le 29 décembre 2017, la mission Igas diligentée par la ministre a formulé plusieurs recommandations pour "prévenir la survenue d'un drame analogue".

Au-delà de la démission du responsable du Samu 67, l'Igas demande aux HUS de prévoir une salle pour que les proches des patients puissent être reçus par l'équipe de réanimation.

Il est également recommandé de "clarifier la répartition des rôles en matière de déclaration des évènements indésirables", de "déclarer au niveau de l'établissement tous les évènements indésirables graves", ou encore d'établir "une revue mensuelle des évènements indésirables en vue d'améliorer les pratiques".

L'Igas a aussi préconisé de mettre en place "au Samu de Strasbourg une formation aux bonnes pratiques de régulation des ARM" et de "renforcer la centralisation du traitement des évènements indésirables au sein du pôle qualité".

Enfin, il est exigé la mise en oeuvre "sans délai d'un plan d'action garantissant la qualité de la régulation" et de "systématiser les écoutes de régulation périodique".

Par ailleurs, le rapport de l'Igas fait mention d'un autre "événement indésirable grave" déclaré à l'ARS ayant révélé "un manquement grave de la part du médecin régulateur" et "interroge[ant] sur certaines pratiques de régulation médicale".

"Ce cas est en cours de traitement par les HUS et l'ARS", a indiqué le rapport sans donner plus de détails.

gl/ab/APMnews

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PARIS, 20 juin 2018 (APMnews) - L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a fait état mercredi de dysfonctionnements ponctuels et structurels dans la prise en charge de Naomi Musenga par le Samu du Bas-Rhin dans son rapport sur le décès de la jeune femme aux urgences du CHU de Strasbourg, qu’APMnews a consulté.

La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, avait diligenté une enquête de l'Igas début mai afin de faire la lumière sur les circonstances du décès de cette femme de 22 ans en décembre 2017 aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), rappelle-t-on (cf dépêche du 09/05/2018 à 18:16).

Le rapport remis à Agnès Buzyn à l'issue de cette enquête avait pour objet d'étudier les réponses du Samu de Strasbourg aux appels reçus concernant Naomi Musenga, les circonstances du décès de cette jeune femme, l'accompagnement de la famille par des HUS, les conditions de conservation du corps jusqu'à la réalisation de l'autopsie, mais également les modalités de signalement de cet événement et, de manière plus générale, des procédures mises en place au sein du Samu de Strasbourg en matière de régulation des appels.

Sur la prise en charge des appels reçus par le Samu de Strasbourg, l'Igas a tout d'abord relevé que "l'analyse des flux d'appels reçus au cours de la matinée du 29 décembre 2017 montre un contexte de forte activité, mais des conditions normales d'organisation du service avec des effectifs rapportés au nombre d'appels décrochés conformes aux conditions habituelles".

Par ailleurs, les enquêteurs notent que le premier appel passé à 11h30 ce jour-là par Naomi Musenga n'a pas été correctement pris en charge par l'assistante de régulation médicale (ARM) à qui il avait été finalement transféré.

"Le ton employé en réponse à l'appel et les propos tenus sont particulièrement choquants [...] Les questions posées ne sont pas adaptées à la situation [...] L'appel n'a pas été transmis au médecin régulateur du Samu [...] et donc n'a pas été traité administrativement par l'ARM comme un appel à caractère médical", peut-on lire dans le rapport.

Un second appel avait été pris en charge par la même ARM

Par ailleurs, le rapport de l'Igas révèle qu'à la suite du premier appel passé par Naomi Musenga, un second appel, de la part d'un proche de la jeune femme cette fois, a été pris en charge à 12h32 par la même assistante de régulation.

"L'appelant est un proche qui ne mentionne pas l'appel antérieur et appelle d'un autre téléphone, ce qui empêche le rapprochement immédiat des deux appels par l'assistante", décrit le rapport.

Une nouvelle fois, cet appel ne sera pas transféré à un médecin régulateur -contrairement aux recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) et à la procédure générale de régulation du Samu 67- et l'ARM a de nouveau laissé "à son interlocuteur le soin de contacter un médecin ou SOS Médecins".

"Pas plus que lors du premier appel, l'assistante de régulation ne recherche les informations qui auraient permis de préciser l'état clinique de la patiente. Elle ne demande ni le nom de l'appelant, ni celui de la personne pour qui le Samu est sollicité, ni l'adresse correspondante", souligne le rapport Igas, en notant toutefois que "le ton apparaît approprié" cette fois.

La jeune femme a finalement été prise en charge à 13h58 par un Smur dépêché par un appel de SOS Médecins une dizaine de minutes plus tôt. Prise en charge au service de réanimation polyvalente à 16h46 -après avoir passé un scanner directement à son arrivée-, Naomi Musenga est finalement décédée aux urgences du Nouvel hôpital civil des HUS à 17h30.

Selon les enquêteurs de l'Igas, "les réponses non adaptées de l'assistante de régulation médicale ont conduit à un retard global de prise en charge de près de 2h20".

"Seule une expertise clinique permettrait de mesurer la perte de chance afférente à ce délai", peut-on lire dans les conclusions du rapport.

Pas de signalement à l'ARS ni de volonté de "dissimuler l'événement"

Outre le manque d'accompagnement proposé à la famille de Mme Musenga, l'Igas a fustigé l'absence de signalement de cet évènement à la direction du CHU et à l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est "alors que les éléments de qualification étaient réunis: décès et élément avéré suggérant un retard de prise en charge".

Après avoir relevé que "les suites immédiates qui ont été données par le responsable du Samu n'ont pas été à la hauteur de la gravité de la situation", à savoir un rappel à l'ordre de l'ARM concernée, la mission de l'Igas a recommandé à la direction des HUS "d'accepter la démission présentée par le responsable de service du Samu".

Dans la foulée de la publication du rapport, le CHU de Strasbourg a indiqué lundi dans un communiqué qu'il avait agi en conséquence (cf dépêche du 20/06/2018 à 19:02).

En revanche, la mission a conclu que "les délais de conservation du corps et d'autopsie" avaient été "conformes aux standards".

"L'enregistrement du corps à la chambre funéraire du Nouvel hôpital civil a été effectué dans des délais conformes au règlement", note le rapport, en mentionnant une durée de 9 heures et 10 minutes.

"La réalisation de l'autopsie a permis une analyse fine avec description histologique et contredit les termes 'putréfaction avancée' employés dans les documents transmis à la famille", est-il précisé peu après.

L'Igas formule 9 recommandations pour le Samu 67

Après avoir relevé tous ces dysfonctionnements dans la prise en charge de Naomi Musenga le 29 décembre 2017, la mission Igas diligentée par la ministre a formulé plusieurs recommandations pour "prévenir la survenue d'un drame analogue".

Au-delà de la démission du responsable du Samu 67, l'Igas demande aux HUS de prévoir une salle pour que les proches des patients puissent être reçus par l'équipe de réanimation.

Il est également recommandé de "clarifier la répartition des rôles en matière de déclaration des évènements indésirables", de "déclarer au niveau de l'établissement tous les évènements indésirables graves", ou encore d'établir "une revue mensuelle des évènements indésirables en vue d'améliorer les pratiques".

L'Igas a aussi préconisé de mettre en place "au Samu de Strasbourg une formation aux bonnes pratiques de régulation des ARM" et de "renforcer la centralisation du traitement des évènements indésirables au sein du pôle qualité".

Enfin, il est exigé la mise en oeuvre "sans délai d'un plan d'action garantissant la qualité de la régulation" et de "systématiser les écoutes de régulation périodique".

Par ailleurs, le rapport de l'Igas fait mention d'un autre "événement indésirable grave" déclaré à l'ARS ayant révélé "un manquement grave de la part du médecin régulateur" et "interroge[ant] sur certaines pratiques de régulation médicale".

"Ce cas est en cours de traitement par les HUS et l'ARS", a indiqué le rapport sans donner plus de détails.

gl/ab/APMnews

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