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AFFAIRE LACTALIS: LA COMMISSION D'ENQUÊTE PARLEMENTAIRE S'INTERROGE SUR UN ÉVENTUEL STATUT DE MÉDICAMENT POUR LE LAIT INFANTILE

PARIS, 19 juillet 2018 (APMnews) - La commission d'enquête parlementaire constituée à la suite des nombreux dysfonctionnements ponctuant l'affaire Lactalis a remis mercredi un rapport contenant une série de propositions pour améliorer la sécurité alimentaire en France, dont celle de réaliser une étude d'impact pour, éventuellement, donner au lait infantile le statut de médicament.

Cette commission d'enquête parlementaire a été créée dans un contexte d'épidémie de salmonellose chez des nourrissons ayant consommé des produits de nutrition infantile fabriqués par Lactalis, rappelle-t-on (cf dépêche du 07/02/2018 à 18:17 et dépêche du 01/02/2018 à 17:52). De nombreux manquements avaient été constatés dans la procédure de retrait-rappel déployée, et un certain nombre de points de vente (dont des pharmacies et des hôpitaux) avaient continué à proposer des produits potentiellement contaminés (cf dépêche du 11/01/2018 à 15:27 et dépêche du 26/01/2018 à 19:02).

L'objectif des députés, en constituant cette commission d'enquête, était de "tirer les enseignements de l'affaire Lactalis" et d'étudier "les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques".

La commission a ainsi mené 27 auditions, entre mars et juin, auprès des différents acteurs de la chaîne de distribution alimentaire, parmi lesquels les ministres en charge de la santé et de l'économie, Agnès Buzyn et Bruno Le Maire (cf dépêche du 14/06/2018 à 19:07).

Mercredi, le président de la commission d'enquête, Christian Hutin (Nouvelle Gauche, Nord), et le rapporteur, Grégory Besson-Moreau (LREM, Aube), ont remis leur rapport au président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, devant la presse. Ce dernier a insisté sur le fait que c'était le rôle du Parlement de contrôler et d'évaluer le bon fonctionnement des institutions, des services publics, afin de pouvoir "garantir au consommateur, dans le domaine de la sécurité sanitaire, alimentaire, que lorsque l'on achète un produit, on a aucune inquiétude à avoir, et que tout est contrôlé de façon fiable et efficace".

Christian Hutin s'est montré très laudatif, estimant que ce rapport était "probablement un des plus beaux qui existent". "Nous avions décidé de ne pas aller chercher les sous-fifres, comme cela s'est un peu passé au Sénat [cf dépêche du 06/04/2018 à 19:03], où c'étaient des lobbyistes qui venaient, où c'étaient des directeurs de communication, des entreprises... Nous avons souhaité voir les vrais patrons [...] Nous avons réussi à faire quelque chose qui est sérieux au plus haut niveau", a-t-il fait valoir.

Les trois parlementaires ont, en outre, souligné que le président de Lactalis, Emmanuel Besnier, avait, par le biais de son avocat, tenté de faire pression sur François de Rugy et sur la ministre de la justice, Nicole Belloubet, pour que soit suspendue cette commission d'enquête parlementaire, en raison de l'existence d'une procédure judiciaire. Emmanuel Besnier s'était finalement rendu à son audition, début juin.

Le rapporteur Grégory Besson-Moreau a déclaré que le rapport avait été conçu pour pouvoir être "utile et exploitable d'un point de vue législatif", et qu'il allait proposer une proposition de loi (PPL) sur la sécurité des aliments d'ici à la fin de l'automne, sans plus de précisions.

Se disant "convaincu de la nécessité d'une approche transversale, à même d'assurer le bon fonctionnement du système de sécurité sanitaire des aliments, du producteur au consommateur, de la fourche à la fourchette", il a souligné que les propositions du rapport visaient "chacun de ces maillons, des industriels aux distributeurs, en passant par l'organisation des services de l'Etat".

Parmi ses propositions, le rapporteur propose qu'au sein des établissements de santé, l'achat de lait infantile se fasse obligatoirement par la pharmacie et non par les services de restauration.

Il demande également à ce que soit réalisée une étude d'impact sur la possibilité de conférer un lait infantile le statut de médicament, ce qui, estime-t-il, faciliterait les procédures de retrait-rappel.

Il recommande en outre de conférer aux services de la protection maternelle et infantile (PMI) la charge de diffuser l'alerte auprès de l'ensemble des crèches publiques et privées, et des assistantes maternelles, en cas de contamination de lait infantile ou de produits destinés à l'alimentation des jeunes enfants. Ils suggèrent de créer un canal unique pour pouvoir joindre toutes les crèches simultanément en cas d'urgence.

Quatre axes de travail

Plus globalement, les propositions de la commission d'enquête sont regroupées autour de quatre axes: renforcer les obligations pesant sur les industriels en matière de sécurité alimentaire, améliorer l'efficacité et la fluidité entre les différents services de l'Etat compétents en matière de sécurité alimentaire, harmoniser et rendre plus robustes les procédures de retrait-rappel par les distributeurs, et tout mettre en oeuvre pour garantir la meilleure protection possible des citoyens, en les informant efficacement.

Selon le rapporteur, l'affaire Lactalis est l'exemple d'un industriel qui a "failli" dans son obligation de proposer des denrées alimentaires sûres. Ainsi, il estime qu'il faut durcir les obligations de transmission des autocontrôles réalisés par les industriels, avec un signalement aux autorités publiques de tout résultat indiquant qu'un produit est préjudiciable pour la santé. Il faut également que les laboratoires d'analyse effectuant les autocontrôles soient tous accrédités.

Afin de "renforcer la fluidité des services de l'Etat" et "améliorer leur efficacité", le rapport propose le rapprochement des trois directions générales en charge de la sécurité sanitaire des aliments (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes -DGCCRF-, direction générale de l'alimentation -DGAL- et direction générale de la santé -DGS). Cela se traduirait par un transfert au ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Néanmoins, en cas d'alerte, le rapporteur estime que la compétence doit rester interministérielle, "compte tenu de la grande diversité des sources potentielles d'alerte".

En outre, pour être efficaces, les services de l'Etat ont besoin de davantage de moyens, estime la commission. Elle propose ainsi que l'intensification des contrôles officiels soit financée par une nouvelle redevance sur les industriels (270 millions d'euros, soit 200 euros par industriel en moyenne) introduite par le règlement européen n°2017/625. Cela permettrait de créer 800 équivalents temps plein (ETP), parmi lesquels 600 pourraient se consacrer à la sécurité alimentaire. La commission considère à ce propos que les contrôles officiels relèvent du pouvoir régalien et "doivent impérativement rester sous le contrôle direct des services de l'Etat"; elle exclut donc l'idée de déléguer ces actions à des organismes extérieurs certifiés.

Pour améliorer les procédures de retrait-rappel, la commission demande des procédures plus robustes et harmonisées entre les distributeurs. L'utilisation des nouvelles technologies (QR code notamment) et la formation des personnels font partie des pistes d'amélioration. Le rapport recommande en outre la désignation, au sein de chaque magasin, d'un référent pour la sécurité sanitaire des aliments.

Le rapport préconise la mise en place d'un site unique et d'une application mobile rassemblant l'ensemble des informations utiles à la gestion d'une crise sanitaire. Ce site pourrait également être utilisé par les citoyens qui souhaitent signaler des dysfonctionnements dans la mise en oeuvre des procédures de retrait-rappel.

La commission d'enquête estime que les outils mobilisés pour l'information doivent être à la hauteur de la nature des crises. Ainsi, en cas de "crise sanitaire grave et avérée", telle qu'un acte terroriste d'empoisonnement, "tous les moyens doivent pouvoir être mobilisés pour contacter les clients, y compris leurs données bancaires". L'utilisation de ces données a également été suggérée par le Conseil national de la consommation, dans un rapport diffusé mardi, rappelle-t-on (cf dépêche du 17/07/2018 à 18:47).

sb/vl/APMnews

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PARIS, 19 juillet 2018 (APMnews) - La commission d'enquête parlementaire constituée à la suite des nombreux dysfonctionnements ponctuant l'affaire Lactalis a remis mercredi un rapport contenant une série de propositions pour améliorer la sécurité alimentaire en France, dont celle de réaliser une étude d'impact pour, éventuellement, donner au lait infantile le statut de médicament.

Cette commission d'enquête parlementaire a été créée dans un contexte d'épidémie de salmonellose chez des nourrissons ayant consommé des produits de nutrition infantile fabriqués par Lactalis, rappelle-t-on (cf dépêche du 07/02/2018 à 18:17 et dépêche du 01/02/2018 à 17:52). De nombreux manquements avaient été constatés dans la procédure de retrait-rappel déployée, et un certain nombre de points de vente (dont des pharmacies et des hôpitaux) avaient continué à proposer des produits potentiellement contaminés (cf dépêche du 11/01/2018 à 15:27 et dépêche du 26/01/2018 à 19:02).

L'objectif des députés, en constituant cette commission d'enquête, était de "tirer les enseignements de l'affaire Lactalis" et d'étudier "les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques".

La commission a ainsi mené 27 auditions, entre mars et juin, auprès des différents acteurs de la chaîne de distribution alimentaire, parmi lesquels les ministres en charge de la santé et de l'économie, Agnès Buzyn et Bruno Le Maire (cf dépêche du 14/06/2018 à 19:07).

Mercredi, le président de la commission d'enquête, Christian Hutin (Nouvelle Gauche, Nord), et le rapporteur, Grégory Besson-Moreau (LREM, Aube), ont remis leur rapport au président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, devant la presse. Ce dernier a insisté sur le fait que c'était le rôle du Parlement de contrôler et d'évaluer le bon fonctionnement des institutions, des services publics, afin de pouvoir "garantir au consommateur, dans le domaine de la sécurité sanitaire, alimentaire, que lorsque l'on achète un produit, on a aucune inquiétude à avoir, et que tout est contrôlé de façon fiable et efficace".

Christian Hutin s'est montré très laudatif, estimant que ce rapport était "probablement un des plus beaux qui existent". "Nous avions décidé de ne pas aller chercher les sous-fifres, comme cela s'est un peu passé au Sénat [cf dépêche du 06/04/2018 à 19:03], où c'étaient des lobbyistes qui venaient, où c'étaient des directeurs de communication, des entreprises... Nous avons souhaité voir les vrais patrons [...] Nous avons réussi à faire quelque chose qui est sérieux au plus haut niveau", a-t-il fait valoir.

Les trois parlementaires ont, en outre, souligné que le président de Lactalis, Emmanuel Besnier, avait, par le biais de son avocat, tenté de faire pression sur François de Rugy et sur la ministre de la justice, Nicole Belloubet, pour que soit suspendue cette commission d'enquête parlementaire, en raison de l'existence d'une procédure judiciaire. Emmanuel Besnier s'était finalement rendu à son audition, début juin.

Le rapporteur Grégory Besson-Moreau a déclaré que le rapport avait été conçu pour pouvoir être "utile et exploitable d'un point de vue législatif", et qu'il allait proposer une proposition de loi (PPL) sur la sécurité des aliments d'ici à la fin de l'automne, sans plus de précisions.

Se disant "convaincu de la nécessité d'une approche transversale, à même d'assurer le bon fonctionnement du système de sécurité sanitaire des aliments, du producteur au consommateur, de la fourche à la fourchette", il a souligné que les propositions du rapport visaient "chacun de ces maillons, des industriels aux distributeurs, en passant par l'organisation des services de l'Etat".

Parmi ses propositions, le rapporteur propose qu'au sein des établissements de santé, l'achat de lait infantile se fasse obligatoirement par la pharmacie et non par les services de restauration.

Il demande également à ce que soit réalisée une étude d'impact sur la possibilité de conférer un lait infantile le statut de médicament, ce qui, estime-t-il, faciliterait les procédures de retrait-rappel.

Il recommande en outre de conférer aux services de la protection maternelle et infantile (PMI) la charge de diffuser l'alerte auprès de l'ensemble des crèches publiques et privées, et des assistantes maternelles, en cas de contamination de lait infantile ou de produits destinés à l'alimentation des jeunes enfants. Ils suggèrent de créer un canal unique pour pouvoir joindre toutes les crèches simultanément en cas d'urgence.

Quatre axes de travail

Plus globalement, les propositions de la commission d'enquête sont regroupées autour de quatre axes: renforcer les obligations pesant sur les industriels en matière de sécurité alimentaire, améliorer l'efficacité et la fluidité entre les différents services de l'Etat compétents en matière de sécurité alimentaire, harmoniser et rendre plus robustes les procédures de retrait-rappel par les distributeurs, et tout mettre en oeuvre pour garantir la meilleure protection possible des citoyens, en les informant efficacement.

Selon le rapporteur, l'affaire Lactalis est l'exemple d'un industriel qui a "failli" dans son obligation de proposer des denrées alimentaires sûres. Ainsi, il estime qu'il faut durcir les obligations de transmission des autocontrôles réalisés par les industriels, avec un signalement aux autorités publiques de tout résultat indiquant qu'un produit est préjudiciable pour la santé. Il faut également que les laboratoires d'analyse effectuant les autocontrôles soient tous accrédités.

Afin de "renforcer la fluidité des services de l'Etat" et "améliorer leur efficacité", le rapport propose le rapprochement des trois directions générales en charge de la sécurité sanitaire des aliments (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes -DGCCRF-, direction générale de l'alimentation -DGAL- et direction générale de la santé -DGS). Cela se traduirait par un transfert au ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Néanmoins, en cas d'alerte, le rapporteur estime que la compétence doit rester interministérielle, "compte tenu de la grande diversité des sources potentielles d'alerte".

En outre, pour être efficaces, les services de l'Etat ont besoin de davantage de moyens, estime la commission. Elle propose ainsi que l'intensification des contrôles officiels soit financée par une nouvelle redevance sur les industriels (270 millions d'euros, soit 200 euros par industriel en moyenne) introduite par le règlement européen n°2017/625. Cela permettrait de créer 800 équivalents temps plein (ETP), parmi lesquels 600 pourraient se consacrer à la sécurité alimentaire. La commission considère à ce propos que les contrôles officiels relèvent du pouvoir régalien et "doivent impérativement rester sous le contrôle direct des services de l'Etat"; elle exclut donc l'idée de déléguer ces actions à des organismes extérieurs certifiés.

Pour améliorer les procédures de retrait-rappel, la commission demande des procédures plus robustes et harmonisées entre les distributeurs. L'utilisation des nouvelles technologies (QR code notamment) et la formation des personnels font partie des pistes d'amélioration. Le rapport recommande en outre la désignation, au sein de chaque magasin, d'un référent pour la sécurité sanitaire des aliments.

Le rapport préconise la mise en place d'un site unique et d'une application mobile rassemblant l'ensemble des informations utiles à la gestion d'une crise sanitaire. Ce site pourrait également être utilisé par les citoyens qui souhaitent signaler des dysfonctionnements dans la mise en oeuvre des procédures de retrait-rappel.

La commission d'enquête estime que les outils mobilisés pour l'information doivent être à la hauteur de la nature des crises. Ainsi, en cas de "crise sanitaire grave et avérée", telle qu'un acte terroriste d'empoisonnement, "tous les moyens doivent pouvoir être mobilisés pour contacter les clients, y compris leurs données bancaires". L'utilisation de ces données a également été suggérée par le Conseil national de la consommation, dans un rapport diffusé mardi, rappelle-t-on (cf dépêche du 17/07/2018 à 18:47).

sb/vl/APMnews

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