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17/04 2024
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ANAPHYLAXIE: DOTER L'ENSEMBLE DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES EN AUTO-INJECTEURS D'ADRÉNALINE SEMBLE NÉCESSAIRE MAIS DIFFICILE

(Par Luu-Ly DO-QUANG, au Congrès francophone d'allergologie)

PARIS, 17 avril 2024 (APMnews) - Doter l'ensemble des établissements scolaires en stylos auto-injecteurs d'adrénaline semble nécessaire pour assurer la prise en charge les enfants et adolescents en cas de réaction anaphylactique mais se heurte à plusieurs difficultés, selon une controverse organisée au Congrès francophone d'allergologie (CFA), mercredi à Paris.

Dans le cadre d'une session sur le thème de l'accueil des enfants allergiques à l'école, le Dr Guillaume Pouessel, pédiatre au CH de Roubaix, a présenté les arguments en faveur d'une généralisation des auto-injecteurs d'adrénaline dans tous les établissements scolaires tandis que la Dr Clarisse Santos, pédiatre libérale à Lille, a exposé ceux qui, selon elle, font qu'un tel projet ne serait "pas pertinent".

Pour le médecin hospitalier, la question de l'accueil des enfants allergiques à l'école prend de l'ampleur depuis quelques années et "il faut que ça continue". Donc "oui, bien sûr, il faut des auto-injecteurs d'adrénaline dans toutes les écoles et tous les établissements scolaires", indépendamment des projets d'accueil individualisés (PAI) mis en place pour des enfants diagnostiqués allergiques.

A cela, il avance trois principaux arguments: les allergies alimentaires sont fréquentes, le PAI permet en France d'encadrer l'utilisation de la trousse d'urgence et il est possible d'apprendre à reconnaître une allergie et de la traiter avec un auto-injecteur d'adrénaline.

Les réactions allergiques graves sont "relativement fréquentes", concernant 0,3% à 5% des enfants selon l'âge, et les aliments sont le principal facteur responsable de l'anaphylaxie, notamment létale, à la fois chez l'enfant et l'adulte jeune. La fréquence augmente, surtout chez les jeunes enfants et pour les aliments. Heureusement, les décès sont rares, "notamment grâce au dispositif en place", a fait observer le Dr Pouessel.

Selon des données de la littérature, 8 à 18% des anaphylaxies surviennent en milieu scolaire et entre 25 et 50% des cas chez des enfants non connus comme allergiques. En outre, les récurrences de réactions allergiques sont fréquentes malgré l'éviction alimentaire. "Avec près de 12 millions d'écoliers, collégiens et lycéens, répartis dans quelque 117.800 établissements scolaires publics et privés en France, "le risque est réel".

Cependant, il existe peu de données sur l'anaphylaxie en milieu scolaire en France, provenant notamment du réseau français d'allergovigilance sur 2005-2018, avec 167 cas déclarés depuis 2002 donc cinq décès. "Les données sont en cours d'actualisation mais il faudrait une enquête nationale sur les accidents en milieu scolaire, notamment allergiques", a commenté le pédiatre.

Les cinq principaux allergènes impliqués sont l'arachide, le lait de chèvre, le soja, le lait de vache et le kiwi mais une variété d'autres aliments peut intervenir (produits de la mer, noisette, noix, blé, céleri, sarrasin, pêche, petits pois, œuf, cajou, lupin, quinoa, pois chiche, pignon de pin, figue, champignon…), avec une progression des légumineuses.

Les quelques données françaises disponibles indiquent par ailleurs que l'anaphylaxie survient de la maternelle au lycée, la moitié dans les établissements du premier degré et l'autre dans ceux du second degré, principalement à la cantine, mais également en classe, lors de la récréation, en sport, lors d'une sortie scolaire…

L'injection intramusculaire d'adrénaline par auto-injecteur est le traitement de référence, de première intention, dans toutes les recommandations scientifiques. Il faut injecter dès les premiers signes car l'évolution de l'anaphylaxie est "imprévisible". Si dans plus de la moitié des cas, les symptômes s'améliorent ou restent stables le temps de se rendre aux urgences, ils peuvent aussi s'aggraver, même lorsque l'anaphylaxie est initialement peu sévère.

Et le plus souvent, une seule injection d'adrénaline réalisée rapidement suffit pour traiter l'anaphylaxie, a souligné le Dr Pouessel. En France, trois dispositifs sont disponibles, avec un système de sécurité, utilisables par tous, "soignants ou non".

Par ailleurs, les accidents d'utilisation des auto-injecteurs sont rares et bénins, selon les données qu'il a recueillies auprès des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) et des centres antipoison. Il s'agit le plus souvent d'une utilisation ou d'une injection accidentelle sans complication dans la majorité des cas.

Pour le pédiatre, les deux enjeux les plus importants sont de reconnaître la réaction allergique et de la traiter rapidement, de manière adaptée, et pour cela, il faut former, dédramatiser, rassurer… et mettre des auto-injecteurs d'adrénaline dans tous les établissements scolaires, comme au Royaume-Uni, au Canada et aux Etats-Unis, voire les mettre à disposition dans l'espace public, comme les défibrillateurs semi-automatiques, a-t-il conclu.

Financer des dispositifs à renouveler régulièrement

Mais pour sa consœur, plusieurs éléments font que ce n'est "pas pertinent". Clarisse Santos a tout d'abord rappelé que la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) avait demandé, en 2019 dans une note, que les établissements du second degré se dotent en auto-injecteurs d'adrénaline, notamment pour traiter les anaphylaxies inaugurales, de faciliter leur accès en les plaçant "dans un lieu connu de tous et accessibles à tout moment, dans le cadre des activités hors établissement et en particulier pendant les temps de restauration", et de sensibiliser les personnels.

Alors qu'il est envisagé d'étendre cette disposition aux établissements du premier degré, la pédiatre lilloise a souligné l'importance d'évaluer la mise en œuvre de cette note. C'est ce qu'ont fait justement le Dr Pouessel et ses collègues dans les Hauts-de-France et en 2023, il apparaît que le taux d'équipement des établissements a progressé de 25%, surtout dans le public, mais sans atteindre 100% (72% au total).

Interrogés sur leurs motivations, les établissements non équipés ont avancé le coût des auto-injecteurs en premier (26%) et la date de péremption (28%), ce qui nécessite de renouveler tous les ans ou tous les deux ans le stock.

En l'absence d'un accompagnement financier, l'achat des auto-injecteurs peut être un réel problème pour les établissements du second degré qui doivent les acheter sur leur budget propre et pour les municipalités qui gèrent les établissements du premier degré, a estimé la Dr Santos.

Les résultats de l'enquête montrent en outre que l'accès aux auto-injecteurs n'a pas été amélioré après la note de la Dgesco: ils étaient encore stockés dans l'infirmerie dans 80% des établissements et se trouvaient à la cantine dans seulement 25% des cas. Dans 52%, ils n'étaient pas accessibles à l'ensemble du personnel scolaire et étaient même sous clé dans 89%, "ce qui laisse croire que ce sont des produits dangereux et créent un frein psychologique à leur utilisation".

La formation au maniement des auto-injecteurs a progressé mais manquait encore dans près d'un quart des établissements (23%). Ces derniers évoquent des difficultés d'organisation et les personnels non formés estiment que ce n'est pas de leur responsabilité (43%) ou ont peur de faire mal à l'enfant (24%).

Aux Etats-Unis, où les dispositifs d'injection coûtent plus cher qu'en France, leur financement est également un frein. L'Arizona est parvenu à obtenir une forte progression du taux d'équipements de ses établissements scolaires en leur fournissant les auto-injecteurs et en assurant la formation des personnels.

La Dr Santos a également estimé que les données épidémiologiques n'étaient pas en faveur d'un équipement de l'ensemble des établissements, notamment du premier degré. Les hospitalisations pour anaphylaxie sont plus fréquentes au cours de la petite enfance et les adolescents mais les cas mortels surviennent plus entre 20 et 30 ans.

De manière générale, si les hospitalisations pour anaphylaxie toutes causes confondues augmentent, l'anaphylaxie fatale est rare et l'incidence est stable, notamment les cas de cause alimentaire. "Est-il pertinent de mettre autant de moyens pour une pathologie dont le taux de mortalité est très faible et ne progresse pas? Il faut porter plus d'efforts sur les établissements du second degré", a commenté la pédiatre.

En outre, elle a pointé une sous-utilisation globale de l'adrénaline. Dans une étude, seulement 17% des adolescents présentant des signes de gravité d'anaphylaxie ont reçu le traitement, considérant en l'absence d'injection que ce n'était pas nécessaire dans 54% des cas ou qu'il n'était pas sûr que ça le soit dans 19%. De manière similaire, dans le registre européen des anaphylaxies, sur quelque 10.000 cas documentés sur 10 ans, seulement 27% ont reçu de l'adrénaline injectée par un professionnel de santé.

Finalement, la Dr Santos s'est même demandée s'il fallait considérer l'adrénaline comme "un traitement miracle", rappelant qu'aucun essai randomisé n'a démontré que c'était le traitement de première ligne à administrer pour éviter un décès, que des anaphylaxies peuvent être fatales malgré une administration dans un délai approprié, et que dans 80% des cas, la réaction se résout spontanément, sans adrénaline.

Evaluer l'usage des auto-injecteurs au niveau national

Avant d'équiper l'ensemble des établissements scolaires en auto-injecteurs d'adrénaline, il faudrait déjà évaluer l'impact médico-économique sur le plan national de l'équipement des établissements du second degré, l'utilisation réelle des dispositifs, a-t-elle estimé.

En outre, il n'y a pas de solution politique pour le moment au financement des auto-injecteurs d'adrénaline, la formation des personnels scolaires et périscolaires est insuffisante et il y a également une pénurie de médecins et infirmières scolaires. Enfin, la question de l'accès aux auto-injecteurs dans les cantines, en sport, lors de sorties ou voyages scolaire n'est pas résolue.

Lors des échanges avec la salle, le Dr Pouessel a par ailleurs souligné que la mise à disposition des auto-injecteurs d'adrénaline dans les établissements était en complément des trousses d'urgence individuelles et n'avait pas vocation à les substituer et qu'il fallait réfléchir à ne pas mettre systématiquement deux stylos par trousse.

S'il est actuellement recommandé qu'il y en ait deux, en raison des tensions sur le marché des auto-injecteurs, notamment des matières premières pour les produire, il faudrait réfléchir à les réserver aux patients avec un risque anaphylactique élevé puisque dans la majorité des cas, une seule injection suffit à traiter les symptômes.

ld/ab/APMnews

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(Par Luu-Ly DO-QUANG, au Congrès francophone d'allergologie)

PARIS, 17 avril 2024 (APMnews) - Doter l'ensemble des établissements scolaires en stylos auto-injecteurs d'adrénaline semble nécessaire pour assurer la prise en charge les enfants et adolescents en cas de réaction anaphylactique mais se heurte à plusieurs difficultés, selon une controverse organisée au Congrès francophone d'allergologie (CFA), mercredi à Paris.

Dans le cadre d'une session sur le thème de l'accueil des enfants allergiques à l'école, le Dr Guillaume Pouessel, pédiatre au CH de Roubaix, a présenté les arguments en faveur d'une généralisation des auto-injecteurs d'adrénaline dans tous les établissements scolaires tandis que la Dr Clarisse Santos, pédiatre libérale à Lille, a exposé ceux qui, selon elle, font qu'un tel projet ne serait "pas pertinent".

Pour le médecin hospitalier, la question de l'accueil des enfants allergiques à l'école prend de l'ampleur depuis quelques années et "il faut que ça continue". Donc "oui, bien sûr, il faut des auto-injecteurs d'adrénaline dans toutes les écoles et tous les établissements scolaires", indépendamment des projets d'accueil individualisés (PAI) mis en place pour des enfants diagnostiqués allergiques.

A cela, il avance trois principaux arguments: les allergies alimentaires sont fréquentes, le PAI permet en France d'encadrer l'utilisation de la trousse d'urgence et il est possible d'apprendre à reconnaître une allergie et de la traiter avec un auto-injecteur d'adrénaline.

Les réactions allergiques graves sont "relativement fréquentes", concernant 0,3% à 5% des enfants selon l'âge, et les aliments sont le principal facteur responsable de l'anaphylaxie, notamment létale, à la fois chez l'enfant et l'adulte jeune. La fréquence augmente, surtout chez les jeunes enfants et pour les aliments. Heureusement, les décès sont rares, "notamment grâce au dispositif en place", a fait observer le Dr Pouessel.

Selon des données de la littérature, 8 à 18% des anaphylaxies surviennent en milieu scolaire et entre 25 et 50% des cas chez des enfants non connus comme allergiques. En outre, les récurrences de réactions allergiques sont fréquentes malgré l'éviction alimentaire. "Avec près de 12 millions d'écoliers, collégiens et lycéens, répartis dans quelque 117.800 établissements scolaires publics et privés en France, "le risque est réel".

Cependant, il existe peu de données sur l'anaphylaxie en milieu scolaire en France, provenant notamment du réseau français d'allergovigilance sur 2005-2018, avec 167 cas déclarés depuis 2002 donc cinq décès. "Les données sont en cours d'actualisation mais il faudrait une enquête nationale sur les accidents en milieu scolaire, notamment allergiques", a commenté le pédiatre.

Les cinq principaux allergènes impliqués sont l'arachide, le lait de chèvre, le soja, le lait de vache et le kiwi mais une variété d'autres aliments peut intervenir (produits de la mer, noisette, noix, blé, céleri, sarrasin, pêche, petits pois, œuf, cajou, lupin, quinoa, pois chiche, pignon de pin, figue, champignon…), avec une progression des légumineuses.

Les quelques données françaises disponibles indiquent par ailleurs que l'anaphylaxie survient de la maternelle au lycée, la moitié dans les établissements du premier degré et l'autre dans ceux du second degré, principalement à la cantine, mais également en classe, lors de la récréation, en sport, lors d'une sortie scolaire…

L'injection intramusculaire d'adrénaline par auto-injecteur est le traitement de référence, de première intention, dans toutes les recommandations scientifiques. Il faut injecter dès les premiers signes car l'évolution de l'anaphylaxie est "imprévisible". Si dans plus de la moitié des cas, les symptômes s'améliorent ou restent stables le temps de se rendre aux urgences, ils peuvent aussi s'aggraver, même lorsque l'anaphylaxie est initialement peu sévère.

Et le plus souvent, une seule injection d'adrénaline réalisée rapidement suffit pour traiter l'anaphylaxie, a souligné le Dr Pouessel. En France, trois dispositifs sont disponibles, avec un système de sécurité, utilisables par tous, "soignants ou non".

Par ailleurs, les accidents d'utilisation des auto-injecteurs sont rares et bénins, selon les données qu'il a recueillies auprès des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) et des centres antipoison. Il s'agit le plus souvent d'une utilisation ou d'une injection accidentelle sans complication dans la majorité des cas.

Pour le pédiatre, les deux enjeux les plus importants sont de reconnaître la réaction allergique et de la traiter rapidement, de manière adaptée, et pour cela, il faut former, dédramatiser, rassurer… et mettre des auto-injecteurs d'adrénaline dans tous les établissements scolaires, comme au Royaume-Uni, au Canada et aux Etats-Unis, voire les mettre à disposition dans l'espace public, comme les défibrillateurs semi-automatiques, a-t-il conclu.

Financer des dispositifs à renouveler régulièrement

Mais pour sa consœur, plusieurs éléments font que ce n'est "pas pertinent". Clarisse Santos a tout d'abord rappelé que la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) avait demandé, en 2019 dans une note, que les établissements du second degré se dotent en auto-injecteurs d'adrénaline, notamment pour traiter les anaphylaxies inaugurales, de faciliter leur accès en les plaçant "dans un lieu connu de tous et accessibles à tout moment, dans le cadre des activités hors établissement et en particulier pendant les temps de restauration", et de sensibiliser les personnels.

Alors qu'il est envisagé d'étendre cette disposition aux établissements du premier degré, la pédiatre lilloise a souligné l'importance d'évaluer la mise en œuvre de cette note. C'est ce qu'ont fait justement le Dr Pouessel et ses collègues dans les Hauts-de-France et en 2023, il apparaît que le taux d'équipement des établissements a progressé de 25%, surtout dans le public, mais sans atteindre 100% (72% au total).

Interrogés sur leurs motivations, les établissements non équipés ont avancé le coût des auto-injecteurs en premier (26%) et la date de péremption (28%), ce qui nécessite de renouveler tous les ans ou tous les deux ans le stock.

En l'absence d'un accompagnement financier, l'achat des auto-injecteurs peut être un réel problème pour les établissements du second degré qui doivent les acheter sur leur budget propre et pour les municipalités qui gèrent les établissements du premier degré, a estimé la Dr Santos.

Les résultats de l'enquête montrent en outre que l'accès aux auto-injecteurs n'a pas été amélioré après la note de la Dgesco: ils étaient encore stockés dans l'infirmerie dans 80% des établissements et se trouvaient à la cantine dans seulement 25% des cas. Dans 52%, ils n'étaient pas accessibles à l'ensemble du personnel scolaire et étaient même sous clé dans 89%, "ce qui laisse croire que ce sont des produits dangereux et créent un frein psychologique à leur utilisation".

La formation au maniement des auto-injecteurs a progressé mais manquait encore dans près d'un quart des établissements (23%). Ces derniers évoquent des difficultés d'organisation et les personnels non formés estiment que ce n'est pas de leur responsabilité (43%) ou ont peur de faire mal à l'enfant (24%).

Aux Etats-Unis, où les dispositifs d'injection coûtent plus cher qu'en France, leur financement est également un frein. L'Arizona est parvenu à obtenir une forte progression du taux d'équipements de ses établissements scolaires en leur fournissant les auto-injecteurs et en assurant la formation des personnels.

La Dr Santos a également estimé que les données épidémiologiques n'étaient pas en faveur d'un équipement de l'ensemble des établissements, notamment du premier degré. Les hospitalisations pour anaphylaxie sont plus fréquentes au cours de la petite enfance et les adolescents mais les cas mortels surviennent plus entre 20 et 30 ans.

De manière générale, si les hospitalisations pour anaphylaxie toutes causes confondues augmentent, l'anaphylaxie fatale est rare et l'incidence est stable, notamment les cas de cause alimentaire. "Est-il pertinent de mettre autant de moyens pour une pathologie dont le taux de mortalité est très faible et ne progresse pas? Il faut porter plus d'efforts sur les établissements du second degré", a commenté la pédiatre.

En outre, elle a pointé une sous-utilisation globale de l'adrénaline. Dans une étude, seulement 17% des adolescents présentant des signes de gravité d'anaphylaxie ont reçu le traitement, considérant en l'absence d'injection que ce n'était pas nécessaire dans 54% des cas ou qu'il n'était pas sûr que ça le soit dans 19%. De manière similaire, dans le registre européen des anaphylaxies, sur quelque 10.000 cas documentés sur 10 ans, seulement 27% ont reçu de l'adrénaline injectée par un professionnel de santé.

Finalement, la Dr Santos s'est même demandée s'il fallait considérer l'adrénaline comme "un traitement miracle", rappelant qu'aucun essai randomisé n'a démontré que c'était le traitement de première ligne à administrer pour éviter un décès, que des anaphylaxies peuvent être fatales malgré une administration dans un délai approprié, et que dans 80% des cas, la réaction se résout spontanément, sans adrénaline.

Evaluer l'usage des auto-injecteurs au niveau national

Avant d'équiper l'ensemble des établissements scolaires en auto-injecteurs d'adrénaline, il faudrait déjà évaluer l'impact médico-économique sur le plan national de l'équipement des établissements du second degré, l'utilisation réelle des dispositifs, a-t-elle estimé.

En outre, il n'y a pas de solution politique pour le moment au financement des auto-injecteurs d'adrénaline, la formation des personnels scolaires et périscolaires est insuffisante et il y a également une pénurie de médecins et infirmières scolaires. Enfin, la question de l'accès aux auto-injecteurs dans les cantines, en sport, lors de sorties ou voyages scolaire n'est pas résolue.

Lors des échanges avec la salle, le Dr Pouessel a par ailleurs souligné que la mise à disposition des auto-injecteurs d'adrénaline dans les établissements était en complément des trousses d'urgence individuelles et n'avait pas vocation à les substituer et qu'il fallait réfléchir à ne pas mettre systématiquement deux stylos par trousse.

S'il est actuellement recommandé qu'il y en ait deux, en raison des tensions sur le marché des auto-injecteurs, notamment des matières premières pour les produire, il faudrait réfléchir à les réserver aux patients avec un risque anaphylactique élevé puisque dans la majorité des cas, une seule injection suffit à traiter les symptômes.

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