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10/12 2018
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COORDINATION ENTRE LES SAMU ET LES POMPIERS: L'IGAS ET L'IGA CONSTATENT UNE AGGRAVATION DES DIFFICULTÉS

PARIS, 10 décembre 2018 (APMnews) - La coordination entre les Samu et les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) rencontre, malgré des améliorations, de nouvelles difficultés et une aggravation de certains points de crispation, observent les inspections générales des affaires sociales (Igas) et de l'administration (IGA) dans leur rapport remis au ministère des solidarités et de la santé et au ministère de l'Intérieur, dont APMnews a obtenu copie.

En janvier, le ministre de l'intérieur, alors Gérard Collomb, et la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, avaient saisi conjointement l'Igas et l'IGA d'une mission d'évaluation de la mise en oeuvre du référentiel du secours d'urgence à la personne (SAP) et de l'aide médicale urgente, rappelle-t-on. Ce référentiel régit les relations entre les Sdis et les Samu depuis 2008.

Ce sujet, qui avait déjà fait l'objet d'une première mission en 2014 (cf dépêche du 01/09/2014 à 16:41), a été élargi à la question de la pertinence de la création d’une plateforme commune de réception des appels d'urgence et d'un numéro unique (cf dépêche du 22/02/2018 à 17:40). Dans leur rapport daté d'octobre, les auteurs formulent plusieurs scénarios d'amélioration, en privilégiant celui qui aboutirait à une telle perspective (cf dépêche du 10/12/2018 à 16:16).

Alors que la mission de 2014 avait mis au jour des difficultés dans les relations entre les Sdis et les Samu, "ce qui a conduit à l'adoption d'une feuille de route santé-intérieur (cf dépêche du 15/06/2015 à 13:42), "la période récente a été marquée, tout du moins au niveau national, par un regain de tension entre Sdis et Samu, dans un contexte de forte croissance de l'activité", relèvent les auteurs.

Le référentiel de 2008 contient plus de 160 prescriptions portant sur le traitement des appels, la réponse aux demandes ou encore la mise en oeuvre d'une démarche qualité, rappelle la mission. Le rapport de 2014 faisait état de quatre points de crispation majeurs: la difficulté des transporteurs sanitaires privés à trouver leur place dans le dispositif, la question des carences ambulancières, la place des infirmiers sapeurs-pompiers et la faiblesse du pilotage national et local du dispositif.

Pour autant, la mission n'avait pas préconisé de refonte profonde du dispositif et formulé des recommandations pour améliorer le pilotage du référentiel et la réponse opérationnelle apportée par les Sdis et les Samu, relèvent les inspecteurs.

Quatre ans après ce premier bilan et les instructions données par l'administration, notamment la circulaire du 5 juin 2015, "la mission constate que des marges de progression importantes subsistent et que des progrès notables n'ont été accomplis que sur certains points".

Notamment, le conventionnement entre Sdis et Samu à l'échelle départementale se généralise. "Ce qui témoigne de l'approche constructive et pragmatique de la plupart des acteurs locaux par-delà les clivages exprimés à l'échelle nationale".

Les infirmiers sapeurs-pompiers interviennent "désormais dans la plupart des cas dans le cadre de protocoles d'intervention co-construits par les sociétés savantes, ce qui permet de mobiliser une ressource paramédicale utile dans un cadre plus consensuel".

En revanche, la mission juge insatisfaisante deux aspects du référentiel qui présentent des "enjeux majeurs en termes de service rendu à la population".

Ainsi, dans "environ un quart des départements, il n'existe pas encore de ligne téléphonique dédiée entre le CRRA-Centre 15 et le CTA (centre de traitement de l'alerte)". "Les transferts d'appels passent par le flux normal des appels entrants de l'autre service, sans priorité. Concrètement, cela signifie par exemple qu'en cas d'erreur de l'appelant au moment de composer le numéro d'urgence, le transfert de l'appel ne donne pas lieu à un décroché prioritaire par le service compétent, d'où des délais additionnels dans le traitement de l'urgence". La notion de "départ réflexe" du Sdis permet toutefois de limiter le risque de perte de chance pour un appel au 18, nuance la mission.

Autre faille: l'interopérabilité des systèmes d'information est encore loin d'être atteinte sur une grande partie du territoire, "alors qu'il s'agissait d'une priorité fixée par le référentiel de 2008". "L'interfaçage informatique est en effet limité et des interconnexions insuffisantes caractérisent encore au moins entre un quart et la moitié des départements."

En l'absence d'interconnexion informatique, "toute information saisie par un service doit être transmise oralement et saisie à nouveau par l'autre service dans son propre système d'information en cas d'intervention conjointe, ce qui est à nouveau source de délais additionnels dans le traitement de l'appel".

Le rapport observe en effet que "le paysage des systèmes d'information associés au traitement des appels et des interventions d'urgence reflète la fragmentation des métiers qui caractérise le dispositif français". Il pointe que "l'interconnexion informatique est encore loin d'être généralisée", même si certains Sdis et Samu sont toutefois parvenus à des "avancées locales très intéressantes en matière d'interopérabilité, notamment dans le cas de certaines des plateformes communes".

La mission relève que la mise en place du SI-Samu (unification des systèmes d'information) et son pendant pour les Sdis devrait être source d'amélioration, même si elle regrette que ces derniers ont été conçus à partir d'une "logique métier" qui pourrait freiner les convergences.

La mission constate également que les principaux points de tension relevés dans le rapport de 2014 (carences ambulancières, appuis logistiques au Smur) "sont toujours d'actualité et même exacerbés faute de clarification satisfaisante (définition, tarification) apportées au niveau national".

Autre critique soulevée: "l'existence de démarches de planification stratégique définies au niveau national avec un cadrage d'outils de planification relevant de logiques propres à chaque secteur (santé et sécurité) ne facilite pas leur prise en compte réciproque au sein des territoires". D'où la nécessité de veiller à la cohérence de ces démarches.

Le rapport revient plus largement sur la spécificité du cadre juridique et de l'organisation de l'intervention de chacun des numéros d'urgence. "Juridiquement sédimentée, la réponse a fait l'objet d'un effort de coordination limité entre quatre grands services aux identités fortes", souligne-t-elle.

Il insiste sur la sollicitation croissante des numéros d'urgence. Selon les données recueillies par la mission, le nombre d'appels d'urgence sur le périmèttre 15-17 (police secours)-18 (Sdis)-112 (numéro européen pour les appels d'urgence) s'établirait à environ 70 millions en 2016, répartis comme suit: 29,2 millions au 15 (+17,1% par rapport à 2013), 22,3 millions au 17 (+13%), 12,3 millions au 18 (-9,6%) et 5,5 au 112 (-48,6%).

Dans la même période, le nombre d'interventions de la gendarmerie a augmenté de 20%, le nombre de sorties des Smur de 3,1% et celui des interventions des sapeurs-pompiers a cru de 8,6%. La baisse sensible des appels au Sdis s'explique en partie par les démarches entreprises avec les opérateurs téléphoniques pour réduire la survenue d'appels polluants au 112 à partir des téléphones portables. Entre 2014 et 2017, le nombre d'interventions des Sdis pour secours aux personnes a augmenté de 11,7%.

Le nombre d'appels aux centres de réception et de régulation des appels (CRRA) des Samu était de 29,7 millions en 2017, contre 25 millions en 2013 et près de 23 millions en 2007. Le nombre de dossiers de régulation médicale (DRM) a augmenté à 15,5 millions en 2017, contre 13,1 millions en 2013. "Le Samu se retrouve de plus en plus en situation de pallier le manque d'effecteurs de la médecine de ville face à une demande croissante de soins non programmés", soulignent les inspecteurs.

La mutualisation des ressources entre Samu, Smur et services d'urgences entraîne un surcroît d'activité, alors qu'un certain nombre de centres hospitaliers manquent d'urgentistes (148 postes non pourvus en Ile-de-France au 1er janvier 2018), notent-ils encore. Estimant à 9 le nombre de DRM par heure de régulation en 2019, la mission considère que "la trajectoire de hausse des sollicitations adressées au CRRA-Centre 15 n'est pas compatible à court terme avec le maintien de la qualité du service rendu à la population".

mlb/san/nc/APMnews

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PARIS, 10 décembre 2018 (APMnews) - La coordination entre les Samu et les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) rencontre, malgré des améliorations, de nouvelles difficultés et une aggravation de certains points de crispation, observent les inspections générales des affaires sociales (Igas) et de l'administration (IGA) dans leur rapport remis au ministère des solidarités et de la santé et au ministère de l'Intérieur, dont APMnews a obtenu copie.

En janvier, le ministre de l'intérieur, alors Gérard Collomb, et la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, avaient saisi conjointement l'Igas et l'IGA d'une mission d'évaluation de la mise en oeuvre du référentiel du secours d'urgence à la personne (SAP) et de l'aide médicale urgente, rappelle-t-on. Ce référentiel régit les relations entre les Sdis et les Samu depuis 2008.

Ce sujet, qui avait déjà fait l'objet d'une première mission en 2014 (cf dépêche du 01/09/2014 à 16:41), a été élargi à la question de la pertinence de la création d’une plateforme commune de réception des appels d'urgence et d'un numéro unique (cf dépêche du 22/02/2018 à 17:40). Dans leur rapport daté d'octobre, les auteurs formulent plusieurs scénarios d'amélioration, en privilégiant celui qui aboutirait à une telle perspective (cf dépêche du 10/12/2018 à 16:16).

Alors que la mission de 2014 avait mis au jour des difficultés dans les relations entre les Sdis et les Samu, "ce qui a conduit à l'adoption d'une feuille de route santé-intérieur (cf dépêche du 15/06/2015 à 13:42), "la période récente a été marquée, tout du moins au niveau national, par un regain de tension entre Sdis et Samu, dans un contexte de forte croissance de l'activité", relèvent les auteurs.

Le référentiel de 2008 contient plus de 160 prescriptions portant sur le traitement des appels, la réponse aux demandes ou encore la mise en oeuvre d'une démarche qualité, rappelle la mission. Le rapport de 2014 faisait état de quatre points de crispation majeurs: la difficulté des transporteurs sanitaires privés à trouver leur place dans le dispositif, la question des carences ambulancières, la place des infirmiers sapeurs-pompiers et la faiblesse du pilotage national et local du dispositif.

Pour autant, la mission n'avait pas préconisé de refonte profonde du dispositif et formulé des recommandations pour améliorer le pilotage du référentiel et la réponse opérationnelle apportée par les Sdis et les Samu, relèvent les inspecteurs.

Quatre ans après ce premier bilan et les instructions données par l'administration, notamment la circulaire du 5 juin 2015, "la mission constate que des marges de progression importantes subsistent et que des progrès notables n'ont été accomplis que sur certains points".

Notamment, le conventionnement entre Sdis et Samu à l'échelle départementale se généralise. "Ce qui témoigne de l'approche constructive et pragmatique de la plupart des acteurs locaux par-delà les clivages exprimés à l'échelle nationale".

Les infirmiers sapeurs-pompiers interviennent "désormais dans la plupart des cas dans le cadre de protocoles d'intervention co-construits par les sociétés savantes, ce qui permet de mobiliser une ressource paramédicale utile dans un cadre plus consensuel".

En revanche, la mission juge insatisfaisante deux aspects du référentiel qui présentent des "enjeux majeurs en termes de service rendu à la population".

Ainsi, dans "environ un quart des départements, il n'existe pas encore de ligne téléphonique dédiée entre le CRRA-Centre 15 et le CTA (centre de traitement de l'alerte)". "Les transferts d'appels passent par le flux normal des appels entrants de l'autre service, sans priorité. Concrètement, cela signifie par exemple qu'en cas d'erreur de l'appelant au moment de composer le numéro d'urgence, le transfert de l'appel ne donne pas lieu à un décroché prioritaire par le service compétent, d'où des délais additionnels dans le traitement de l'urgence". La notion de "départ réflexe" du Sdis permet toutefois de limiter le risque de perte de chance pour un appel au 18, nuance la mission.

Autre faille: l'interopérabilité des systèmes d'information est encore loin d'être atteinte sur une grande partie du territoire, "alors qu'il s'agissait d'une priorité fixée par le référentiel de 2008". "L'interfaçage informatique est en effet limité et des interconnexions insuffisantes caractérisent encore au moins entre un quart et la moitié des départements."

En l'absence d'interconnexion informatique, "toute information saisie par un service doit être transmise oralement et saisie à nouveau par l'autre service dans son propre système d'information en cas d'intervention conjointe, ce qui est à nouveau source de délais additionnels dans le traitement de l'appel".

Le rapport observe en effet que "le paysage des systèmes d'information associés au traitement des appels et des interventions d'urgence reflète la fragmentation des métiers qui caractérise le dispositif français". Il pointe que "l'interconnexion informatique est encore loin d'être généralisée", même si certains Sdis et Samu sont toutefois parvenus à des "avancées locales très intéressantes en matière d'interopérabilité, notamment dans le cas de certaines des plateformes communes".

La mission relève que la mise en place du SI-Samu (unification des systèmes d'information) et son pendant pour les Sdis devrait être source d'amélioration, même si elle regrette que ces derniers ont été conçus à partir d'une "logique métier" qui pourrait freiner les convergences.

La mission constate également que les principaux points de tension relevés dans le rapport de 2014 (carences ambulancières, appuis logistiques au Smur) "sont toujours d'actualité et même exacerbés faute de clarification satisfaisante (définition, tarification) apportées au niveau national".

Autre critique soulevée: "l'existence de démarches de planification stratégique définies au niveau national avec un cadrage d'outils de planification relevant de logiques propres à chaque secteur (santé et sécurité) ne facilite pas leur prise en compte réciproque au sein des territoires". D'où la nécessité de veiller à la cohérence de ces démarches.

Le rapport revient plus largement sur la spécificité du cadre juridique et de l'organisation de l'intervention de chacun des numéros d'urgence. "Juridiquement sédimentée, la réponse a fait l'objet d'un effort de coordination limité entre quatre grands services aux identités fortes", souligne-t-elle.

Il insiste sur la sollicitation croissante des numéros d'urgence. Selon les données recueillies par la mission, le nombre d'appels d'urgence sur le périmèttre 15-17 (police secours)-18 (Sdis)-112 (numéro européen pour les appels d'urgence) s'établirait à environ 70 millions en 2016, répartis comme suit: 29,2 millions au 15 (+17,1% par rapport à 2013), 22,3 millions au 17 (+13%), 12,3 millions au 18 (-9,6%) et 5,5 au 112 (-48,6%).

Dans la même période, le nombre d'interventions de la gendarmerie a augmenté de 20%, le nombre de sorties des Smur de 3,1% et celui des interventions des sapeurs-pompiers a cru de 8,6%. La baisse sensible des appels au Sdis s'explique en partie par les démarches entreprises avec les opérateurs téléphoniques pour réduire la survenue d'appels polluants au 112 à partir des téléphones portables. Entre 2014 et 2017, le nombre d'interventions des Sdis pour secours aux personnes a augmenté de 11,7%.

Le nombre d'appels aux centres de réception et de régulation des appels (CRRA) des Samu était de 29,7 millions en 2017, contre 25 millions en 2013 et près de 23 millions en 2007. Le nombre de dossiers de régulation médicale (DRM) a augmenté à 15,5 millions en 2017, contre 13,1 millions en 2013. "Le Samu se retrouve de plus en plus en situation de pallier le manque d'effecteurs de la médecine de ville face à une demande croissante de soins non programmés", soulignent les inspecteurs.

La mutualisation des ressources entre Samu, Smur et services d'urgences entraîne un surcroît d'activité, alors qu'un certain nombre de centres hospitaliers manquent d'urgentistes (148 postes non pourvus en Ile-de-France au 1er janvier 2018), notent-ils encore. Estimant à 9 le nombre de DRM par heure de régulation en 2019, la mission considère que "la trajectoire de hausse des sollicitations adressées au CRRA-Centre 15 n'est pas compatible à court terme avec le maintien de la qualité du service rendu à la population".

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