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12/10 2020
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COVID-19: DES RETOURS D'EXPÉRIENCES POSITIFS SUR LES TRANSFERTS DE PLUS DE 600 PATIENTS EN RÉANIMATION AU PRINTEMPS DERNIER (SFMU)

Paris, 12 octobre 2020 (APMnews) - La mise en oeuvre de transferts de patients en réanimation atteints du Covid-19 a permis de soulager les territoires les plus touchés par l'épidémie au printemps, le Grand Est et l'Ile-de-France, sans qu'aucun décès ne soit à déplorer durant le transport ou dans les heures ayant suivi leur prise en charge dans l'établissement d'accueil, a rapporté la Société française de la médecine d'urgence (SFMU) dans des articles publiés en ligne lundi.

Une vingtaine d'articles sur les retours d'expérience de la crise sanitaire liée au Sars-CoV-2 et son impact sur le système de santé ont été publiés lundi dans les Annales françaises de médecine d'urgence.

Ils portent sur les réorganisations au sein de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), comme le fonctionnement de la régulation au Samu de Paris, de la cellule régionale d'appui à la régulation des lits de réanimation Covidréa, de la direction médicale de crise, sur des services d'urgence et d'autres spécialités, ainsi que sur leur articulation avec la médecine de ville et les établissements médico-sociaux (cf dépêche du 09/10/2020 à 18:00).

Plusieurs retours d'expériences sont également consacrés aux évacuations sanitaires de 636 patients réanimation atteints de Covid-19 ayant eu lieu entre mi-mars et fin avril, lorsque les capacités de réanimation des hôpitaux du Grand Est puis d'Ile-de-France étaient saturées.

Après l'apparition du cluster de Mulhouse (Haut-Rhin) le 24 février (cf dépêche du 03/03/2020 à 22:54), le Grand Est a été confronté à une arrivée continue et exponentielle de patients atteints de forme grave de Covid-19, admis en réanimation à partir de début mars.

Les établissements de la région, qui comptaient 465 lits de réanimation et de 420 lits de soins intensifs avant la crise, sont parvenus à augmenter leurs capacités à 1.170 lits de réanimation au 1er avril, dont 1.030 étaient occupés (87% de patients atteints de Covid-19).

Les médecins réanimateurs référents, identifiés depuis mi-mars par l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est pour gérer les admissions par groupement hospitalier de territoire (GHT) ou groupement de GHT, ont cependant fait remonter des "inquiétude quant aux capacités de réanimation et aux modalités de prise en charge des patients dans les réanimations créées ex nihilo", rapportent plusieurs urgentistes et réanimateurs de la région dans un retour d'expérience publié par la SFMU.

Avec l'accord de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et en lien avec les ministères des affaires étrangères et des solidarités et de la santé d'une part, et les Samu-Centre 15 d'autre part, l'ARS Grand Est a pris la décision d'organiser des transferts interrégionaux et internationaux de patients en réanimation dans le but de soulager les établissements menacés de saturation et d'assurer une prise en charge optimale des patients.

Près de la moitié des transferts du Grand Est ont été effectués vers l'étranger

Concernant les 349 patients de réanimation ayant bénéficié d'un transfert médicalisé depuis le Grand-Est, 164 transferts (46%) ont été effectués vers les pays frontaliers notamment, en majorité vers l'Allemagne (106 patients, 29% des transferts).

Ces opérations internationales devaient répondre à trois impératifs: "obtenir l'autorisation de transferts à l'étranger en pleine pandémie avec des frontières théoriquement fermées", "avoir la garantie de la gratuité des soins pour les patients français" et "organiser des transferts longue distance de patients de réanimation avec des vecteurs initialement non prévus pour cela".

"Tous les matins, une réunion téléphonique entre l'ARS et les médecins réanimateurs référents permettait de faire le point sur la saturation des services et les besoins de transferts", détaillent les auteurs du retour d'expérience. L'ARS se chargeait de l'obtention de places d'hospitalisation à l'étranger et "les places de réanimation étaient attribuées, généralement en fin de journée, aux Samu des départements qui avaient sollicité des transferts".

A la lumière des premiers retours d'expériences et face au nombre croissant de transferts, une instruction ministérielle du 18 mars est venue préciser la doctrine des transferts de patients en réanimation: "les transferts interrégionaux et internationaux ont été pilotés par le centre de crise sanitaire (CCS) du ministère des solidarités et de la santé" à compter de cette date, toujours "en lien avec les ARS et les Samu territorialement compétents".

Le choix des patients transférés appartenait aux médecins réanimateurs de l'établissement d'origine "en lien avec les médecins du Samu et de la réanimation de destination", tandis que le CCS choisissait le moyen de transport adapté "en fonction de l'état du patient, de la destination, du délai imposé, du nombre de patients à transférer et de la disponibilité des vecteurs".

Le portail SI-Samu, développé dans le cadre du programme national de modernisation des systèmes d'information des Samu-Centre 15, a été utilisé en complément de la solution informatisée sécurisée de gestion des victimes (Sivic) pour le suivi de ces opérations de transferts et, par la suite, les rapatriements.

"A notre connaissance, la France est le seul pays à avoir mis en place cette politique de transferts extrarégionaux et internationaux", soulignent les médecins urgentistes et réanimateurs du Grand Est.

"L'organisation centralisée de la santé française a permis cette organisation là où, dans un pays comme l'Italie ou l'Espagne, une organisation sanitaire très régionale peut être considérée comme un frein."

Une utilisation inédite du dispositif Morphée

Cette politique de transfert a donné lieu à plusieurs opérations inédites sur le territoire national, dont l'utilisation du dispositif "Morphée" (module de réanimation pour patient à haute élongation d'évacuation), habituellement utilisé à l'étranger par l'armée pour le transport ou le rapatriement de patients, civils ou militaires souffrant de traumatismes physiques graves.

"Aucun patient en SDRA [syndrome de détresse respiratoire] n'avait été jusqu’à présent évacué par Morphée", soulignent les auteurs de ce retour d'expérience consacré à ces opérations, alors que cinq missions Morphées avaient été déclenchées depuis 2006 pour permettre le rapatriement de 57 patients.

Ce dispositif, qui utilise un avion A330 MRTT (Multi Role Tanker and Transport) équipé des modules de réanimation pour patients à haute élongation d'évacuation, a été adapté pour permettre le transport de 36 patients en réanimation au cours de six missions d'évacuations sanitaires les 18, 21, 24, 27, 31 mars et 3 avril.

Dans le cadre des évacuations de patients atteints en réanimation de Covid-19, les équipes soignantes du Service de santé des armées (SSA) embarquées pour les opérations Morphée ont également été remaniées et se composaient de trois anesthésistes-réanimateurs (dont un ayant le rôle de directeur médical), deux médecins des forces spécialisés en aéronautiques, deux infirmiers anesthésistes (Iade), deux infirmiers (IDE) des forces et trois infirmiers convoyeurs.

"Les limites de la mission se sont révélées être principalement liées aux exigences aéroportuaires, qui nécessitaient la présence de plateformes élévatrices pour l'embarquement et le débarquement des patients", font remarquer les médecins du SSA dans leur retour d'expérience, alors que seuls les aéroports de Bâle en Suisse et de Luxembourg étaient dotés de telles plateformes à proximité du Grand Est.

De nouvelles évacuation "si la situation le nécessitait"

"Aucun décès en cours de transfert ou dans les heures suivantes n'est intervenu", mettent en avant les auteurs, en assurant que cela attestait "de la pertinence des critères de sélection choisis avant le transport et de la qualité des soins délivrés en vol".

La seconde opération de transfert sanitaire inédite a été le déclenchement de la mission Chardon, initialement conçue à la suite des attentats de 2015 pour assurer le transfert de nombreuses victimes à bord d'un TGV médicalisé, qui a permis l'évacuation de près de 200 patients en provenance du Grand Est et d'Ile-de-France au printemps (cf dépêche du 12/10/2020 à 18:38).

"Afin d'assurer le suivi de la situation épidémiologique, ainsi que les tensions sur l'offre de soin, notamment hospitalière, l'ensemble des cellules activées au printemps pour la gestion de la crise de la Covid-19 au sein du centre de crise sanitaire sont restées armées", a indiqué la direction générale de la santé (DGS), contactée lundi par APMnews.

"Les opérations de type 'évacuations sanitaires', qui ne sont par ailleurs qu'un des leviers d'une stratégie plus globale d'appui à l'offre de soin hospitalière, font toujours partie de l'éventail des actions qui pourraient être mises en oeuvre par le centre crise sanitaire, si la situation le nécessitait", a-t-elle ajouté.

(Annales françaises de médecine d'urgence, publication en ligne du lundi 12 octobre)

gl/ld/APMnews

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Paris, 12 octobre 2020 (APMnews) - La mise en oeuvre de transferts de patients en réanimation atteints du Covid-19 a permis de soulager les territoires les plus touchés par l'épidémie au printemps, le Grand Est et l'Ile-de-France, sans qu'aucun décès ne soit à déplorer durant le transport ou dans les heures ayant suivi leur prise en charge dans l'établissement d'accueil, a rapporté la Société française de la médecine d'urgence (SFMU) dans des articles publiés en ligne lundi.

Une vingtaine d'articles sur les retours d'expérience de la crise sanitaire liée au Sars-CoV-2 et son impact sur le système de santé ont été publiés lundi dans les Annales françaises de médecine d'urgence.

Ils portent sur les réorganisations au sein de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), comme le fonctionnement de la régulation au Samu de Paris, de la cellule régionale d'appui à la régulation des lits de réanimation Covidréa, de la direction médicale de crise, sur des services d'urgence et d'autres spécialités, ainsi que sur leur articulation avec la médecine de ville et les établissements médico-sociaux (cf dépêche du 09/10/2020 à 18:00).

Plusieurs retours d'expériences sont également consacrés aux évacuations sanitaires de 636 patients réanimation atteints de Covid-19 ayant eu lieu entre mi-mars et fin avril, lorsque les capacités de réanimation des hôpitaux du Grand Est puis d'Ile-de-France étaient saturées.

Après l'apparition du cluster de Mulhouse (Haut-Rhin) le 24 février (cf dépêche du 03/03/2020 à 22:54), le Grand Est a été confronté à une arrivée continue et exponentielle de patients atteints de forme grave de Covid-19, admis en réanimation à partir de début mars.

Les établissements de la région, qui comptaient 465 lits de réanimation et de 420 lits de soins intensifs avant la crise, sont parvenus à augmenter leurs capacités à 1.170 lits de réanimation au 1er avril, dont 1.030 étaient occupés (87% de patients atteints de Covid-19).

Les médecins réanimateurs référents, identifiés depuis mi-mars par l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est pour gérer les admissions par groupement hospitalier de territoire (GHT) ou groupement de GHT, ont cependant fait remonter des "inquiétude quant aux capacités de réanimation et aux modalités de prise en charge des patients dans les réanimations créées ex nihilo", rapportent plusieurs urgentistes et réanimateurs de la région dans un retour d'expérience publié par la SFMU.

Avec l'accord de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et en lien avec les ministères des affaires étrangères et des solidarités et de la santé d'une part, et les Samu-Centre 15 d'autre part, l'ARS Grand Est a pris la décision d'organiser des transferts interrégionaux et internationaux de patients en réanimation dans le but de soulager les établissements menacés de saturation et d'assurer une prise en charge optimale des patients.

Près de la moitié des transferts du Grand Est ont été effectués vers l'étranger

Concernant les 349 patients de réanimation ayant bénéficié d'un transfert médicalisé depuis le Grand-Est, 164 transferts (46%) ont été effectués vers les pays frontaliers notamment, en majorité vers l'Allemagne (106 patients, 29% des transferts).

Ces opérations internationales devaient répondre à trois impératifs: "obtenir l'autorisation de transferts à l'étranger en pleine pandémie avec des frontières théoriquement fermées", "avoir la garantie de la gratuité des soins pour les patients français" et "organiser des transferts longue distance de patients de réanimation avec des vecteurs initialement non prévus pour cela".

"Tous les matins, une réunion téléphonique entre l'ARS et les médecins réanimateurs référents permettait de faire le point sur la saturation des services et les besoins de transferts", détaillent les auteurs du retour d'expérience. L'ARS se chargeait de l'obtention de places d'hospitalisation à l'étranger et "les places de réanimation étaient attribuées, généralement en fin de journée, aux Samu des départements qui avaient sollicité des transferts".

A la lumière des premiers retours d'expériences et face au nombre croissant de transferts, une instruction ministérielle du 18 mars est venue préciser la doctrine des transferts de patients en réanimation: "les transferts interrégionaux et internationaux ont été pilotés par le centre de crise sanitaire (CCS) du ministère des solidarités et de la santé" à compter de cette date, toujours "en lien avec les ARS et les Samu territorialement compétents".

Le choix des patients transférés appartenait aux médecins réanimateurs de l'établissement d'origine "en lien avec les médecins du Samu et de la réanimation de destination", tandis que le CCS choisissait le moyen de transport adapté "en fonction de l'état du patient, de la destination, du délai imposé, du nombre de patients à transférer et de la disponibilité des vecteurs".

Le portail SI-Samu, développé dans le cadre du programme national de modernisation des systèmes d'information des Samu-Centre 15, a été utilisé en complément de la solution informatisée sécurisée de gestion des victimes (Sivic) pour le suivi de ces opérations de transferts et, par la suite, les rapatriements.

"A notre connaissance, la France est le seul pays à avoir mis en place cette politique de transferts extrarégionaux et internationaux", soulignent les médecins urgentistes et réanimateurs du Grand Est.

"L'organisation centralisée de la santé française a permis cette organisation là où, dans un pays comme l'Italie ou l'Espagne, une organisation sanitaire très régionale peut être considérée comme un frein."

Une utilisation inédite du dispositif Morphée

Cette politique de transfert a donné lieu à plusieurs opérations inédites sur le territoire national, dont l'utilisation du dispositif "Morphée" (module de réanimation pour patient à haute élongation d'évacuation), habituellement utilisé à l'étranger par l'armée pour le transport ou le rapatriement de patients, civils ou militaires souffrant de traumatismes physiques graves.

"Aucun patient en SDRA [syndrome de détresse respiratoire] n'avait été jusqu’à présent évacué par Morphée", soulignent les auteurs de ce retour d'expérience consacré à ces opérations, alors que cinq missions Morphées avaient été déclenchées depuis 2006 pour permettre le rapatriement de 57 patients.

Ce dispositif, qui utilise un avion A330 MRTT (Multi Role Tanker and Transport) équipé des modules de réanimation pour patients à haute élongation d'évacuation, a été adapté pour permettre le transport de 36 patients en réanimation au cours de six missions d'évacuations sanitaires les 18, 21, 24, 27, 31 mars et 3 avril.

Dans le cadre des évacuations de patients atteints en réanimation de Covid-19, les équipes soignantes du Service de santé des armées (SSA) embarquées pour les opérations Morphée ont également été remaniées et se composaient de trois anesthésistes-réanimateurs (dont un ayant le rôle de directeur médical), deux médecins des forces spécialisés en aéronautiques, deux infirmiers anesthésistes (Iade), deux infirmiers (IDE) des forces et trois infirmiers convoyeurs.

"Les limites de la mission se sont révélées être principalement liées aux exigences aéroportuaires, qui nécessitaient la présence de plateformes élévatrices pour l'embarquement et le débarquement des patients", font remarquer les médecins du SSA dans leur retour d'expérience, alors que seuls les aéroports de Bâle en Suisse et de Luxembourg étaient dotés de telles plateformes à proximité du Grand Est.

De nouvelles évacuation "si la situation le nécessitait"

"Aucun décès en cours de transfert ou dans les heures suivantes n'est intervenu", mettent en avant les auteurs, en assurant que cela attestait "de la pertinence des critères de sélection choisis avant le transport et de la qualité des soins délivrés en vol".

La seconde opération de transfert sanitaire inédite a été le déclenchement de la mission Chardon, initialement conçue à la suite des attentats de 2015 pour assurer le transfert de nombreuses victimes à bord d'un TGV médicalisé, qui a permis l'évacuation de près de 200 patients en provenance du Grand Est et d'Ile-de-France au printemps (cf dépêche du 12/10/2020 à 18:38).

"Afin d'assurer le suivi de la situation épidémiologique, ainsi que les tensions sur l'offre de soin, notamment hospitalière, l'ensemble des cellules activées au printemps pour la gestion de la crise de la Covid-19 au sein du centre de crise sanitaire sont restées armées", a indiqué la direction générale de la santé (DGS), contactée lundi par APMnews.

"Les opérations de type 'évacuations sanitaires', qui ne sont par ailleurs qu'un des leviers d'une stratégie plus globale d'appui à l'offre de soin hospitalière, font toujours partie de l'éventail des actions qui pourraient être mises en oeuvre par le centre crise sanitaire, si la situation le nécessitait", a-t-elle ajouté.

(Annales françaises de médecine d'urgence, publication en ligne du lundi 12 octobre)

gl/ld/APMnews

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