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21/04 2020
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COVID-19: INQUIÉTUDES SUR L'EFFICACITÉ DE L'APPLICATION DE TRAÇAGE STOPCOVID

PARIS, 21 avril 2020 (APMnews) - La députée Paula Forteza et le chercheur en sécurité informatique Baptiste Robert s'inquiètent, dans une note publiée samedi, de l'efficacité de StopCovid, du fait de "considérations techniques et éthiques".

"Pour que l’application soit efficace, il faut que son usage soit massif", rappellent-ils.

"Notre droit en l’état - la directive RGPD [règlement général de la protection des données] et le règlement e-Privacy - interdit l’obligation d’usage et ne fonde son existence que sur la base du consentement, c’est-à-dire le volontariat", écrivent la députée et le chercheur.

Le gouvernement assure, depuis l'annonce de ses travaux sur StopCovid (cf dépêche du 08/04/2020 à 11:26), que l'utilisation de l'application sera "sur la base du volontariat", ainsi que l'a confirmé le président de la République, Emmanuel Macron, lors de son allocution du 13 avril (cf dépêche du 13/04/2020 à 22:59).

Or, "le nombre d’utilisateurs devrait se situer à au moins 60% de la population" selon une étude parue dans la revue Science citée par les auteurs.

Interrogé lundi par APMnews sur ce pourcentage en France, le directeur général de la santé (DGS) Jérôme Salomon a répondu que la DGS n'a "pas d'analyse de ce type" (cf dépêche du 20/04/2020 à 22:17).

Les auteurs soulignent également la "fracture numérique": " 77% des Français sont équipés d’un smartphone en 2019", et seulement 44% de plus de 70 ans.

"A ceci s’ajoutent les inégalités territoriales face à l’accès à internet et les difficultés d’usage dans certaines catégories de la population". Une stratégie de déconfinement reposant sur une application "ajoute une inégalité de traitement au sein de la population", estiment Paula Forteza et Baptiste Robert.

Ils rappellent également que l'application SAIP, développée par le gouvernement après les attentats de novembre 2015 pour prévenir la population en cas d'attaque terroriste, "a été abandonnée deux ans après son lancement", faute d'utilisateurs.

A Singapour, "pays pionnier dans l’utilisation de cette technologie pour lutter contre le Covid, seulement 19% de la population a choisi de télécharger l’application. Le faible nombre d’utilisateurs a rendu cette technologie insuffisante" et la cité-Etat a réagi en mettant en place un confinement de la population.

Les auteurs interrogent également la distance en tant qu'indicateur de contagion, s'appuyant sur une note de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) (cf dépêche du 14/04/2020 à 11:28).

"On notera également que la proximité avec des personnes malades n’est qu’un déterminant très approximatif de la probabilité d’avoir été infecté", ignorant le respect des gestes barrières, le port de masque ou l'environnement où a eu lieu le contact, écrit le député Cédric Villani dans cette note.

Paula Forteza et Baptiste Robert soulignent également que le Bluetooth "n'a pas été conçu pour évaluer des distances".

La précision du Bluetooth varie selon le type de téléphone et l'environnement, et n'est pas fiable "avec précision à moins de 2 mètres”, indiquent-ils.

"Il y a malheureusement beaucoup de perturbations qui peuvent entraîner des erreurs: le rebond des ondes Bluetooth contre le sol, les murs, le plafond, les surfaces métalliques. En outre, le signal varie si on porte le mobile à la main, en poche ou dans un sac", a expliqué Christian Bachmann, expert de la mesure des distances par Bluetooth, au Monde.

"La marge d'erreur est importante", et il faut s'attendre à des faux-positifs mais aussi à des faux-négatifs, selon ce dernier.

Inquiétudes éthiques

Par ailleurs, "le consentement libre et éclairé est questionnable", soulignent la députée et le chercheur.

Ils citent le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qui a recensé de nombreux "points d'alerte sur les enjeux d'éthique du numérique" (cf dépêche du 08/04/2020 à 11:32), et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Sa présidente, Marie-Laure Denis, a estimé lors d'une audition par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 15 avril que "si une application est utilisée", ce ne pourra être que sur la base du volontariat et "pour une durée limitée".

Paula Forteza et Baptiste Robert soulignent que "la confiance dans l’utilisation des données est incertaine" vis-à-vis des autorités ou d'acteurs mal intentionnés.

Ils rappellent que plusieurs fondateurs de l'initiative européenne PEPP-PT (Pan European Privacy Preserving Proximity Tracing), sur laquelle sera basée StopCovid (cf dépêche du 19/04/2020 à 20:32), ont récemment quitté le collectif, l'accusant de "manquer de transparence" et de "privilégier un protocole centralisé".

"Dans tous les cas, et tout particulièrement dans des systèmes centralisés, nous sommes toujours exposés à des potentielles brèches de données, et nous savons que l’anonymisation des données n’est jamais garantie à 100%", écrivent la députée et le chercheur.

La France est représentée au sein de PEPP-PT par l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), qui pilote la task force française de développement de StopCovid.

L'Inria a publié samedi la première version du protocole de traçage, baptisé ROBERT (ROBust and privacy-presERving proximity Tracing) (cf dépêche du 19/04/2020 à 20:32).

Mardi, une quinzaine de chercheurs en cryptographie, sécurité ou droit des technologies, dont une dizaine est affiliée à l'Inria, ont publié une "analyse de risques à destination des non-spécialistes" s'alarmant des "possibles détournements du traçage", note-t-on.

Enfin, la députée et le chercheur s'inquiètent également du poids des géants du numérique, alors que le secrétaire d'Etat chargé du numérique, Cédric O, "pense" que l'application de traçage StopCovid sera prête le 11 mai "si Apple lève ses restrictions", note-t-on (cf dépêche du 21/04/2020 à 13:11).

La note de Paula Forteza et Baptiste Robert

lc/ab/APMnews

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PARIS, 21 avril 2020 (APMnews) - La députée Paula Forteza et le chercheur en sécurité informatique Baptiste Robert s'inquiètent, dans une note publiée samedi, de l'efficacité de StopCovid, du fait de "considérations techniques et éthiques".

"Pour que l’application soit efficace, il faut que son usage soit massif", rappellent-ils.

"Notre droit en l’état - la directive RGPD [règlement général de la protection des données] et le règlement e-Privacy - interdit l’obligation d’usage et ne fonde son existence que sur la base du consentement, c’est-à-dire le volontariat", écrivent la députée et le chercheur.

Le gouvernement assure, depuis l'annonce de ses travaux sur StopCovid (cf dépêche du 08/04/2020 à 11:26), que l'utilisation de l'application sera "sur la base du volontariat", ainsi que l'a confirmé le président de la République, Emmanuel Macron, lors de son allocution du 13 avril (cf dépêche du 13/04/2020 à 22:59).

Or, "le nombre d’utilisateurs devrait se situer à au moins 60% de la population" selon une étude parue dans la revue Science citée par les auteurs.

Interrogé lundi par APMnews sur ce pourcentage en France, le directeur général de la santé (DGS) Jérôme Salomon a répondu que la DGS n'a "pas d'analyse de ce type" (cf dépêche du 20/04/2020 à 22:17).

Les auteurs soulignent également la "fracture numérique": " 77% des Français sont équipés d’un smartphone en 2019", et seulement 44% de plus de 70 ans.

"A ceci s’ajoutent les inégalités territoriales face à l’accès à internet et les difficultés d’usage dans certaines catégories de la population". Une stratégie de déconfinement reposant sur une application "ajoute une inégalité de traitement au sein de la population", estiment Paula Forteza et Baptiste Robert.

Ils rappellent également que l'application SAIP, développée par le gouvernement après les attentats de novembre 2015 pour prévenir la population en cas d'attaque terroriste, "a été abandonnée deux ans après son lancement", faute d'utilisateurs.

A Singapour, "pays pionnier dans l’utilisation de cette technologie pour lutter contre le Covid, seulement 19% de la population a choisi de télécharger l’application. Le faible nombre d’utilisateurs a rendu cette technologie insuffisante" et la cité-Etat a réagi en mettant en place un confinement de la population.

Les auteurs interrogent également la distance en tant qu'indicateur de contagion, s'appuyant sur une note de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) (cf dépêche du 14/04/2020 à 11:28).

"On notera également que la proximité avec des personnes malades n’est qu’un déterminant très approximatif de la probabilité d’avoir été infecté", ignorant le respect des gestes barrières, le port de masque ou l'environnement où a eu lieu le contact, écrit le député Cédric Villani dans cette note.

Paula Forteza et Baptiste Robert soulignent également que le Bluetooth "n'a pas été conçu pour évaluer des distances".

La précision du Bluetooth varie selon le type de téléphone et l'environnement, et n'est pas fiable "avec précision à moins de 2 mètres”, indiquent-ils.

"Il y a malheureusement beaucoup de perturbations qui peuvent entraîner des erreurs: le rebond des ondes Bluetooth contre le sol, les murs, le plafond, les surfaces métalliques. En outre, le signal varie si on porte le mobile à la main, en poche ou dans un sac", a expliqué Christian Bachmann, expert de la mesure des distances par Bluetooth, au Monde.

"La marge d'erreur est importante", et il faut s'attendre à des faux-positifs mais aussi à des faux-négatifs, selon ce dernier.

Inquiétudes éthiques

Par ailleurs, "le consentement libre et éclairé est questionnable", soulignent la députée et le chercheur.

Ils citent le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qui a recensé de nombreux "points d'alerte sur les enjeux d'éthique du numérique" (cf dépêche du 08/04/2020 à 11:32), et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Sa présidente, Marie-Laure Denis, a estimé lors d'une audition par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 15 avril que "si une application est utilisée", ce ne pourra être que sur la base du volontariat et "pour une durée limitée".

Paula Forteza et Baptiste Robert soulignent que "la confiance dans l’utilisation des données est incertaine" vis-à-vis des autorités ou d'acteurs mal intentionnés.

Ils rappellent que plusieurs fondateurs de l'initiative européenne PEPP-PT (Pan European Privacy Preserving Proximity Tracing), sur laquelle sera basée StopCovid (cf dépêche du 19/04/2020 à 20:32), ont récemment quitté le collectif, l'accusant de "manquer de transparence" et de "privilégier un protocole centralisé".

"Dans tous les cas, et tout particulièrement dans des systèmes centralisés, nous sommes toujours exposés à des potentielles brèches de données, et nous savons que l’anonymisation des données n’est jamais garantie à 100%", écrivent la députée et le chercheur.

La France est représentée au sein de PEPP-PT par l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), qui pilote la task force française de développement de StopCovid.

L'Inria a publié samedi la première version du protocole de traçage, baptisé ROBERT (ROBust and privacy-presERving proximity Tracing) (cf dépêche du 19/04/2020 à 20:32).

Mardi, une quinzaine de chercheurs en cryptographie, sécurité ou droit des technologies, dont une dizaine est affiliée à l'Inria, ont publié une "analyse de risques à destination des non-spécialistes" s'alarmant des "possibles détournements du traçage", note-t-on.

Enfin, la députée et le chercheur s'inquiètent également du poids des géants du numérique, alors que le secrétaire d'Etat chargé du numérique, Cédric O, "pense" que l'application de traçage StopCovid sera prête le 11 mai "si Apple lève ses restrictions", note-t-on (cf dépêche du 21/04/2020 à 13:11).

La note de Paula Forteza et Baptiste Robert

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