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20/07 2020
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COVID-19: LE PRÉSIDENT DE L'ORDRE DES MÉDECINS APPELLE À RESTAURER LA CONFIANCE ENTRE SOIGNANTS ET AUTORITÉS

PARIS, 20 juillet 2020 (APMnews) - Le président du Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom), le Dr Patrick Bouet, a appelé les pouvoirs publics à oeuvrer pour restaurer la confiance perdue avec les professionnels de santé du fait de l'épidémie de Covid-19, lors d'une audition conduite jeudi par la mission d’information de l'Assemblée nationale sur la gestion de cette crise sanitaire.

Devant la mission, dotée des prérogatives d'une commission d’enquête, le responsable ordinal a souligné la "fracture de confiance" qui existait entre le monde des soignants et les autorités en charge de la gestion de la crise épidémique, à la suite des carences relevées dans la mise à disposition des moyens de protection.

"Dès lors que l'on mobilise […] des professionnels pour une mission de santé publique et qu'on prend l'engagement de les protéger comme cela a été fait à la suite de la crise H1N1, il y a bien entendu une crise de confiance quand ces soignants se retrouvent confrontés à une situation de développement épidémique avec simplement les stocks usuels qu'ils constituent dans le cadre de la gestion des phénomènes infectieux et qu'ils ne voient pas arriver les résultats de cette confiance, c'est-à-dire les moyens de protection, que ce soit en ville ou dans le secteur des établissements", a exposé Patrick Bouet.

"Nous avons aujourd'hui des professionnels de santé qui ont payé de leur santé ou de leur vie cette fracture de confiance, et nous savons que la majorité de ceux qui ont été gravement contaminés l'ont été dans les premières semaines du développement de cette crise sanitaire à un moment où ils étaient particulièrement vulnérables puisque mal protégés", a-t-il observé.

"Nous ne pouvons pas aujourd'hui avoir le type de discours qui a été celui tenu par un certain nombre de responsables politiques pendant toute cette période, de façon erratique, sur l'intérêt des protections directes et indirectes, physiques, des professionnels et au-delà de la population en matière de diffusion virale", a prévenu Patrick Bouet.

Il a réfuté les affirmations selon lesquelles les professionnels de santé n'avaient pas d'équipements de protection lorsque la crise a débuté, soulignant toutefois que leurs stocks relevaient de l'exercice usuel et n'étaient pas dimensionnés pour une telle crise, qui supposait que l'Etat assure leur approvisionnement.

Les professionnels avaient une "petite capacité à suragir en cas de difficultés ponctuelles", a-t-il observé, indiquant que son cabinet de groupe disposait d'un stock de 500 masques chirurgicaux et de 100 masques FFP2.

Il a regretté qu'il n'y ait pas eu de "gestion collective de la situation" et souligné qu'à ce jour, faute de réunion d'information avec les tutelles, il ignorait comment allait "être gérée la politique de protection en cas de reprise épidémique ou de concordance d'épidémies supplémentaires".

Réformer la technostructure

Le Dr Bouet a réfuté "l'idée que le système de santé ait merveilleusement répondu au défi", affirmant qu'il s'était plutôt "merveilleusement bien mobilisé pour tenter de répondre à cette crise, notamment au travers de tous ses acteurs" et pas uniquement les soignants.

Ce faisant, le système s'est toutefois privé d'une majeure capacité à agir en dehors du cadre du Covid-19 et pour le suivi des pathologies usuelles, a-t-il toutefois souligné, pointant un défaut de "coopération effective" des acteurs.

Il a déploré qu'aucune leçon n'ait été tirée en ce sens de la crise de la grippe A(H1N1) en 2009-2010. "Nous avons reproduit les mêmes erreurs, qui ont été de concentrer sur l'hôpital et sur un numéro unique d'appel l'ensemble des appels en éloignant les patients des cabinets libéraux et des établissements de proximité", a-t-il regretté, alertant sur les risques de perte de chance et la difficulté à résorber les reports de traitement.

Il a plaidé pour une refonte de la prise en charge en termes de parcours, afin d'éviter que chaque filière, comme aujourd'hui, s'accroche à son numéro d'appel en raisonnant en fonction de l'acteur de la prise en charge initiale, alors qu'il faudrait "transcender" l'amont et l'aval.

Patrick Bouet a appelé à une "reprise en main" par le politique de l'appareil technocratique, des administrations centrales et des agences régionales de santé (ARS), déplorant une absence de concertation avec les acteurs, et une remontée d'informations insuffisante vers le ministre.

Interrogé sur le manque de visibilité de l'action de l'ordre pendant la crise, le Dr Bouet s'est défendu de toute inaction.

"Nous avons tenté de nouer les contacts attendus avec l'Etat. Mais avait-il vraiment besoin que nous lui demandions de le rencontrer pour réunir tous les acteurs pour gérer une crise?", s'est-il interrogé.

Il avait regretté auparavant que, depuis le début de l'épidémie, il n'ait pu rencontrer ni le directeur général de la santé (DGS), ni la directrice générale de l'offre de soins (DGOS) ni le directeur de la sécurité sociale (DSS), ni l'ex-ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, tout en reconnaissant que son successeur, Olivier Véran, était "plus disponible" pour des contacts informels.

"Le ministère de la santé est un bunker difficile d'accès dans lequel malheureusement la haute administration, les directions générales ont un poids tel, que très souvent lorsque nous sommes en discussion avec un ministre, voire un cabinet ou des conseillers, nous sentons bien qu'il manque des interlocuteurs dans la salle", a-t-il observé.

S'agissant des ARS, il estime que "certaines ont été très bonnes", citant notamment celle d'Ile-de-France, saluant l'action d'Aurélien Rousseau qui "depuis 3 ans travaille avec les territoires, s'est engag[é] sur une politique territoriale".

A l'inverse, il estime que "ça n'a pas marché" en Grand Est, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. "Si l'action de l'Etat dépend de la personnalité du DGARS, forcément les élus locaux, les PS, les usagers ne peuvent y trouver leur compte", a-t-il relevé, jugeant essentiel que le Ségur de la santé se saisisse de cette question.

Déontologie pendant la crise: plusieurs dizaines de dossiers à l'instruction

Interrogé notamment par le rapporteur de la mission, Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes), sur les restrictions apportées à la liberté de prescription et l'usage de l'hydroxychloroquine (Plaquenil*, Sanofi), le Dr Bouet s'est livré à un rappel du cadre réglementaire et déontologique encadrant la prescription hors AMM.

Il a ainsi rappelé que la liberté de prescription et de paroles dont jouissent les médecins avaient pour corollaire "la certitude avéré des faits que l'on promeut et la dangerosité potentielle des faits énoncés".

"Nous avons constaté un certain nombre d'affirmations qui nous paraissaient être hâtives, présomptueuses, et qui finalement présentaient en fait avéré des choses qui relevaient de la controverse scientifique", a observé Patrick Bouet, indiquant qu'une trentaine d'affaires étaient en cours de traitement au niveau des conseils départementaux, qui décideront si des plaintes sont nécessaires.

Il a rappelé que la prescription hors AMM n'était pas un "permis", et que le médecin qui en usait avait deux responsabilités: celle liée à l'absence de remboursement du traitement pour son patient, et son engagement à "assumer personnellement les conséquences du choix de prescription, notamment en apportant les faits scientifiques qui permettent de valider sa prescription".

"Nous avons décidé d'agir non pas tant pour faire taire la controverse scientifique, mais parce qu'on ne peut pas dire qu'il y a une vérité scientifique si elle n'est pas validée par la communauté scientifique", a observé le Dr Bouet.

Par ailleurs, il a indiqué que les structures ordinales avaient été saisies de "plusieurs dizaines" de plaintes sur ce sujet directement formées devant l'ordre émanant de patients, professionnels ou acteurs institutionnels.

Interrogé sur la problématique des liens d'intérêts qui s'est invitée lors de précédentes auditions (cf dépêche du 24/06/2020 à 22:48), le Dr Bouet a rappelé qu'il avait dû se battre pour obtenir la publication des textes réglementaires qui vont permettre de mieux encadrer les relations entre médecins et industriels (cf dépêche du 17/06/2020 à 11:59).

"A partir de 2021, nous allons donner une autorisation, ce qui va totalement changer la nature des choses", a-t-il observé à cet égard, tout en jugeant "inutilisable", dans sa forme actuelle, la base "Transparence santé". Il a par ailleurs regretté l'absence totale de suite donnée aux signalements effectués par l'ordre auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

vg/nc/APMnews

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PARIS, 20 juillet 2020 (APMnews) - Le président du Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom), le Dr Patrick Bouet, a appelé les pouvoirs publics à oeuvrer pour restaurer la confiance perdue avec les professionnels de santé du fait de l'épidémie de Covid-19, lors d'une audition conduite jeudi par la mission d’information de l'Assemblée nationale sur la gestion de cette crise sanitaire.

Devant la mission, dotée des prérogatives d'une commission d’enquête, le responsable ordinal a souligné la "fracture de confiance" qui existait entre le monde des soignants et les autorités en charge de la gestion de la crise épidémique, à la suite des carences relevées dans la mise à disposition des moyens de protection.

"Dès lors que l'on mobilise […] des professionnels pour une mission de santé publique et qu'on prend l'engagement de les protéger comme cela a été fait à la suite de la crise H1N1, il y a bien entendu une crise de confiance quand ces soignants se retrouvent confrontés à une situation de développement épidémique avec simplement les stocks usuels qu'ils constituent dans le cadre de la gestion des phénomènes infectieux et qu'ils ne voient pas arriver les résultats de cette confiance, c'est-à-dire les moyens de protection, que ce soit en ville ou dans le secteur des établissements", a exposé Patrick Bouet.

"Nous avons aujourd'hui des professionnels de santé qui ont payé de leur santé ou de leur vie cette fracture de confiance, et nous savons que la majorité de ceux qui ont été gravement contaminés l'ont été dans les premières semaines du développement de cette crise sanitaire à un moment où ils étaient particulièrement vulnérables puisque mal protégés", a-t-il observé.

"Nous ne pouvons pas aujourd'hui avoir le type de discours qui a été celui tenu par un certain nombre de responsables politiques pendant toute cette période, de façon erratique, sur l'intérêt des protections directes et indirectes, physiques, des professionnels et au-delà de la population en matière de diffusion virale", a prévenu Patrick Bouet.

Il a réfuté les affirmations selon lesquelles les professionnels de santé n'avaient pas d'équipements de protection lorsque la crise a débuté, soulignant toutefois que leurs stocks relevaient de l'exercice usuel et n'étaient pas dimensionnés pour une telle crise, qui supposait que l'Etat assure leur approvisionnement.

Les professionnels avaient une "petite capacité à suragir en cas de difficultés ponctuelles", a-t-il observé, indiquant que son cabinet de groupe disposait d'un stock de 500 masques chirurgicaux et de 100 masques FFP2.

Il a regretté qu'il n'y ait pas eu de "gestion collective de la situation" et souligné qu'à ce jour, faute de réunion d'information avec les tutelles, il ignorait comment allait "être gérée la politique de protection en cas de reprise épidémique ou de concordance d'épidémies supplémentaires".

Réformer la technostructure

Le Dr Bouet a réfuté "l'idée que le système de santé ait merveilleusement répondu au défi", affirmant qu'il s'était plutôt "merveilleusement bien mobilisé pour tenter de répondre à cette crise, notamment au travers de tous ses acteurs" et pas uniquement les soignants.

Ce faisant, le système s'est toutefois privé d'une majeure capacité à agir en dehors du cadre du Covid-19 et pour le suivi des pathologies usuelles, a-t-il toutefois souligné, pointant un défaut de "coopération effective" des acteurs.

Il a déploré qu'aucune leçon n'ait été tirée en ce sens de la crise de la grippe A(H1N1) en 2009-2010. "Nous avons reproduit les mêmes erreurs, qui ont été de concentrer sur l'hôpital et sur un numéro unique d'appel l'ensemble des appels en éloignant les patients des cabinets libéraux et des établissements de proximité", a-t-il regretté, alertant sur les risques de perte de chance et la difficulté à résorber les reports de traitement.

Il a plaidé pour une refonte de la prise en charge en termes de parcours, afin d'éviter que chaque filière, comme aujourd'hui, s'accroche à son numéro d'appel en raisonnant en fonction de l'acteur de la prise en charge initiale, alors qu'il faudrait "transcender" l'amont et l'aval.

Patrick Bouet a appelé à une "reprise en main" par le politique de l'appareil technocratique, des administrations centrales et des agences régionales de santé (ARS), déplorant une absence de concertation avec les acteurs, et une remontée d'informations insuffisante vers le ministre.

Interrogé sur le manque de visibilité de l'action de l'ordre pendant la crise, le Dr Bouet s'est défendu de toute inaction.

"Nous avons tenté de nouer les contacts attendus avec l'Etat. Mais avait-il vraiment besoin que nous lui demandions de le rencontrer pour réunir tous les acteurs pour gérer une crise?", s'est-il interrogé.

Il avait regretté auparavant que, depuis le début de l'épidémie, il n'ait pu rencontrer ni le directeur général de la santé (DGS), ni la directrice générale de l'offre de soins (DGOS) ni le directeur de la sécurité sociale (DSS), ni l'ex-ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, tout en reconnaissant que son successeur, Olivier Véran, était "plus disponible" pour des contacts informels.

"Le ministère de la santé est un bunker difficile d'accès dans lequel malheureusement la haute administration, les directions générales ont un poids tel, que très souvent lorsque nous sommes en discussion avec un ministre, voire un cabinet ou des conseillers, nous sentons bien qu'il manque des interlocuteurs dans la salle", a-t-il observé.

S'agissant des ARS, il estime que "certaines ont été très bonnes", citant notamment celle d'Ile-de-France, saluant l'action d'Aurélien Rousseau qui "depuis 3 ans travaille avec les territoires, s'est engag[é] sur une politique territoriale".

A l'inverse, il estime que "ça n'a pas marché" en Grand Est, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. "Si l'action de l'Etat dépend de la personnalité du DGARS, forcément les élus locaux, les PS, les usagers ne peuvent y trouver leur compte", a-t-il relevé, jugeant essentiel que le Ségur de la santé se saisisse de cette question.

Déontologie pendant la crise: plusieurs dizaines de dossiers à l'instruction

Interrogé notamment par le rapporteur de la mission, Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes), sur les restrictions apportées à la liberté de prescription et l'usage de l'hydroxychloroquine (Plaquenil*, Sanofi), le Dr Bouet s'est livré à un rappel du cadre réglementaire et déontologique encadrant la prescription hors AMM.

Il a ainsi rappelé que la liberté de prescription et de paroles dont jouissent les médecins avaient pour corollaire "la certitude avéré des faits que l'on promeut et la dangerosité potentielle des faits énoncés".

"Nous avons constaté un certain nombre d'affirmations qui nous paraissaient être hâtives, présomptueuses, et qui finalement présentaient en fait avéré des choses qui relevaient de la controverse scientifique", a observé Patrick Bouet, indiquant qu'une trentaine d'affaires étaient en cours de traitement au niveau des conseils départementaux, qui décideront si des plaintes sont nécessaires.

Il a rappelé que la prescription hors AMM n'était pas un "permis", et que le médecin qui en usait avait deux responsabilités: celle liée à l'absence de remboursement du traitement pour son patient, et son engagement à "assumer personnellement les conséquences du choix de prescription, notamment en apportant les faits scientifiques qui permettent de valider sa prescription".

"Nous avons décidé d'agir non pas tant pour faire taire la controverse scientifique, mais parce qu'on ne peut pas dire qu'il y a une vérité scientifique si elle n'est pas validée par la communauté scientifique", a observé le Dr Bouet.

Par ailleurs, il a indiqué que les structures ordinales avaient été saisies de "plusieurs dizaines" de plaintes sur ce sujet directement formées devant l'ordre émanant de patients, professionnels ou acteurs institutionnels.

Interrogé sur la problématique des liens d'intérêts qui s'est invitée lors de précédentes auditions (cf dépêche du 24/06/2020 à 22:48), le Dr Bouet a rappelé qu'il avait dû se battre pour obtenir la publication des textes réglementaires qui vont permettre de mieux encadrer les relations entre médecins et industriels (cf dépêche du 17/06/2020 à 11:59).

"A partir de 2021, nous allons donner une autorisation, ce qui va totalement changer la nature des choses", a-t-il observé à cet égard, tout en jugeant "inutilisable", dans sa forme actuelle, la base "Transparence santé". Il a par ailleurs regretté l'absence totale de suite donnée aux signalements effectués par l'ordre auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

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