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12/10 2020
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COVID-19: LES ÉVACUATIONS "CHARDON" EN TGV ONT PERMIS D'ÉVACUER PRÈS DE 200 PATIENTS EN ÉCONOMISANT LES RESSOURCES EN SOIGNANTS

PARIS, 12 octobre 2020 (APMnews) - La mise en oeuvre inédite de la mission "Chardon" a permis d'évacuer en TGV près de 200 patients de réanimation atteints du Covid-19 sans déplorer de décès durant les transports et en mobilisant moins de ressources médicales et paramédicales que lors de transferts conventionnels, a souligné la Société française de la médecine d'urgence (SFMU) dans un retour d'expérience paru lundi en ligne.

La SFMU a publié lundi une vingtaine d'articles sur les retours d'expériences de la crise sanitaire liée au Sars-CoV-2 et son impact sur le système de santé dans les Annales françaises de médecine d'urgence.

Ces retours d'expériences traitent des réorganisations au sein de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), comme le fonctionnement de la régulation au Samu de Paris, de la cellule régionale d'appui à la régulation des lits de réanimation Covidréa, de la direction médicale de crise, des services d'urgence et d'autres spécialités, mais aussi de l'articulation des services hospitaliers avec la médecine de ville et les établissements médico-sociaux (cf dépêche du 09/10/2020 à 18:00) ou encore de l'organisation des transferts de patients en réanimation (cf dépêche du 12/10/2020 à 18:08).

Parmi les retours consacrés aux transferts sanitaires, un dossier revient sur le déclenchement de la mission "Chardon", initialement conçue à la suite des attentats de 2015 pour assurer le transfert de nombreuses victimes à bord d'un TGV médicalisé.

Dix évacuations sanitaires ont permis de transporter 197 patients en réanimation grâce à ce dispositif inédit - quatre sont partis de la région Grand Est et six de la région Île-de-France-, sans que des complications majeures n'aient été relevées pendant les transferts.

Une sélection des patients similaire aux évacuations héliportées

Le retour d'expérience consacré aux évacuations "Chardon" s'attarde notamment sur les critères de sélection des patients évacués, "similaires à ceux employés dans cette période pour les évacuations héliportées", rapportent les auteurs, parmi lesquels figurent le Pr Pierre Carli, président du Conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH), et le Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France (SUdF).

Les patients pris en charge pour ces évacuations devaient être ventilés depuis plus de 24 heures, présenter des "paramètres ventilatoires compatibles avec les respirateurs modernes de transports", et ne pas avoir eu de séance de décubitus.

Les patients non ventilés mécaniquement étaient exclus "en raison de l’instabilité des patients non intubés et la non-indication à la ventilation non invasive à cette période", tout comme les patients en insuffisance rénale ou dont le poids dépassait 100 kg (pour faciliter le brancardage dans ce dernier cas de figure, notamment lors de l'embarquement et du débarquement des patients).

"Les critères de sélection de transferts de patients de réanimation et leurs conséquences en fonction du vecteur n’ont pas été étudiés dans la littérature", soulignent cependant les auteurs.

Épargner les ressources humaines locales

"L’un des principes des évacuations 'Chardon' est de ne pas ou peu employer les ressources locales", pointe le retour d'expérience, "les patients étaient pris en charge directement à l’hôpital par les équipes du train qui assuraient ensuite le transport".

Un rame de TGV médicalisé pour une mission "Chardon" peut transporter jusqu'à 24 patients, chaque voiture pouvant accueillir quatre patients intubés en syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), pris en charge par une unité mobile hospitalière ferroviaire (UMHF) composée d'un médecin senior, un junior, quatre infirmiers et un logisticien pour la réalisation de la surveillance et des soins.

Le dispositif "Chardon" a été adapté au Covid-19 en utilisant que des TGV à deux étages, "avec des zones contaminées et des zones propres avec un passage possible sur tout l’axe du train".

Pour maximiser l'efficience de ces opérations, "il fallait donc que chaque centre puisse envoyer dans l’idéal quatre patients pour correspondre à la volumétrie prise en charge par une unité mobile hospitalière ferroviaire (UMHF)".

Prévoir une marge de patients supplémentaires

Dans son retour d'expérience, la SFMU souligne à ce sujet que la "possibilité de dégradation clinique des patients initialement sélectionnés" pouvait compliquer l'organisation de ces opérations: "Au cours de notre expérience, environ 20% des patients n’étaient plus compatibles avec les critères de sélection le matin du départ. Il fallait donc des patients 'supplémentaires' sur une liste d’attente dans chaque centre pour optimiser les places de transferts".

Le choix des gares utilisées lors de ces transferts se faisait en fonction de la proximité des centres hospitaliers et des modalités pratiques pour embarquer et débarquer les patients (accessibilité des quais, espaces abrités pour permettre aux ambulances de stationner aux abords de la gare…).

"On peut évaluer pour un transfert de 24 patients, qu’il faut mobiliser pendant tout le trajet 48 personnels médicaux ou paramédicaux", rapporte les auteurs, "il est intéressant de voir que le ratio de soignants par malade est de 1,75, ce qui est bas en comparaison des autres moyens de transfert".

Le retour d'expérience met également en exergue la célérité avec laquelle ces évacuations ont été organisées: "Le premier 'Chardon' a été préparé en moins de 48 heures, les suivants en moins de 24 heures."

La sélection des patients constitue la principale problématique

"L’un des points les plus difficiles à gérer a été la sélection des malades à transférer", indique le retour d'expérience, en citant deux facteurs explicatifs:

  • le choix des hôpitaux à délester s'opérait par rapport à leur charge en réanimation et non par rapport aux patients éligibles
  • le nombre d’hôpitaux à délester était déterminé en fonction de la distance et du nombre de patients à transférer par centre en raison de la contrainte logistique des convois par quatre patients.

"Cette complexité a rendu nécessaire, par exemple de créer une cellule spécifique de transfert à l’Assistance publique‒hôpitaux de Paris [AP-HP]", ajoute le retour d'expérience.

"Ces transferts demandent une organisation précise, mais elle est intéressante en nombre de personnels utilisés par patient transféré, avec une qualité de soins préservée", concluent les auteurs, après avoir salué la coopération de la SNCF "qui a permis une adaptation des rames, sécurisation des itinéraires, adaptation de la conduite" pour rendre ces évacuations possibles.

(Annales françaises de médecine d'urgence, publication en ligne du lundi 12 octobre)

gl/ab/APMnews

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PARIS, 12 octobre 2020 (APMnews) - La mise en oeuvre inédite de la mission "Chardon" a permis d'évacuer en TGV près de 200 patients de réanimation atteints du Covid-19 sans déplorer de décès durant les transports et en mobilisant moins de ressources médicales et paramédicales que lors de transferts conventionnels, a souligné la Société française de la médecine d'urgence (SFMU) dans un retour d'expérience paru lundi en ligne.

La SFMU a publié lundi une vingtaine d'articles sur les retours d'expériences de la crise sanitaire liée au Sars-CoV-2 et son impact sur le système de santé dans les Annales françaises de médecine d'urgence.

Ces retours d'expériences traitent des réorganisations au sein de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), comme le fonctionnement de la régulation au Samu de Paris, de la cellule régionale d'appui à la régulation des lits de réanimation Covidréa, de la direction médicale de crise, des services d'urgence et d'autres spécialités, mais aussi de l'articulation des services hospitaliers avec la médecine de ville et les établissements médico-sociaux (cf dépêche du 09/10/2020 à 18:00) ou encore de l'organisation des transferts de patients en réanimation (cf dépêche du 12/10/2020 à 18:08).

Parmi les retours consacrés aux transferts sanitaires, un dossier revient sur le déclenchement de la mission "Chardon", initialement conçue à la suite des attentats de 2015 pour assurer le transfert de nombreuses victimes à bord d'un TGV médicalisé.

Dix évacuations sanitaires ont permis de transporter 197 patients en réanimation grâce à ce dispositif inédit - quatre sont partis de la région Grand Est et six de la région Île-de-France-, sans que des complications majeures n'aient été relevées pendant les transferts.

Une sélection des patients similaire aux évacuations héliportées

Le retour d'expérience consacré aux évacuations "Chardon" s'attarde notamment sur les critères de sélection des patients évacués, "similaires à ceux employés dans cette période pour les évacuations héliportées", rapportent les auteurs, parmi lesquels figurent le Pr Pierre Carli, président du Conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH), et le Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France (SUdF).

Les patients pris en charge pour ces évacuations devaient être ventilés depuis plus de 24 heures, présenter des "paramètres ventilatoires compatibles avec les respirateurs modernes de transports", et ne pas avoir eu de séance de décubitus.

Les patients non ventilés mécaniquement étaient exclus "en raison de l’instabilité des patients non intubés et la non-indication à la ventilation non invasive à cette période", tout comme les patients en insuffisance rénale ou dont le poids dépassait 100 kg (pour faciliter le brancardage dans ce dernier cas de figure, notamment lors de l'embarquement et du débarquement des patients).

"Les critères de sélection de transferts de patients de réanimation et leurs conséquences en fonction du vecteur n’ont pas été étudiés dans la littérature", soulignent cependant les auteurs.

Épargner les ressources humaines locales

"L’un des principes des évacuations 'Chardon' est de ne pas ou peu employer les ressources locales", pointe le retour d'expérience, "les patients étaient pris en charge directement à l’hôpital par les équipes du train qui assuraient ensuite le transport".

Un rame de TGV médicalisé pour une mission "Chardon" peut transporter jusqu'à 24 patients, chaque voiture pouvant accueillir quatre patients intubés en syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), pris en charge par une unité mobile hospitalière ferroviaire (UMHF) composée d'un médecin senior, un junior, quatre infirmiers et un logisticien pour la réalisation de la surveillance et des soins.

Le dispositif "Chardon" a été adapté au Covid-19 en utilisant que des TGV à deux étages, "avec des zones contaminées et des zones propres avec un passage possible sur tout l’axe du train".

Pour maximiser l'efficience de ces opérations, "il fallait donc que chaque centre puisse envoyer dans l’idéal quatre patients pour correspondre à la volumétrie prise en charge par une unité mobile hospitalière ferroviaire (UMHF)".

Prévoir une marge de patients supplémentaires

Dans son retour d'expérience, la SFMU souligne à ce sujet que la "possibilité de dégradation clinique des patients initialement sélectionnés" pouvait compliquer l'organisation de ces opérations: "Au cours de notre expérience, environ 20% des patients n’étaient plus compatibles avec les critères de sélection le matin du départ. Il fallait donc des patients 'supplémentaires' sur une liste d’attente dans chaque centre pour optimiser les places de transferts".

Le choix des gares utilisées lors de ces transferts se faisait en fonction de la proximité des centres hospitaliers et des modalités pratiques pour embarquer et débarquer les patients (accessibilité des quais, espaces abrités pour permettre aux ambulances de stationner aux abords de la gare…).

"On peut évaluer pour un transfert de 24 patients, qu’il faut mobiliser pendant tout le trajet 48 personnels médicaux ou paramédicaux", rapporte les auteurs, "il est intéressant de voir que le ratio de soignants par malade est de 1,75, ce qui est bas en comparaison des autres moyens de transfert".

Le retour d'expérience met également en exergue la célérité avec laquelle ces évacuations ont été organisées: "Le premier 'Chardon' a été préparé en moins de 48 heures, les suivants en moins de 24 heures."

La sélection des patients constitue la principale problématique

"L’un des points les plus difficiles à gérer a été la sélection des malades à transférer", indique le retour d'expérience, en citant deux facteurs explicatifs:

  • le choix des hôpitaux à délester s'opérait par rapport à leur charge en réanimation et non par rapport aux patients éligibles
  • le nombre d’hôpitaux à délester était déterminé en fonction de la distance et du nombre de patients à transférer par centre en raison de la contrainte logistique des convois par quatre patients.

"Cette complexité a rendu nécessaire, par exemple de créer une cellule spécifique de transfert à l’Assistance publique‒hôpitaux de Paris [AP-HP]", ajoute le retour d'expérience.

"Ces transferts demandent une organisation précise, mais elle est intéressante en nombre de personnels utilisés par patient transféré, avec une qualité de soins préservée", concluent les auteurs, après avoir salué la coopération de la SNCF "qui a permis une adaptation des rames, sécurisation des itinéraires, adaptation de la conduite" pour rendre ces évacuations possibles.

(Annales françaises de médecine d'urgence, publication en ligne du lundi 12 octobre)

gl/ab/APMnews

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