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01/02 2018
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DANS L'HÉRAULT, LE MAMMOBILE DÉPISTE LES CANCERS DU SEIN À PARTIR DE 40 ANS ET PROMEUT CETTE PRATIQUE NON RECOMMANDÉE

(Par Virginie BAGOUET)

MONTPELLIER, 1er février 2018 (APMnews) - Dans l'Hérault, le Mammobile qui sillonne les territoires faiblement dotés en cabinet de radiologie, dépiste les femmes entre 50 et 74 ans, mais également à partir de 40 ans, une pratique hors recommandation qu'il promeut, comme l’a révélé en janvier le site d’information régional "Dis-leur !".

Le Mammobile de l'Hérault, lancé en 1990, soit avant la mise en place du dépistage organisé du cancer du sein en France, facilite l'accès aux mammographies des femmes du département géographiquement éloignées de centres de radiologie.

Le bus promeut le dépistage à partir de 40 ans alors que, dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein, les femmes sont invitées tous les deux ans entre 50 et 74 ans, comme le définit le cahier des charges.

Sur le bus est affichée la mention "Dépistage du cancer du sein" et aussi "utile dès 40 ans".

Le Mammobile de l'Hérault en novembre 2017

Le dépistage de ce cancer féminin dans la tranche d'âge recommandée au plan national est financé par l'assurance maladie. Les femmes de 50 à 74 ans sont invitées tous les deux ans à se faire dépister par la structure de gestion locale, Dépistages 34.

Avant 50 ans, ce sont les communes qui financent ce dépistage. La Poste, le laboratoire Sanofi, mais également la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Hérault paient également le Mammobile afin qu'il stationne devant leurs locaux et dépiste leur personnel dès 40 ans, a rapporté à APMnews le Dr Joseph Pujol, radiologue au CHU de Montpellier, et président de l'Association Montpellier-Hérault pour le dépistage du cancer du sein (AMHDCS) qui gère les deux Mammobiles du département.

Pour justifier ce choix de dépistage précoce de masse, le Dr Pujol explique que "l'incidence des cancers s'intensifie fortement à partir de 40 ans" et que le dépistage précoce permet une prise en charge "moins agressive sur des cancers de petite taille".

Interrogé par APMnews sur les risques potentiels liés à cette pratique dès 40 ans, soulignant qu'il a été la personne compétente en radioprotection au CHU de Montpellier, il a assuré que, "passée la quarantaine, le risque de cancérisation due aux rayonnements X est quasiment nul". Et d'ajouter, "personne ne peut apporter la preuve qu'il y a un risque".

Contacté par APMnews, le Dr Jérôme Viguier, directeur du pôle santé publique et soins à l'Institut national du cancer (Inca), a rappelé que l'agence recommandait un dépistage tous les deux ans entre 50-74 ans, tranche d'âge choisie dans la plupart des pays européens et régulièrement réévaluée par la Haute autorité de santé (HAS).

Des sur-risques sans bénéfice démontré, selon l'Inca

"C'est la tranche pour laquelle l'efficacité est la mieux démontrée", a-t-il indiqué.

Entre 40 et 49 ans, alors que "l'impact sur la mortalité par cancer du sein n'a jamais été clairement démontré", le Dr Viguier a énuméré un nombre significatif de risques: augmentation des doses cumulées de rayons auxquelles sont exposées les femmes en débutant le dépistage 10 ans avant, nécessité de recourir à des doses plus importantes à chaque mammographie en raison de la densité plus importante des seins à cet âge plus jeune, multiplication des examens complémentaires associée à cette densité supérieure et risque de sur-diagnostic plus important.

De plus, les femmes qui commencent le dépistage à 40 ans le font souvent tous les ans (au lieu de tous les deux ans), a-t-il ajouté, multipliant encore les risques associés à cette pratique. En France, 40% des femmes ont déjà fait une mammographie avant 50 ans, a-t-il rappelé.

L'Inca est intervenu à plusieurs reprises auprès de la structure de gestion Dépistage 34, pour s'assurer qu'elle n'était pas impliquée dans ce dépistage avant 50 ans, auprès de l'AMHDCS pour leur rappeler les recommandations et auprès de l'agence régionale de santé (ARS) Occitanie afin qu'elle "se positionne et intervienne auprès de cette association", a détaillé Jérôme Viguier. Sans résultat à ce jour.

"Nous n'avons pas de relation financière avec le Mammobile", s'est défendu le directeur général adjoint de l'ARS Occitanie, Jean-Jacques Morfoisse, joint mardi par APMnews. Il a expliqué que l'ARS n'était "pas d'accord" avec ce dépistage chez les femmes de moins de 50 ans. "Nous avons signalé à la structure de gestion et à l'association [AMHDCS] que la communication '100% utile dès 40 ans' n'avait pas la validation de l'ARS", a-il poursuivi.

L'agence n'envisage pas de communiquer auprès des mairies qui financent ce dépistage hors recommandation, ni auprès de la population. Les mairies "prennent leurs responsabilités", estime le directeur général adjoint. Par ailleurs, il considère que communiquer auprès de la population présente le risque que "le message soit compris comme une volonté de supprimer le Mammobile".

Selon lui, ce qui est important est "de faire progresser le dépistage" des femmes de 50 ans et plus, pour qu'elles puissent toutes y avoir accès, "ne pas créer la peur" et "ne pas faire d'amalgame".

Dans une région composée à 50% de zones de montagne, l'évaluation du Mammobile est importante pour voir si l'outil est "transférable dans d'autres zones très rurales", a fait valoir le directeur général.

L'Inca indique avoir repris récemment contact avec l'ARS à ce sujet, dans le cadre du plan de rénovation du dépistage du cancer du sein.

Une évaluation médico-économique des Mammobiles va être conduite dans l'Orne. Le Mammobile de l'Orne a également dépisté avant 50 ans par le passé, mais l'Inca est parvenu à faire entendre raison à ses gestionnaires et le dépistage est désormais réalisé dans la tranche d'âge recommandée.

De son côté, le Dr Pujol assure avoir "l'accord tacite" des pouvoirs publics "depuis 30 ans", Inca et ARS compris. Il avance également être "en contrat avec l'ARS pour aller dans certains quartiers très défavorisés", ce que l'agence régionale réfute.

vib/fb/sl/APMnews

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DANS L'HÉRAULT, LE MAMMOBILE DÉPISTE LES CANCERS DU SEIN À PARTIR DE 40 ANS ET PROMEUT CETTE PRATIQUE NON RECOMMANDÉE

(Par Virginie BAGOUET)

MONTPELLIER, 1er février 2018 (APMnews) - Dans l'Hérault, le Mammobile qui sillonne les territoires faiblement dotés en cabinet de radiologie, dépiste les femmes entre 50 et 74 ans, mais également à partir de 40 ans, une pratique hors recommandation qu'il promeut, comme l’a révélé en janvier le site d’information régional "Dis-leur !".

Le Mammobile de l'Hérault, lancé en 1990, soit avant la mise en place du dépistage organisé du cancer du sein en France, facilite l'accès aux mammographies des femmes du département géographiquement éloignées de centres de radiologie.

Le bus promeut le dépistage à partir de 40 ans alors que, dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein, les femmes sont invitées tous les deux ans entre 50 et 74 ans, comme le définit le cahier des charges.

Sur le bus est affichée la mention "Dépistage du cancer du sein" et aussi "utile dès 40 ans".

Le Mammobile de l'Hérault en novembre 2017

Le dépistage de ce cancer féminin dans la tranche d'âge recommandée au plan national est financé par l'assurance maladie. Les femmes de 50 à 74 ans sont invitées tous les deux ans à se faire dépister par la structure de gestion locale, Dépistages 34.

Avant 50 ans, ce sont les communes qui financent ce dépistage. La Poste, le laboratoire Sanofi, mais également la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Hérault paient également le Mammobile afin qu'il stationne devant leurs locaux et dépiste leur personnel dès 40 ans, a rapporté à APMnews le Dr Joseph Pujol, radiologue au CHU de Montpellier, et président de l'Association Montpellier-Hérault pour le dépistage du cancer du sein (AMHDCS) qui gère les deux Mammobiles du département.

Pour justifier ce choix de dépistage précoce de masse, le Dr Pujol explique que "l'incidence des cancers s'intensifie fortement à partir de 40 ans" et que le dépistage précoce permet une prise en charge "moins agressive sur des cancers de petite taille".

Interrogé par APMnews sur les risques potentiels liés à cette pratique dès 40 ans, soulignant qu'il a été la personne compétente en radioprotection au CHU de Montpellier, il a assuré que, "passée la quarantaine, le risque de cancérisation due aux rayonnements X est quasiment nul". Et d'ajouter, "personne ne peut apporter la preuve qu'il y a un risque".

Contacté par APMnews, le Dr Jérôme Viguier, directeur du pôle santé publique et soins à l'Institut national du cancer (Inca), a rappelé que l'agence recommandait un dépistage tous les deux ans entre 50-74 ans, tranche d'âge choisie dans la plupart des pays européens et régulièrement réévaluée par la Haute autorité de santé (HAS).

Des sur-risques sans bénéfice démontré, selon l'Inca

"C'est la tranche pour laquelle l'efficacité est la mieux démontrée", a-t-il indiqué.

Entre 40 et 49 ans, alors que "l'impact sur la mortalité par cancer du sein n'a jamais été clairement démontré", le Dr Viguier a énuméré un nombre significatif de risques: augmentation des doses cumulées de rayons auxquelles sont exposées les femmes en débutant le dépistage 10 ans avant, nécessité de recourir à des doses plus importantes à chaque mammographie en raison de la densité plus importante des seins à cet âge plus jeune, multiplication des examens complémentaires associée à cette densité supérieure et risque de sur-diagnostic plus important.

De plus, les femmes qui commencent le dépistage à 40 ans le font souvent tous les ans (au lieu de tous les deux ans), a-t-il ajouté, multipliant encore les risques associés à cette pratique. En France, 40% des femmes ont déjà fait une mammographie avant 50 ans, a-t-il rappelé.

L'Inca est intervenu à plusieurs reprises auprès de la structure de gestion Dépistage 34, pour s'assurer qu'elle n'était pas impliquée dans ce dépistage avant 50 ans, auprès de l'AMHDCS pour leur rappeler les recommandations et auprès de l'agence régionale de santé (ARS) Occitanie afin qu'elle "se positionne et intervienne auprès de cette association", a détaillé Jérôme Viguier. Sans résultat à ce jour.

"Nous n'avons pas de relation financière avec le Mammobile", s'est défendu le directeur général adjoint de l'ARS Occitanie, Jean-Jacques Morfoisse, joint mardi par APMnews. Il a expliqué que l'ARS n'était "pas d'accord" avec ce dépistage chez les femmes de moins de 50 ans. "Nous avons signalé à la structure de gestion et à l'association [AMHDCS] que la communication '100% utile dès 40 ans' n'avait pas la validation de l'ARS", a-il poursuivi.

L'agence n'envisage pas de communiquer auprès des mairies qui financent ce dépistage hors recommandation, ni auprès de la population. Les mairies "prennent leurs responsabilités", estime le directeur général adjoint. Par ailleurs, il considère que communiquer auprès de la population présente le risque que "le message soit compris comme une volonté de supprimer le Mammobile".

Selon lui, ce qui est important est "de faire progresser le dépistage" des femmes de 50 ans et plus, pour qu'elles puissent toutes y avoir accès, "ne pas créer la peur" et "ne pas faire d'amalgame".

Dans une région composée à 50% de zones de montagne, l'évaluation du Mammobile est importante pour voir si l'outil est "transférable dans d'autres zones très rurales", a fait valoir le directeur général.

L'Inca indique avoir repris récemment contact avec l'ARS à ce sujet, dans le cadre du plan de rénovation du dépistage du cancer du sein.

Une évaluation médico-économique des Mammobiles va être conduite dans l'Orne. Le Mammobile de l'Orne a également dépisté avant 50 ans par le passé, mais l'Inca est parvenu à faire entendre raison à ses gestionnaires et le dépistage est désormais réalisé dans la tranche d'âge recommandée.

De son côté, le Dr Pujol assure avoir "l'accord tacite" des pouvoirs publics "depuis 30 ans", Inca et ARS compris. Il avance également être "en contrat avec l'ARS pour aller dans certains quartiers très défavorisés", ce que l'agence régionale réfute.

vib/fb/sl/APMnews

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