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14/01 2019
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DÉCÈS AUX URGENCES DE L'HÔPITAL LARIBOISIÈRE (AP-HP): DES EFFECTIFS INSUFFISANTS POINTÉS PAR LA MISSION D'ENQUÊTE

PARIS, 14 janvier 2019 (APMnews) - La mission mandatée par l'AP-HP et l'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France à la suite du décès d'une patiente aux urgences de l'hôpital Lariboisière (Paris, Xe arrondissement) le 18 décembre 2018 révèle, dans son rapport dévoilé lundi par les deux institutions, des dysfonctionnements dans la prise en charge de la patiente ainsi que des effectifs inférieurs aux recommandations professionnelles.

Cette enquête a été diligentée le 21 décembre par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'ARS Ile-de-France à la suite du décès de cette patiente constaté 12 heures après son arrivée dans le service (cf dépêche du 21/12/2018 à 12:54).

Elle a été confiée au Pr Dominique Pateron, président de la collégiale des urgences de l'AP-HP, au Dr Pierre Charestan, chef de service des urgences de l'hôpital d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), ainsi qu'à la direction de l'inspection et de l'audit de l'AP-HP et à l'inspection régionale autonomie santé de l'ARS. La mission avait pour objectifs de reconstituer la chronologie des faits, d'analyser les conditions d'organisation des soins la nuit de l'événement, ainsi que la conformité de la prise en charge de la patiente aux procédures applicables. Elle émet dans son rapport une série de recommandations (cf dépêche du 14/01/2019 à 14:51).

"Les causes du décès de la patiente n'étant pas à ce jour connues et relevant de l'enquête judiciaire, elles ne figurent pas dans le rapport", précisent l'AP-HP et l'ARS dans un communiqué de presse conjoint lundi. La famille a par ailleurs déposé plainte contre X pour homicide involontaire, rappelle-t-on (cf dépêche du 31/12/2018 à 18:00).

La mission précise que la patiente, âgée de 55 ans, a été amenée par les pompiers au service d'accueil des urgences à 18h40, classée "au niveau 3 de priorité et orientée vers le 'circuit court'", puis placée en brancard dans la salle d'attente de ce circuit. Elle a été vue deux fois par l'infirmière qui l'a initialement évaluée, vers 19h puis à 21h, avant son départ.

L'aide-soignante présente dans le service l'a appelée sous son nom d'enregistrement en salle d'attente, "puis en zone d'accueil et à l'extérieur, devant l'entrée ambulatoire du service puis enfin à nouveau dans la salle d'attente du circuit court". Elle n'a pas obtenu de réponse et l'a inscrit "sur le dossier papier à 23h55 ('NRP': patiente ne répondant pas à l'appel)". A 01h18, "le timbre informatique de la patiente est enlevée d'Urqual et la patiente est déclarée 'en fugue'". A 6h, l'aide-soignante présente ce jour-là l'a découverte inanimée. Des manoeuvres de réanimation ont été effectuées pendant 10 minutes, "alors que la patiente [était] en état de mort apparente".

Le rapport met en évidence plusieurs non-conformités dans le processus de prise en charge de la patiente. L'identité notée par les pompiers, inexacte, "n'a pas été remise en cause et l'enregistrement n'a pas été fait sous statut provisoire alors que le contrôle n'avait pas été réalisé en s'appuyant sur une pièce d'identité, en dépit de l'état de conscience de la patiente". L'enregistrement n'a donc "pas été conforme à la procédure", souligne le rapport. Le dysfonctionnement porte aussi sur la surveillance de la patiente dans la salle d'attente du circuit court, la mission notant qu'"au minimum 2 passages auraient dû être effectués entre 21h et l'enregistrement du mode de sortie (01h18)".

"Deux appels (sous mauvaise identité) pour initier la prise en charge médicale ont été réalisés [...] vers minuit et n’ont pas abouti à l’identification de la patiente dans une salle d’attente surchargée. L’erreur d’identité a pu être un élément contributif dans l’absence de réponse lors des appels effectués. Le délai de prise en charge (premier appel pour installation en box plus de 5 heures après l’inscription de la patiente) est très important, et est une conséquence du nombre considérable de patients en attente d’être pris en charge en circuit court", poursuit la mission.

L’enregistrement du mode de sortie n’a pas non plus "été réalisé en conformité avec la procédure du service. L’utilisation d’un login générique ne permet pas d’identifier le professionnel qui a inscrit la sortie", ajoute-t-elle. "La procédure prévoit une sortie après 3 appels infructueux à 20 minutes d’intervalle, notés sur Urqual et une vérification des bracelets d’identité des patients en attente. Elle n’a pas été totalement respectée, la patiente ayant été considérée comme sortie à l’issue de deux appels et sans vérification des bracelets des malades en attente".

Les locaux manquent de surface

Sur les conditions d'organisation des soins la nuit de l'événement, la mission relève que l'activité a été très soutenue le 17 décembre "avec 249 passages enregistrés", (pour une moyenne de 230 par jour). Etaient en outre présents dans la salle d'attente du circuit court quelques personnes en hébergement social ainsi que des parents en circuit long.

Le rapport pointe plus globalement "un problème global d’insuffisance de surface du SAU de Lariboisière et du nombre de boxes d’examen (18 boxes, salle d’accueil des urgences vitales comprise) aboutissant la plupart des soirées à un phénomène 'd’entonnoir' et à un nombre important de patients en attente d’examen médical". Il précise que, "s’il n’existe pas de recommandations sur les surfaces proprement dites, la moyenne des surfaces des SAU français en 2004 était de 40 m² pour 1.000 passages, soit une surface théorique de 3.500 m² pour Lariboisière qui dispose de 2.400 m² dont 800 m² d’UHCD [unité d'hospitalisation de courte durée]".

Par ailleurs, la zone de soins du "circuit court" ne correspond pas "au fast-track recommandé pour le fonctionnement optimisé d’un SAU. En effet, celui de Lariboisière, même s’il est basé sur une répartition des malades selon la charge prévisible de soins, mélange des malades de tri 3, 4 et 5, en attente couchée et assise, ne permettant pas un débit accéléré de la prise en charge des malades".

Le rapport note que "la présence du personnel paramédical était conforme au planning prévisionnel et au planning cible du SAU". Cependant, la charge de travail cette nuit-là n'a "pas permis d’appliquer la procédure de la surveillance de la salle d’attente du circuit court". Il pointe aussi que "le poste de 2e médecin de circuit court en journée a été vacant, ce qui a généré ensuite une surcharge sur l’activité de garde".

De manière générale, le ratio des effectifs médicaux du service d'accueil des urgences de l'hôpital Lariboisière est, "au regard de l’activité, inférieur à celui des SAU de l’APHP: le personnel médical du SAU de Lariboisière est actuellement de 23,5 ETP depuis novembre 2018. Cet effectif fait l’objet d’un plan d’action avec la direction de l’établissement qui avait prévu de passer à 24,5 ETP en février 2019 dans un contexte où la défense des postes d’urgence est particulièrement difficile dans ce GH. Il faudrait 28 ETP pour atteindre la moyenne de l'AP-HP et 32,4 ETP pour s’aligner sur les recommandations professionnelles", relève la mission.

Décès aux urgences de l'hôpital Lariboisière: rapport de la mission conjointe de l'AP-HP et de l'ARS

mlb/nc/APMnews

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PARIS, 14 janvier 2019 (APMnews) - La mission mandatée par l'AP-HP et l'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France à la suite du décès d'une patiente aux urgences de l'hôpital Lariboisière (Paris, Xe arrondissement) le 18 décembre 2018 révèle, dans son rapport dévoilé lundi par les deux institutions, des dysfonctionnements dans la prise en charge de la patiente ainsi que des effectifs inférieurs aux recommandations professionnelles.

Cette enquête a été diligentée le 21 décembre par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'ARS Ile-de-France à la suite du décès de cette patiente constaté 12 heures après son arrivée dans le service (cf dépêche du 21/12/2018 à 12:54).

Elle a été confiée au Pr Dominique Pateron, président de la collégiale des urgences de l'AP-HP, au Dr Pierre Charestan, chef de service des urgences de l'hôpital d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), ainsi qu'à la direction de l'inspection et de l'audit de l'AP-HP et à l'inspection régionale autonomie santé de l'ARS. La mission avait pour objectifs de reconstituer la chronologie des faits, d'analyser les conditions d'organisation des soins la nuit de l'événement, ainsi que la conformité de la prise en charge de la patiente aux procédures applicables. Elle émet dans son rapport une série de recommandations (cf dépêche du 14/01/2019 à 14:51).

"Les causes du décès de la patiente n'étant pas à ce jour connues et relevant de l'enquête judiciaire, elles ne figurent pas dans le rapport", précisent l'AP-HP et l'ARS dans un communiqué de presse conjoint lundi. La famille a par ailleurs déposé plainte contre X pour homicide involontaire, rappelle-t-on (cf dépêche du 31/12/2018 à 18:00).

La mission précise que la patiente, âgée de 55 ans, a été amenée par les pompiers au service d'accueil des urgences à 18h40, classée "au niveau 3 de priorité et orientée vers le 'circuit court'", puis placée en brancard dans la salle d'attente de ce circuit. Elle a été vue deux fois par l'infirmière qui l'a initialement évaluée, vers 19h puis à 21h, avant son départ.

L'aide-soignante présente dans le service l'a appelée sous son nom d'enregistrement en salle d'attente, "puis en zone d'accueil et à l'extérieur, devant l'entrée ambulatoire du service puis enfin à nouveau dans la salle d'attente du circuit court". Elle n'a pas obtenu de réponse et l'a inscrit "sur le dossier papier à 23h55 ('NRP': patiente ne répondant pas à l'appel)". A 01h18, "le timbre informatique de la patiente est enlevée d'Urqual et la patiente est déclarée 'en fugue'". A 6h, l'aide-soignante présente ce jour-là l'a découverte inanimée. Des manoeuvres de réanimation ont été effectuées pendant 10 minutes, "alors que la patiente [était] en état de mort apparente".

Le rapport met en évidence plusieurs non-conformités dans le processus de prise en charge de la patiente. L'identité notée par les pompiers, inexacte, "n'a pas été remise en cause et l'enregistrement n'a pas été fait sous statut provisoire alors que le contrôle n'avait pas été réalisé en s'appuyant sur une pièce d'identité, en dépit de l'état de conscience de la patiente". L'enregistrement n'a donc "pas été conforme à la procédure", souligne le rapport. Le dysfonctionnement porte aussi sur la surveillance de la patiente dans la salle d'attente du circuit court, la mission notant qu'"au minimum 2 passages auraient dû être effectués entre 21h et l'enregistrement du mode de sortie (01h18)".

"Deux appels (sous mauvaise identité) pour initier la prise en charge médicale ont été réalisés [...] vers minuit et n’ont pas abouti à l’identification de la patiente dans une salle d’attente surchargée. L’erreur d’identité a pu être un élément contributif dans l’absence de réponse lors des appels effectués. Le délai de prise en charge (premier appel pour installation en box plus de 5 heures après l’inscription de la patiente) est très important, et est une conséquence du nombre considérable de patients en attente d’être pris en charge en circuit court", poursuit la mission.

L’enregistrement du mode de sortie n’a pas non plus "été réalisé en conformité avec la procédure du service. L’utilisation d’un login générique ne permet pas d’identifier le professionnel qui a inscrit la sortie", ajoute-t-elle. "La procédure prévoit une sortie après 3 appels infructueux à 20 minutes d’intervalle, notés sur Urqual et une vérification des bracelets d’identité des patients en attente. Elle n’a pas été totalement respectée, la patiente ayant été considérée comme sortie à l’issue de deux appels et sans vérification des bracelets des malades en attente".

Les locaux manquent de surface

Sur les conditions d'organisation des soins la nuit de l'événement, la mission relève que l'activité a été très soutenue le 17 décembre "avec 249 passages enregistrés", (pour une moyenne de 230 par jour). Etaient en outre présents dans la salle d'attente du circuit court quelques personnes en hébergement social ainsi que des parents en circuit long.

Le rapport pointe plus globalement "un problème global d’insuffisance de surface du SAU de Lariboisière et du nombre de boxes d’examen (18 boxes, salle d’accueil des urgences vitales comprise) aboutissant la plupart des soirées à un phénomène 'd’entonnoir' et à un nombre important de patients en attente d’examen médical". Il précise que, "s’il n’existe pas de recommandations sur les surfaces proprement dites, la moyenne des surfaces des SAU français en 2004 était de 40 m² pour 1.000 passages, soit une surface théorique de 3.500 m² pour Lariboisière qui dispose de 2.400 m² dont 800 m² d’UHCD [unité d'hospitalisation de courte durée]".

Par ailleurs, la zone de soins du "circuit court" ne correspond pas "au fast-track recommandé pour le fonctionnement optimisé d’un SAU. En effet, celui de Lariboisière, même s’il est basé sur une répartition des malades selon la charge prévisible de soins, mélange des malades de tri 3, 4 et 5, en attente couchée et assise, ne permettant pas un débit accéléré de la prise en charge des malades".

Le rapport note que "la présence du personnel paramédical était conforme au planning prévisionnel et au planning cible du SAU". Cependant, la charge de travail cette nuit-là n'a "pas permis d’appliquer la procédure de la surveillance de la salle d’attente du circuit court". Il pointe aussi que "le poste de 2e médecin de circuit court en journée a été vacant, ce qui a généré ensuite une surcharge sur l’activité de garde".

De manière générale, le ratio des effectifs médicaux du service d'accueil des urgences de l'hôpital Lariboisière est, "au regard de l’activité, inférieur à celui des SAU de l’APHP: le personnel médical du SAU de Lariboisière est actuellement de 23,5 ETP depuis novembre 2018. Cet effectif fait l’objet d’un plan d’action avec la direction de l’établissement qui avait prévu de passer à 24,5 ETP en février 2019 dans un contexte où la défense des postes d’urgence est particulièrement difficile dans ce GH. Il faudrait 28 ETP pour atteindre la moyenne de l'AP-HP et 32,4 ETP pour s’aligner sur les recommandations professionnelles", relève la mission.

Décès aux urgences de l'hôpital Lariboisière: rapport de la mission conjointe de l'AP-HP et de l'ARS

mlb/nc/APMnews

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