Actualités de l'Urgence - APM

21/05 2024
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EMEUTES EN NOUVELLE-CALÉDONIE: LE SYSTÈME DE SANTÉ EN SOUFFRANCE (ACTUALISATION)

(Avec la réaction de Renaloo)

NOUMÉA (Nouvelle-Calédonie), 21 mai 2024 (APMnews) - Le système de santé et l'accès soins paient un lourd tribut aux violences que connaît la Nouvelle-Calédonie depuis le début de la semaine dernière, selon les communiqués de l'hôpital de Nouméa et des autorités, ainsi que plusieurs témoignages rapportés dans la presse.

Le fonctionnement du centre hospitalier territorial (CHT) - Médipôle de Nouméa est très fortement affecté par les troubles qui ont explosé en réaction à un projet de réforme du corps électoral, contesté par les indépendantistes. L'état d'urgence a été instauré dans l'archipel mercredi 15 mai.

"Compte tenu des difficultés d'accès aux hôpitaux, notamment au Médipôle, un poste médical avancé (PMA) a été mis en place, afin de permettre une première prise en charge médicale. Il est opéré par le gouvernement", a fait savoir l'hôpital lundi sur sa page Facebook, relayant les informations du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. "Le Médipôle a fourni du matériel médical et de premier secours, permettant l'ouverture du PMA."

Ce PMA, installé dans le centre-ville de Nouméa, "opéré par les services de la direction de la sécurité civile et de la gestion des risques (DSCGR) en coordination avec la direction des affaires sanitaires et sociales (Dass), a été mis en place afin de permettre une première prise en charge", explique le gouvernement dans son communiqué.

Il "assure une prise en charge médicale complémentaire et la stabilisation des patients avant leur évacuation, après régulation par le Samu, vers un établissement de santé adapté".

Le gouvernement assure également être "à pied d'œuvre pour faciliter la relève du personnel médical dans les différentes structures médicales".

L'hôpital de Nouméa a par ailleurs fait savoir lundi que ses réserves de poches de sang "ont été reconstituées grâce à des dons de produits sanguins en provenance de Tahiti et de métropole". La situation ne permet pas d'ouvrir le centre de don du sang, a-t-il précisé.

"Notre personnel soignant et nos équipes support en place au CHT et CHS [centre hospitalier spécialisé, également à Nouméa] reçoivent depuis vendredi des ravitaillements d'urgence, ce qui contribue à assurer la continuité des soins pour nos patients", a-t-il aussi fait savoir dimanche, précisant recevoir le soutien de soignants de l'archipel. Par ailleurs, "les services de restauration du CHT et du CHS peuvent continuer la production des repas destinés à nos patients."

Dans un post sur le réseau social X, le haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a précisé dimanche que "13 Ehpad [ont été] approvisionnés en denrées alimentaires, en lien avec les FANC [forces armées de Nouvelle-Calédonie], la direction régionale des douanes de Nouvelle-Calédonie et le port autonome de Nouméa".

Trois jours après le début des émeutes, le Médipôle avait assuré, jeudi dans un communiqué, s'efforcer "de maintenir la continuité et la permanence des soins". Mais il a précisé avoir dû reporter l'ensemble de ses consultations et prises en charge programmées, y compris en hôpital de jour, afin de prioriser les urgences.

"Compte tenu des difficultés de déplacement, notre personnel est contraint de rester sur site, engendrant des journées de travail prolongées et une fatigue croissante heure après heure", a-t-il décrit. "Cette situation affecte également nos patients qui ne peuvent quitter le Médipôle après leur traitement. Les visites des familles sont interdites jusqu'à nouvel ordre."

Le hall de l'hôpital a dû être "réorganisé" pour pouvoir accueillir les patients qui ne peuvent pas rentrer chez eux en raison des barrages routiers, notamment des mères avec leurs nouveau-nés.

Inquiétudes sur les reports de soins

Le Médipôle "s'organise pour soutenir les structures actuellement en difficulté et maintenir leur activité (notamment l'activité de dialyse). De nombreux patients appellent le 15, mais ce dernier n'est pas en mesure d'assurer leur transfert vers le Médipôle [où l'accueil des urgences est assuré], compte tenu du blocage des routes et des difficultés d'accès au Médipôle. Cette situation a des conséquences sur l'état de santé de nos patients notamment chroniques", a déploré l'hôpital.

Plusieurs récits font état d'une situation très préoccupante. "On fait au mieux pour accueillir les patients, avec les équipes que l'on a, puisqu'elles ne peuvent pas être relevées", témoigne dans un article paru dans Le Monde daté de dimanche à mardi le directeur de l'hôpital, Leslie Levant. "Les logements des internes ont brûlé", est-il précisé dans l'article. "On commence à avoir du mal à nourrir tout le monde", raconte une aide-soignante, selon qui "les repas des patients se sont très, très vite allégés".

"Notre centre de dialyse principal a été pillé. L'autre est situé en plein milieu d'un point chaud. Le troisième a pu être rouvert seulement ce matin", a déploré dans le même article Nicolas Darsaut, directeur de l'Association pour la prévention et le traitement de l'insuffisance rénale en Nouvelle-Calédonie.

"La situation sanitaire des patients dialysés est alarmante sur le Grand Nouméa", a alerté l'association jeudi dans un communiqué. "Nous faisons le maximum pour les traiter avec les quelques postes qui sont encore à notre disposition, mais nous n'y arrivons plus. Par manque de dialyse, beaucoup de vieux du pays risquent de ne pas tenir les prochaines 24 à 48 heures. Nous allons manquer de matériel aussi, et partout sur le territoire."

Dans un communiqué de mardi, l'association Renaloo appelle "les pouvoirs publics à tout mettre en œuvre, en lien avec les professionnels de santé et les associations de patients, pour que la santé et la vie des personnes dialysées soient protégées". Parmi les patients atteints de pathologies aiguës ou chroniques, "700 personnes dialysées se trouvent dans une situation particulièrement dramatique", chiffre-t-elle.

"On estime que jeudi, trois ou quatre personnes seraient probablement décédées par défaut d'accessibilité aux soins", a déclaré le président de la commission médicale d'établissement (CME) du Médipôle, Thierry de Greslan, vendredi sur Franceinfo. "Aujourd'hui, je n'ai pas les chiffres. C'est une estimation qui est très difficile. Mais il y a des dégâts collatéraux qui sont terribles", a-t-il ajouté. Ces derniers jours, "on avait une cinquantaine de dialysés qui n'avaient pas pu accéder à leur dialyse".

Décrivant une situation de "guérilla urbaine avec son lot de blessés par balle" et de fractures traumatiques à prendre en urgence, il a expliqué craindre les effets "rebond" des reports de soins. Un des deux sites de stockage de médicaments consacrés aux pharmacies de l'archipel a été incendié, ainsi que des officines, a aussi relaté Franceinfo.

L'ordre des infirmiers déplore la "destruction de l'Ifsi"

L'Ordre national des infirmiers a déclaré lundi sur X avoir "a appris avec une grande tristesse la destruction de l'Ifsi [institut de formation en soins infirmiers] de Nouméa" à la suite d'un incendie et apporter son soutien "à l'ensemble de ses étudiants et de son personnel, comme à l'ensemble des soignants de Nouvelle-Calédonie dans cette période extrêmement difficile".

Les autorités déclaraient en fin de semaine dernière espérer un début d'apaisement. L'instauration de l'état d'urgence a permis "pour la première fois depuis lundi de retrouver une situation plus calme et apaisée dans le Grand Nouméa, malgré les incendies d'une école et de deux entreprises", a rapporté vendredi le haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie, précisant que "la nuit a également été marquée par l'arrivée de renforts envoyés par nos autorités à Paris".

"Le bilan des personnes décédées s'élève à six morts dont deux gendarmes", a précisé la même source dimanche.

Le président de la République a réuni lundi soir un nouveau conseil de défense et de sécurité nationale sur le suivi de la situation en Nouvelle-Calédonie, au cours duquel il a constaté "de nets progrès dans le rétablissement de l'ordre" et décidé que des militaires allaient être déployés pour "protéger les bâtiments publics", a indiqué l'Elysée à APMnews.

Interrogé lundi sur BFMTV sur la perception d'une accalmie, François Jourdel, chirurgien à Nouméa, a expliqué que l'hôpital recevait "moins de blessés, moins de plaies par balle", mais que l'accès à l'hôpital restait "difficile".

De plus, "on commence à voir arriver les blessés que l'on n'a pas pu prendre en charge tout de suite parce qu'ils n'ont pas eu accès à la route pour rejoindre l'hôpital", a-t-il témoigné. "Donc on n'est pas encore submergés de patients."

mlb-san/nc/APMnews

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(Avec la réaction de Renaloo)

NOUMÉA (Nouvelle-Calédonie), 21 mai 2024 (APMnews) - Le système de santé et l'accès soins paient un lourd tribut aux violences que connaît la Nouvelle-Calédonie depuis le début de la semaine dernière, selon les communiqués de l'hôpital de Nouméa et des autorités, ainsi que plusieurs témoignages rapportés dans la presse.

Le fonctionnement du centre hospitalier territorial (CHT) - Médipôle de Nouméa est très fortement affecté par les troubles qui ont explosé en réaction à un projet de réforme du corps électoral, contesté par les indépendantistes. L'état d'urgence a été instauré dans l'archipel mercredi 15 mai.

"Compte tenu des difficultés d'accès aux hôpitaux, notamment au Médipôle, un poste médical avancé (PMA) a été mis en place, afin de permettre une première prise en charge médicale. Il est opéré par le gouvernement", a fait savoir l'hôpital lundi sur sa page Facebook, relayant les informations du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. "Le Médipôle a fourni du matériel médical et de premier secours, permettant l'ouverture du PMA."

Ce PMA, installé dans le centre-ville de Nouméa, "opéré par les services de la direction de la sécurité civile et de la gestion des risques (DSCGR) en coordination avec la direction des affaires sanitaires et sociales (Dass), a été mis en place afin de permettre une première prise en charge", explique le gouvernement dans son communiqué.

Il "assure une prise en charge médicale complémentaire et la stabilisation des patients avant leur évacuation, après régulation par le Samu, vers un établissement de santé adapté".

Le gouvernement assure également être "à pied d'œuvre pour faciliter la relève du personnel médical dans les différentes structures médicales".

L'hôpital de Nouméa a par ailleurs fait savoir lundi que ses réserves de poches de sang "ont été reconstituées grâce à des dons de produits sanguins en provenance de Tahiti et de métropole". La situation ne permet pas d'ouvrir le centre de don du sang, a-t-il précisé.

"Notre personnel soignant et nos équipes support en place au CHT et CHS [centre hospitalier spécialisé, également à Nouméa] reçoivent depuis vendredi des ravitaillements d'urgence, ce qui contribue à assurer la continuité des soins pour nos patients", a-t-il aussi fait savoir dimanche, précisant recevoir le soutien de soignants de l'archipel. Par ailleurs, "les services de restauration du CHT et du CHS peuvent continuer la production des repas destinés à nos patients."

Dans un post sur le réseau social X, le haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a précisé dimanche que "13 Ehpad [ont été] approvisionnés en denrées alimentaires, en lien avec les FANC [forces armées de Nouvelle-Calédonie], la direction régionale des douanes de Nouvelle-Calédonie et le port autonome de Nouméa".

Trois jours après le début des émeutes, le Médipôle avait assuré, jeudi dans un communiqué, s'efforcer "de maintenir la continuité et la permanence des soins". Mais il a précisé avoir dû reporter l'ensemble de ses consultations et prises en charge programmées, y compris en hôpital de jour, afin de prioriser les urgences.

"Compte tenu des difficultés de déplacement, notre personnel est contraint de rester sur site, engendrant des journées de travail prolongées et une fatigue croissante heure après heure", a-t-il décrit. "Cette situation affecte également nos patients qui ne peuvent quitter le Médipôle après leur traitement. Les visites des familles sont interdites jusqu'à nouvel ordre."

Le hall de l'hôpital a dû être "réorganisé" pour pouvoir accueillir les patients qui ne peuvent pas rentrer chez eux en raison des barrages routiers, notamment des mères avec leurs nouveau-nés.

Inquiétudes sur les reports de soins

Le Médipôle "s'organise pour soutenir les structures actuellement en difficulté et maintenir leur activité (notamment l'activité de dialyse). De nombreux patients appellent le 15, mais ce dernier n'est pas en mesure d'assurer leur transfert vers le Médipôle [où l'accueil des urgences est assuré], compte tenu du blocage des routes et des difficultés d'accès au Médipôle. Cette situation a des conséquences sur l'état de santé de nos patients notamment chroniques", a déploré l'hôpital.

Plusieurs récits font état d'une situation très préoccupante. "On fait au mieux pour accueillir les patients, avec les équipes que l'on a, puisqu'elles ne peuvent pas être relevées", témoigne dans un article paru dans Le Monde daté de dimanche à mardi le directeur de l'hôpital, Leslie Levant. "Les logements des internes ont brûlé", est-il précisé dans l'article. "On commence à avoir du mal à nourrir tout le monde", raconte une aide-soignante, selon qui "les repas des patients se sont très, très vite allégés".

"Notre centre de dialyse principal a été pillé. L'autre est situé en plein milieu d'un point chaud. Le troisième a pu être rouvert seulement ce matin", a déploré dans le même article Nicolas Darsaut, directeur de l'Association pour la prévention et le traitement de l'insuffisance rénale en Nouvelle-Calédonie.

"La situation sanitaire des patients dialysés est alarmante sur le Grand Nouméa", a alerté l'association jeudi dans un communiqué. "Nous faisons le maximum pour les traiter avec les quelques postes qui sont encore à notre disposition, mais nous n'y arrivons plus. Par manque de dialyse, beaucoup de vieux du pays risquent de ne pas tenir les prochaines 24 à 48 heures. Nous allons manquer de matériel aussi, et partout sur le territoire."

Dans un communiqué de mardi, l'association Renaloo appelle "les pouvoirs publics à tout mettre en œuvre, en lien avec les professionnels de santé et les associations de patients, pour que la santé et la vie des personnes dialysées soient protégées". Parmi les patients atteints de pathologies aiguës ou chroniques, "700 personnes dialysées se trouvent dans une situation particulièrement dramatique", chiffre-t-elle.

"On estime que jeudi, trois ou quatre personnes seraient probablement décédées par défaut d'accessibilité aux soins", a déclaré le président de la commission médicale d'établissement (CME) du Médipôle, Thierry de Greslan, vendredi sur Franceinfo. "Aujourd'hui, je n'ai pas les chiffres. C'est une estimation qui est très difficile. Mais il y a des dégâts collatéraux qui sont terribles", a-t-il ajouté. Ces derniers jours, "on avait une cinquantaine de dialysés qui n'avaient pas pu accéder à leur dialyse".

Décrivant une situation de "guérilla urbaine avec son lot de blessés par balle" et de fractures traumatiques à prendre en urgence, il a expliqué craindre les effets "rebond" des reports de soins. Un des deux sites de stockage de médicaments consacrés aux pharmacies de l'archipel a été incendié, ainsi que des officines, a aussi relaté Franceinfo.

L'ordre des infirmiers déplore la "destruction de l'Ifsi"

L'Ordre national des infirmiers a déclaré lundi sur X avoir "a appris avec une grande tristesse la destruction de l'Ifsi [institut de formation en soins infirmiers] de Nouméa" à la suite d'un incendie et apporter son soutien "à l'ensemble de ses étudiants et de son personnel, comme à l'ensemble des soignants de Nouvelle-Calédonie dans cette période extrêmement difficile".

Les autorités déclaraient en fin de semaine dernière espérer un début d'apaisement. L'instauration de l'état d'urgence a permis "pour la première fois depuis lundi de retrouver une situation plus calme et apaisée dans le Grand Nouméa, malgré les incendies d'une école et de deux entreprises", a rapporté vendredi le haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie, précisant que "la nuit a également été marquée par l'arrivée de renforts envoyés par nos autorités à Paris".

"Le bilan des personnes décédées s'élève à six morts dont deux gendarmes", a précisé la même source dimanche.

Le président de la République a réuni lundi soir un nouveau conseil de défense et de sécurité nationale sur le suivi de la situation en Nouvelle-Calédonie, au cours duquel il a constaté "de nets progrès dans le rétablissement de l'ordre" et décidé que des militaires allaient être déployés pour "protéger les bâtiments publics", a indiqué l'Elysée à APMnews.

Interrogé lundi sur BFMTV sur la perception d'une accalmie, François Jourdel, chirurgien à Nouméa, a expliqué que l'hôpital recevait "moins de blessés, moins de plaies par balle", mais que l'accès à l'hôpital restait "difficile".

De plus, "on commence à voir arriver les blessés que l'on n'a pas pu prendre en charge tout de suite parce qu'ils n'ont pas eu accès à la route pour rejoindre l'hôpital", a-t-il témoigné. "Donc on n'est pas encore submergés de patients."

mlb-san/nc/APMnews

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