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03/07 2023
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GRÈVE DES PRATICIENS HOSPITALIERS: L'ATTRACTIVITÉ DU STATUT, UN PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE (SYNDICATS)

PARIS, 3 juillet 2023 (APMnews) - La chute de l'attractivité du statut de praticiens hospitaliers (PH) ne concerne pas seulement les conditions de travail des professionnels mais menace aussi la santé publique, ont fait valoir lundi l'intersyndicale Action Praticiens Hôpital (APH), Jeunes médecins et l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), lors d'une conférence de presse à l'occasion de la journée de grève qu'ils organisent.

APH, qui regroupe Avenir hospitalier et la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), avait déposé début juin un préavis de grève pour la journée de lundi, tandis qu'Alliance Hôpital et l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) avaient, eux, appelé à la mobilisation mardi, rappelle-t-on (cf dépêche du 12/06/2023 à 17:22).

"Cela aurait été mieux de faire une grève commune", a reconnu le président d'APH, le Dr Jean-François Cibien. Unies jusqu'au printemps, les intersyndicales se sont divisées à la suite d'un communiqué d'APH évoquant "un Ségur bâclé".

"Alors que l'on ne veut pas de Ségur, on veut construire quelque chose de neuf", a insisté le porte-parole de l'Amuf, Christophe Prudhomme.

En organisant leur grève un autre jour, l'INPH et Alliance Hôpital, signataires des accords du Ségur, auraient ainsi voulu se distinguer des organisations professionnelles n'ayant pas approuvé ces accords.

Une tactique qui semble avoir payé: ce sont les syndicats en grève mardi qui seront reçus demain au ministère de la santé et de la prévention. "Nous n'avons pas été invités au ministère. Ceux qui ont signé le Ségur sont invités, pas les autres", ont déploré APH, l'Amuf et Jeunes médecins.

Concernant la participation de lundi, il y avait par exemple 80% de grévistes au groupe hospitalier La Rochelle Ré-Aunis et 65% au centre hospitalier (CH) d'Annecy, a cité APH.

En finir avec les gardes de 24 heures

Au cours de la conférence, les différents représentants des personnels ont dépeint une "dégradation importante" du statut de PH depuis une vingtaine années.

"La permanence des soins a été occultée durant le Ségur", a jugé Jean-François Cibien. "Aujourd'hui, la pénibilité n'est plus la même, elle est exacerbée", a-t-il ajouté, décrivant une charge de travail plus importante.

Pour appuyer ce constat, la présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateur élargi (SNPHARE), le Dr Anne Geffroy-Wernet, a présenté les résultats de deux enquêtes menées en juin 2023 et l'an dernier.

Sur l'ensemble des PH interrogés, 82% ont estimé que le Ségur de la santé n'a amélioré ni l'exercice ni l'attractivité de leur profession.

La permanence des soins apparaît en outre de moins en moins attractive. Ils sont ainsi 40% à la considérer comme une corvée. Près de la moitié des PH interrogés veulent réduire leur participation à cette permanence, et 18% ne veulent plus en faire du tout.

Les participants veulent en outre réduire la durée maximale d'une garde, pour atteindre un plafond de 18 heures pour 20% d'entre eux, et de 12 heures pour 40%.

"Les données scientifiques montrent qu'un patient pris en charge au bout de la 20e heure de garde ne connaît pas la même qualité de prise en charge qu'un patient pris en charge durant les premières heures", a fait valoir le Dr Emanuel Loeb, président de Jeunes médecins.

"Au-delà de la revalorisation, il faut se demander s'il est légitime de maintenir des temps de travail de 24 heures non-stop", a-t-il poursuivi, évoquant un "danger accru" à partir de la huitième heure de garde.

La surmortalité de 50.000 décès en 2022 (cf dépêche du 08/06/2023 à 16:47) pourrait ainsi s'expliquer en partie par une dégradation de la prise en charge des patients liée à une permanence des soins de plus en plus dure à assurer, a jugé le président de l'Amuf, Patrick Pelloux.

Dix mille postes de PH vacants

La rémunération est aussi pointée du doigt par 95% des PH, jugeant que la permanence des soins est "mal ou très mal payée".

Plus largement, les syndicats constatent une baisse de la rémunération des PH liée à une prise en compte insuffisante de l'inflation. Selon des chiffres avancées par le délégué général d'APH, le Dr Yves Rébufat, les émoluments pour le 13e échelon ont par exemple diminué de 5.300 € entre 2003 et 2023, "en incluant la compensation liée à l'indemnité de service public exclusif".

"Je ne connais pas beaucoup de professions qui ont perdu un mois de salaire sans râler", a-t-il souligné.

De fait, le pouvoir d'achat des PH aurait chuté de 20% à 30%, selon APH.

Conséquence, "l'hôpital public n'attire plus", ont observé les syndicats. Il y aurait 10.000 postes vacants de PH actuellement, pour 3.300 candidats à la rentrée, a mis en avant Christophe Prudhomme.

La loi Rist contournée

Alors que la démographie médicale est "en berne", les hôpitaux publics se retrouvent en concurrence avec les établissements privés mais aussi d'autres hôpitaux publics, en raison de l'essor des contrats de type 2, a déploré Yves Rébufat.

Ces contrats, qui peuvent être signés "en cas de difficultés particulières de recrutement ou d'exercice pour une activité nécessaire à l'offre de soins", connaîtraient un grand succès auprès des établissements, leur permettant de "contourner" les dispositions de la loi Rist sur l'intérim, appliquées depuis le 1er avril (cf dépêche du 23/06/2023 à 16:37).

La rémunération de ces médecins contractuels pourrait atteindre "120.000 € par an" contre un maximum en fin de carrière de 100.000 € par an pour les PH, a déclaré Anne Geffroy-Wernet.

Initialement prévus pour une durée maximale renouvelable de trois ans, ces contrats seraient dans les faits signés pour des périodes plus courtes grâce aux dérogations possibles des agences régionales de santé (ARS, cf dépêche du 12/04/2023 à 14:03).

Une concurrence qui fragilise là aussi le statut de PH: "Sans les contrat de type 2, certains jeunes auraient été recrutés normalement, et maintenant ils font augmenté les enchères", a regretté la présidente du SNPHARE.

Des revendications acceptées "dans le principe"

En réponse, APH, Jeunes médecins et l'Amuf ont fait valoir leurs revendications.

Ils demandent ainsi une reprise des quatre ans d'ancienneté pour tous les PH nommés avant le 1er octobre 2020, la grille instaurée en 2020 entraînant pour les professionnels concernés une perte de revenus mais aussi l'impossibilité d'atteindre le dernier échelon de la grille des PH.

Une revalorisation "immédiate" de la permanence des soins est également exigée, incluant notamment 500 à 600 € net pour les gardes de 12 à 14 heures la nuit.

Par ailleurs, "on veut aussi que le temps d'astreinte soit intégré dans le temps de travail pour le droit à la retraite", a plaidé Jean-François Cibien.

Au cours des premières phases de négociations, ces revendications ont été plutôt bien reçues par la direction générale de l'offre de soins (DGOS), selon Yves Rébufat.

Sur les quatre ans d'ancienneté, il y a eu une difficulté "technique et juridique", a-t-il toutefois expliqué. "Mais le concept de revaloriser les PH du ventre mou du corps, c'est-à-dire ceux nommés avant 2020, est accepté par la DGOS."

Même chose sur la permanence des soins, où "tout le monde" serait d'accord sur l'actuelle rémunération des professionnels impliqués, sans pourtant parvenir à des mesures concrètes.

mg/nc/APMnews

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PARIS, 3 juillet 2023 (APMnews) - La chute de l'attractivité du statut de praticiens hospitaliers (PH) ne concerne pas seulement les conditions de travail des professionnels mais menace aussi la santé publique, ont fait valoir lundi l'intersyndicale Action Praticiens Hôpital (APH), Jeunes médecins et l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), lors d'une conférence de presse à l'occasion de la journée de grève qu'ils organisent.

APH, qui regroupe Avenir hospitalier et la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), avait déposé début juin un préavis de grève pour la journée de lundi, tandis qu'Alliance Hôpital et l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) avaient, eux, appelé à la mobilisation mardi, rappelle-t-on (cf dépêche du 12/06/2023 à 17:22).

"Cela aurait été mieux de faire une grève commune", a reconnu le président d'APH, le Dr Jean-François Cibien. Unies jusqu'au printemps, les intersyndicales se sont divisées à la suite d'un communiqué d'APH évoquant "un Ségur bâclé".

"Alors que l'on ne veut pas de Ségur, on veut construire quelque chose de neuf", a insisté le porte-parole de l'Amuf, Christophe Prudhomme.

En organisant leur grève un autre jour, l'INPH et Alliance Hôpital, signataires des accords du Ségur, auraient ainsi voulu se distinguer des organisations professionnelles n'ayant pas approuvé ces accords.

Une tactique qui semble avoir payé: ce sont les syndicats en grève mardi qui seront reçus demain au ministère de la santé et de la prévention. "Nous n'avons pas été invités au ministère. Ceux qui ont signé le Ségur sont invités, pas les autres", ont déploré APH, l'Amuf et Jeunes médecins.

Concernant la participation de lundi, il y avait par exemple 80% de grévistes au groupe hospitalier La Rochelle Ré-Aunis et 65% au centre hospitalier (CH) d'Annecy, a cité APH.

En finir avec les gardes de 24 heures

Au cours de la conférence, les différents représentants des personnels ont dépeint une "dégradation importante" du statut de PH depuis une vingtaine années.

"La permanence des soins a été occultée durant le Ségur", a jugé Jean-François Cibien. "Aujourd'hui, la pénibilité n'est plus la même, elle est exacerbée", a-t-il ajouté, décrivant une charge de travail plus importante.

Pour appuyer ce constat, la présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateur élargi (SNPHARE), le Dr Anne Geffroy-Wernet, a présenté les résultats de deux enquêtes menées en juin 2023 et l'an dernier.

Sur l'ensemble des PH interrogés, 82% ont estimé que le Ségur de la santé n'a amélioré ni l'exercice ni l'attractivité de leur profession.

La permanence des soins apparaît en outre de moins en moins attractive. Ils sont ainsi 40% à la considérer comme une corvée. Près de la moitié des PH interrogés veulent réduire leur participation à cette permanence, et 18% ne veulent plus en faire du tout.

Les participants veulent en outre réduire la durée maximale d'une garde, pour atteindre un plafond de 18 heures pour 20% d'entre eux, et de 12 heures pour 40%.

"Les données scientifiques montrent qu'un patient pris en charge au bout de la 20e heure de garde ne connaît pas la même qualité de prise en charge qu'un patient pris en charge durant les premières heures", a fait valoir le Dr Emanuel Loeb, président de Jeunes médecins.

"Au-delà de la revalorisation, il faut se demander s'il est légitime de maintenir des temps de travail de 24 heures non-stop", a-t-il poursuivi, évoquant un "danger accru" à partir de la huitième heure de garde.

La surmortalité de 50.000 décès en 2022 (cf dépêche du 08/06/2023 à 16:47) pourrait ainsi s'expliquer en partie par une dégradation de la prise en charge des patients liée à une permanence des soins de plus en plus dure à assurer, a jugé le président de l'Amuf, Patrick Pelloux.

Dix mille postes de PH vacants

La rémunération est aussi pointée du doigt par 95% des PH, jugeant que la permanence des soins est "mal ou très mal payée".

Plus largement, les syndicats constatent une baisse de la rémunération des PH liée à une prise en compte insuffisante de l'inflation. Selon des chiffres avancées par le délégué général d'APH, le Dr Yves Rébufat, les émoluments pour le 13e échelon ont par exemple diminué de 5.300 € entre 2003 et 2023, "en incluant la compensation liée à l'indemnité de service public exclusif".

"Je ne connais pas beaucoup de professions qui ont perdu un mois de salaire sans râler", a-t-il souligné.

De fait, le pouvoir d'achat des PH aurait chuté de 20% à 30%, selon APH.

Conséquence, "l'hôpital public n'attire plus", ont observé les syndicats. Il y aurait 10.000 postes vacants de PH actuellement, pour 3.300 candidats à la rentrée, a mis en avant Christophe Prudhomme.

La loi Rist contournée

Alors que la démographie médicale est "en berne", les hôpitaux publics se retrouvent en concurrence avec les établissements privés mais aussi d'autres hôpitaux publics, en raison de l'essor des contrats de type 2, a déploré Yves Rébufat.

Ces contrats, qui peuvent être signés "en cas de difficultés particulières de recrutement ou d'exercice pour une activité nécessaire à l'offre de soins", connaîtraient un grand succès auprès des établissements, leur permettant de "contourner" les dispositions de la loi Rist sur l'intérim, appliquées depuis le 1er avril (cf dépêche du 23/06/2023 à 16:37).

La rémunération de ces médecins contractuels pourrait atteindre "120.000 € par an" contre un maximum en fin de carrière de 100.000 € par an pour les PH, a déclaré Anne Geffroy-Wernet.

Initialement prévus pour une durée maximale renouvelable de trois ans, ces contrats seraient dans les faits signés pour des périodes plus courtes grâce aux dérogations possibles des agences régionales de santé (ARS, cf dépêche du 12/04/2023 à 14:03).

Une concurrence qui fragilise là aussi le statut de PH: "Sans les contrat de type 2, certains jeunes auraient été recrutés normalement, et maintenant ils font augmenté les enchères", a regretté la présidente du SNPHARE.

Des revendications acceptées "dans le principe"

En réponse, APH, Jeunes médecins et l'Amuf ont fait valoir leurs revendications.

Ils demandent ainsi une reprise des quatre ans d'ancienneté pour tous les PH nommés avant le 1er octobre 2020, la grille instaurée en 2020 entraînant pour les professionnels concernés une perte de revenus mais aussi l'impossibilité d'atteindre le dernier échelon de la grille des PH.

Une revalorisation "immédiate" de la permanence des soins est également exigée, incluant notamment 500 à 600 € net pour les gardes de 12 à 14 heures la nuit.

Par ailleurs, "on veut aussi que le temps d'astreinte soit intégré dans le temps de travail pour le droit à la retraite", a plaidé Jean-François Cibien.

Au cours des premières phases de négociations, ces revendications ont été plutôt bien reçues par la direction générale de l'offre de soins (DGOS), selon Yves Rébufat.

Sur les quatre ans d'ancienneté, il y a eu une difficulté "technique et juridique", a-t-il toutefois expliqué. "Mais le concept de revaloriser les PH du ventre mou du corps, c'est-à-dire ceux nommés avant 2020, est accepté par la DGOS."

Même chose sur la permanence des soins, où "tout le monde" serait d'accord sur l'actuelle rémunération des professionnels impliqués, sans pourtant parvenir à des mesures concrètes.

mg/nc/APMnews

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