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13/06 2023
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GRIPPE AVIAIRE: LA "PERSISTANCE INÉDITE" DU VIRUS DANS L'ENVIRONNEMENT AUGMENTE LE RISQUE DE TRANSMISSION À L'HOMME (COVARS)

PARIS, 13 juin 2023 (APMnews) - S'il considère que le risque pandémique lié à la grippe aviaire n'est pas "pour demain", le comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) "alerte néanmoins sur la persistance de la circulation de ce virus dans la faune sauvage […] et donc de l'augmentation du risque statistique de transmission à l'homme d'une forme qui serait particulièrement sévère", a déclaré sa présidente, le Pr Brigitte Autran, lundi lors d'un point presse en ligne.

Le Covars, qui s'était autosaisi de la question du risque sanitaire de grippe aviaire lié à l'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), a transmis jeudi son avis aux autorités nationales.

Le contexte en France est celui d'une "crise sans précédent" liée à une épizootie d'IAHP survenue en 2021-2022, qui a conduit à l'abattage préventif de plus de 21 millions de volailles et à des pertes économiques estimées à plus de 1 milliard d'euros en 2022, ont rappelé les membres du comité lors d'un point presse lundi.

"Même si la situation était plus calme en ce début d'année, il y a de nouveau des cas qui sont intervenus il y a quelques semaines, en particulier dans le Sud-Ouest", a pointé Brigitte Autran, tout en rappelant que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait appelé en février à une vigilance accrue, notamment du fait de la mort d'un enfant infecté au Cambodge.

A ce jour, aucune chaîne de transmission interhumaine n'a encore été observée, mais "le contexte est marqué par la persistance du virus dans l'environnement malgré tous les efforts développés par les agences sanitaires et par les acteurs du domaine, notamment les éleveurs, et il est donc nécessaire de renforcer le dispositif de veille et d'anticipation des risques sanitaires", a souligné Brigitte Autran.

"On surveille particulièrement l'influenza aviaire H5N1 car on sait que certains sous-types, lorsqu'ils circulent chez les oiseaux, sont capables de développer des virus hyperpathogènes", a pointé le virologue Bruno Lina.

"Le fait que ce virus devienne endémique et que les oiseaux se contaminent ne présage pas a priori d'un risque très élevé de transmission à des mammifères ou à l'homme, mais comme c'est un risque statistique, plus il y a d'épisodes de contamination vers les oiseaux, plus on risque éventuellement d'observer la contamination de mammifères dont l'homme, d'où l'intérêt de la surveillance qui doit être très étroite", a-t-il poursuivi.

Il a précisé que les mutations de l'hémagglutinine (au niveau de la zone d'attachement du virus) qui pourraient conduire à une possibilité de circulation chez l'homme et donc à des chaînes de transmission n'étaient pas présentes sur le virus H5N1 de clade 2.3.4.4b, "celui qui est endémique et qui circule partout au niveau international".

Il a détaillé les quatre scénarios envisagés en matière de risque, le "plus probable" étant celui de niveau 2, dans lequel la situation se maintient avec une circulation intense du virus, une endémisation dans la faune sauvage et éventuellement des transmissions ponctuelles, au sein d'élevages par exemple. Le premier scénario, "peu vraisemblable à court terme", est celui d'une situation qui s'améliore, avec un retour à la normale.

Dans le troisième scénario, la situation se dégrade, le virus s'adapte à l'homme et l'on observe une multiplication des cas humains, tandis que dans le quatrième, une épidémie voire une pandémie grippale se déclare, avec une transmission interhumaine d'un nouveau virus influenza -mais le risque que ce dernier scénario survienne est considéré comme "faible".

"Nous n'alertons pas au loup, il n'est pas du tout question de dire 'attention, le risque pandémique est pour demain', mais ce sur quoi nous alertons, c'est sur la persistance de la circulation de ce virus dans la faune sauvage, et de ce fait dans la faune domestique, et de l'augmentation du risque statistique de transmission à l'homme d'une forme qui serait particulièrement sévère", a commenté Brigitte Autran.

Constituer des stocks de vaccins et d'antiviraux

Dans leur avis, les membres du Covars émettent une série de recommandations, suggérant de se concentrer sur quatre enjeux: la vaccination, les mesures préventives dans les élevages, la surveillance animale et humaine, et la recherche.

Sur le versant humain, le Covars préconise notamment d'étendre la recommandation de vaccination contre la grippe saisonnière -qui, depuis 2022, concerne les professionnels exposés aux virus grippaux porcins et aviaires dans le cadre de leur activité professionnelle (cf dépêche du 25/04/2022 à 13:09)- aux personnes qui sont en contact avec des oiseaux potentiellement porteurs du virus, notamment les chasseurs et personnels chargés de la surveillance (à l'Office français de la biodiversité -OFB).

Cette vaccination ne protège pas contre le H5N1 mais réduit le risque de coïnfection et donc de réassortiment génétique, a pointé Bruno Lina.

Le Covars préconise également de "constituer et diversifier des stocks d'antiviraux efficaces et adaptés aux situations d'urgence de grippe aviaire" ainsi que de "composer des stocks stratégiques de vaccins prépandémiques".

Il recommande à ce titre d'accélérer les conditions réglementaires d'accès aux nouveaux antiviraux actifs sur les divers virus influenza, comme le baloxavir marboxil (Xofluza*, Roche) en monodose, approuvé en Europe depuis 2021 mais non disponible en France, qui présente "des avantages importants en cas de pandémie". Ce produit devrait pouvoir être utilisé "hors crise" afin de "développer l'expérience de la prescription et de la pharmacovigilance".

Concernant les vaccins, "les virus qui circulent actuellement, même s'ils n'ont pas acquis les mutations de transmission à l'homme, peuvent servir de base à des vaccins candidats pour être utilisés dans le cadre d'une éventuelle transmission de ce virus à l'homme", a pointé Bruno Lina.

"On sait qu'il y a un délai de réaction de deux-trois mois entre le moment où l'on identifie l'agent infectieux transmissible et le moment où le vaccin sera disponible", a-t-il poursuivi. "Ce qui est proposé, et ça fait partie des travaux de recherche, c'est de faire une vaccination avec d'abord un vaccin de priming, qui serait du même sous-type mais ne serait pas exactement le même que le virus qui circule, suivie d'une deuxième dose qui serait administrée entre trois et cinq semaines plus tard, avec un vaccin réalisé à partir du virus le plus proche possible du virus qui circule."

"Un certain nombre de données préliminaires montrent que ce schéma de vaccination hétérologue permet d'avoir une réponse immunitaire humorale mesurable avec un très haut niveau de neutralisation in vitro", a fait valoir le virologue.

"Si on veut être réactifs, il faut probablement qu'on ait en stock un petit nombre de doses qui permettraient d'être immédiatement en capacité de commencer des schémas de vaccination dès le début de la transmission observée, et il faudrait en même temps qu'il y ait un vaccin qui se développe très vite pour que les deuxièmes doses soient faites avec les souches les plus proches", a-t-il estimé.

"L'Europe est organisée pour consulter les industries et se procurer au plus vite des vaccins pour cette approche hétérologue", a ajouté Brigitte Autran.

Le Covars appelle également à "étendre et renforcer les moyens humains et financiers de la surveillance animale et humaine, qui doit être homogénéisée au niveau national", à "faciliter la coopération entre médecine vétérinaire et humaine dans les élevages autour des volailles infectées" et "permettre que des prélèvements respiratoires humains soient effectués soit par auto-prélèvement soit par les vétérinaires", ou encore de "financer des recherches de long terme en santé animale et humaine".

Avis du Covars sur le risque sanitaire de grippe aviaire lié à l'influenza aviaire hautement pathogène

sb/nc/APMnews

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PARIS, 13 juin 2023 (APMnews) - S'il considère que le risque pandémique lié à la grippe aviaire n'est pas "pour demain", le comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) "alerte néanmoins sur la persistance de la circulation de ce virus dans la faune sauvage […] et donc de l'augmentation du risque statistique de transmission à l'homme d'une forme qui serait particulièrement sévère", a déclaré sa présidente, le Pr Brigitte Autran, lundi lors d'un point presse en ligne.

Le Covars, qui s'était autosaisi de la question du risque sanitaire de grippe aviaire lié à l'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), a transmis jeudi son avis aux autorités nationales.

Le contexte en France est celui d'une "crise sans précédent" liée à une épizootie d'IAHP survenue en 2021-2022, qui a conduit à l'abattage préventif de plus de 21 millions de volailles et à des pertes économiques estimées à plus de 1 milliard d'euros en 2022, ont rappelé les membres du comité lors d'un point presse lundi.

"Même si la situation était plus calme en ce début d'année, il y a de nouveau des cas qui sont intervenus il y a quelques semaines, en particulier dans le Sud-Ouest", a pointé Brigitte Autran, tout en rappelant que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait appelé en février à une vigilance accrue, notamment du fait de la mort d'un enfant infecté au Cambodge.

A ce jour, aucune chaîne de transmission interhumaine n'a encore été observée, mais "le contexte est marqué par la persistance du virus dans l'environnement malgré tous les efforts développés par les agences sanitaires et par les acteurs du domaine, notamment les éleveurs, et il est donc nécessaire de renforcer le dispositif de veille et d'anticipation des risques sanitaires", a souligné Brigitte Autran.

"On surveille particulièrement l'influenza aviaire H5N1 car on sait que certains sous-types, lorsqu'ils circulent chez les oiseaux, sont capables de développer des virus hyperpathogènes", a pointé le virologue Bruno Lina.

"Le fait que ce virus devienne endémique et que les oiseaux se contaminent ne présage pas a priori d'un risque très élevé de transmission à des mammifères ou à l'homme, mais comme c'est un risque statistique, plus il y a d'épisodes de contamination vers les oiseaux, plus on risque éventuellement d'observer la contamination de mammifères dont l'homme, d'où l'intérêt de la surveillance qui doit être très étroite", a-t-il poursuivi.

Il a précisé que les mutations de l'hémagglutinine (au niveau de la zone d'attachement du virus) qui pourraient conduire à une possibilité de circulation chez l'homme et donc à des chaînes de transmission n'étaient pas présentes sur le virus H5N1 de clade 2.3.4.4b, "celui qui est endémique et qui circule partout au niveau international".

Il a détaillé les quatre scénarios envisagés en matière de risque, le "plus probable" étant celui de niveau 2, dans lequel la situation se maintient avec une circulation intense du virus, une endémisation dans la faune sauvage et éventuellement des transmissions ponctuelles, au sein d'élevages par exemple. Le premier scénario, "peu vraisemblable à court terme", est celui d'une situation qui s'améliore, avec un retour à la normale.

Dans le troisième scénario, la situation se dégrade, le virus s'adapte à l'homme et l'on observe une multiplication des cas humains, tandis que dans le quatrième, une épidémie voire une pandémie grippale se déclare, avec une transmission interhumaine d'un nouveau virus influenza -mais le risque que ce dernier scénario survienne est considéré comme "faible".

"Nous n'alertons pas au loup, il n'est pas du tout question de dire 'attention, le risque pandémique est pour demain', mais ce sur quoi nous alertons, c'est sur la persistance de la circulation de ce virus dans la faune sauvage, et de ce fait dans la faune domestique, et de l'augmentation du risque statistique de transmission à l'homme d'une forme qui serait particulièrement sévère", a commenté Brigitte Autran.

Constituer des stocks de vaccins et d'antiviraux

Dans leur avis, les membres du Covars émettent une série de recommandations, suggérant de se concentrer sur quatre enjeux: la vaccination, les mesures préventives dans les élevages, la surveillance animale et humaine, et la recherche.

Sur le versant humain, le Covars préconise notamment d'étendre la recommandation de vaccination contre la grippe saisonnière -qui, depuis 2022, concerne les professionnels exposés aux virus grippaux porcins et aviaires dans le cadre de leur activité professionnelle (cf dépêche du 25/04/2022 à 13:09)- aux personnes qui sont en contact avec des oiseaux potentiellement porteurs du virus, notamment les chasseurs et personnels chargés de la surveillance (à l'Office français de la biodiversité -OFB).

Cette vaccination ne protège pas contre le H5N1 mais réduit le risque de coïnfection et donc de réassortiment génétique, a pointé Bruno Lina.

Le Covars préconise également de "constituer et diversifier des stocks d'antiviraux efficaces et adaptés aux situations d'urgence de grippe aviaire" ainsi que de "composer des stocks stratégiques de vaccins prépandémiques".

Il recommande à ce titre d'accélérer les conditions réglementaires d'accès aux nouveaux antiviraux actifs sur les divers virus influenza, comme le baloxavir marboxil (Xofluza*, Roche) en monodose, approuvé en Europe depuis 2021 mais non disponible en France, qui présente "des avantages importants en cas de pandémie". Ce produit devrait pouvoir être utilisé "hors crise" afin de "développer l'expérience de la prescription et de la pharmacovigilance".

Concernant les vaccins, "les virus qui circulent actuellement, même s'ils n'ont pas acquis les mutations de transmission à l'homme, peuvent servir de base à des vaccins candidats pour être utilisés dans le cadre d'une éventuelle transmission de ce virus à l'homme", a pointé Bruno Lina.

"On sait qu'il y a un délai de réaction de deux-trois mois entre le moment où l'on identifie l'agent infectieux transmissible et le moment où le vaccin sera disponible", a-t-il poursuivi. "Ce qui est proposé, et ça fait partie des travaux de recherche, c'est de faire une vaccination avec d'abord un vaccin de priming, qui serait du même sous-type mais ne serait pas exactement le même que le virus qui circule, suivie d'une deuxième dose qui serait administrée entre trois et cinq semaines plus tard, avec un vaccin réalisé à partir du virus le plus proche possible du virus qui circule."

"Un certain nombre de données préliminaires montrent que ce schéma de vaccination hétérologue permet d'avoir une réponse immunitaire humorale mesurable avec un très haut niveau de neutralisation in vitro", a fait valoir le virologue.

"Si on veut être réactifs, il faut probablement qu'on ait en stock un petit nombre de doses qui permettraient d'être immédiatement en capacité de commencer des schémas de vaccination dès le début de la transmission observée, et il faudrait en même temps qu'il y ait un vaccin qui se développe très vite pour que les deuxièmes doses soient faites avec les souches les plus proches", a-t-il estimé.

"L'Europe est organisée pour consulter les industries et se procurer au plus vite des vaccins pour cette approche hétérologue", a ajouté Brigitte Autran.

Le Covars appelle également à "étendre et renforcer les moyens humains et financiers de la surveillance animale et humaine, qui doit être homogénéisée au niveau national", à "faciliter la coopération entre médecine vétérinaire et humaine dans les élevages autour des volailles infectées" et "permettre que des prélèvements respiratoires humains soient effectués soit par auto-prélèvement soit par les vétérinaires", ou encore de "financer des recherches de long terme en santé animale et humaine".

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