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11/03 2024
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LA COUR DE CASSATION CONFIRME LA "FAUTE INEXCUSABLE" DE L'HÔPITAL FOCH APRÈS L'AGRESSION D'UNE URGENTISTE PAR UNE PATIENTE

PARIS, 11 mars 2024 (APMnews) - La Cour de cassation a confirmé la faute inexcusable de l'Association Hôpital Foch à Suresnes (Hauts-de-Seine) dans un litige l'opposant à une urgentiste ayant été blessée par une patiente en janvier 2017, dans un arrêt rendu le 29 février.

L'Association Hôpital Foch, qui gère l'établissement de santé public d'intérêt collectif (Espic) du même nom, a formé un pourvoi contre un arrêt rendu le 16 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles.

L'affaire concerne une urgentiste qui a été victime, dans la nuit du 8 au 9 janvier 2017, d'une agression physique par une patiente alors qu'elle se trouvait dans l'espace ambulatoire.

Après échec de la tentative de conciliation, la victime a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Par jugement du 20 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté cette demande. L'urgentiste a fait appel de ce jugement.

Par une décision datée du 16 juin 2022, la cour d'appel de Versailles a infirmé ce jugement, en estimant que l'employeur avait "commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail subi, le 9 janvier 2017", par l'urgentiste.

Elle considérait qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une expertise judiciaire et fixait l'indemnisation des préjudices subis à 40 € de dépenses de santé, 5.000 € au titre des souffrances endurées (morales et physiques) avant guérison, 917,50 € pour le déficit fonctionnel temporaire, 1.000 € pour le déficit fonctionnel permanent et 1.700 € pour le préjudice esthétique temporaire et permanent.

L'Association Hôpital Foch s'est pourvue en cassation car elle estime que la reconnaissance d'une faute inexcusable "suppose qu'un lien de causalité nécessaire soit établi entre le manquement reproché à l'employeur et la lésion survenue au temps et au lieu de travail". Pour elle, "le fait que les accès aux urgences aient été ouverts 24 heures sur 24 était indifférent dès lors qu'un patient, une fois pris en charge, pouvait être l'auteur d'une agression, et que la mise en place d'agents de sécurité dédiés à la protection et de portes fermant la zone de soins n'aurait pas été en mesure d'empêcher l'accident".

L'association reproche à la cour d'appel d'avoir pointé l'absence de fermeture des zones de soins et ambulatoire par une vitre ou de limitation de l'accès par des portes, puis d'en avoir déduit sans base légale que les mesures de sécurité mises en œuvre étaient "manifestement insuffisantes à prévenir les risques d'agression au sein même de l'hôpital".

Elle souligne que la cour d'appel n'a pas caractérisé "en quoi l'agression de la victime par une patiente déjà admise aux urgences pour y être soignée, était en lien de causalité avec l'absence de fermeture de la zone de soins et ambulatoire".

L'association a notamment fait valoir qu'elle avait mis en place avant l'accident des mesures de nature à prévenir le risque d'agression en recrutant notamment un maître-chien, en ayant fait appel à une "prestation de sécurité de niveau 2" de 20h à 7h et en indiquant que l'hôpital avait régulièrement organisé des formations sur la gestion de la violence et les situations traumatisantes.

De plus, le fait que les accès aux urgences aient été ouverts 24 heures sur 24 "était indifférent dès lors qu'un patient, une fois pris en charge, pouvait être l'auteur d'une agression", comme cela a été le cas dans le litige examiné, observait-elle.

Pour elle, "aucun dispositif de sécurité supplémentaire n'aurait pu empêcher l'accident, dû au comportement imprévisible de la patiente", admise en urgence dans le parcours de soins, et "il serait excessif de placer, au sein d'un hôpital, des agents de sécurité armés, des portes blindées ou un filtrage systématique comme le soutenait la victime".

La cour d'appel avait notamment relevé que le recrutement d'un agent de sécurité pour des vacations et pour contrôler l'accès, ainsi que la fermeture des portes coulissantes, avaient été mis en place après l'accident.

Risque d'agression connu et mesures de protection insuffisantes ou inefficaces

Dans son arrêt rendu le 29 février, la Cour de cassation observe que "le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver".

Elle estime que la cour d'appel, "qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision", en l'état des constatations et énonciations, "relevant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle".

L'arrêt de la cour d'appel indiquait que "la victime a subi une agression physique par une patiente rentrée dans l'espace ambulatoire alors que le médecin ne prêtait pas attention à elle, et que seule l'équipe de soins est intervenue pour les séparer", rappelle la Cour de cassation.

Il déduisait que "l'employeur ne pouvait ignorer le risque d'agression encouru par son personnel soignant, médecins compris", face à la recrudescence d'actes violents au sein du service des urgences de l'hôpital, "évoquée dès 2015, en raison, notamment, de l'engorgement des services générant l'insatisfaction des usagers, l'altération des conditions de travail et la dégradation de la qualité des soins".

Pour la cour d'appel, "les mesures de protection mises en œuvre par l'employeur étaient insuffisantes ou inefficaces à prévenir le risque d'agression", ajoute la Cour de cassation.

Le recrutement d'un agent de sécurité et la fermeture de la zone de soins par des portes coulissantes, demandés par certains salariés, étaient postérieurs à l'accident du travail. "Le contrat de sécurité cynophile était manifestement insuffisant à prévenir les risques d'agression au sein même de l'hôpital" et l'organisation de formations sur la gestion de la violence constituait une réponse sous-dimensionnée par rapport à la réalité et la gravité du risque encouru, argumentait l'arrêt de la cour d'appel.

La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi formé par l'Association Hôpital Foch et l'a condamnée à payer 3.000 euros à l'urgentiste.

Au cours des dernières années, les urgences de l'Hôpital Foch ont été le lieu de conflits entre professionnels et avec la direction, se traduisant par la nomination d'un nouveau chef de service en 2022 et par plusieurs départs d'urgentistes, qui n'étaient pas encore tous remplacés début 2024 (cf dépêche du 01/07/2022 à 13:26 et dépêche du 16/01/2024 à 19:29).

Pourvoi n°22-18.868, 29 février 2024, Cour de cassation

cb-vg/ab/APMnews

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PARIS, 11 mars 2024 (APMnews) - La Cour de cassation a confirmé la faute inexcusable de l'Association Hôpital Foch à Suresnes (Hauts-de-Seine) dans un litige l'opposant à une urgentiste ayant été blessée par une patiente en janvier 2017, dans un arrêt rendu le 29 février.

L'Association Hôpital Foch, qui gère l'établissement de santé public d'intérêt collectif (Espic) du même nom, a formé un pourvoi contre un arrêt rendu le 16 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles.

L'affaire concerne une urgentiste qui a été victime, dans la nuit du 8 au 9 janvier 2017, d'une agression physique par une patiente alors qu'elle se trouvait dans l'espace ambulatoire.

Après échec de la tentative de conciliation, la victime a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Par jugement du 20 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté cette demande. L'urgentiste a fait appel de ce jugement.

Par une décision datée du 16 juin 2022, la cour d'appel de Versailles a infirmé ce jugement, en estimant que l'employeur avait "commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail subi, le 9 janvier 2017", par l'urgentiste.

Elle considérait qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une expertise judiciaire et fixait l'indemnisation des préjudices subis à 40 € de dépenses de santé, 5.000 € au titre des souffrances endurées (morales et physiques) avant guérison, 917,50 € pour le déficit fonctionnel temporaire, 1.000 € pour le déficit fonctionnel permanent et 1.700 € pour le préjudice esthétique temporaire et permanent.

L'Association Hôpital Foch s'est pourvue en cassation car elle estime que la reconnaissance d'une faute inexcusable "suppose qu'un lien de causalité nécessaire soit établi entre le manquement reproché à l'employeur et la lésion survenue au temps et au lieu de travail". Pour elle, "le fait que les accès aux urgences aient été ouverts 24 heures sur 24 était indifférent dès lors qu'un patient, une fois pris en charge, pouvait être l'auteur d'une agression, et que la mise en place d'agents de sécurité dédiés à la protection et de portes fermant la zone de soins n'aurait pas été en mesure d'empêcher l'accident".

L'association reproche à la cour d'appel d'avoir pointé l'absence de fermeture des zones de soins et ambulatoire par une vitre ou de limitation de l'accès par des portes, puis d'en avoir déduit sans base légale que les mesures de sécurité mises en œuvre étaient "manifestement insuffisantes à prévenir les risques d'agression au sein même de l'hôpital".

Elle souligne que la cour d'appel n'a pas caractérisé "en quoi l'agression de la victime par une patiente déjà admise aux urgences pour y être soignée, était en lien de causalité avec l'absence de fermeture de la zone de soins et ambulatoire".

L'association a notamment fait valoir qu'elle avait mis en place avant l'accident des mesures de nature à prévenir le risque d'agression en recrutant notamment un maître-chien, en ayant fait appel à une "prestation de sécurité de niveau 2" de 20h à 7h et en indiquant que l'hôpital avait régulièrement organisé des formations sur la gestion de la violence et les situations traumatisantes.

De plus, le fait que les accès aux urgences aient été ouverts 24 heures sur 24 "était indifférent dès lors qu'un patient, une fois pris en charge, pouvait être l'auteur d'une agression", comme cela a été le cas dans le litige examiné, observait-elle.

Pour elle, "aucun dispositif de sécurité supplémentaire n'aurait pu empêcher l'accident, dû au comportement imprévisible de la patiente", admise en urgence dans le parcours de soins, et "il serait excessif de placer, au sein d'un hôpital, des agents de sécurité armés, des portes blindées ou un filtrage systématique comme le soutenait la victime".

La cour d'appel avait notamment relevé que le recrutement d'un agent de sécurité pour des vacations et pour contrôler l'accès, ainsi que la fermeture des portes coulissantes, avaient été mis en place après l'accident.

Risque d'agression connu et mesures de protection insuffisantes ou inefficaces

Dans son arrêt rendu le 29 février, la Cour de cassation observe que "le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver".

Elle estime que la cour d'appel, "qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision", en l'état des constatations et énonciations, "relevant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle".

L'arrêt de la cour d'appel indiquait que "la victime a subi une agression physique par une patiente rentrée dans l'espace ambulatoire alors que le médecin ne prêtait pas attention à elle, et que seule l'équipe de soins est intervenue pour les séparer", rappelle la Cour de cassation.

Il déduisait que "l'employeur ne pouvait ignorer le risque d'agression encouru par son personnel soignant, médecins compris", face à la recrudescence d'actes violents au sein du service des urgences de l'hôpital, "évoquée dès 2015, en raison, notamment, de l'engorgement des services générant l'insatisfaction des usagers, l'altération des conditions de travail et la dégradation de la qualité des soins".

Pour la cour d'appel, "les mesures de protection mises en œuvre par l'employeur étaient insuffisantes ou inefficaces à prévenir le risque d'agression", ajoute la Cour de cassation.

Le recrutement d'un agent de sécurité et la fermeture de la zone de soins par des portes coulissantes, demandés par certains salariés, étaient postérieurs à l'accident du travail. "Le contrat de sécurité cynophile était manifestement insuffisant à prévenir les risques d'agression au sein même de l'hôpital" et l'organisation de formations sur la gestion de la violence constituait une réponse sous-dimensionnée par rapport à la réalité et la gravité du risque encouru, argumentait l'arrêt de la cour d'appel.

La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi formé par l'Association Hôpital Foch et l'a condamnée à payer 3.000 euros à l'urgentiste.

Au cours des dernières années, les urgences de l'Hôpital Foch ont été le lieu de conflits entre professionnels et avec la direction, se traduisant par la nomination d'un nouveau chef de service en 2022 et par plusieurs départs d'urgentistes, qui n'étaient pas encore tous remplacés début 2024 (cf dépêche du 01/07/2022 à 13:26 et dépêche du 16/01/2024 à 19:29).

Pourvoi n°22-18.868, 29 février 2024, Cour de cassation

cb-vg/ab/APMnews

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