Actualités de l'Urgence - APM

06/02 2019
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LA COUR DES COMPTES APPELLE À "DÉVELOPPER LES ALTERNATIVES" POUR DÉSENGORGER LES URGENCES HOSPITALIÈRES

PARIS, 6 février 2019 (APMnews) - La Cour des comptes formule 6 recommandations pour une meilleure prise en charge des soins non programmés tandis que le nombre de passages aux urgences a continué d’augmenter entre 2012 et 2016, dans l'édition 2019 de son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, rendu public mercredi.

Dans son rapport public annuel, la Cour des comptes s'est à nouveau penchée sur le fonctionnement des urgences, en notant "une augmentation continue du recours aux services d'urgence hospitalier" (p212 à 240).

"L'activité d'urgence a continué de croître depuis 2014", constatent les magistrats de la Cour des comptes, alors que le nombre de passages annuels aux urgences est passé de 18,4 millions en 2012 à 21,2 millions en 2016 (+15%).

En faisant un état des lieux des urgences en 2016, la Cour des Comptes note que le secteur public a pris en charge 81,9% des passages, loin devant le secteur privé lucratif (12,7%) et le secteur privé non lucratif (4,4%).

Les magistrats relèvent également que "10 à 20%" des patients pris en charge en 2016 n'avaient eu besoin "d'aucun acte complémentaire d'imagerie ou biologie médicale" et auraient donc pu être pris en charge "en ville en médecine générale".

La grande majorité (60 à 70% des passages) est "constituée par les patients dont l'état est stable, mais qui ont besoin d'examens complémentaires et ne pourraient être pris en charge en dehors de l'hôpital qu’à condition d’avoir accès à des plages de consultation et d’examens complémentaires non programmés ou à des structures pratiquant la petite traumatologie".

Comme en 2014 (cf dépêche du 17/09/2014 à 10:37), ce double constat amène les magistrats à avancer "qu'environ 20% des patients actuels des urgences hospitalières ne devraient pas fréquenter ces structures, et qu'une médecine de ville mieux organisée et dotée des outils idoines devrait pouvoir accueillir une proportion plus importante de ces patients."

Des urgences qui souffrent d'un sous-effectif médical

Les magistrats de la rue Cambon soulignent que si le nombre de médecins travaillant au sein de services d'urgence a augmenté de 13% depuis 2013 (9.500 médecins au 31 décembre 2016), cette hausse est "légèrement inférieure à [celle] de la progression de l'activité (15% sur la même période)".

Cette augmentation est de surcroît un trompe-l'oeil, car dans le même temps la part de médecins à temps partiel est passée de 46% à 77%.

En s’appuyant sur les "données transmises par le centre national de gestion (CNG) au 1er janvier 2017, le rapport met en lumière le taux de vacance statutaire des praticiens hospitaliers (PH) exerçant en médecine d'urgence: 25% pour les PH à temps plein et 45% pour les PH à temps partiel.

Ces évolutions ont engendré une "hausse exponentielle du recours à l'intérim dans les services d'urgence hospitaliers publics", soulignent les magistrats.

"La rémunération des praticiens, que le ministère tente de plafonner en s'appuyant sur les dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé du 11 janvier 2016, peut atteindre des coûts à la journée de 1.300 € net et de 2.000 € pour 24 h (soit 4.500 € brut)", ont-ils rajouté.

Une hausse de fréquentation coûteuse pour l'assurance maladie

"En 2016, les dépenses liées aux passages dans les services d'urgence se sont élevées à 13,1 milliards d'euros, soit 17% de l'Ondam [objectif national de dépenses d'assurance maladie] hospitalier", notent les magistrats.

En excluant les séjours en hospitalisation, "les dépenses des services d'urgence stricto sensu atteignaient 3,1 milliards", développe le rapport.

Le rapport de la Cour de comptes met en regard le coût très élevé des passages aux urgences avec des consultations équivalentes en médecine de ville: aux urgences, le coût moyen d'un passage varie entre 115 € en journée et 150 € la nuit, quand celui-ci est en moyenne de 25 € en journée et 71 € la nuit pour une consultation en ville.

"Dans le cadre actuel du financement des structures d’urgence, la croissance du nombre de passages permet aux établissements de dynamiser leurs recettes alors que le report d’une partie des passages évitables sur la médecine de ville, porteur d’économies pour l’assurance maladie, est financièrement pénalisant pour eux", mettent en exergue les magistrats.

Si les magistrats considèrent que l'offre de soins non programmés est "toujours insuffisante du côté de la médecine de ville", ils jugent que "les expériences les plus abouties" pour répondre à la permanence des soins en ville sont "celles qui associent sur un même lieu un établissement de santé et une maison médicale de garde, voire une maison de santé pluridisciplinaire ou un centre de santé".

Ils pointent également l'obstacle que représente la multiplicité des numéros d'appel pour que la régulation médicale puisse permettre une orientation plus pertinente des patients.

La Cour des comptes rappelle que les conclusions d'une mission conjointe des inspections générale de l'administration (IGA) et des affaires sociales (Igas) sont attendues sur ce sujet. Dans ce rapport, non rendu public, l'Igas et l'IGA ont envisagé quatre scénarios possibles pour les appels d’urgence, en privilégiant celui de la création d'un numéro unique fusionnant le 15, le 17 et le 18 dans le 112 (cf dépêche du 10/12/2018 à 16:16).

Les magistrats de la rue Cambon rappellent également que dans son rapport sur les soins non programmés, le député Thomas Mesnier (LREM, Charente) s'est prononcé en faveur de la création d'un numéro de santé unique (cf dépêche du 22/05/2018 à 18:00).

La Cour des Compte formule 6 recommandations pour soulager les urgences hospitalières

Les magistrats de la cour des Comptes reconnaissent que les mesures présentées lors du plan "Ma Santé 2022" constituent une perspective d'amélioration. Ils citent notamment le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS, cf dépêche du 26/10/2018 à 16:30) ou encore l'expérimentation sur 3 ans "d'une incitation financière aux structures d'urgence s'efforçant de réorienter vers la ville les patients ne nécessitant qu'une consultation simple".

Pour accompagner ces évolutions, les magistrats formulent 6 recommandations:

  • Formaliser dans chaque région un dispositif d'accès aux soins non programmés intégrant une offre ambulatoire en ville à l'occasion de la révision à mi-parcours des schémas régionaux de santé en 2020
  • Développer des alternatives aux passages aux urgences à l’hôpital en soutenant la mise en place de centres de soins non programmés dotés d'un plateau technique léger
  • Développer des filières d'admission directe pour les personnes âgées, que ce soit en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) ou en soins de suite et de réadaptation (SSR)
  • Faire évoluer les services d'urgence à l'activité insuffisante en utilisant tous les leviers disponibles", en allant de la mise place "d'équipes médicales de territoire" à la fermeture de services d'urgence
  • Réformer la tarification des services d'urgence et développer un modèle économique et tarifaire pour financer des centres de soins non programmés alternatifs aux structures d’urgence
  • Établir une liste de délégations d'actes en faveur des infirmières diplômées d'Etat (IDE) dans les services d'urgence.

Dans leurs réponses à la Cour des comptes, la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn et le ministre de l'action et des comptes publics Gérald Darmanin partagent le constat dressé par la Cour des comptes et ses recommandations.

Agnès Buzyn rappelle que le plan "Ma Santé 2022" prévoit la mise en place de "1.000 CPTS d'ici 2022" ayant notamment pour mission " d'assurer une réponse territoriale aux demandes de soins non programmés".

"L'organisation de la réponse aux soins non programmés pourra [...] s'appuyer sur le réseau des hôpitaux de proximité, au nombre de 500 à 600 d'ici 2022", ajoute la ministre.

"Concernant la situation en aval des urgences, j'ai voulu dès novembre 2017 mobiliser les acteurs tant hospitaliers que médico-sociaux et de ville autour de l'organisation du parcours des patients", répond la ministre, en annonçant que "des recommandations produites en termes de gestion des lits et d'anticipation du besoin d’hospitalisation non programmée ser[aient] prochainement diffusées".

La ministre met aussi en avant le "développement des interventions des équipes mobiles de gériatrie sur les lieux de vie des personnes âgées", avec une enveloppe budgétaire de 16 M€ sur 4 ans.

Cette mesure doit permettre de prévenir les hospitalisations en apportant à domicile ou en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à la demande du médecin traitant ou du médecin coordonnateur de l’établissement, l'expertise de ces équipes mobiles afin d'éviter les passage aux urgences.

Le rapport public annuel est acessible sur www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2019

gl/san/APMnews

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PARIS, 6 février 2019 (APMnews) - La Cour des comptes formule 6 recommandations pour une meilleure prise en charge des soins non programmés tandis que le nombre de passages aux urgences a continué d’augmenter entre 2012 et 2016, dans l'édition 2019 de son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, rendu public mercredi.

Dans son rapport public annuel, la Cour des comptes s'est à nouveau penchée sur le fonctionnement des urgences, en notant "une augmentation continue du recours aux services d'urgence hospitalier" (p212 à 240).

"L'activité d'urgence a continué de croître depuis 2014", constatent les magistrats de la Cour des comptes, alors que le nombre de passages annuels aux urgences est passé de 18,4 millions en 2012 à 21,2 millions en 2016 (+15%).

En faisant un état des lieux des urgences en 2016, la Cour des Comptes note que le secteur public a pris en charge 81,9% des passages, loin devant le secteur privé lucratif (12,7%) et le secteur privé non lucratif (4,4%).

Les magistrats relèvent également que "10 à 20%" des patients pris en charge en 2016 n'avaient eu besoin "d'aucun acte complémentaire d'imagerie ou biologie médicale" et auraient donc pu être pris en charge "en ville en médecine générale".

La grande majorité (60 à 70% des passages) est "constituée par les patients dont l'état est stable, mais qui ont besoin d'examens complémentaires et ne pourraient être pris en charge en dehors de l'hôpital qu’à condition d’avoir accès à des plages de consultation et d’examens complémentaires non programmés ou à des structures pratiquant la petite traumatologie".

Comme en 2014 (cf dépêche du 17/09/2014 à 10:37), ce double constat amène les magistrats à avancer "qu'environ 20% des patients actuels des urgences hospitalières ne devraient pas fréquenter ces structures, et qu'une médecine de ville mieux organisée et dotée des outils idoines devrait pouvoir accueillir une proportion plus importante de ces patients."

Des urgences qui souffrent d'un sous-effectif médical

Les magistrats de la rue Cambon soulignent que si le nombre de médecins travaillant au sein de services d'urgence a augmenté de 13% depuis 2013 (9.500 médecins au 31 décembre 2016), cette hausse est "légèrement inférieure à [celle] de la progression de l'activité (15% sur la même période)".

Cette augmentation est de surcroît un trompe-l'oeil, car dans le même temps la part de médecins à temps partiel est passée de 46% à 77%.

En s’appuyant sur les "données transmises par le centre national de gestion (CNG) au 1er janvier 2017, le rapport met en lumière le taux de vacance statutaire des praticiens hospitaliers (PH) exerçant en médecine d'urgence: 25% pour les PH à temps plein et 45% pour les PH à temps partiel.

Ces évolutions ont engendré une "hausse exponentielle du recours à l'intérim dans les services d'urgence hospitaliers publics", soulignent les magistrats.

"La rémunération des praticiens, que le ministère tente de plafonner en s'appuyant sur les dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé du 11 janvier 2016, peut atteindre des coûts à la journée de 1.300 € net et de 2.000 € pour 24 h (soit 4.500 € brut)", ont-ils rajouté.

Une hausse de fréquentation coûteuse pour l'assurance maladie

"En 2016, les dépenses liées aux passages dans les services d'urgence se sont élevées à 13,1 milliards d'euros, soit 17% de l'Ondam [objectif national de dépenses d'assurance maladie] hospitalier", notent les magistrats.

En excluant les séjours en hospitalisation, "les dépenses des services d'urgence stricto sensu atteignaient 3,1 milliards", développe le rapport.

Le rapport de la Cour de comptes met en regard le coût très élevé des passages aux urgences avec des consultations équivalentes en médecine de ville: aux urgences, le coût moyen d'un passage varie entre 115 € en journée et 150 € la nuit, quand celui-ci est en moyenne de 25 € en journée et 71 € la nuit pour une consultation en ville.

"Dans le cadre actuel du financement des structures d’urgence, la croissance du nombre de passages permet aux établissements de dynamiser leurs recettes alors que le report d’une partie des passages évitables sur la médecine de ville, porteur d’économies pour l’assurance maladie, est financièrement pénalisant pour eux", mettent en exergue les magistrats.

Si les magistrats considèrent que l'offre de soins non programmés est "toujours insuffisante du côté de la médecine de ville", ils jugent que "les expériences les plus abouties" pour répondre à la permanence des soins en ville sont "celles qui associent sur un même lieu un établissement de santé et une maison médicale de garde, voire une maison de santé pluridisciplinaire ou un centre de santé".

Ils pointent également l'obstacle que représente la multiplicité des numéros d'appel pour que la régulation médicale puisse permettre une orientation plus pertinente des patients.

La Cour des comptes rappelle que les conclusions d'une mission conjointe des inspections générale de l'administration (IGA) et des affaires sociales (Igas) sont attendues sur ce sujet. Dans ce rapport, non rendu public, l'Igas et l'IGA ont envisagé quatre scénarios possibles pour les appels d’urgence, en privilégiant celui de la création d'un numéro unique fusionnant le 15, le 17 et le 18 dans le 112 (cf dépêche du 10/12/2018 à 16:16).

Les magistrats de la rue Cambon rappellent également que dans son rapport sur les soins non programmés, le député Thomas Mesnier (LREM, Charente) s'est prononcé en faveur de la création d'un numéro de santé unique (cf dépêche du 22/05/2018 à 18:00).

La Cour des Compte formule 6 recommandations pour soulager les urgences hospitalières

Les magistrats de la cour des Comptes reconnaissent que les mesures présentées lors du plan "Ma Santé 2022" constituent une perspective d'amélioration. Ils citent notamment le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS, cf dépêche du 26/10/2018 à 16:30) ou encore l'expérimentation sur 3 ans "d'une incitation financière aux structures d'urgence s'efforçant de réorienter vers la ville les patients ne nécessitant qu'une consultation simple".

Pour accompagner ces évolutions, les magistrats formulent 6 recommandations:

  • Formaliser dans chaque région un dispositif d'accès aux soins non programmés intégrant une offre ambulatoire en ville à l'occasion de la révision à mi-parcours des schémas régionaux de santé en 2020
  • Développer des alternatives aux passages aux urgences à l’hôpital en soutenant la mise en place de centres de soins non programmés dotés d'un plateau technique léger
  • Développer des filières d'admission directe pour les personnes âgées, que ce soit en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) ou en soins de suite et de réadaptation (SSR)
  • Faire évoluer les services d'urgence à l'activité insuffisante en utilisant tous les leviers disponibles", en allant de la mise place "d'équipes médicales de territoire" à la fermeture de services d'urgence
  • Réformer la tarification des services d'urgence et développer un modèle économique et tarifaire pour financer des centres de soins non programmés alternatifs aux structures d’urgence
  • Établir une liste de délégations d'actes en faveur des infirmières diplômées d'Etat (IDE) dans les services d'urgence.

Dans leurs réponses à la Cour des comptes, la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn et le ministre de l'action et des comptes publics Gérald Darmanin partagent le constat dressé par la Cour des comptes et ses recommandations.

Agnès Buzyn rappelle que le plan "Ma Santé 2022" prévoit la mise en place de "1.000 CPTS d'ici 2022" ayant notamment pour mission " d'assurer une réponse territoriale aux demandes de soins non programmés".

"L'organisation de la réponse aux soins non programmés pourra [...] s'appuyer sur le réseau des hôpitaux de proximité, au nombre de 500 à 600 d'ici 2022", ajoute la ministre.

"Concernant la situation en aval des urgences, j'ai voulu dès novembre 2017 mobiliser les acteurs tant hospitaliers que médico-sociaux et de ville autour de l'organisation du parcours des patients", répond la ministre, en annonçant que "des recommandations produites en termes de gestion des lits et d'anticipation du besoin d’hospitalisation non programmée ser[aient] prochainement diffusées".

La ministre met aussi en avant le "développement des interventions des équipes mobiles de gériatrie sur les lieux de vie des personnes âgées", avec une enveloppe budgétaire de 16 M€ sur 4 ans.

Cette mesure doit permettre de prévenir les hospitalisations en apportant à domicile ou en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à la demande du médecin traitant ou du médecin coordonnateur de l’établissement, l'expertise de ces équipes mobiles afin d'éviter les passage aux urgences.

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