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24/01 2018
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LAIT CONTAMINÉ: LACTALIS S'EST DÉFENDU DE TOUTE DÉFAILLANCE DEVANT LE SÉNAT

PARIS, 24 janvier 2018 (APMnews) - L'entreprise Lactalis s'est défendue de toute défaillance dans les contrôles visant à déceler dans ses produits une présence de salmonelles, dans l'affaire des lots de lait contaminé suspectés d'être à l'origine d'une épidémie de salmonellose chez des nourrissons, lors d'une audition au Sénat mercredi.

Cette audition s'est déroulée dans le cadre d'un cycle consacré à "l'affaire Lactalis", au cours duquel la commission des affaires économiques du Sénat, présidée par Sophie Primas (Les Républicains,Yvelines), a souhaité entendre les différents acteurs impliqués dans la "commercialisation de lait infantile contaminé par des salmonelles" (cf dépêche du 11/01/2018 à 15:27 et dépêche du 12/01/2018 à 16:23). La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a également été auditionnée mardi.

La présidente de la commission a déclaré en préambule que ces auditions avaient pour but de "mieux cerner la nature des différents dysfonctionnements qui seraient intervenus dans la gestion de ce dossier" et d'"envisager des mesures" pour éviter que de telles situations ne se reproduisent, mais qu'il ne s'agissait pas de "transformer le Sénat en tribunal", d'autant plus qu'une enquête judiciaire était actuellement menée par le pôle de santé publique du tribunal de grande instance (TGI) de Paris (cf dépêche du 26/12/2017 à 12:14).

Seul représentant de l'entreprise présent lors de l'audition, le directeur de la communication de Lactalis, Michel Nalet, a fait l'objet de questions poussées par plusieurs sénateurs.

Ces derniers ont demandé des explications précises, notamment concernant les conditions d'hygiène des usines du groupe, les procédures d'autocontrôle mises en place dans les locaux, la nature des mesures correctives et préventives que l'entreprise allait déployer ainsi que les outils de communication mis en place lors de la procédure de retrait-rappel des lots de lait suspects.

L'hygiène, "préoccupation numéro 1"

Michel Nalet a indiqué en préambule qu'au vu du temps imparti, il n'était pas sûr de pouvoir répondre à toutes les questions, mais qu'il prenait l'engagement d'y répondre par la suite et que, si les sénateurs le souhaitaient, ces réponses seraient rendues publiques.

Il a affirmé que Lactalis n'avait pas été défaillant dans cette histoire, dans la mesure où "tous les contrôles se sont révélés négatifs à cette salmonelle" dans les produits. "Je ne peux pas laisser planer le doute", a-t-il lancé avec fermeté, ajoutant qu'il était inimaginable et irréaliste de penser que l'entreprise ait pu "sciemment [...] commercialiser ces produits".

Concernant les conditions d'hygiène de l'usine, dont les sénateurs ont rapporté qu'elles étaient douteuses, le directeur de la communication a déclaré s'inscrire "totalement en faux par rapport à des déclarations sans fondement. L'enquête le montrera: ce n'est pas absolument pas le cas". Il a ajouté que Lactalis n'avait "rien à cacher" et que l'hygiène était la "préoccupation numéro 1" pour l'ensemble des produits commercialisés.

Il a mis en avant le fait que depuis que l'entreprise avait repris l'activité de l'usine de Craon (Mayenne) en 2007, aucun cas de bébé malade n'avait été rapporté. En 2005, l'entreprise Celia, alors propriétaire de cette usine, avait déjà été confrontée à une contamination par des salmonelles, engendrant 141 cas de nourrissons malades, rappelle-t-on.

Michel Nalet a expliqué qu'à l'heure actuelle, "aucune analyse n'[allait] dans le sens contraire" de l'hypothèse précédemment posée d'une résurgence bactérienne à la suite de travaux effectués dans l'usine lors du premier trimestre de 2017 (cf dépêche du 15/01/2018 à 11:26). Selon l'entreprise, des traces de Salmonella Agona ont été retrouvées dans l'environnement de l'usine à deux reprises, en août 2017 et novembre 2017, rappelle-t-on. Dans les deux cas, la production avait été relancée à la suite de nettoyages "approfondis" et de "contrôles renforcés" ne mettant pas en évidence de "résultat positif" sur les productions, a assuré le directeur.

Concernant les outils de communication, il a affirmé que plus de 7.500 visites avaient été réalisées par des collaborateurs de l'entreprise pour "accompagner les retraits-rappels" et que quasiment 70.000 appels avaient été reçus sur le numéro vert mis en place par Lactalis, depuis début décembre. Afin de bien souligner l'ampleur de son investissement, Michel Nalet a affirmé que même son "06 [avait] circulé" et que "de nombreuses crèches [l'avaient] appelé". Pour joindre Michel Nalet, plusieurs numéros de téléphone portable figuraient dans les communiqués de presse du groupe, note-t-on.

Culture du secret

Les sénateurs ont, pour la plupart, dénoncé l'absence du PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, lors de cette audition -notamment Joël Labbé (EELV, Morbihan), qui a rappelé que Michel Nalet était le président d'Euromilk (European Dairy Association), "le principal lobby dans le domaine laitier", et que cette audition n'était "pas une opération de communication".

Michel Nalet a déclaré qu'Emmanuel Besnier était disposé à rencontrer les élus nationaux une fois que le contexte serait un peu plus apaisé, mais que pour cette audition il avait voulu exprimer un droit de réserve, "compte tenu de l'environnement dans lequel nous nous situons".

Les sénateurs ont aussi pour la plupart déploré le manque de transparence de Lactalis quant à la publication de ses comptes, bien que quelques sénateurs se soient élevés contre cette mesure inscrite dans la loi Sapin 2 qui affecterait, selon eux, la compétitivité des entreprises -notamment Laurent Duplomb (LR, Haute-Loire), par ailleurs agriculteur, et Elisabeth Lamure (LR, Rhône), présidente de la délégation aux entreprises.

A cela, Michel Nalet a assuré que Lactalis était disposé à "travailler" avec l'observatoire des prix et des marges ainsi qu'avec la commission des affaires économiques.

Adapter les sanctions

Mardi, la directrice de la DGCCRF, Virginie Beaumeunier, a également été auditionnée par les sénateurs de la commission des affaires économiques, alors que ses services sont en charge de la sécurité et de la conformité des produits commercialisés.

Elle a rappelé à plusieurs reprises que dans le cas des produits de nutrition infantile, qui sont d'origine animale, c'était le ministère de l'agriculture qui était en charge du suivi des usines de fabrication. Ces dernières reçoivent un agrément sanitaire de la part des services vétérinaires, leur permettant de transformer ces produits, a-t-elle ajouté. La DGCCRF n'intervient quant à elle que sur le fonctionnement général des entreprises (étiquetage, traçabilité, maîtrise des risques, etc.), et pas sur l'hygiène, a-t-elle souligné.

Dans le cas de la gestion des alertes sanitaires d'origine alimentaire, c'est la DGCCRF qui est en charge des alertes liées à l'alimentation infantile, a expliqué la directrice.

"Pour l'instant nous ne connaissons pas l'origine de la contamination", a-t-elle déclaré. Pour la directrice, il y a deux possibilités: soit l'entreprise a détecté des contaminations dans ses produits à l'occasion des autocontrôles et n'a pas transmis les informations à l'Etat, auquel cas cela pose "problème" et "c'est l'enquête judiciaire qui le montrera", soit la contamination était bien dans l'environnement comme avancé par Lactalis et, dans ce cas, il n'y a pas d'obligation pour l'entreprise d'en informer l'Etat.

Elle a de plus indiqué qu'il fallait réfléchir à une modification des sanctions car, lorsqu'elles sont trop lourdes, elles ne sont pas forcément appliquées. Elle a rappelé que la sanction la plus lourde était la tromperie aggravée, passible de 7 ans de prison et de 750.000 euros d'amende ou 10% du chiffre d'affaire moyen annuel des 3 dernières années. Elle a noté que les contraventions pouvaient être plus dissuasives car elles pouvaient s'appliquer par produit, avec un effet multiplicateur en fonction du nombre de boîtes concernées.

Par ailleurs, Virginie Beaumeunier a déclaré que seraient annoncés cette semaine les résultats des 2.500 nouveaux contrôles réalisés par la DGCCRF dans le but de vérifier l'effectivité de la procédure de retrait-rappel des lots de lait par les différents maillons de la chaîne de distribution. Cela s'ajoute aux 2.500 contrôles effectués entre le 26 décembre 2017 et le 11 janvier, qui avaient révélé que 91 points de distribution, dont 12 hôpitaux et 44 pharmacies, n'avaient pas procédé au retrait des lots de lait incriminés (cf dépêche du 11/01/2018 à 15:27).

sb/vib/ab/APMnews

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24/01 2018
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LAIT CONTAMINÉ: LACTALIS S'EST DÉFENDU DE TOUTE DÉFAILLANCE DEVANT LE SÉNAT

PARIS, 24 janvier 2018 (APMnews) - L'entreprise Lactalis s'est défendue de toute défaillance dans les contrôles visant à déceler dans ses produits une présence de salmonelles, dans l'affaire des lots de lait contaminé suspectés d'être à l'origine d'une épidémie de salmonellose chez des nourrissons, lors d'une audition au Sénat mercredi.

Cette audition s'est déroulée dans le cadre d'un cycle consacré à "l'affaire Lactalis", au cours duquel la commission des affaires économiques du Sénat, présidée par Sophie Primas (Les Républicains,Yvelines), a souhaité entendre les différents acteurs impliqués dans la "commercialisation de lait infantile contaminé par des salmonelles" (cf dépêche du 11/01/2018 à 15:27 et dépêche du 12/01/2018 à 16:23). La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a également été auditionnée mardi.

La présidente de la commission a déclaré en préambule que ces auditions avaient pour but de "mieux cerner la nature des différents dysfonctionnements qui seraient intervenus dans la gestion de ce dossier" et d'"envisager des mesures" pour éviter que de telles situations ne se reproduisent, mais qu'il ne s'agissait pas de "transformer le Sénat en tribunal", d'autant plus qu'une enquête judiciaire était actuellement menée par le pôle de santé publique du tribunal de grande instance (TGI) de Paris (cf dépêche du 26/12/2017 à 12:14).

Seul représentant de l'entreprise présent lors de l'audition, le directeur de la communication de Lactalis, Michel Nalet, a fait l'objet de questions poussées par plusieurs sénateurs.

Ces derniers ont demandé des explications précises, notamment concernant les conditions d'hygiène des usines du groupe, les procédures d'autocontrôle mises en place dans les locaux, la nature des mesures correctives et préventives que l'entreprise allait déployer ainsi que les outils de communication mis en place lors de la procédure de retrait-rappel des lots de lait suspects.

L'hygiène, "préoccupation numéro 1"

Michel Nalet a indiqué en préambule qu'au vu du temps imparti, il n'était pas sûr de pouvoir répondre à toutes les questions, mais qu'il prenait l'engagement d'y répondre par la suite et que, si les sénateurs le souhaitaient, ces réponses seraient rendues publiques.

Il a affirmé que Lactalis n'avait pas été défaillant dans cette histoire, dans la mesure où "tous les contrôles se sont révélés négatifs à cette salmonelle" dans les produits. "Je ne peux pas laisser planer le doute", a-t-il lancé avec fermeté, ajoutant qu'il était inimaginable et irréaliste de penser que l'entreprise ait pu "sciemment [...] commercialiser ces produits".

Concernant les conditions d'hygiène de l'usine, dont les sénateurs ont rapporté qu'elles étaient douteuses, le directeur de la communication a déclaré s'inscrire "totalement en faux par rapport à des déclarations sans fondement. L'enquête le montrera: ce n'est pas absolument pas le cas". Il a ajouté que Lactalis n'avait "rien à cacher" et que l'hygiène était la "préoccupation numéro 1" pour l'ensemble des produits commercialisés.

Il a mis en avant le fait que depuis que l'entreprise avait repris l'activité de l'usine de Craon (Mayenne) en 2007, aucun cas de bébé malade n'avait été rapporté. En 2005, l'entreprise Celia, alors propriétaire de cette usine, avait déjà été confrontée à une contamination par des salmonelles, engendrant 141 cas de nourrissons malades, rappelle-t-on.

Michel Nalet a expliqué qu'à l'heure actuelle, "aucune analyse n'[allait] dans le sens contraire" de l'hypothèse précédemment posée d'une résurgence bactérienne à la suite de travaux effectués dans l'usine lors du premier trimestre de 2017 (cf dépêche du 15/01/2018 à 11:26). Selon l'entreprise, des traces de Salmonella Agona ont été retrouvées dans l'environnement de l'usine à deux reprises, en août 2017 et novembre 2017, rappelle-t-on. Dans les deux cas, la production avait été relancée à la suite de nettoyages "approfondis" et de "contrôles renforcés" ne mettant pas en évidence de "résultat positif" sur les productions, a assuré le directeur.

Concernant les outils de communication, il a affirmé que plus de 7.500 visites avaient été réalisées par des collaborateurs de l'entreprise pour "accompagner les retraits-rappels" et que quasiment 70.000 appels avaient été reçus sur le numéro vert mis en place par Lactalis, depuis début décembre. Afin de bien souligner l'ampleur de son investissement, Michel Nalet a affirmé que même son "06 [avait] circulé" et que "de nombreuses crèches [l'avaient] appelé". Pour joindre Michel Nalet, plusieurs numéros de téléphone portable figuraient dans les communiqués de presse du groupe, note-t-on.

Culture du secret

Les sénateurs ont, pour la plupart, dénoncé l'absence du PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, lors de cette audition -notamment Joël Labbé (EELV, Morbihan), qui a rappelé que Michel Nalet était le président d'Euromilk (European Dairy Association), "le principal lobby dans le domaine laitier", et que cette audition n'était "pas une opération de communication".

Michel Nalet a déclaré qu'Emmanuel Besnier était disposé à rencontrer les élus nationaux une fois que le contexte serait un peu plus apaisé, mais que pour cette audition il avait voulu exprimer un droit de réserve, "compte tenu de l'environnement dans lequel nous nous situons".

Les sénateurs ont aussi pour la plupart déploré le manque de transparence de Lactalis quant à la publication de ses comptes, bien que quelques sénateurs se soient élevés contre cette mesure inscrite dans la loi Sapin 2 qui affecterait, selon eux, la compétitivité des entreprises -notamment Laurent Duplomb (LR, Haute-Loire), par ailleurs agriculteur, et Elisabeth Lamure (LR, Rhône), présidente de la délégation aux entreprises.

A cela, Michel Nalet a assuré que Lactalis était disposé à "travailler" avec l'observatoire des prix et des marges ainsi qu'avec la commission des affaires économiques.

Adapter les sanctions

Mardi, la directrice de la DGCCRF, Virginie Beaumeunier, a également été auditionnée par les sénateurs de la commission des affaires économiques, alors que ses services sont en charge de la sécurité et de la conformité des produits commercialisés.

Elle a rappelé à plusieurs reprises que dans le cas des produits de nutrition infantile, qui sont d'origine animale, c'était le ministère de l'agriculture qui était en charge du suivi des usines de fabrication. Ces dernières reçoivent un agrément sanitaire de la part des services vétérinaires, leur permettant de transformer ces produits, a-t-elle ajouté. La DGCCRF n'intervient quant à elle que sur le fonctionnement général des entreprises (étiquetage, traçabilité, maîtrise des risques, etc.), et pas sur l'hygiène, a-t-elle souligné.

Dans le cas de la gestion des alertes sanitaires d'origine alimentaire, c'est la DGCCRF qui est en charge des alertes liées à l'alimentation infantile, a expliqué la directrice.

"Pour l'instant nous ne connaissons pas l'origine de la contamination", a-t-elle déclaré. Pour la directrice, il y a deux possibilités: soit l'entreprise a détecté des contaminations dans ses produits à l'occasion des autocontrôles et n'a pas transmis les informations à l'Etat, auquel cas cela pose "problème" et "c'est l'enquête judiciaire qui le montrera", soit la contamination était bien dans l'environnement comme avancé par Lactalis et, dans ce cas, il n'y a pas d'obligation pour l'entreprise d'en informer l'Etat.

Elle a de plus indiqué qu'il fallait réfléchir à une modification des sanctions car, lorsqu'elles sont trop lourdes, elles ne sont pas forcément appliquées. Elle a rappelé que la sanction la plus lourde était la tromperie aggravée, passible de 7 ans de prison et de 750.000 euros d'amende ou 10% du chiffre d'affaire moyen annuel des 3 dernières années. Elle a noté que les contraventions pouvaient être plus dissuasives car elles pouvaient s'appliquer par produit, avec un effet multiplicateur en fonction du nombre de boîtes concernées.

Par ailleurs, Virginie Beaumeunier a déclaré que seraient annoncés cette semaine les résultats des 2.500 nouveaux contrôles réalisés par la DGCCRF dans le but de vérifier l'effectivité de la procédure de retrait-rappel des lots de lait par les différents maillons de la chaîne de distribution. Cela s'ajoute aux 2.500 contrôles effectués entre le 26 décembre 2017 et le 11 janvier, qui avaient révélé que 91 points de distribution, dont 12 hôpitaux et 44 pharmacies, n'avaient pas procédé au retrait des lots de lait incriminés (cf dépêche du 11/01/2018 à 15:27).

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