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10/06 2022
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LE PDG D'ELSAN DÉPLORE LE "DÉNI" DU GOUVERNEMENT SUR L'IMPACT DE L'INFLATION DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

(Par Sylvie LAPOSTOLLE)

PARIS, 10 juin 2022 (APMnews) - La gestion de l'été dans les établissements de santé devrait pouvoir se faire grâce à des réorganisations et des coopérations public-privé mais le gouvernement doit sortir du "déni" sur les conséquences de l'inflation dans ce secteur, a estimé le président exécutif d'Elsan, Thierry Chiche, dans un entretien accordé jeudi à APMnews.

"Même si nous sommes en grande difficulté sur les recrutements pour les postes de soignants -il nous manque 821 infirmiers sur 9.000 à l'échelle du groupe et ce, malgré des recrutements supérieurs à 2021, Elsan donnera ses congés annuels au personnel", a déclaré le président exécutif du premier groupe français d'hospitalisation privée.

"Nous sommes catégoriques. Ce ne serait pas la bonne réponse à la situation tendue de l'été. Nous avons fait passer une consigne pour ne pas renoncer aux congés du personnel qui a besoin de se reposer", a-t-il ajouté.

Le groupe, qui compte 137 établissements, cherche à s'organiser avec une centralisation des plannings de tous les services critiques: urgences, maternité et dialyse.

"Nous avons mis en place une tour de contrôle sur les trois mois de juillet, août et septembre. Jour par jour, vacation par vacation. Nous allons faire face", a-t-il assuré.

Elsan compte 30 services d'urgence autorisés et 21 centres de soins non programmés. Il réalise plus de 40.000 naissances et accueille 600.000 passages aux urgences par an.

"Il est absolument indispensable de répondre présent. On s'organise pour, même s'il reste encore des trous dans les gardes à certains endroits", a-t-il noté.

Cela passe par la fermeture de lits moins critiques pour renforcer des services qui ne peuvent pas fermer.

Thierry Chiche souligne l'organisation mise en place entre les acteurs publics et privés et la ville sous le pilotage des agences régionales de santé (ARS) comme en Ile-de-France où "c'est très bien fait", en Occitanie où le nouveau directeur général de l'ARS, Didier Jaffre, qui était auparavant directeur de l'offre de soins à l'ARS Ile-de-France, réplique les coopérations qu'il avait organisées pendant le Covid, ou encore en Nouvelle-Aquitaine, et en Bretagne (cf dépêche du 23/05/2022 à 17:25 et dépêche du 01/06/2022 à 15:57).

Ainsi, la clinique de l'Estrée à Stains (Seine-Saint-Denis) se coordonne avec le centre hospitalier de Saint-Denis. Le CH déleste sur la clinique les urgences et la maternité, et la continuité de la chirurgie non programmée se fait entre les deux structures, a cité Thierry Chiche.

De même, le CH de Gonesse (Val-d'Oise) va se délester de la maternité et de la médecine sur la clinique de Conti à L'Isle-Adam (Val-d'Oise), sous l'égide de l'ARS. "En Franche-Comté, nous avons été appelés par l'ARS Grand Est pour venir en aide au CH de Vesoul (Haute-Saône) en particulier sur l'anesthésie. Des médecins libéraux d'Elsan de Vesoul et Besançon prendront des gardes au CH de Vesoul pour les urgences et la maternité qui est la seule du territoire", a-t-il décrit.

"Cette coordination s'organise partout", estime Thierry Chiche qui se veut rassurant. Il relève que les ARS ne retiennent pas la piste des réquisitions de personnel "qui déstabilisent une structure" mais sont dans l'anticipation.

Interrogé sur d'éventuelles fermetures, il indique "tout faire pour ne pas fermer de services d'urgence". La polyclinique Gentilly à Nancy a toutefois dû fermer trois jours la semaine dernière mais elle a redémarré (cf dépêche du 01/06/2022 à 18:53).

Il reste encore des points critiques dans certaines cliniques à Albi ou Agen, admet-il.

L'inflation touche aussi le secteur hospitalier

Cependant, "ce n'est pas satisfaisant de faire les pompiers" et pour Thierry Chiche, il ne faut pas oublier que l'origine du problème est "le sous-financement depuis 10 ans du secteur hospitalier".

"Les Allemands ont revalorisé les tarifs hospitaliers publics et privés de 2-3% par an; la Suède a fait pareil, mais en France, on a diminué ou on n'a pas augmenté les tarifs hospitaliers. Le Ségur de la santé constitue un premier rattrapage, mais il ne faut pas se voiler la face, ce ne sera pas suffisant car si on ne finance pas un secteur, il tombe", défend Thierry Chiche.

"La difficulté supplémentaire en 2022 est l'inflation considérable des coûts. On en parle pour les particuliers, pour les entreprises, mais l'hôpital est aussi touché pour ses achats d'énergie, les achats de produits courants de restauration ou les médicaments et dispositifs médicaux. Les fournisseurs augmentent les prix", rapporte-t-il.

L'inflation est même légèrement supérieure à 5%, pointe Thierry Chiche qui lance "un cri d'alerte".

"Nous n'avons jamais connu une inflation aussi forte et la situation peut encore se dégrader. On va passer l'été en se pliant en quatre mais il faut arrêter de se cacher derrière son petit doigt sur ce problème structurel qui est le sous-financement", estime-t-il.

"Il va falloir payer les factures. Aujourd'hui, si le gouvernement reste dans un déni sur l'impact de l'inflation en 2022 dans la continuité des sous-financements passés, cela va devenir impossible de proposer une offre de soins identique. On va la réduire", avertit-il.

"Ce n'est pas correct de laisser porter ce problème aux opérateurs de terrain. C'est un problème macro-économique connu mais on ne s'en occupe pas dans le secteur de la santé", s'étonne-t-il.

Le président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), Lamine Gharbi, a alerté la nouvelle ministre de la santé et de la prévention sur la nécessaire prise en compte de l'inflation (cf dépêche du 07/06/2022 à 15:29), rappelle-t-on.

Pour 2022, l'indice des coûts du secteur hospitalier hors Ségur, estimé en hausse de 2,2% en février par le cabinet Roland Berger dans une étude commandée par la FHP, serait maintenant sur une hausse de 3,1%, pouvant atteindre 4% voire plus dans de nombreux établissements.

"Si ce n'est pas pris en compte, cette fois, ça ne passera pas. Il faudra réduire alors que nous avons deux ans de rattrapage devant nous. Il ne faut pas attendre 2023: les factures sont à payer en 2022. On a tenu le premier semestre mais là, il faut une revoyure", poursuit Thierry Chiche. Cela passe par "une revalorisation de l'Ondam [objectif national de dépenses de l'assurance maladie] en 2022 et une revalorisation des tarifs hospitaliers en urgence".

S'agissant du manque de paramédicaux, Thierry Chiche constate des départs d'infirmiers plus nombreux vers le secteur libéral ou les laboratoires d'analyses. "En 2019, nous n'avions pas de problèmes. En septembre 2021, nous pensions avoir touché le fond avec plus de 400 infirmiers manquants. Ils sont 821 maintenant", décrit-il.

Elsan demande des coefficients géographiques, comme il en existe en Ile-de-France, en Corse et en outre-mer, pour les zones transfrontalières près du Luxembourg (à Metz, Nancy: en Moselle et Meurthe-et-Moselle) et dans le Jura près de la Suisse car ces pays exercent "une concurrence déloyale".

Début 2022, le groupe Elsan comptait 10% de salles de bloc fermées mais en avril et mai, l'activité était "assurée", après la mise en oeuvre de réorganisations pour accueillir plus de patients avec moins d'effectifs (en favorisant les entrées à J0, en réduisant les durées de séjour).

sl/ab/APMnews

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LE PDG D'ELSAN DÉPLORE LE "DÉNI" DU GOUVERNEMENT SUR L'IMPACT DE L'INFLATION DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

(Par Sylvie LAPOSTOLLE)

PARIS, 10 juin 2022 (APMnews) - La gestion de l'été dans les établissements de santé devrait pouvoir se faire grâce à des réorganisations et des coopérations public-privé mais le gouvernement doit sortir du "déni" sur les conséquences de l'inflation dans ce secteur, a estimé le président exécutif d'Elsan, Thierry Chiche, dans un entretien accordé jeudi à APMnews.

"Même si nous sommes en grande difficulté sur les recrutements pour les postes de soignants -il nous manque 821 infirmiers sur 9.000 à l'échelle du groupe et ce, malgré des recrutements supérieurs à 2021, Elsan donnera ses congés annuels au personnel", a déclaré le président exécutif du premier groupe français d'hospitalisation privée.

"Nous sommes catégoriques. Ce ne serait pas la bonne réponse à la situation tendue de l'été. Nous avons fait passer une consigne pour ne pas renoncer aux congés du personnel qui a besoin de se reposer", a-t-il ajouté.

Le groupe, qui compte 137 établissements, cherche à s'organiser avec une centralisation des plannings de tous les services critiques: urgences, maternité et dialyse.

"Nous avons mis en place une tour de contrôle sur les trois mois de juillet, août et septembre. Jour par jour, vacation par vacation. Nous allons faire face", a-t-il assuré.

Elsan compte 30 services d'urgence autorisés et 21 centres de soins non programmés. Il réalise plus de 40.000 naissances et accueille 600.000 passages aux urgences par an.

"Il est absolument indispensable de répondre présent. On s'organise pour, même s'il reste encore des trous dans les gardes à certains endroits", a-t-il noté.

Cela passe par la fermeture de lits moins critiques pour renforcer des services qui ne peuvent pas fermer.

Thierry Chiche souligne l'organisation mise en place entre les acteurs publics et privés et la ville sous le pilotage des agences régionales de santé (ARS) comme en Ile-de-France où "c'est très bien fait", en Occitanie où le nouveau directeur général de l'ARS, Didier Jaffre, qui était auparavant directeur de l'offre de soins à l'ARS Ile-de-France, réplique les coopérations qu'il avait organisées pendant le Covid, ou encore en Nouvelle-Aquitaine, et en Bretagne (cf dépêche du 23/05/2022 à 17:25 et dépêche du 01/06/2022 à 15:57).

Ainsi, la clinique de l'Estrée à Stains (Seine-Saint-Denis) se coordonne avec le centre hospitalier de Saint-Denis. Le CH déleste sur la clinique les urgences et la maternité, et la continuité de la chirurgie non programmée se fait entre les deux structures, a cité Thierry Chiche.

De même, le CH de Gonesse (Val-d'Oise) va se délester de la maternité et de la médecine sur la clinique de Conti à L'Isle-Adam (Val-d'Oise), sous l'égide de l'ARS. "En Franche-Comté, nous avons été appelés par l'ARS Grand Est pour venir en aide au CH de Vesoul (Haute-Saône) en particulier sur l'anesthésie. Des médecins libéraux d'Elsan de Vesoul et Besançon prendront des gardes au CH de Vesoul pour les urgences et la maternité qui est la seule du territoire", a-t-il décrit.

"Cette coordination s'organise partout", estime Thierry Chiche qui se veut rassurant. Il relève que les ARS ne retiennent pas la piste des réquisitions de personnel "qui déstabilisent une structure" mais sont dans l'anticipation.

Interrogé sur d'éventuelles fermetures, il indique "tout faire pour ne pas fermer de services d'urgence". La polyclinique Gentilly à Nancy a toutefois dû fermer trois jours la semaine dernière mais elle a redémarré (cf dépêche du 01/06/2022 à 18:53).

Il reste encore des points critiques dans certaines cliniques à Albi ou Agen, admet-il.

L'inflation touche aussi le secteur hospitalier

Cependant, "ce n'est pas satisfaisant de faire les pompiers" et pour Thierry Chiche, il ne faut pas oublier que l'origine du problème est "le sous-financement depuis 10 ans du secteur hospitalier".

"Les Allemands ont revalorisé les tarifs hospitaliers publics et privés de 2-3% par an; la Suède a fait pareil, mais en France, on a diminué ou on n'a pas augmenté les tarifs hospitaliers. Le Ségur de la santé constitue un premier rattrapage, mais il ne faut pas se voiler la face, ce ne sera pas suffisant car si on ne finance pas un secteur, il tombe", défend Thierry Chiche.

"La difficulté supplémentaire en 2022 est l'inflation considérable des coûts. On en parle pour les particuliers, pour les entreprises, mais l'hôpital est aussi touché pour ses achats d'énergie, les achats de produits courants de restauration ou les médicaments et dispositifs médicaux. Les fournisseurs augmentent les prix", rapporte-t-il.

L'inflation est même légèrement supérieure à 5%, pointe Thierry Chiche qui lance "un cri d'alerte".

"Nous n'avons jamais connu une inflation aussi forte et la situation peut encore se dégrader. On va passer l'été en se pliant en quatre mais il faut arrêter de se cacher derrière son petit doigt sur ce problème structurel qui est le sous-financement", estime-t-il.

"Il va falloir payer les factures. Aujourd'hui, si le gouvernement reste dans un déni sur l'impact de l'inflation en 2022 dans la continuité des sous-financements passés, cela va devenir impossible de proposer une offre de soins identique. On va la réduire", avertit-il.

"Ce n'est pas correct de laisser porter ce problème aux opérateurs de terrain. C'est un problème macro-économique connu mais on ne s'en occupe pas dans le secteur de la santé", s'étonne-t-il.

Le président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), Lamine Gharbi, a alerté la nouvelle ministre de la santé et de la prévention sur la nécessaire prise en compte de l'inflation (cf dépêche du 07/06/2022 à 15:29), rappelle-t-on.

Pour 2022, l'indice des coûts du secteur hospitalier hors Ségur, estimé en hausse de 2,2% en février par le cabinet Roland Berger dans une étude commandée par la FHP, serait maintenant sur une hausse de 3,1%, pouvant atteindre 4% voire plus dans de nombreux établissements.

"Si ce n'est pas pris en compte, cette fois, ça ne passera pas. Il faudra réduire alors que nous avons deux ans de rattrapage devant nous. Il ne faut pas attendre 2023: les factures sont à payer en 2022. On a tenu le premier semestre mais là, il faut une revoyure", poursuit Thierry Chiche. Cela passe par "une revalorisation de l'Ondam [objectif national de dépenses de l'assurance maladie] en 2022 et une revalorisation des tarifs hospitaliers en urgence".

S'agissant du manque de paramédicaux, Thierry Chiche constate des départs d'infirmiers plus nombreux vers le secteur libéral ou les laboratoires d'analyses. "En 2019, nous n'avions pas de problèmes. En septembre 2021, nous pensions avoir touché le fond avec plus de 400 infirmiers manquants. Ils sont 821 maintenant", décrit-il.

Elsan demande des coefficients géographiques, comme il en existe en Ile-de-France, en Corse et en outre-mer, pour les zones transfrontalières près du Luxembourg (à Metz, Nancy: en Moselle et Meurthe-et-Moselle) et dans le Jura près de la Suisse car ces pays exercent "une concurrence déloyale".

Début 2022, le groupe Elsan comptait 10% de salles de bloc fermées mais en avril et mai, l'activité était "assurée", après la mise en oeuvre de réorganisations pour accueillir plus de patients avec moins d'effectifs (en favorisant les entrées à J0, en réduisant les durées de séjour).

sl/ab/APMnews

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