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09/07 2020
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LE PROJET D'ÉTABLISSEMENT DES HOSPICES CIVILS DE LYON RELU À LA LUMIÈRE DES LEÇONS DE LA CRISE SANITAIRE (RAYMOND LE MOIGN)

(Propos recueillis par Sabine NEULAT-ISARD)

LYON, 9 juillet 2020 (APMnews) - Les Hospices civils de Lyon (HCL) ont entamé un retour d'expérience de l'épidémie de Covid-19, dont les enseignements serviront de base à une "relecture" de leur projet d'établissement, a annoncé leur nouveau directeur général, Raymond Le Moign, dans un entretien mardi à APMnews.

APMnews: Directeur d'hôpital, notamment ancien directeur général du CHU de Toulouse, puis directeur de cabinet successivement d'Agnès Buzyn et d'Olivier Véran au ministère des solidarités et de la santé, vous avez pris vos fonctions à Lyon le 1er juin (cf dépêche du 03/06/2020 à 10:17). Quelles sont vos priorités d'action?

Raymond Le Moign. Photo: Frédéric Maligne.
Raymond Le Moign. Photo: Frédéric Maligne.

Raymond Le Moign: Ma première priorité est d'essayer d'imaginer le post-Covid. Cette crise, qui n'est pas finie, va modifier quantité de nos organisations, à cause de l'application de mesures barrières et aussi parce qu'elle n'a pas fait que souligner les atouts de l'hôpital mais aussi ses faiblesses. Les atouts sont la capacité à faire face à l'imprévu et à de nouveaux risques, et à adapter nos organisations dans des délais très courts. Des faiblesses existaient aussi dans le sens où on n'avait pas forcément prévu l'émergence d'un risque d'une telle ampleur et d'un tel impact sur les activités du CHU.

Tirer des enseignements de la crise, c'est préparer le risque de rebond épidémique, c'est également essayer de mesurer tout ce que l'on appris pendant la crise: de la façon dont on peut gérer autrement les ressources humaines et les équipes, de la façon dont on doit gérer les approvisionnements en matière d'équipements de protection des personnels ou de produits de santé pour lesquels on sait la dépendance aux approvisionnements internationaux. Sur la recherche, il faut voir si ce qu'on a appris en matière de procédure accélérée et de mobilisation d'une communauté de chercheurs peut être préservé en tout ou partie après la crise. Et de façon générale, regarder comment on peut tirer profit de la façon dont les coopérations entre les médecins, les soignants, les administratifs ont été rendues plus souples.

Cette crise ne nous permet pas un retour au monde d'avant. L'idée est d'en tirer toutes les conséquences, de même que celles du Ségur de la santé. Nous avons commencé à faire un premier retour d'expérience institutionnel la semaine dernière. Il sera complété par l'analyse des retours de chacun des secteurs et des questionnaires que l'on a adressés à l'ensemble des personnels. Tout cela va aboutir à une relecture du projet d'établissement en septembre-octobre.

Quels sont les autres enjeux prioritaires?

Le deuxième enjeu porte sur la responsabilité territoriale du CHU. Dès lors qu'on dit qu'elle est quelque chose de majeur, la question est de savoir comment le CHU peut l'exprimer sans être taxé d'hospitalo-centrisme. Il est a priori assez contradictoire de se féliciter du travail du CHU pendant la crise et de sa capacité à travailler avec les autres établissements publics et privés et les établissements médico-sociaux, tout en sachant que le système doit se reconstruire à partir des territoires et à partir de la réponse apportée par la médecine de ville. Il appartient au CHU de gérer cette contradiction, de ne pas avoir peur de la création des CPTS [communautés professionnelles territoriales de santé], d'accepter de trouver de nouvelles façons de travailler sur l'exercice des certaines missions ou la gestion de filières pour les maladies chroniques, qui laissent toute leur place à la médecine de ville.

C'est très riche d'observer toutes les CPTS, près d'une dizaine, qui sont en préparation sur la métropole. Ne serait-ce que pour faire l'apprentissage et voir ce que le CHU peut apporter. C'est une façon de réexaminer ce que l'on fait et fait très bien, comme la structuration d'un centre de prise en charge ambulatoire du diabète de type 1, qui a ouvert en dehors des HCL [cf dépêche du 08/07/2020 à 14:32].

Mon troisième grand défi est de rappeler que les HCL sont aussi un hôpital universitaire, qui doit être attentif aux évolutions du paysage universitaire et des mutations du paysage de la recherche dans notre pays. Sur le premier point, les HCL doivent tenir compte du projet d'université unique entre Lyon et Saint-Etienne, prévu pour fin 2020. De même, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche aura forcément des conséquences majeures sur la recherche en santé et ce qu'on attend des CHU, les politiques de sites et les nouvelles plateformes de recherche.

Quelle est la situation financière et quel sera l'impact de la crise dans ce domaine pour les HCL?

Les résultats de l'exercice 2019 ne devraient pas être très loin de ce qui avaient été projetés [cf dépêche du 20/12/2019 à 14:01]. La procédure de certification a été maintenue et les comptes seront présentés aux instances de septembre, avec le rapport des commissaires aux comptes.

Les HCL sont un établissement qui a réussi à sortir de façon très positive d'un cycle d'effort d'une durée longue -10 ans- avec une continuité de l'effort, des messages et un engagement majeur de la communauté médicale et soignante.

Mais pour 2020, alors qu'il pensait pouvoir disposer d'une visibilité avec des fondamentaux solides, il fait face à des inconnues sur trois aspects: sur le maintien des recettes d'exploitation alors qu'une partie de l'activité ne sera pas réalisée, sachant qu'il n'y a pas que les recettes de l'assurance maladie mais les recettes subsidiaires qui ne sont pas toutes assurées; sur le niveau de couverture des dépenses exceptionnelles, même si le gouvernement a pris des engagements sur leur compensation; et sur les dépenses que nous n'avons pas engagées. On estime que le solde entre les dépenses exceptionnelles et les non-réalisées serait de près de 20 millions d'euros mais ce n'est qu'un montant provisoire puisque nous avons encore des dépenses exceptionnelles.

La construction du budget de 2021 dépendra aussi des résultats du Ségur de la santé pour les rémunérations.

La crise sanitaire entraine-t-elle un retard dans les gros projets immobiliers?

Il y a des décalages mais qui sont au pire de deux mois. Les chantiers majeurs sont la construction du bâtiment consacré aux maladies infectieuses et tropicales sur le site de l'hôpital de la Croix-Rousse [cf dépêche du 11/06/2019 à 17:01], dont la réception est prévue pour début 2021. La crise a consacré ce projet et entériné le choix de considérer les maladies infectieuses et tropicales comme un des pôles majeurs que doit avoir un CHU.

Les autres grands projets en cours portent sur l'ouverture de 150 lits de soins de longue durée sur le site de l'hôpital Pierre-Garraud par transfert de lits de l'hôpital Antoine Charial qui a vocation à fermer [cf dépêche du 14/09/2016 à 17:05]. Il y a aussi les grands projets qui se poursuivent à l'hôpital Edouard Herriot avec la volonté de réunifier les urgences médicales et chirurgicales [cf dépêche du 08/04/2019 à 08:31] et à l'hôpital Lyon Sud, qui consiste à réunifier la totalité des blocs opératoires, les lits de réanimation et le service d'urgences dans un bâtiment dédié, pour 2023-2024. Lyon-Sud bénéficiera aussi de l'extension de la ligne de métro.

Nous tablons toujours sur une dépense moyenne de 140 millions d'euros d'investissements par an et on espère avoir les moyens de maintenir cet effort en 2021. Nous attendons beaucoup de la manière dont les pouvoirs publics géreront la reprise d'une partie de la dette hospitalière.

san/ab/APMnews

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(Propos recueillis par Sabine NEULAT-ISARD)

LYON, 9 juillet 2020 (APMnews) - Les Hospices civils de Lyon (HCL) ont entamé un retour d'expérience de l'épidémie de Covid-19, dont les enseignements serviront de base à une "relecture" de leur projet d'établissement, a annoncé leur nouveau directeur général, Raymond Le Moign, dans un entretien mardi à APMnews.

APMnews: Directeur d'hôpital, notamment ancien directeur général du CHU de Toulouse, puis directeur de cabinet successivement d'Agnès Buzyn et d'Olivier Véran au ministère des solidarités et de la santé, vous avez pris vos fonctions à Lyon le 1er juin (cf dépêche du 03/06/2020 à 10:17). Quelles sont vos priorités d'action?

Raymond Le Moign. Photo: Frédéric Maligne.
Raymond Le Moign. Photo: Frédéric Maligne.

Raymond Le Moign: Ma première priorité est d'essayer d'imaginer le post-Covid. Cette crise, qui n'est pas finie, va modifier quantité de nos organisations, à cause de l'application de mesures barrières et aussi parce qu'elle n'a pas fait que souligner les atouts de l'hôpital mais aussi ses faiblesses. Les atouts sont la capacité à faire face à l'imprévu et à de nouveaux risques, et à adapter nos organisations dans des délais très courts. Des faiblesses existaient aussi dans le sens où on n'avait pas forcément prévu l'émergence d'un risque d'une telle ampleur et d'un tel impact sur les activités du CHU.

Tirer des enseignements de la crise, c'est préparer le risque de rebond épidémique, c'est également essayer de mesurer tout ce que l'on appris pendant la crise: de la façon dont on peut gérer autrement les ressources humaines et les équipes, de la façon dont on doit gérer les approvisionnements en matière d'équipements de protection des personnels ou de produits de santé pour lesquels on sait la dépendance aux approvisionnements internationaux. Sur la recherche, il faut voir si ce qu'on a appris en matière de procédure accélérée et de mobilisation d'une communauté de chercheurs peut être préservé en tout ou partie après la crise. Et de façon générale, regarder comment on peut tirer profit de la façon dont les coopérations entre les médecins, les soignants, les administratifs ont été rendues plus souples.

Cette crise ne nous permet pas un retour au monde d'avant. L'idée est d'en tirer toutes les conséquences, de même que celles du Ségur de la santé. Nous avons commencé à faire un premier retour d'expérience institutionnel la semaine dernière. Il sera complété par l'analyse des retours de chacun des secteurs et des questionnaires que l'on a adressés à l'ensemble des personnels. Tout cela va aboutir à une relecture du projet d'établissement en septembre-octobre.

Quels sont les autres enjeux prioritaires?

Le deuxième enjeu porte sur la responsabilité territoriale du CHU. Dès lors qu'on dit qu'elle est quelque chose de majeur, la question est de savoir comment le CHU peut l'exprimer sans être taxé d'hospitalo-centrisme. Il est a priori assez contradictoire de se féliciter du travail du CHU pendant la crise et de sa capacité à travailler avec les autres établissements publics et privés et les établissements médico-sociaux, tout en sachant que le système doit se reconstruire à partir des territoires et à partir de la réponse apportée par la médecine de ville. Il appartient au CHU de gérer cette contradiction, de ne pas avoir peur de la création des CPTS [communautés professionnelles territoriales de santé], d'accepter de trouver de nouvelles façons de travailler sur l'exercice des certaines missions ou la gestion de filières pour les maladies chroniques, qui laissent toute leur place à la médecine de ville.

C'est très riche d'observer toutes les CPTS, près d'une dizaine, qui sont en préparation sur la métropole. Ne serait-ce que pour faire l'apprentissage et voir ce que le CHU peut apporter. C'est une façon de réexaminer ce que l'on fait et fait très bien, comme la structuration d'un centre de prise en charge ambulatoire du diabète de type 1, qui a ouvert en dehors des HCL [cf dépêche du 08/07/2020 à 14:32].

Mon troisième grand défi est de rappeler que les HCL sont aussi un hôpital universitaire, qui doit être attentif aux évolutions du paysage universitaire et des mutations du paysage de la recherche dans notre pays. Sur le premier point, les HCL doivent tenir compte du projet d'université unique entre Lyon et Saint-Etienne, prévu pour fin 2020. De même, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche aura forcément des conséquences majeures sur la recherche en santé et ce qu'on attend des CHU, les politiques de sites et les nouvelles plateformes de recherche.

Quelle est la situation financière et quel sera l'impact de la crise dans ce domaine pour les HCL?

Les résultats de l'exercice 2019 ne devraient pas être très loin de ce qui avaient été projetés [cf dépêche du 20/12/2019 à 14:01]. La procédure de certification a été maintenue et les comptes seront présentés aux instances de septembre, avec le rapport des commissaires aux comptes.

Les HCL sont un établissement qui a réussi à sortir de façon très positive d'un cycle d'effort d'une durée longue -10 ans- avec une continuité de l'effort, des messages et un engagement majeur de la communauté médicale et soignante.

Mais pour 2020, alors qu'il pensait pouvoir disposer d'une visibilité avec des fondamentaux solides, il fait face à des inconnues sur trois aspects: sur le maintien des recettes d'exploitation alors qu'une partie de l'activité ne sera pas réalisée, sachant qu'il n'y a pas que les recettes de l'assurance maladie mais les recettes subsidiaires qui ne sont pas toutes assurées; sur le niveau de couverture des dépenses exceptionnelles, même si le gouvernement a pris des engagements sur leur compensation; et sur les dépenses que nous n'avons pas engagées. On estime que le solde entre les dépenses exceptionnelles et les non-réalisées serait de près de 20 millions d'euros mais ce n'est qu'un montant provisoire puisque nous avons encore des dépenses exceptionnelles.

La construction du budget de 2021 dépendra aussi des résultats du Ségur de la santé pour les rémunérations.

La crise sanitaire entraine-t-elle un retard dans les gros projets immobiliers?

Il y a des décalages mais qui sont au pire de deux mois. Les chantiers majeurs sont la construction du bâtiment consacré aux maladies infectieuses et tropicales sur le site de l'hôpital de la Croix-Rousse [cf dépêche du 11/06/2019 à 17:01], dont la réception est prévue pour début 2021. La crise a consacré ce projet et entériné le choix de considérer les maladies infectieuses et tropicales comme un des pôles majeurs que doit avoir un CHU.

Les autres grands projets en cours portent sur l'ouverture de 150 lits de soins de longue durée sur le site de l'hôpital Pierre-Garraud par transfert de lits de l'hôpital Antoine Charial qui a vocation à fermer [cf dépêche du 14/09/2016 à 17:05]. Il y a aussi les grands projets qui se poursuivent à l'hôpital Edouard Herriot avec la volonté de réunifier les urgences médicales et chirurgicales [cf dépêche du 08/04/2019 à 08:31] et à l'hôpital Lyon Sud, qui consiste à réunifier la totalité des blocs opératoires, les lits de réanimation et le service d'urgences dans un bâtiment dédié, pour 2023-2024. Lyon-Sud bénéficiera aussi de l'extension de la ligne de métro.

Nous tablons toujours sur une dépense moyenne de 140 millions d'euros d'investissements par an et on espère avoir les moyens de maintenir cet effort en 2021. Nous attendons beaucoup de la manière dont les pouvoirs publics géreront la reprise d'une partie de la dette hospitalière.

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