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23/05 2018
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LE SDIS DU NORD ET LE CH DE ROUBAIX CONDAMNÉS À UNE LOURDE INDEMNISATION POUR LA PRISE EN CHARGE TARDIVE D'UN AVC

LILLE, 23 mai 2018 (APMnews) - Le tribunal administratif (TA) de Lille a condamné solidairement le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) du Nord et le CH de Roubaix à verser plus de 330.000 € d'indemnités à un homme et ses proches, pour des retards fautifs dans la prise en charge d'un accident vasculaire cérébral (AVC) qui l'a laissé tétraplégique.

Dans cette décision rendue le 16 mai, dont APMnews a eu copie, le TA a également condamné l'hôpital et le Sdis 59 à verser plus de 330.000 € à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille-Douai au titre des soins déjà remboursés. La victime recevra également une rente annuelle de près de 47.000 €.

En août 2012, le requérant, alors âgé de 38 ans, a été victime d'un malaise en rentrant à son domicile après sa journée de travail, peu avant 20 heures.

Il a aussitôt contacté le 18 pour lui décrire les symptômes évocateurs d'un AVC (troubles de l’équilibre, vertiges et vomissements) mais le permanencier du Sdis lui a déconseillé de se rendre aux urgences, en l'invitant à rentrer chez lui, relate le tribunal dans son jugement.

Vers 21h45, il a été découvert près de chez lui par une passante qui a contacté le 18 à son tour. Les services du Sdis l'ont alors conduit aux urgences du CH de Roubaix mais une fois sur place, en dépit de signes cliniques et d'un scanner normal évocateurs de troubles neurologiques graves, le radiologue a refusé la réalisation d'une IRM dans la foulée.

Finalement effectuée vers une heure du matin, l'IRM a révélé une thrombose du tronc basilaire, suscitant un traitement par thrombolyse vers 2h20 du matin. Face à l'aggravation de son état, il a été transféré au CHU de Lille où les médecins ont diagnostiqué un syndrome d'enfermement (locked-in syndrome, "traduisant une atteinte sévère et irréversible du tronc cérébral".

Le patient est depuis tétraplégique, avec une paralysie complète et dans l'incapacité de parler, tout en ayant "un état de conscience et des facultés intellectuelles parfaitement intacts", note le tribunal.

Le rapport d'expertise ayant arrêté la date de consolidation des séquelles en décembre 2013 conclut à un déficit fonctionnel permanent de 98%, à des souffrances endurées d'un niveau 6 sur une échelle de 7, à un préjudice esthétique de 1 sur une échelle de 7, un préjudice professionnel total et à un préjudice sexuel total.

Pour sa défense, le Sdis avait tenté d'expliquer que le sapeur-pompier de permanence avait eu une réponse appropriée en invoquant "le nombre élevé d’appels reçus par le centre d’alerte ce jour-là en raison des très fortes chaleurs, ainsi que les compétences médicales très limitées du correspondant" en faisant valoir "que les symptômes décrits par le patient étaient également évocateurs d’autres pathologies beaucoup moins graves".

Le CH reconnaissait de son côté le retard dans la réalisation de l'IRM.

L'expertise conduite pendant l'instruction du dossier a conclu à un retard de prise en charge de 1 heures 45 imputable au Sdis, et un retard de 2h30 pour le CH de Roubaix, toutes deux ayant compromis une prise en charge plus précoce, même si l'AVC par thrombose du tronc basilaire, dans la plupart des cas, avait un "pronostic particulièrement sombre".

Le TA a suivi ces conclusions et conclu à une faute dans l'organisation des services tant du Sdis que du CH de Roubaix.

L'expert estimait que si la victime avait été prise en charge par le Sdis dès son premier appel, peu avant 20 heures, et alors qu'il se trouvait encore à Lille, "l’établissement du diagnostic et le démarrage du traitement auraient pu être mis en oeuvre de manière très précoce dans un délai de trois heures", au sein du CHU de Lille, compte tenu du fait qu'il y aurait alors été transféré.

Le tribunal déduit des autres éléments de l'expertise que les 3h30 de retard, qui correspondent "à la période comprise entre le moment où il aurait pu bénéficier de la thrombolyse et l’heure à laquelle celle-ci a été réalisée" ont privé la victime de 30% de chance de subir une évolution neurologique moins défavorable et de conserver des séquelles moins lourdes de son AVC.

Il a donc condamné solidairement le Sdis 59 et le CH de Roubaix à indemniser la victime à une fraction du dommage corporel subi tenant compte de l’ampleur de la chance perdue.

Dans un communiqué diffusé vendredi, le CH de Roubaix a indiqué qu'il n'interjetterait pas appel du jugement, et "regrette de n'avoir pu optimiser les chances de ce patient arrivé avec un pronostic critique".

vg/ab/APMnews

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LILLE, 23 mai 2018 (APMnews) - Le tribunal administratif (TA) de Lille a condamné solidairement le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) du Nord et le CH de Roubaix à verser plus de 330.000 € d'indemnités à un homme et ses proches, pour des retards fautifs dans la prise en charge d'un accident vasculaire cérébral (AVC) qui l'a laissé tétraplégique.

Dans cette décision rendue le 16 mai, dont APMnews a eu copie, le TA a également condamné l'hôpital et le Sdis 59 à verser plus de 330.000 € à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille-Douai au titre des soins déjà remboursés. La victime recevra également une rente annuelle de près de 47.000 €.

En août 2012, le requérant, alors âgé de 38 ans, a été victime d'un malaise en rentrant à son domicile après sa journée de travail, peu avant 20 heures.

Il a aussitôt contacté le 18 pour lui décrire les symptômes évocateurs d'un AVC (troubles de l’équilibre, vertiges et vomissements) mais le permanencier du Sdis lui a déconseillé de se rendre aux urgences, en l'invitant à rentrer chez lui, relate le tribunal dans son jugement.

Vers 21h45, il a été découvert près de chez lui par une passante qui a contacté le 18 à son tour. Les services du Sdis l'ont alors conduit aux urgences du CH de Roubaix mais une fois sur place, en dépit de signes cliniques et d'un scanner normal évocateurs de troubles neurologiques graves, le radiologue a refusé la réalisation d'une IRM dans la foulée.

Finalement effectuée vers une heure du matin, l'IRM a révélé une thrombose du tronc basilaire, suscitant un traitement par thrombolyse vers 2h20 du matin. Face à l'aggravation de son état, il a été transféré au CHU de Lille où les médecins ont diagnostiqué un syndrome d'enfermement (locked-in syndrome, "traduisant une atteinte sévère et irréversible du tronc cérébral".

Le patient est depuis tétraplégique, avec une paralysie complète et dans l'incapacité de parler, tout en ayant "un état de conscience et des facultés intellectuelles parfaitement intacts", note le tribunal.

Le rapport d'expertise ayant arrêté la date de consolidation des séquelles en décembre 2013 conclut à un déficit fonctionnel permanent de 98%, à des souffrances endurées d'un niveau 6 sur une échelle de 7, à un préjudice esthétique de 1 sur une échelle de 7, un préjudice professionnel total et à un préjudice sexuel total.

Pour sa défense, le Sdis avait tenté d'expliquer que le sapeur-pompier de permanence avait eu une réponse appropriée en invoquant "le nombre élevé d’appels reçus par le centre d’alerte ce jour-là en raison des très fortes chaleurs, ainsi que les compétences médicales très limitées du correspondant" en faisant valoir "que les symptômes décrits par le patient étaient également évocateurs d’autres pathologies beaucoup moins graves".

Le CH reconnaissait de son côté le retard dans la réalisation de l'IRM.

L'expertise conduite pendant l'instruction du dossier a conclu à un retard de prise en charge de 1 heures 45 imputable au Sdis, et un retard de 2h30 pour le CH de Roubaix, toutes deux ayant compromis une prise en charge plus précoce, même si l'AVC par thrombose du tronc basilaire, dans la plupart des cas, avait un "pronostic particulièrement sombre".

Le TA a suivi ces conclusions et conclu à une faute dans l'organisation des services tant du Sdis que du CH de Roubaix.

L'expert estimait que si la victime avait été prise en charge par le Sdis dès son premier appel, peu avant 20 heures, et alors qu'il se trouvait encore à Lille, "l’établissement du diagnostic et le démarrage du traitement auraient pu être mis en oeuvre de manière très précoce dans un délai de trois heures", au sein du CHU de Lille, compte tenu du fait qu'il y aurait alors été transféré.

Le tribunal déduit des autres éléments de l'expertise que les 3h30 de retard, qui correspondent "à la période comprise entre le moment où il aurait pu bénéficier de la thrombolyse et l’heure à laquelle celle-ci a été réalisée" ont privé la victime de 30% de chance de subir une évolution neurologique moins défavorable et de conserver des séquelles moins lourdes de son AVC.

Il a donc condamné solidairement le Sdis 59 et le CH de Roubaix à indemniser la victime à une fraction du dommage corporel subi tenant compte de l’ampleur de la chance perdue.

Dans un communiqué diffusé vendredi, le CH de Roubaix a indiqué qu'il n'interjetterait pas appel du jugement, et "regrette de n'avoir pu optimiser les chances de ce patient arrivé avec un pronostic critique".

vg/ab/APMnews

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