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09/07 2020
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LUBRIZOL: UN RAPPORT INTERINSPECTIONS PRÉCONISE UNE MODERNISATION DU SYSTÈME D'ALERTE DU PUBLIC EN CAS DE CATASTROPHE INDUSTRIELLE

PARIS, 9 juillet 2020 (APMnews) - Une mission interinspections préconise une meilleure préparation des administrations et de la population aux risques et une accélération de la modernisation du système d'alerte du public en cas de catastrophe industrielle, dans un rapport d'analyse de la gestion de crise de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, mis en ligne mercredi.

Intitulé "Retour d’expérience après l’incendie d’un site industriel à Rouen en septembre 2019 - Analyses et propositions sur la gestion de crise", ce rapport de 135 pages a été coécrit par des membres de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), l'inspection générale de l'administration (IGA), le Conseil général de l'économie (CGE), le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).

Leurs auteurs formulent 18 recommandations destinées à "établir, avant la crise, les conditions d’une plus grande confiance et d’une meilleure préparation de l’État pendant la crise".

La lettre de mission du 23 décembre 2019, cosignée par cinq ministres (santé, environnement, intérieur, travail, agriculture) leur confiait le soin de procéder à une évaluation globale de la gestion de crise de l'incendie qui a ravagé l'usine d'additifs pour lubrifiants Lubrizol de Rouen (classée "Seveso seuil haut") dans la nuit du 26 au 27 septembre 2019 (cf dépêche du 30/09/2019 à 19:08).

Si cet incendie n'a causé à ce stade aucun décès ni blessé, "il a eu des effets sanitaires immédiats 'modérés', clairement ressentis par la population, et des effets économiques et environnementaux jusque dans les Hauts-de-France", soulignent les inspections en conclusion du rapport.

Ses propositions, rassemblées en 4 groupes thématiques, visent à "améliorer la gestion de futures crises liées à des accidents industriels" et la gestion post-accidentelle, appelant à mener un travail de fond "sur les effets sanitaires à long terme, pour mieux les comprendre et mieux les caractériser".

Une gestion opérationnelle de l'incendie efficace

La mission salue d'abord la gestion opérationnelle "efficace" de l'incendie lui-même, résorbé en une dizaine d'heures, ainsi que des effets immédiats du panache de fumée, qualifiant la stratégie de lutte contre le sinistre de "parfaitement adaptée", reflétant une "articulation efficace entre les différents acteurs".

Elle note que des analyses de la qualité de l'air effectuées en urgence par le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) peu de temps après le début du sinistre écartant la présence de substances très toxiques issues du panache de fumées, ayant permis de définir des mesures sanitaires de protection (personnes vulnérables, précautions vis-à-vis d'une éventuelle contamination de la chaîne alimentaire) "justes et proportionnées".

La mission estime que la protection des personnes intervenues dans le cadre du sinistre (sapeurs-pompiers, forces de l'ordre) "a prévenu les effets sanitaires graves et immédiats" mais "sans intégrer les risques à moyen et long termes d’une courte exposition à des substances toxiques".

Si elle salue une "bonne préparation de l'état en matière de gestion de crise", elle juge possible d'améliorer encore les dispositifs pour les risques industriels, estimant que les enseignements de l'accident survenu en 2013 sur ce site (fuite de gaz mercaptan) n'avaient pas été "complètement retenus".

La mission constate que le préfet de Seine-Maritime, afin d'alerter les responsables communaux conformément à la doctrine Orsec, a privilégié les contacts directs avec les personnels d'astreinte, et attendu plus de 10 heures pour recourir à son dispositif de transmission dédié Gala (gestion de l’alerte locale automatisée) "qui permet de délivrer un message aux responsables communaux, par téléphone fixe ou portable, par SMS et par courrier électronique", ce dont certains élus se sont plaints.

Elle soutient le choix du préfet dans sa stratégie d'alerte de la population, qui a consisté à différer le recours aux sirènes, pour éviter de les déclencher au milieu de la nuit (l'incendie a débuté peu avant 3 heures du matin) alors que la population était à l'abri dans les habitations, prévenir une congestion des axes de circulation et une embolisation des centres 15 et 18.

Si l'information de la population et les consignes se sont ensuite succédé en continu via différents canaux (Twitter, radio, internet), la mission note que la formulation de messages, comme "l’absence de 'toxicité aiguë', et l’apparente contradiction entre leur tonalité plutôt rassurante et les mesures de précaution mises en oeuvre, ont généré de l’inquiétude dans la population et alimenté le doute sur la transparence des sources officielles d’information".

Globalement, elle estime que "les difficultés rencontrées pour l’alerte illustrent l’insuffisance des outils à disposition des autorités publiques locales".

Ne pas attendre 2022 pour améliorer le système d'alerte

"Le système français d’alerte-information des populations doit enfin inclure une composante de diffusion automatique sur les téléphones portables: les procédures sont engagées pour la mise en place d’un dispositif de ce type d’ici 2022 et l’événement de septembre 2019 en souligne l’urgence", considère la mission.

Elle suggère ainsi de protocoliser l’usage de Gala "afin de faciliter l’information dans l’urgence des collectivités territoriales", ainsi que l'usage d'outils permettant aux agences régionales de santé (ARS) d'informer directement les professionnels de santé de leur territoire en situation de crise.

Elle plaide pour "dégager en priorité les moyens techniques et financiers nécessaires au déploiement effectif d’un outil d’alerte fondé sur la téléphonie mobile avant 2022 et préparer un plan de sensibilisation et d’information des populations sur les conduites à tenir en cas de déclenchement du système national d’alerte".

Constatant que Lubrizol n'avait elle-même pas de dispositif d'alerte pour prévenir les riverains, la mission suggère d'envisager l'opportunité de "généraliser la mise en oeuvre par les exploitants de sites Seveso seuil haut d’un système d’alerte téléphonique à la population riveraine, sur la base d’une démarche préalable et volontaire d’inscription des personnes concernées".

Elle recommande la mise en place auprès du ministère de l'intérieur d'une "task force nationale d’appui" mobilisable sur le territoire en cas de crise importante, et une "cellule nationale d’écoute et de riposte en temps réel sur les réseaux sociaux, chargée de collecter les questions ou préoccupations de la population et de traiter les fausses informations" en lien avec le niveau local.

Elle appelle à "faire évoluer l’organisation et la gouvernance des commissions de suivi de sites Seveso en renforçant la présence des représentants de la société civile et en ouvrant largement l’information et la concertation" pour faciliter l'engagement de tous en temps de crise.

Cinq recommandations visent à associer "plus directement les collectivités territoriales, les organisations professionnelles et même les industriels eux-mêmes dans la gestion de la crise", tout en développant des actions de sensibilisation de la population, surtout dans un territoire où coexistent plusieurs sites Seveso.

En particulier, la mission recommande d'élaborer "un document de référence sur les mesures immédiates de protection sanitaire des populations à prendre en fonction de la typologie des accidents industriels et des substances impliquées, et les intégrer dans les documents de planification".

Trois propositions visent à "anticiper dans les meilleurs délais les risques potentiels de moyen et long termes d’un incident industriel", en prenant en compte les effets toxiques de moyen et long termes pour les intervenants sur des accidents technologiques, et d'encadrer le suivi de leur exposition dès les premières heures.

Quatre recommandations sont faites pour "doter l’État des instruments lui permettant d’assurer une meilleure coordination de ses administrations pendant et après la crise", notamment à travers une clarification des responsabilités et obligations des industriels et des prérogatives de l'administration déconcentrée (Dreal), et un renforcement du cadre d'action et de coordination interministériel.

Retour d’expérience après l’incendie d’un site industriel à Rouen en septembre 2019 - Analyses et propositions sur la gestion de crise

vg/ab/APMnews

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PARIS, 9 juillet 2020 (APMnews) - Une mission interinspections préconise une meilleure préparation des administrations et de la population aux risques et une accélération de la modernisation du système d'alerte du public en cas de catastrophe industrielle, dans un rapport d'analyse de la gestion de crise de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, mis en ligne mercredi.

Intitulé "Retour d’expérience après l’incendie d’un site industriel à Rouen en septembre 2019 - Analyses et propositions sur la gestion de crise", ce rapport de 135 pages a été coécrit par des membres de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), l'inspection générale de l'administration (IGA), le Conseil général de l'économie (CGE), le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).

Leurs auteurs formulent 18 recommandations destinées à "établir, avant la crise, les conditions d’une plus grande confiance et d’une meilleure préparation de l’État pendant la crise".

La lettre de mission du 23 décembre 2019, cosignée par cinq ministres (santé, environnement, intérieur, travail, agriculture) leur confiait le soin de procéder à une évaluation globale de la gestion de crise de l'incendie qui a ravagé l'usine d'additifs pour lubrifiants Lubrizol de Rouen (classée "Seveso seuil haut") dans la nuit du 26 au 27 septembre 2019 (cf dépêche du 30/09/2019 à 19:08).

Si cet incendie n'a causé à ce stade aucun décès ni blessé, "il a eu des effets sanitaires immédiats 'modérés', clairement ressentis par la population, et des effets économiques et environnementaux jusque dans les Hauts-de-France", soulignent les inspections en conclusion du rapport.

Ses propositions, rassemblées en 4 groupes thématiques, visent à "améliorer la gestion de futures crises liées à des accidents industriels" et la gestion post-accidentelle, appelant à mener un travail de fond "sur les effets sanitaires à long terme, pour mieux les comprendre et mieux les caractériser".

Une gestion opérationnelle de l'incendie efficace

La mission salue d'abord la gestion opérationnelle "efficace" de l'incendie lui-même, résorbé en une dizaine d'heures, ainsi que des effets immédiats du panache de fumée, qualifiant la stratégie de lutte contre le sinistre de "parfaitement adaptée", reflétant une "articulation efficace entre les différents acteurs".

Elle note que des analyses de la qualité de l'air effectuées en urgence par le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) peu de temps après le début du sinistre écartant la présence de substances très toxiques issues du panache de fumées, ayant permis de définir des mesures sanitaires de protection (personnes vulnérables, précautions vis-à-vis d'une éventuelle contamination de la chaîne alimentaire) "justes et proportionnées".

La mission estime que la protection des personnes intervenues dans le cadre du sinistre (sapeurs-pompiers, forces de l'ordre) "a prévenu les effets sanitaires graves et immédiats" mais "sans intégrer les risques à moyen et long termes d’une courte exposition à des substances toxiques".

Si elle salue une "bonne préparation de l'état en matière de gestion de crise", elle juge possible d'améliorer encore les dispositifs pour les risques industriels, estimant que les enseignements de l'accident survenu en 2013 sur ce site (fuite de gaz mercaptan) n'avaient pas été "complètement retenus".

La mission constate que le préfet de Seine-Maritime, afin d'alerter les responsables communaux conformément à la doctrine Orsec, a privilégié les contacts directs avec les personnels d'astreinte, et attendu plus de 10 heures pour recourir à son dispositif de transmission dédié Gala (gestion de l’alerte locale automatisée) "qui permet de délivrer un message aux responsables communaux, par téléphone fixe ou portable, par SMS et par courrier électronique", ce dont certains élus se sont plaints.

Elle soutient le choix du préfet dans sa stratégie d'alerte de la population, qui a consisté à différer le recours aux sirènes, pour éviter de les déclencher au milieu de la nuit (l'incendie a débuté peu avant 3 heures du matin) alors que la population était à l'abri dans les habitations, prévenir une congestion des axes de circulation et une embolisation des centres 15 et 18.

Si l'information de la population et les consignes se sont ensuite succédé en continu via différents canaux (Twitter, radio, internet), la mission note que la formulation de messages, comme "l’absence de 'toxicité aiguë', et l’apparente contradiction entre leur tonalité plutôt rassurante et les mesures de précaution mises en oeuvre, ont généré de l’inquiétude dans la population et alimenté le doute sur la transparence des sources officielles d’information".

Globalement, elle estime que "les difficultés rencontrées pour l’alerte illustrent l’insuffisance des outils à disposition des autorités publiques locales".

Ne pas attendre 2022 pour améliorer le système d'alerte

"Le système français d’alerte-information des populations doit enfin inclure une composante de diffusion automatique sur les téléphones portables: les procédures sont engagées pour la mise en place d’un dispositif de ce type d’ici 2022 et l’événement de septembre 2019 en souligne l’urgence", considère la mission.

Elle suggère ainsi de protocoliser l’usage de Gala "afin de faciliter l’information dans l’urgence des collectivités territoriales", ainsi que l'usage d'outils permettant aux agences régionales de santé (ARS) d'informer directement les professionnels de santé de leur territoire en situation de crise.

Elle plaide pour "dégager en priorité les moyens techniques et financiers nécessaires au déploiement effectif d’un outil d’alerte fondé sur la téléphonie mobile avant 2022 et préparer un plan de sensibilisation et d’information des populations sur les conduites à tenir en cas de déclenchement du système national d’alerte".

Constatant que Lubrizol n'avait elle-même pas de dispositif d'alerte pour prévenir les riverains, la mission suggère d'envisager l'opportunité de "généraliser la mise en oeuvre par les exploitants de sites Seveso seuil haut d’un système d’alerte téléphonique à la population riveraine, sur la base d’une démarche préalable et volontaire d’inscription des personnes concernées".

Elle recommande la mise en place auprès du ministère de l'intérieur d'une "task force nationale d’appui" mobilisable sur le territoire en cas de crise importante, et une "cellule nationale d’écoute et de riposte en temps réel sur les réseaux sociaux, chargée de collecter les questions ou préoccupations de la population et de traiter les fausses informations" en lien avec le niveau local.

Elle appelle à "faire évoluer l’organisation et la gouvernance des commissions de suivi de sites Seveso en renforçant la présence des représentants de la société civile et en ouvrant largement l’information et la concertation" pour faciliter l'engagement de tous en temps de crise.

Cinq recommandations visent à associer "plus directement les collectivités territoriales, les organisations professionnelles et même les industriels eux-mêmes dans la gestion de la crise", tout en développant des actions de sensibilisation de la population, surtout dans un territoire où coexistent plusieurs sites Seveso.

En particulier, la mission recommande d'élaborer "un document de référence sur les mesures immédiates de protection sanitaire des populations à prendre en fonction de la typologie des accidents industriels et des substances impliquées, et les intégrer dans les documents de planification".

Trois propositions visent à "anticiper dans les meilleurs délais les risques potentiels de moyen et long termes d’un incident industriel", en prenant en compte les effets toxiques de moyen et long termes pour les intervenants sur des accidents technologiques, et d'encadrer le suivi de leur exposition dès les premières heures.

Quatre recommandations sont faites pour "doter l’État des instruments lui permettant d’assurer une meilleure coordination de ses administrations pendant et après la crise", notamment à travers une clarification des responsabilités et obligations des industriels et des prérogatives de l'administration déconcentrée (Dreal), et un renforcement du cadre d'action et de coordination interministériel.

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vg/ab/APMnews

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