Actualités de l'Urgence - APM

16/10 2018
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PERMANENCE DES SOINS: "IL FAUT QUE LES EHPAD AIENT UN PROTOCOLE TÉLÉPHONIQUE AVEC LE SAMU" (PATRICK PELLOUX)

(Par Valérie LESPEZ, aux Assises nationales des médecins coordonnateurs)

PARIS, 16 octobre 2018 (APMnews) - "Il faut que les Ehpad [établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes] aient un protocole téléphonique avec le Samu" la nuit, le week-end et les jours fériés, pour améliorer la prise en charge des résidents, a estimé Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), lundi, aux 17es Assises nationales des médecins coordonnateurs en Ehpad, organisées lundi et mardi par la société EHPA.

"Nous avons eu, en 2002, une décision politique qui [a] juste voulu faire plaisir au monde libéral qui ne voulait plus [...] faire des gardes de nuit. Nous ramons tous ensemble depuis", a asséné Patrick Pelloux.

"Au Samu de Paris, j'ai régulièrement des appels angoissés de personnels d'Ehpad la nuit, le médecin coordonnateur n'est pas joignable, ce que je peux comprendre à 3h du matin, les dossiers sont inaccessibles et cela devient très compliqué. La seule solution à l'heure actuelle, c'est de prendre une ambulance et d'aller aux urgences", a-t-il raconté.

Et quand la personne âgée arrive aux urgences, "il n'y a pas le dossier, on va tout recommencer à zéro et il n'y a pas les souhaits de la personne pour savoir si elle peut être réanimée ou pas... Bref, on se retrouve avec des questions extrêmement compliquées", a-t-il poursuivi.

Il a aussi souligné "l'erreur", à son sens, d'avoir "spécialisé la gériatrie, la médecine générale, la médecine d'urgence" et d'avoir "créé des disciplines en silos [...] où chacun a envie de faire ce qu'il a dans son silo et ne s'occupe pas de ce qui se passe à côté".

"Cela pose un problème de coopération entre les systèmes et tout le monde a à y perdre dans cette désorganisation", a-t-il insisté.

Interrogé sur les différents documents de liaison qui existent pourtant déjà entre les Ehpad et les services d'urgence -dossier de liaison d'urgence (DLU), fiche de liaison (cf dépêche du 30/06/2017 à 16:48)- Patrick Pelloux a assuré qu'ils étaient utilisés de manière "marginale", suscitant des murmures désapprobateurs dans la salle. "Cela pourrait être mieux, on pourrait travailler de manière beaucoup plus étroite", a-t-il insisté.

L'urgentiste a estimé qu'il fallait améliorer "la transmission d'informations, l'anticipation sur les patients qui ne vont pas bien", tout en reconnaissant que "nous sommes au début de la pénurie de médecins urgentistes en France" et que de ce fait, "on est au cas par cas selon les régions".

"Il faut que les Ehpad aient un protocole téléphonique avec le Samu, je suis prêt à travailler là-dessus avec vous, et il faut aussi protocoliser l'arrivée des sapeurs-pompiers", a-t-il proposé.

"Quand vous mettez bout à bout le travail de nuit de 18h à 8h du matin, les jours fériés, que vous rajoutez le samedi à partir de 14h et le dimanche, cela représente 65% du temps; ce qui veut dire que 65% du temps, le système de santé français est en permanence des soins... C'est donc le principal mode d'accès aux soins", a insisté Patrick Pelloux.

Et il a donné l'exemple de SOS Médecins "qui fait du très bon travail, mais qui sélectionne ses interventions" et "préfère ne pas aller en Ehpad de peur de ne pas être payé". "Il n'y a pas d'obligation, et c'est cela qui pose problème", a-t-il assuré.

Cela dit, a relativisé Renaud Marin La Meslée, président du Syndicat des généralistes et gériatres intervenant en Ehpad (SNGIE), "la nuit et le week-end sont des périodes difficiles, mais l'hospitalisation des résidents en Ehpad n'est pas ce qui occupe l'urgentiste de façon majoritaire", même si "l'urgence face à la personne âgée est très compliquée, car elle exige une prise en charge globale".

"Casser la cassure effrayante" entre le jour et la nuit

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 prévoit, comme la LFSS 2018, une enveloppe de 10 millions d'euros pour des astreintes infirmières la nuit en Ehpad, rappelle-t-on (cf dépêche du 25/09/2018 à 12:01 et dépêche du 28/09/2017 à 13:02).

Interrogé sur ce dispositif, Renaud Marin La Meslée a estimé qu'il fallait "se poser la question de l’allocation de ressources rares". Et "ce qui va le plus profiter à la qualité de vie au quotidien des résidents, c'est d'avoir davantage de personnes au jour le jour pour s'occuper d'elles", a-t-il ajouté.

"Je ne suis pas opposé aux infirmières de nuit... une fois qu’on aura comblé le déficit de soignants de jour", a-t-il résumé, sous les applaudissements nourris des médecins coordonnateurs dans la salle.

"Pour moi, la meilleure gestion de l'urgence, c'est un urgentiste qui vient dans l'Ehpad", a-t-il poursuivi. "Le bon sens voudrait que l'on installe dans tous les endroits où il n'y en a pas, ou plutôt plus [...], des effecteurs de nuit dans les permanences de nuit", a-t-il ajouté.

Mais il a aussi remarqué qu'il était sans doute possible d'améliorer l'organisation des Ehpad. "Il y a des organisations des soins qui permettent de casser cette espèce de cassure effrayante pour la majorité des résidents et de leurs familles, qui est de passer, en une demi-heure, de 35 présents à deux présents dans le personnel. C'est difficile à corriger, mais cela peut quand même être amélioré, par exemple en faisant partir en sifflet les soignants de jour -une aide-soignante part à 19h30, une autre à 20h, une autre à 20h30...- et en faisant arriver en sifflet les soignants de nuit, avec une décroissance plus progressive du nombre de personnel", a-t-il proposé.

Un peu plus tôt dans le débat, le Pr Olivier Hanon, responsable scientifique de l'étude menée sur les années 2014, 2015 et 2016 en Ile-de-France sur l'impact des infirmières de nuit en Ehpad (cf dépêche du 30/08/2017 à 11:02), avait expliqué qu'il y avait moins d'hospitalisations de résidents après un passage aux urgences, lorsque l'Ehpad avait accès à une infirmière la nuit (37% versus 55% pour les établissements sans infirmière de nuit), et que la durée d'hospitalisation était réduite de quatre jours pour les résidents d'Ehpad avec infirmière de nuit.

En revanche, "le recours aux urgences n’a pas changé", avait-il souligné. "On voit bien les limites du dispositif car les résidents sont adressés aux urgences" dans les mêmes proportions, qu'il y ait, ou non, une infirmière de nuit.

vl/ab/APMnews

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(Par Valérie LESPEZ, aux Assises nationales des médecins coordonnateurs)

PARIS, 16 octobre 2018 (APMnews) - "Il faut que les Ehpad [établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes] aient un protocole téléphonique avec le Samu" la nuit, le week-end et les jours fériés, pour améliorer la prise en charge des résidents, a estimé Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), lundi, aux 17es Assises nationales des médecins coordonnateurs en Ehpad, organisées lundi et mardi par la société EHPA.

"Nous avons eu, en 2002, une décision politique qui [a] juste voulu faire plaisir au monde libéral qui ne voulait plus [...] faire des gardes de nuit. Nous ramons tous ensemble depuis", a asséné Patrick Pelloux.

"Au Samu de Paris, j'ai régulièrement des appels angoissés de personnels d'Ehpad la nuit, le médecin coordonnateur n'est pas joignable, ce que je peux comprendre à 3h du matin, les dossiers sont inaccessibles et cela devient très compliqué. La seule solution à l'heure actuelle, c'est de prendre une ambulance et d'aller aux urgences", a-t-il raconté.

Et quand la personne âgée arrive aux urgences, "il n'y a pas le dossier, on va tout recommencer à zéro et il n'y a pas les souhaits de la personne pour savoir si elle peut être réanimée ou pas... Bref, on se retrouve avec des questions extrêmement compliquées", a-t-il poursuivi.

Il a aussi souligné "l'erreur", à son sens, d'avoir "spécialisé la gériatrie, la médecine générale, la médecine d'urgence" et d'avoir "créé des disciplines en silos [...] où chacun a envie de faire ce qu'il a dans son silo et ne s'occupe pas de ce qui se passe à côté".

"Cela pose un problème de coopération entre les systèmes et tout le monde a à y perdre dans cette désorganisation", a-t-il insisté.

Interrogé sur les différents documents de liaison qui existent pourtant déjà entre les Ehpad et les services d'urgence -dossier de liaison d'urgence (DLU), fiche de liaison (cf dépêche du 30/06/2017 à 16:48)- Patrick Pelloux a assuré qu'ils étaient utilisés de manière "marginale", suscitant des murmures désapprobateurs dans la salle. "Cela pourrait être mieux, on pourrait travailler de manière beaucoup plus étroite", a-t-il insisté.

L'urgentiste a estimé qu'il fallait améliorer "la transmission d'informations, l'anticipation sur les patients qui ne vont pas bien", tout en reconnaissant que "nous sommes au début de la pénurie de médecins urgentistes en France" et que de ce fait, "on est au cas par cas selon les régions".

"Il faut que les Ehpad aient un protocole téléphonique avec le Samu, je suis prêt à travailler là-dessus avec vous, et il faut aussi protocoliser l'arrivée des sapeurs-pompiers", a-t-il proposé.

"Quand vous mettez bout à bout le travail de nuit de 18h à 8h du matin, les jours fériés, que vous rajoutez le samedi à partir de 14h et le dimanche, cela représente 65% du temps; ce qui veut dire que 65% du temps, le système de santé français est en permanence des soins... C'est donc le principal mode d'accès aux soins", a insisté Patrick Pelloux.

Et il a donné l'exemple de SOS Médecins "qui fait du très bon travail, mais qui sélectionne ses interventions" et "préfère ne pas aller en Ehpad de peur de ne pas être payé". "Il n'y a pas d'obligation, et c'est cela qui pose problème", a-t-il assuré.

Cela dit, a relativisé Renaud Marin La Meslée, président du Syndicat des généralistes et gériatres intervenant en Ehpad (SNGIE), "la nuit et le week-end sont des périodes difficiles, mais l'hospitalisation des résidents en Ehpad n'est pas ce qui occupe l'urgentiste de façon majoritaire", même si "l'urgence face à la personne âgée est très compliquée, car elle exige une prise en charge globale".

"Casser la cassure effrayante" entre le jour et la nuit

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 prévoit, comme la LFSS 2018, une enveloppe de 10 millions d'euros pour des astreintes infirmières la nuit en Ehpad, rappelle-t-on (cf dépêche du 25/09/2018 à 12:01 et dépêche du 28/09/2017 à 13:02).

Interrogé sur ce dispositif, Renaud Marin La Meslée a estimé qu'il fallait "se poser la question de l’allocation de ressources rares". Et "ce qui va le plus profiter à la qualité de vie au quotidien des résidents, c'est d'avoir davantage de personnes au jour le jour pour s'occuper d'elles", a-t-il ajouté.

"Je ne suis pas opposé aux infirmières de nuit... une fois qu’on aura comblé le déficit de soignants de jour", a-t-il résumé, sous les applaudissements nourris des médecins coordonnateurs dans la salle.

"Pour moi, la meilleure gestion de l'urgence, c'est un urgentiste qui vient dans l'Ehpad", a-t-il poursuivi. "Le bon sens voudrait que l'on installe dans tous les endroits où il n'y en a pas, ou plutôt plus [...], des effecteurs de nuit dans les permanences de nuit", a-t-il ajouté.

Mais il a aussi remarqué qu'il était sans doute possible d'améliorer l'organisation des Ehpad. "Il y a des organisations des soins qui permettent de casser cette espèce de cassure effrayante pour la majorité des résidents et de leurs familles, qui est de passer, en une demi-heure, de 35 présents à deux présents dans le personnel. C'est difficile à corriger, mais cela peut quand même être amélioré, par exemple en faisant partir en sifflet les soignants de jour -une aide-soignante part à 19h30, une autre à 20h, une autre à 20h30...- et en faisant arriver en sifflet les soignants de nuit, avec une décroissance plus progressive du nombre de personnel", a-t-il proposé.

Un peu plus tôt dans le débat, le Pr Olivier Hanon, responsable scientifique de l'étude menée sur les années 2014, 2015 et 2016 en Ile-de-France sur l'impact des infirmières de nuit en Ehpad (cf dépêche du 30/08/2017 à 11:02), avait expliqué qu'il y avait moins d'hospitalisations de résidents après un passage aux urgences, lorsque l'Ehpad avait accès à une infirmière la nuit (37% versus 55% pour les établissements sans infirmière de nuit), et que la durée d'hospitalisation était réduite de quatre jours pour les résidents d'Ehpad avec infirmière de nuit.

En revanche, "le recours aux urgences n’a pas changé", avait-il souligné. "On voit bien les limites du dispositif car les résidents sont adressés aux urgences" dans les mêmes proportions, qu'il y ait, ou non, une infirmière de nuit.

vl/ab/APMnews

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