Actualités de l'Urgence - APM

17/10 2018
Retour

REGISTRES DES MALFORMATIONS CONGÉNITALES: IL FAUT PROTÉGER LES PETITES STRUCTURES DE SANTÉ (TRIBUNE)

PARIS, 17 octobre 2018 (APMnews) - La présidente du conseil scientifique du registre des malformations congénitales de Rhône-Alpes (REMERA), Elisabeth Gnansia, alerte sur l’insuffisance de financement des petites structures de santé, nécessaires à la créativité et à la vitalité de la recherche, dans une tribune publiée mercredi sur le site du Monde.

Elisabeth Gnansia, généticienne, est l'ancienne directrice scientifique de l’Institut européen des génomutations, premier registre de malformations créé en France en 1973, qui a dû fermer ses portes fin 2006, faute de financements, et dont les activités et dossiers ont été repris par REMERA, rappelle-t-on.

Elle rappelle dans sa tribune que c'est leur "petite structure qui, en 1982, a permis de mettre en évidence [l']effet tératogène [du valproate -Dépakine*, Sanofi]. Nous l’avons trouvé avant les autres, mais comme nous étions 'petits', on ne nous a pas pris au sérieux. Comme pour d’autres problèmes sanitaires (Mediator*, hormone de croissance, etc.), il a fallu passer par les plaintes de patients, les avocats et les tribunaux pour qu’enfin les autorités de santé s’en saisissent".

"Si nous faisions en sorte que cela change?", suggère-t-elle.

Le rôle des petites structures de santé publique est de "mettre en lumière les enjeux scientifiques plus larges" d'une situation telle que l'alerte lancée par REMERA sur les cas de malformation réductionnelle du membre supérieur dans l'Ain, considère-t-elle. Mais les petites structures ont de plus en plus de mal à recevoir des financements, et donc à exister, sans doute pour 2 raisons, avance-t-elle.

"D’abord parce que la priorité est donnée au financement des recherches sur les grandes populations, sur les maladies qui concernent le plus de monde, ou sur les pathologies les plus graves".

"Ensuite parce que la tendance actuelle à la concentration des secteurs d’activité amène les petites structures à s’adosser à de plus grandes structures pour travailler. Ainsi, elles disparaissent du paysage pour se réinventer ailleurs, et c’est la marche logique de l’histoire du capitalisme", poursuit-elle.

Uniformisation de la pensée scientifique

Cette évolution est dangereuse pour 2 raisons également, selon Elisabeth Gnansia.

"D’une part, la priorité bien compréhensible donnée à des maladies sévères fait perdre de vue certains enjeux, qui passent au second plan". Ainsi, on sera moins vigilant et on repérera moins vite les signaux faibles puisque moins de gens y travaillent. "De là viendront les crises potentiellement les plus graves -pas parce qu’elles concerneront plus de personnes, mais parce que l’on y sera moins bien préparé et que par conséquent les dommages seront potentiellement plus lourds", estime-t-elle.

D'autre part, "l’adossement à des structures plus grandes uniformise les méthodologies, les protocoles de recherche, et plus généralement la manière de penser. Notre recherche va alors perdre en créativité, en diversité de manières de penser".

La scientifique fait un parallèle avec les secteurs de l'automobile, de l'industrie textile ou des nouvelles technologies, dans lesquels "la question du financement ne se poserait pas et l’on dirait simplement: pour que l’innovation arrive, il faut éviter les monopoles, les trop grosses structures". Mais "en santé publique, sous prétexte qu’une partie des monopoles sont d’Etat, on considère que ce n’est pas un problème". Or un monopole pose un "problème de structure, parce que la structure influe sur la méthode, la créativité, l’innovation potentielle".

"Si on ne conserve pas des structures 'agiles' [...], créatives, on perdra en innovation et c’est toute la chaîne de valeur de la santé publique qui risque d’y perdre. Plutôt que réduire la question à un strict problème de financement, ne devrait-on pas penser l’innovation en santé publique aussi en termes de structures?", interroge-t-elle.

Dans cette tribune, rédigée plutôt que de solliciter une énième réunion avec la direction générale de la santé (DGS) ou Santé publique France, "l’idée n’est pas de défendre notre activité parce que c’est la nôtre, mais de défendre ce que notre action peut apporter à la société".

Devant les tutelles, "où il faudrait défendre l’intérêt à court ou long terme de telle ou telle recherche", en travaillant sur des événements rares "nous perdrons toujours en légitimité contre ceux qui luttent contre le cancer, la mucoviscidose, ou face aux moyens déployés par le Téléthon", regrette la généticienne.

Avis de licenciement notifié aux 6 membres de REMERA

Depuis plusieurs années, la responsable du registre, Emmanuelle Amar, alerte sur les menaces qui pèsent sur son maintien, du fait de la fragilité des financements et du versement décalé des subventions destinées à son fonctionnement. Les organismes financeurs reprochent toutefois au registre de ne pas s'être soumis aux évaluations demandées et de ne pas communiquer ses données à la fédération de registres européens EUROCAT (cf dépêche du 15/10/2018 à 16:45).

A cela s'est ajouté dernièrement une controverse scientifique autour de l'alerte lancée par REMERA sur les cas groupes de bébés nés avec des malformations des membres supérieurs dans l'Ain (cf dépêche du 04/10/2018 à 18:15 et dépêche du 04/10/2018 à 13:51).

Le registre a perdu cette année la moitié de ses financements (ceux de la région et de l'Inserm), et la subvention de Santé publique France tarde à être versée.

Un avis de licenciement des 6 salariés de REMERA leur a été notifié mardi par les Hospices civils de Lyon (auxquels est adossé le registre et qui verse les salaires de ses membres, non statutaires), a fait savoir la directrice du registre, Emmanuelle Amar, mercredi.

"La DPAS [direction du personnel et des affaires sociales] est venue au registre [mardi] et a indiqué qu'à l'heure actuelle, elle était à 90% sûre du licenciement", a indiqué la directrice du registre à APMnews mardi. La décision est guidée par l'absence de versement des subventions au CHU destinées au registre, lui a-t-on confirmé, notamment au paiement des salaires, que l'établissement de santé avance depuis plusieurs années.

L'équipe est de nouveau convoquée mercredi 24 octobre par le CHU en vue de se voir remettre leur lettre de licenciement et remplir les éventuelles fiches de reclassement, a ajouté Emmanuelle Amar.

La directrice du registre sera par ailleurs auditionnée mardi 23 octobre par le groupe d'étude sur la santé environnementale à l'Assemblée nationale.

cd/ab/APMnews

Les données APM Santé sont la propriété de APM International. Toute copie, republication ou redistribution des données APM Santé, notamment via la mise en antémémoire, l'encadrement ou des moyens similaires, est expressément interdite sans l'accord préalable écrit de APM. APM ne sera pas responsable des erreurs ou des retards dans les données ou de toutes actions entreprises en fonction de celles-ci ou toutes décisions prises sur la base du service. APM, APM Santé et le logo APM International, sont des marques d'APM International dans le monde. Pour de plus amples informations sur les autres services d'APM, veuillez consulter le site Web public d'APM à l'adresse www.apmnews.com

Copyright © APM-Santé - Tous droits réservés.

Informations professionnelles

17/10 2018
Retour

REGISTRES DES MALFORMATIONS CONGÉNITALES: IL FAUT PROTÉGER LES PETITES STRUCTURES DE SANTÉ (TRIBUNE)

PARIS, 17 octobre 2018 (APMnews) - La présidente du conseil scientifique du registre des malformations congénitales de Rhône-Alpes (REMERA), Elisabeth Gnansia, alerte sur l’insuffisance de financement des petites structures de santé, nécessaires à la créativité et à la vitalité de la recherche, dans une tribune publiée mercredi sur le site du Monde.

Elisabeth Gnansia, généticienne, est l'ancienne directrice scientifique de l’Institut européen des génomutations, premier registre de malformations créé en France en 1973, qui a dû fermer ses portes fin 2006, faute de financements, et dont les activités et dossiers ont été repris par REMERA, rappelle-t-on.

Elle rappelle dans sa tribune que c'est leur "petite structure qui, en 1982, a permis de mettre en évidence [l']effet tératogène [du valproate -Dépakine*, Sanofi]. Nous l’avons trouvé avant les autres, mais comme nous étions 'petits', on ne nous a pas pris au sérieux. Comme pour d’autres problèmes sanitaires (Mediator*, hormone de croissance, etc.), il a fallu passer par les plaintes de patients, les avocats et les tribunaux pour qu’enfin les autorités de santé s’en saisissent".

"Si nous faisions en sorte que cela change?", suggère-t-elle.

Le rôle des petites structures de santé publique est de "mettre en lumière les enjeux scientifiques plus larges" d'une situation telle que l'alerte lancée par REMERA sur les cas de malformation réductionnelle du membre supérieur dans l'Ain, considère-t-elle. Mais les petites structures ont de plus en plus de mal à recevoir des financements, et donc à exister, sans doute pour 2 raisons, avance-t-elle.

"D’abord parce que la priorité est donnée au financement des recherches sur les grandes populations, sur les maladies qui concernent le plus de monde, ou sur les pathologies les plus graves".

"Ensuite parce que la tendance actuelle à la concentration des secteurs d’activité amène les petites structures à s’adosser à de plus grandes structures pour travailler. Ainsi, elles disparaissent du paysage pour se réinventer ailleurs, et c’est la marche logique de l’histoire du capitalisme", poursuit-elle.

Uniformisation de la pensée scientifique

Cette évolution est dangereuse pour 2 raisons également, selon Elisabeth Gnansia.

"D’une part, la priorité bien compréhensible donnée à des maladies sévères fait perdre de vue certains enjeux, qui passent au second plan". Ainsi, on sera moins vigilant et on repérera moins vite les signaux faibles puisque moins de gens y travaillent. "De là viendront les crises potentiellement les plus graves -pas parce qu’elles concerneront plus de personnes, mais parce que l’on y sera moins bien préparé et que par conséquent les dommages seront potentiellement plus lourds", estime-t-elle.

D'autre part, "l’adossement à des structures plus grandes uniformise les méthodologies, les protocoles de recherche, et plus généralement la manière de penser. Notre recherche va alors perdre en créativité, en diversité de manières de penser".

La scientifique fait un parallèle avec les secteurs de l'automobile, de l'industrie textile ou des nouvelles technologies, dans lesquels "la question du financement ne se poserait pas et l’on dirait simplement: pour que l’innovation arrive, il faut éviter les monopoles, les trop grosses structures". Mais "en santé publique, sous prétexte qu’une partie des monopoles sont d’Etat, on considère que ce n’est pas un problème". Or un monopole pose un "problème de structure, parce que la structure influe sur la méthode, la créativité, l’innovation potentielle".

"Si on ne conserve pas des structures 'agiles' [...], créatives, on perdra en innovation et c’est toute la chaîne de valeur de la santé publique qui risque d’y perdre. Plutôt que réduire la question à un strict problème de financement, ne devrait-on pas penser l’innovation en santé publique aussi en termes de structures?", interroge-t-elle.

Dans cette tribune, rédigée plutôt que de solliciter une énième réunion avec la direction générale de la santé (DGS) ou Santé publique France, "l’idée n’est pas de défendre notre activité parce que c’est la nôtre, mais de défendre ce que notre action peut apporter à la société".

Devant les tutelles, "où il faudrait défendre l’intérêt à court ou long terme de telle ou telle recherche", en travaillant sur des événements rares "nous perdrons toujours en légitimité contre ceux qui luttent contre le cancer, la mucoviscidose, ou face aux moyens déployés par le Téléthon", regrette la généticienne.

Avis de licenciement notifié aux 6 membres de REMERA

Depuis plusieurs années, la responsable du registre, Emmanuelle Amar, alerte sur les menaces qui pèsent sur son maintien, du fait de la fragilité des financements et du versement décalé des subventions destinées à son fonctionnement. Les organismes financeurs reprochent toutefois au registre de ne pas s'être soumis aux évaluations demandées et de ne pas communiquer ses données à la fédération de registres européens EUROCAT (cf dépêche du 15/10/2018 à 16:45).

A cela s'est ajouté dernièrement une controverse scientifique autour de l'alerte lancée par REMERA sur les cas groupes de bébés nés avec des malformations des membres supérieurs dans l'Ain (cf dépêche du 04/10/2018 à 18:15 et dépêche du 04/10/2018 à 13:51).

Le registre a perdu cette année la moitié de ses financements (ceux de la région et de l'Inserm), et la subvention de Santé publique France tarde à être versée.

Un avis de licenciement des 6 salariés de REMERA leur a été notifié mardi par les Hospices civils de Lyon (auxquels est adossé le registre et qui verse les salaires de ses membres, non statutaires), a fait savoir la directrice du registre, Emmanuelle Amar, mercredi.

"La DPAS [direction du personnel et des affaires sociales] est venue au registre [mardi] et a indiqué qu'à l'heure actuelle, elle était à 90% sûre du licenciement", a indiqué la directrice du registre à APMnews mardi. La décision est guidée par l'absence de versement des subventions au CHU destinées au registre, lui a-t-on confirmé, notamment au paiement des salaires, que l'établissement de santé avance depuis plusieurs années.

L'équipe est de nouveau convoquée mercredi 24 octobre par le CHU en vue de se voir remettre leur lettre de licenciement et remplir les éventuelles fiches de reclassement, a ajouté Emmanuelle Amar.

La directrice du registre sera par ailleurs auditionnée mardi 23 octobre par le groupe d'étude sur la santé environnementale à l'Assemblée nationale.

cd/ab/APMnews

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites.