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12/03 2024
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REVALORISATION DES ASTREINTES DES PRATICIENS HOSPITALIERS: VERS UN SCÉNARIO À PLUSIEURS FORFAITS

PARIS, 12 mars 2024 (APMnews) - La refonte et la revalorisation des astreintes des praticiens hospitaliers devraient déboucher sur la généralisation de plusieurs niveaux de forfaits, selon un document de travail dont APMnews a eu connaissance.

L'ancienne première ministre Elisabeth Borne avait annoncé en août 2023 une revalorisation des astreintes des praticiens hospitaliers, à hauteur de celles du secteur privé (cf dépêche du 31/08/2023 à 19:25).

Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), rendu public un mois plus tôt, avait formulé plusieurs constats: un "déséquilibre" entre l'indemnisation des astreintes des praticiens publics et libéraux, une conception "binaire" résultant des dispositions reconnaissant soit la veille au domicile, indemnisée au forfait, soit le déplacement sur site, "reconnu au réel du temps presté", ainsi que des pratiques de forfaitisation pour cette seconde situation présentant des "lacunes importantes". L'inspection a également relevé des "incertitudes" sur le suivi effectif du temps de travail en astreinte.

Elle a notamment proposé, outre des revalorisations, de mettre en place un régime des astreintes forfaitisées "de droit commun" au lieu d'être dérogatoire. L'Igas a également préconisé de rappeler aux établissements leurs obligations en matière de contrôle du temps de travail réalisé en astreinte.

Pour l'inspection, cette amélioration de la reconnaissance des astreintes devait être réalisée à échéance de juillet 2024, au moment de l'entrée en vigueur des nouveaux schémas régionaux de la permanence des soins en établissement de santé (PDSES) territorialisée (cf dépêche du 07/09/2023 à 18:45).

La réforme prévue par le ministère instaurerait quatre niveaux d'indemnisation, selon un document de travail issu d'une troisième réunion entre la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et les organisations syndicales, le 14 février. Il est précisé que l'Igas recommandait quatre niveaux de forfait, de 100 €, 150 €, 200 € et 250 €, représentant un coût pour les établissements de santé de 136 millions d'euros (M€) -voire 145 M€ en intégrant les établissements à but non lucratif.

Le coût de la revalorisation par référence à l'indemnisation des astreintes des médecins libéraux, avec un forfait unique de 180 €, représenterait un coût de 146 M€.

Pour une astreinte "très rarement déplacée et très peu sollicitée", la DGOS propose un nouveau forfait "plancher" de 70 €, alors qu'actuellement le forfait sans déplacement est de 44,52 €, auquel s'ajoute une indemnité en cas de déplacement (140,67 €). Elle précise chiffrer l'ensemble de ses propositions avec la même enveloppe financière que celle préconisée par l'Igas.

Pour une astreinte "peu déplacée et très sollicitée par téléphone ou avec un exercice en télémédecine", un deuxième niveau pourrait se situer à 130 €.

La DGOS propose d'instaurer deux autres types de forfaits. L'un, d'un montant de 220 €, qui se substituerait au régime actuel en cas d'astreinte "souvent déplacée", représenterait un gain de 20%, selon ses calculs. L'autre, pour une astreinte avec une activité en lien avec le fonctionnement d'un bloc opératoire, irait jusqu'à 280 € (+40%).

Le forfait moyen par astreinte serait ainsi de 175 €, calcule la DGOS.

Période transitoire jusqu'à fin 2024

Les astreintes déplacées seraient décomptées dans les obligations de service selon le modèle existant. Pour les astreintes "non déplacées mais fortement sollicitées par téléphone ou avec un exercice en télémédecine/téléradiologie", le document mentionne la proposition d'une prise en compte "de manière forfaitaire dans les obligations de service, à hauteur d'un pourcentage du temps passé en astreinte".

Cette évolution permettrait "la reconnaissance du temps de travail effectif réalisé en astreinte", selon la DGOS. Elle évoque néanmoins le risque d'une "moindre souplesse d'organisation médicale et de perte d'activité le lendemain" qui serait lié à l'attribution d'un repos automatique à l'issue de l'astreinte.

"Compte tenu des travaux préparatoires nécessaires à la mise en place de la forfaitisation" et du calendrier retardé d'élaboration des nouveaux schémas régionaux de la permanence des soins en établissement de santé (PDSES), "la refonte des astreintes ne pourra être pleinement effective qu'après une période transitoire (jusqu'à fin 2024 début 2025)", est-il précisé dans le document.

"L'indemnisation au réel des astreintes selon le modèle actuel perdurera jusqu'à l'adoption des nouveaux forfaits et l'approbation de l'ARS [agence régionale de santé] en cohérence avec le SRS [schéma régional de santé]."

Quant au sujet du nombre minimal de praticiens par ligne de garde par exemple, qui est une autre recommandation de l'Igas, il "requiert des travaux complémentaires afin d'établir des diagnostics territoriaux, en lien étroit avec les ARS, et ainsi mieux mesurer la faisabilité et l'impact sur l'offre de soins des hypothèses identifiées". Cette piste ne pourra donc être mise en œuvre dans le cadre de la refonte du régime des astreintes.

Si les travaux ne sont pas terminés sur les revalorisations, les propositions avancées par l'administration suscitent quelques inquiétudes et interrogations.

Dans son document, la DGOS fait état d'une proposition de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) reposant sur trois forfaits, avec un minimum à 180 € et "un maximum au montant de l'indemnité de garde" (422 €).

La complexité et les montants critiqués

"Alors que le régime actuel est déjà une 'usine à gaz', la DGOS propose une nouvelle organisation encore plus complexe qui se déclinerait en plusieurs niveaux d'indemnisation fixés par arrêté", a réagi Jeunes médecins jeudi dans un communiqué.

"Dans cette nouvelle organisation qui n'assure pas de véritable revalorisation financière des astreintes, il sera difficile, d'une part, de définir a priori précisément le niveau des astreintes (laissé à la discrétion des établissements), d'autre part, de calculer aisément la rémunération globale des astreintes effectuées dans le mois (certaines ayant été déplacées alors qu'elles n'auraient 'sur le papier' pas dû l'être, d'autres ayant été sollicitées mais non déplacées alors qu'elles sont en principe souvent déplacées, etc.)."

Jeunes médecins explique avoir sondé ses adhérents "en leur proposant d'abandonner le régime des astreintes tel que nous le connaissons, pour le remplacer par un régime unique de gardes sur place et/ou en télétravail".

Les astreintes sont aujourd'hui "moins rémunérées que les gardes alors qu'elles peuvent être très contraignantes même en l'absence de déplacements et elles assurent une moins bonne prise en compte du temps de travail avec un risque non négligeable d'atteinte au repos de sécurité (qui varie également en fonction de l'état des vacances de postes dans les services)", commente l'organisation.

L'enquête lancée auprès de ses adhérents "montre que 80,2% des jeunes médecins souhaitent que le régime des astreintes soit remplacé par un régime unique de gardes sur place et/ou en télétravail (contre 19,8% qui souhaitent conserver le régime actuel)".

"Avec la somme prévue, on est très loin du compte" pour aligner l'indemnisation des astreintes sur celle du privé, a commenté vendredi Yves Rébufat, délégué général d'Action praticiens hôpital (APH), interrogé par APMnews.

APH est "d'accord sur le [principe du] forfait, à condition qu'il comprenne une partie de temps de travail", a-t-il également fait valoir.

Le syndicat souhaite également que le forfait actuel sans déplacement comme le forfait maximum avec déplacement (185 € actuellement, et 200 € pour les blocs opératoires) soient revalorisés d'au moins 50%, comme pour les indemnités de garde.

Cette concertation sur la refonte des astreintes s'inscrit dans la réflexion sur la PDSES, qui fait l'objet d'une enquête dans les établissements lancée par la DGOS et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH). Le recueil des données a débuté lundi pour se terminer le 7 avril (cf dépêche du 27/02/2024 à 10:13).

La loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, dite "Valletoux", porte création d'une responsabilité collective pour les établissements de santé en vue d'assurer la PDSES dans le cadre de la mise en œuvre du schéma régional de santé et de l'organisation territoriale de la permanence des soins (PDS) (cf dépêche du 08/01/2024 à 16:21).

mlb/ab/APMnews

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REVALORISATION DES ASTREINTES DES PRATICIENS HOSPITALIERS: VERS UN SCÉNARIO À PLUSIEURS FORFAITS

PARIS, 12 mars 2024 (APMnews) - La refonte et la revalorisation des astreintes des praticiens hospitaliers devraient déboucher sur la généralisation de plusieurs niveaux de forfaits, selon un document de travail dont APMnews a eu connaissance.

L'ancienne première ministre Elisabeth Borne avait annoncé en août 2023 une revalorisation des astreintes des praticiens hospitaliers, à hauteur de celles du secteur privé (cf dépêche du 31/08/2023 à 19:25).

Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), rendu public un mois plus tôt, avait formulé plusieurs constats: un "déséquilibre" entre l'indemnisation des astreintes des praticiens publics et libéraux, une conception "binaire" résultant des dispositions reconnaissant soit la veille au domicile, indemnisée au forfait, soit le déplacement sur site, "reconnu au réel du temps presté", ainsi que des pratiques de forfaitisation pour cette seconde situation présentant des "lacunes importantes". L'inspection a également relevé des "incertitudes" sur le suivi effectif du temps de travail en astreinte.

Elle a notamment proposé, outre des revalorisations, de mettre en place un régime des astreintes forfaitisées "de droit commun" au lieu d'être dérogatoire. L'Igas a également préconisé de rappeler aux établissements leurs obligations en matière de contrôle du temps de travail réalisé en astreinte.

Pour l'inspection, cette amélioration de la reconnaissance des astreintes devait être réalisée à échéance de juillet 2024, au moment de l'entrée en vigueur des nouveaux schémas régionaux de la permanence des soins en établissement de santé (PDSES) territorialisée (cf dépêche du 07/09/2023 à 18:45).

La réforme prévue par le ministère instaurerait quatre niveaux d'indemnisation, selon un document de travail issu d'une troisième réunion entre la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et les organisations syndicales, le 14 février. Il est précisé que l'Igas recommandait quatre niveaux de forfait, de 100 €, 150 €, 200 € et 250 €, représentant un coût pour les établissements de santé de 136 millions d'euros (M€) -voire 145 M€ en intégrant les établissements à but non lucratif.

Le coût de la revalorisation par référence à l'indemnisation des astreintes des médecins libéraux, avec un forfait unique de 180 €, représenterait un coût de 146 M€.

Pour une astreinte "très rarement déplacée et très peu sollicitée", la DGOS propose un nouveau forfait "plancher" de 70 €, alors qu'actuellement le forfait sans déplacement est de 44,52 €, auquel s'ajoute une indemnité en cas de déplacement (140,67 €). Elle précise chiffrer l'ensemble de ses propositions avec la même enveloppe financière que celle préconisée par l'Igas.

Pour une astreinte "peu déplacée et très sollicitée par téléphone ou avec un exercice en télémédecine", un deuxième niveau pourrait se situer à 130 €.

La DGOS propose d'instaurer deux autres types de forfaits. L'un, d'un montant de 220 €, qui se substituerait au régime actuel en cas d'astreinte "souvent déplacée", représenterait un gain de 20%, selon ses calculs. L'autre, pour une astreinte avec une activité en lien avec le fonctionnement d'un bloc opératoire, irait jusqu'à 280 € (+40%).

Le forfait moyen par astreinte serait ainsi de 175 €, calcule la DGOS.

Période transitoire jusqu'à fin 2024

Les astreintes déplacées seraient décomptées dans les obligations de service selon le modèle existant. Pour les astreintes "non déplacées mais fortement sollicitées par téléphone ou avec un exercice en télémédecine/téléradiologie", le document mentionne la proposition d'une prise en compte "de manière forfaitaire dans les obligations de service, à hauteur d'un pourcentage du temps passé en astreinte".

Cette évolution permettrait "la reconnaissance du temps de travail effectif réalisé en astreinte", selon la DGOS. Elle évoque néanmoins le risque d'une "moindre souplesse d'organisation médicale et de perte d'activité le lendemain" qui serait lié à l'attribution d'un repos automatique à l'issue de l'astreinte.

"Compte tenu des travaux préparatoires nécessaires à la mise en place de la forfaitisation" et du calendrier retardé d'élaboration des nouveaux schémas régionaux de la permanence des soins en établissement de santé (PDSES), "la refonte des astreintes ne pourra être pleinement effective qu'après une période transitoire (jusqu'à fin 2024 début 2025)", est-il précisé dans le document.

"L'indemnisation au réel des astreintes selon le modèle actuel perdurera jusqu'à l'adoption des nouveaux forfaits et l'approbation de l'ARS [agence régionale de santé] en cohérence avec le SRS [schéma régional de santé]."

Quant au sujet du nombre minimal de praticiens par ligne de garde par exemple, qui est une autre recommandation de l'Igas, il "requiert des travaux complémentaires afin d'établir des diagnostics territoriaux, en lien étroit avec les ARS, et ainsi mieux mesurer la faisabilité et l'impact sur l'offre de soins des hypothèses identifiées". Cette piste ne pourra donc être mise en œuvre dans le cadre de la refonte du régime des astreintes.

Si les travaux ne sont pas terminés sur les revalorisations, les propositions avancées par l'administration suscitent quelques inquiétudes et interrogations.

Dans son document, la DGOS fait état d'une proposition de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) reposant sur trois forfaits, avec un minimum à 180 € et "un maximum au montant de l'indemnité de garde" (422 €).

La complexité et les montants critiqués

"Alors que le régime actuel est déjà une 'usine à gaz', la DGOS propose une nouvelle organisation encore plus complexe qui se déclinerait en plusieurs niveaux d'indemnisation fixés par arrêté", a réagi Jeunes médecins jeudi dans un communiqué.

"Dans cette nouvelle organisation qui n'assure pas de véritable revalorisation financière des astreintes, il sera difficile, d'une part, de définir a priori précisément le niveau des astreintes (laissé à la discrétion des établissements), d'autre part, de calculer aisément la rémunération globale des astreintes effectuées dans le mois (certaines ayant été déplacées alors qu'elles n'auraient 'sur le papier' pas dû l'être, d'autres ayant été sollicitées mais non déplacées alors qu'elles sont en principe souvent déplacées, etc.)."

Jeunes médecins explique avoir sondé ses adhérents "en leur proposant d'abandonner le régime des astreintes tel que nous le connaissons, pour le remplacer par un régime unique de gardes sur place et/ou en télétravail".

Les astreintes sont aujourd'hui "moins rémunérées que les gardes alors qu'elles peuvent être très contraignantes même en l'absence de déplacements et elles assurent une moins bonne prise en compte du temps de travail avec un risque non négligeable d'atteinte au repos de sécurité (qui varie également en fonction de l'état des vacances de postes dans les services)", commente l'organisation.

L'enquête lancée auprès de ses adhérents "montre que 80,2% des jeunes médecins souhaitent que le régime des astreintes soit remplacé par un régime unique de gardes sur place et/ou en télétravail (contre 19,8% qui souhaitent conserver le régime actuel)".

"Avec la somme prévue, on est très loin du compte" pour aligner l'indemnisation des astreintes sur celle du privé, a commenté vendredi Yves Rébufat, délégué général d'Action praticiens hôpital (APH), interrogé par APMnews.

APH est "d'accord sur le [principe du] forfait, à condition qu'il comprenne une partie de temps de travail", a-t-il également fait valoir.

Le syndicat souhaite également que le forfait actuel sans déplacement comme le forfait maximum avec déplacement (185 € actuellement, et 200 € pour les blocs opératoires) soient revalorisés d'au moins 50%, comme pour les indemnités de garde.

Cette concertation sur la refonte des astreintes s'inscrit dans la réflexion sur la PDSES, qui fait l'objet d'une enquête dans les établissements lancée par la DGOS et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH). Le recueil des données a débuté lundi pour se terminer le 7 avril (cf dépêche du 27/02/2024 à 10:13).

La loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, dite "Valletoux", porte création d'une responsabilité collective pour les établissements de santé en vue d'assurer la PDSES dans le cadre de la mise en œuvre du schéma régional de santé et de l'organisation territoriale de la permanence des soins (PDS) (cf dépêche du 08/01/2024 à 16:21).

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