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06/02 2019
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SÉCURITÉ ALIMENTAIRE : LA COUR DES COMPTES PRÉCONISE UNE GOUVERNANCE "CLARIFIÉE"

PARIS, 6 février 2019 (APMnews) - La Cour des comptes recommande de clarifier la gouvernance de la sécurité alimentaire en France et de renforcer la contribution financière des professionnels, dans son rapport public annuel publié mercredi.

La Cour des comptes qui avait effectué en 2013 un premier contrôle de la politique de sécurité des aliments, dont les résultats étaient exposés dans son rapport annuel de 2014, a constaté "des progrès" dans la programmation et le ciblage des contrôles ainsi que dans les suites données aux inspections.

Ainsi, dans presque tous les secteurs inspectés par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la proportion d'entreprises contrôlées présentant des anomalies a progressé : le taux moyen est passé de 42% à 49% entre 2013 et 2017.

De même, alors qu'en 2014, les suites données par le ministère de l’agriculture à ses contrôles étaient "peu nombreuses et insuffisamment contraignantes", en 2017, les avertissements adressés ont crû de 67% et le nombre de suites contraignante de 37%.

Les magistrats considèrent néanmoins que des "faiblesses" persistent dans la chaîne de contrôle, la gouvernance et le financement de cette politique publique.

Les autocontrôles restent "insuffisamment encadrés", soulignent-ils en rappelant l'affaire Lactalis.

La transmission obligatoire à l'administration de résultats d'analyse non conformes, révélés par des autocontrôles, n'était pas respectée en 2014, notamment parce que les textes permettant aux administrations d'exiger des laboratoires la communication de ces résultats n'avaient pas été adoptés. "Quatre ans plus tard, aucune des mesures nécessaires à la mise en oeuvre de cette obligation n'avait été prise", relève le rapport.

Mais à la suite de l'affaire Lactalis, la loi du 30 octobre 2018 relative aux relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire (Egalim) impose aux entreprises agro-alimentaires de transmettre aux autorités, sous peine de sanctions, tout résultat d'analyse indiquant qu'un aliment ou son environnement de production présentent ou sont susceptibles de présenter un risque pour la santé.

Par ailleurs, la Cour dénonce un taux trop important de dérogations parmi les établissements soumis à l'obligation d'agrément européen. Sont concernés ceux qui manipulent, transforment, déconditionnent, reconditionnent et entreposent sous température contrôlée des produits d'origine animale pour les céder à un autre établissement, ainsi que ceux qui retransforment un produit d'origine animale. En outre, de 2013 à 2017, le nombre d'établissements bénéficiant de dérogations est passé de 9.659 à 13.845. Chaque année, ils représentent plus de la moitié des établissements agréés. Or les contrôles réalisés sur ces établissements sont peu nombreux.

Un contrôle tous les 15 ans pour les établissements de restauration

Par ailleurs, certains secteurs sont "insuffisamment couverts par les contrôles", relèvent les magistrats. Comme c'est le cas du secteur de la distribution d'aliments et de la restauration. Le taux de couverture atteignait 9% pour la direction générale de l'alimentation (DGAL) et 4% pour la DGCCRF. Si bien qu'au titre de la sécurité sanitaire de l'alimentation, un établissement de restauration est contrôlé en moyenne une fois tous les 15 ans par les services de l'Etat, note le rapport.

S'appuyant sur l'exemple de l'affaire Lactalis, lors de laquelle, malgré trois demandes de retrait successives de la DGCCRF, des lots de produits incriminés étaient toujours en vente, la Cour estime "indispensable" d'améliorer l'exécution des mesures de retrait et de rappel de produits alimentaires dangereux. Pour ce faire, plusieurs pistes ont été avancées. Les magistrats invitent l'administration à travailler "dans les meilleurs délais" à la mise en oeuvre des "plus pertinentes", notamment le blocage en caisse et la publication des retrait-rappel sur un site internet unique.

Le rapport dénonce également le fait que les consommateurs aient accès aux résultats des contrôles sanitaires réalisés par les services de la DGAL mais pas de ceux effectués par la DGCCRF qui communique "de sa propre initiative, au cas par cas", au motif que compte tenu de la faiblesse du taux de couverture, la publication des résultats pourrait porter préjudice aux établissements contrôlés.

Pour la Cour des comptes, le décret du 15 décembre 2016 organisant la publication des résultats des contrôles officiels vise "tous les contrôles [...] sans distinction entre les administrations chargées d'effectuer les vérifications, qui sont donc toutes tenues de l'appliquer".

Le ministre de l'économie et des finances, Bruno Lemaire, répond que la DGCCRF inscrira ces contrôles sur le site Alim'Confiance "à brève échéance".

Pas de "chef de file"

Au niveau national, trois administrations et une agence interviennent dans la sécurité alimentaire : la DGS, la DGCCRF, la DGAL et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

En outre, dans la plupart des pays européens, la sécurité sanitaire des aliments est pilotée par un seul organisme. Selon les magistrats financiers, le fractionnement des compétences entre plusieurs acteurs et la complexité qui en découle "rendent nécessaires la rationalisation et la modernisation du dispositif". Tout du moins, ils considèrent à ce stade, "indispensable" de désigner un "chef de file de l'ensemble du dispositif" et préconisent également de conforter le rôle de pilotage des directions régionales sur les directions départementales interministérielles.

Dans sa réponse, la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, explique que le gouvernement va étudier la mise en place d'une organisation plus intégrée de cette politique. Didier Guillaume souhaite quant à lui aller "encore plus loin" et créer une police sanitaire unique de l'alimentation, comme recommandé par la commission d'enquête parlementaire chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis.

De son côté, Bruno Le Maire estime que "si la désignation d'un chef de file unique peut, de prime abord, apparaître comme une simplification, permettant d'éventuels gains d'efficacité, elle doit faire l'objet d'une analyse approfondie pour évaluer les coûts induits par une telle réorganisation qui ne doivent pas être supérieurs aux gains exposés".

Le rapport aborde également le financement du contrôle de la sécurité sanitaire de l'alimentation et déplore une participation insuffisante des professionnels.

Les redevances sanitaires et à l'importation ont fluctué entre 54 millions d'euros et 55,8 millions d'euros entre 2013 et 2016. Bien que ce mode de financement soit autorisé par la réglementation européenne, il n'est exploité que de manière "limitée" par la France, selon la Cour. Elles ne couvrent que 17% du coût des contrôles effectués par le ministère de l'agriculture. La participation financière des professionnels au coût des contrôle s'élèverait en France à 10%, selon la DGAL, contre 28% aux Pays-Bas, ou encore 47% au Danemark, pointe le rapport.

Les magistrats de la rue Cambon recommandent une participation plus importante des professionnels en augmentant le rendement des redevances sanitaires.

Didier Guillaume précise que le renforcement des contrôles financé par une redevance supplémentaire payée par les professionnels figure au programme de son plan de transformation ministérielle.

vib/ab/APMnews

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PARIS, 6 février 2019 (APMnews) - La Cour des comptes recommande de clarifier la gouvernance de la sécurité alimentaire en France et de renforcer la contribution financière des professionnels, dans son rapport public annuel publié mercredi.

La Cour des comptes qui avait effectué en 2013 un premier contrôle de la politique de sécurité des aliments, dont les résultats étaient exposés dans son rapport annuel de 2014, a constaté "des progrès" dans la programmation et le ciblage des contrôles ainsi que dans les suites données aux inspections.

Ainsi, dans presque tous les secteurs inspectés par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la proportion d'entreprises contrôlées présentant des anomalies a progressé : le taux moyen est passé de 42% à 49% entre 2013 et 2017.

De même, alors qu'en 2014, les suites données par le ministère de l’agriculture à ses contrôles étaient "peu nombreuses et insuffisamment contraignantes", en 2017, les avertissements adressés ont crû de 67% et le nombre de suites contraignante de 37%.

Les magistrats considèrent néanmoins que des "faiblesses" persistent dans la chaîne de contrôle, la gouvernance et le financement de cette politique publique.

Les autocontrôles restent "insuffisamment encadrés", soulignent-ils en rappelant l'affaire Lactalis.

La transmission obligatoire à l'administration de résultats d'analyse non conformes, révélés par des autocontrôles, n'était pas respectée en 2014, notamment parce que les textes permettant aux administrations d'exiger des laboratoires la communication de ces résultats n'avaient pas été adoptés. "Quatre ans plus tard, aucune des mesures nécessaires à la mise en oeuvre de cette obligation n'avait été prise", relève le rapport.

Mais à la suite de l'affaire Lactalis, la loi du 30 octobre 2018 relative aux relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire (Egalim) impose aux entreprises agro-alimentaires de transmettre aux autorités, sous peine de sanctions, tout résultat d'analyse indiquant qu'un aliment ou son environnement de production présentent ou sont susceptibles de présenter un risque pour la santé.

Par ailleurs, la Cour dénonce un taux trop important de dérogations parmi les établissements soumis à l'obligation d'agrément européen. Sont concernés ceux qui manipulent, transforment, déconditionnent, reconditionnent et entreposent sous température contrôlée des produits d'origine animale pour les céder à un autre établissement, ainsi que ceux qui retransforment un produit d'origine animale. En outre, de 2013 à 2017, le nombre d'établissements bénéficiant de dérogations est passé de 9.659 à 13.845. Chaque année, ils représentent plus de la moitié des établissements agréés. Or les contrôles réalisés sur ces établissements sont peu nombreux.

Un contrôle tous les 15 ans pour les établissements de restauration

Par ailleurs, certains secteurs sont "insuffisamment couverts par les contrôles", relèvent les magistrats. Comme c'est le cas du secteur de la distribution d'aliments et de la restauration. Le taux de couverture atteignait 9% pour la direction générale de l'alimentation (DGAL) et 4% pour la DGCCRF. Si bien qu'au titre de la sécurité sanitaire de l'alimentation, un établissement de restauration est contrôlé en moyenne une fois tous les 15 ans par les services de l'Etat, note le rapport.

S'appuyant sur l'exemple de l'affaire Lactalis, lors de laquelle, malgré trois demandes de retrait successives de la DGCCRF, des lots de produits incriminés étaient toujours en vente, la Cour estime "indispensable" d'améliorer l'exécution des mesures de retrait et de rappel de produits alimentaires dangereux. Pour ce faire, plusieurs pistes ont été avancées. Les magistrats invitent l'administration à travailler "dans les meilleurs délais" à la mise en oeuvre des "plus pertinentes", notamment le blocage en caisse et la publication des retrait-rappel sur un site internet unique.

Le rapport dénonce également le fait que les consommateurs aient accès aux résultats des contrôles sanitaires réalisés par les services de la DGAL mais pas de ceux effectués par la DGCCRF qui communique "de sa propre initiative, au cas par cas", au motif que compte tenu de la faiblesse du taux de couverture, la publication des résultats pourrait porter préjudice aux établissements contrôlés.

Pour la Cour des comptes, le décret du 15 décembre 2016 organisant la publication des résultats des contrôles officiels vise "tous les contrôles [...] sans distinction entre les administrations chargées d'effectuer les vérifications, qui sont donc toutes tenues de l'appliquer".

Le ministre de l'économie et des finances, Bruno Lemaire, répond que la DGCCRF inscrira ces contrôles sur le site Alim'Confiance "à brève échéance".

Pas de "chef de file"

Au niveau national, trois administrations et une agence interviennent dans la sécurité alimentaire : la DGS, la DGCCRF, la DGAL et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

En outre, dans la plupart des pays européens, la sécurité sanitaire des aliments est pilotée par un seul organisme. Selon les magistrats financiers, le fractionnement des compétences entre plusieurs acteurs et la complexité qui en découle "rendent nécessaires la rationalisation et la modernisation du dispositif". Tout du moins, ils considèrent à ce stade, "indispensable" de désigner un "chef de file de l'ensemble du dispositif" et préconisent également de conforter le rôle de pilotage des directions régionales sur les directions départementales interministérielles.

Dans sa réponse, la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, explique que le gouvernement va étudier la mise en place d'une organisation plus intégrée de cette politique. Didier Guillaume souhaite quant à lui aller "encore plus loin" et créer une police sanitaire unique de l'alimentation, comme recommandé par la commission d'enquête parlementaire chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis.

De son côté, Bruno Le Maire estime que "si la désignation d'un chef de file unique peut, de prime abord, apparaître comme une simplification, permettant d'éventuels gains d'efficacité, elle doit faire l'objet d'une analyse approfondie pour évaluer les coûts induits par une telle réorganisation qui ne doivent pas être supérieurs aux gains exposés".

Le rapport aborde également le financement du contrôle de la sécurité sanitaire de l'alimentation et déplore une participation insuffisante des professionnels.

Les redevances sanitaires et à l'importation ont fluctué entre 54 millions d'euros et 55,8 millions d'euros entre 2013 et 2016. Bien que ce mode de financement soit autorisé par la réglementation européenne, il n'est exploité que de manière "limitée" par la France, selon la Cour. Elles ne couvrent que 17% du coût des contrôles effectués par le ministère de l'agriculture. La participation financière des professionnels au coût des contrôle s'élèverait en France à 10%, selon la DGAL, contre 28% aux Pays-Bas, ou encore 47% au Danemark, pointe le rapport.

Les magistrats de la rue Cambon recommandent une participation plus importante des professionnels en augmentant le rendement des redevances sanitaires.

Didier Guillaume précise que le renforcement des contrôles financé par une redevance supplémentaire payée par les professionnels figure au programme de son plan de transformation ministérielle.

vib/ab/APMnews

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