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16/11 2018
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TRAITEMENT DES AVC PAR THROMBECTOMIE: LES LIMITES DES ACTIONS D'AMÉLIORATION DES PRATIQUES

(Par Luu-Ly DO-QUANG, à la journée nationale des filières AVC)

ISSY-LES-MOULINEAUX (Hauts-de-Seine), 16 novembre 2018 (APMnews) - Des actions d'amélioration des pratiques ont permis de réduire le délai de recanalisation par thrombectomie mécanique des patients atteints d'accident vasculaire cérébral (AVC) mais sans passer en dessous de la limite des 6 heures et sans bénéfice clinique, selon l'expérience du CH de Perpignan rapportée à la journée nationale des filières AVC, mercredi à Issy-les-Moulineaux.

Le bénéfice clinique de la thrombectomie mécanique dans le traitement des AVC ischémiques à la phase aiguë diminue avec l'allongement des délais de recanalisation, a rappelé le Dr Denis Sablot du CH de Perpignan.

Lorsqu'ils sont pris en charge par le Samu, les patients peuvent être soit "déroutés" vers une unité neurovasculaire (UNV) de recours, adossé à un centre de neuroradiologie interventionnelle (NRI), selon des critères prédéfinis pour être traités par thrombectomie mécanique, soit pris en charge dans l'UNV de proximité et le cas échéant redirigés vers l'UNV de recours.

"Et pour les patients non déroutés, il est particulièrement important d'améliorer les flux pour faciliter et accélérer la mise en oeuvre d'une thrombectomie à distance, pour réduire le délai de recanalisation", a souligné le Dr Sablot.

Au CH de Perpignan, plusieurs actions ont été mises en place de janvier 2015 à décembre 2017 dans l'objectif de réduire le délai d'acheminement au CHU de Montpellier, distant de 156 km, dans le cadre de procédures drip and ship. En parallèle, des protocoles de transferts de patients entre établissements sur l'Occitanie ont été établis.

Les équipes ont commencé par identifier les sources de gain de temps aux différentes étapes du parcours de soins, aux moments de l'appel du Samu, de l'arrivée aux services d'accueil des urgences et de l'UNV, de l'examen IRM, de la préparation du transfert, du transfert vers l'UNV de recours et de l'arrivée à l'UNV de recours.

Les interventions spécifiques mises en place visant à réduire à la fois les délais intrahospitaliers au sein du CH et du CHU et les délais préhospitaliers et interhospitaliers. Globalement, il s'agissait de mettre en oeuvre "plus d'anticipation et de coordination", "d'effectuer les tâches en parallèle plutôt qu'en série" et de "donner un retour régulier des résultats aux différents intervenants", a poursuivi le neurologue.

Pour évaluer l'impact de ces actions d'amélioration des pratiques, le Dr Sablot et ses collègues ont analysé les données des patients inclus de manière consécutive dans un registre prospectif, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2017, avec 121 sur la période 2012-2015 et 157 sur 2015-2017.

Ces 278 patients admis pour un AVC ischémique et une occlusion artérielle proximale ont été transférés à l'UNV de recours pour une thrombectomie mécanique (parmi un total de 529 admis à l'UNV). Les deux cohortes étaient comparables sauf pour l'âge, les patients inclus à partir de 2015 étant en moyenne plus âgés (71 ans vs 67 ans).

Globalement, au cours de la période d'amélioration des pratiques, le délai médian entre le début des symptômes et la recanalisation a été réduit de manière significative par rapport au délai précédent les actions, de 50 minutes (367 vs 417 min), avec en particulier une diminution significative du temps passé au CH (DIDO pour door-in to door-out) de 40 min (78 vs 118 min), principalement due à la réduction du délai d'initiation du traitement (DTN, door-to-needle), passé de 82 à 49 min.

Le délai de la porte d'entrée du CH à la porte du CHU (D2D) était aussi amélioré (170 vs 205 min) mais sans réduction du délai de transfert (92 vs 87 min). Les actions n'ont pas non plus eu de répercussion sur les délais préhospitaliers (77 vs 76 min), ni sur les délais entre l’IRM au CH et la recanalisation (252 vs 288 min).

Sur le plan clinique, le pronostic à 3 mois des patients était comparable entre les deux périodes, avec 45,7% des patients obtenant un score mRs0-2 sur 2015-2017, contre 35,6% sur la période 2012-2014 (différence non statistiquement significative).

Certains délais sont incompressibles

"Ces résultats montrent les limites de notre action d'amélioration des pratiques car seulement le DIDO et le D2D ont été impactés par la phase pré-imagerie. Des délais semblent incompressibles: la préparation de transfert, le transport, la réadmission dans l'UNV de recours...", a commenté le Dr Sablot.

En outre, "même si une réduction de 50 min, ça semble bien, on reste dans un délai médian supérieur à la limite des 6 heures pour recanaliser et en conséquence, l'impact clinique n'est pas significatif".

Le Dr Sablot s'est interrogé sur les moyens d'accélérer encore le flux. "Faut-il davantage recourir au modèle mothership? Cela semble difficile car l'UNV de recours est déjà saturée alors que le volume d'activité au CH est d'environ 100 occlusions artérielles proximales par an."

"Faire encore plus d'effort sur les délais semble difficile, même en utilisant l'hélicoptère. Ce mode de transport n'a d'intérêt qu'en cas d'embouteillages en journée, pour un gain limité de 10-15 minutes, et s'il est disponible." Sur le temps DIDO, le neurologue a estimé qu'un plafond était atteint et qu'il était difficile de réduire encore davantage puisque l'objectif de délai est de 75 min.

Ecartant la thrombectomie en première intention dont le bénéfice reste à démontrer dans des études, le Dr Sablot a estimé qu'il fallait réfléchir à un centre de NRI sur place. "On passe à 260 minutes pour le délai de recanalisation, bien en-dessous des 6 heures, car on enlève 90 min de délai de transfert."

Cette étude suggère que des actions d'amélioration des pratiques peuvent être généralisées à l'ensemble des filières nécessitant un transfert du patient vers une UNV de recours. Cependant, pour les UNV de proximité à gros volume d'activité et les plus distantes, "ces actions sont insuffisantes et ne permettent pas de proposer une recanalisation par thrombectomie dans un délai acceptable", a commenté le neurologue.

Pour cela, "ces UNV devraient pouvoir pratiquer un traitement endovasculaire sur place."

La direction générale de l'offre de soins (DGOS) a mis en place un groupe de travail pour réorganiser les filières AVC afin de permettre le déploiement de la thrombectomie mécanique. Il n'est pas exclu d'ouvrir de nouveaux centres NRI mais la priorité est plutôt de renforcer les centres existants, a rappelé la chargée de mission, Pascale Dhote-Burger, en clôture de cette journée (cf dépêche du 15/11/2018 à 11:53).

ld/nc/APMnews

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(Par Luu-Ly DO-QUANG, à la journée nationale des filières AVC)

ISSY-LES-MOULINEAUX (Hauts-de-Seine), 16 novembre 2018 (APMnews) - Des actions d'amélioration des pratiques ont permis de réduire le délai de recanalisation par thrombectomie mécanique des patients atteints d'accident vasculaire cérébral (AVC) mais sans passer en dessous de la limite des 6 heures et sans bénéfice clinique, selon l'expérience du CH de Perpignan rapportée à la journée nationale des filières AVC, mercredi à Issy-les-Moulineaux.

Le bénéfice clinique de la thrombectomie mécanique dans le traitement des AVC ischémiques à la phase aiguë diminue avec l'allongement des délais de recanalisation, a rappelé le Dr Denis Sablot du CH de Perpignan.

Lorsqu'ils sont pris en charge par le Samu, les patients peuvent être soit "déroutés" vers une unité neurovasculaire (UNV) de recours, adossé à un centre de neuroradiologie interventionnelle (NRI), selon des critères prédéfinis pour être traités par thrombectomie mécanique, soit pris en charge dans l'UNV de proximité et le cas échéant redirigés vers l'UNV de recours.

"Et pour les patients non déroutés, il est particulièrement important d'améliorer les flux pour faciliter et accélérer la mise en oeuvre d'une thrombectomie à distance, pour réduire le délai de recanalisation", a souligné le Dr Sablot.

Au CH de Perpignan, plusieurs actions ont été mises en place de janvier 2015 à décembre 2017 dans l'objectif de réduire le délai d'acheminement au CHU de Montpellier, distant de 156 km, dans le cadre de procédures drip and ship. En parallèle, des protocoles de transferts de patients entre établissements sur l'Occitanie ont été établis.

Les équipes ont commencé par identifier les sources de gain de temps aux différentes étapes du parcours de soins, aux moments de l'appel du Samu, de l'arrivée aux services d'accueil des urgences et de l'UNV, de l'examen IRM, de la préparation du transfert, du transfert vers l'UNV de recours et de l'arrivée à l'UNV de recours.

Les interventions spécifiques mises en place visant à réduire à la fois les délais intrahospitaliers au sein du CH et du CHU et les délais préhospitaliers et interhospitaliers. Globalement, il s'agissait de mettre en oeuvre "plus d'anticipation et de coordination", "d'effectuer les tâches en parallèle plutôt qu'en série" et de "donner un retour régulier des résultats aux différents intervenants", a poursuivi le neurologue.

Pour évaluer l'impact de ces actions d'amélioration des pratiques, le Dr Sablot et ses collègues ont analysé les données des patients inclus de manière consécutive dans un registre prospectif, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2017, avec 121 sur la période 2012-2015 et 157 sur 2015-2017.

Ces 278 patients admis pour un AVC ischémique et une occlusion artérielle proximale ont été transférés à l'UNV de recours pour une thrombectomie mécanique (parmi un total de 529 admis à l'UNV). Les deux cohortes étaient comparables sauf pour l'âge, les patients inclus à partir de 2015 étant en moyenne plus âgés (71 ans vs 67 ans).

Globalement, au cours de la période d'amélioration des pratiques, le délai médian entre le début des symptômes et la recanalisation a été réduit de manière significative par rapport au délai précédent les actions, de 50 minutes (367 vs 417 min), avec en particulier une diminution significative du temps passé au CH (DIDO pour door-in to door-out) de 40 min (78 vs 118 min), principalement due à la réduction du délai d'initiation du traitement (DTN, door-to-needle), passé de 82 à 49 min.

Le délai de la porte d'entrée du CH à la porte du CHU (D2D) était aussi amélioré (170 vs 205 min) mais sans réduction du délai de transfert (92 vs 87 min). Les actions n'ont pas non plus eu de répercussion sur les délais préhospitaliers (77 vs 76 min), ni sur les délais entre l’IRM au CH et la recanalisation (252 vs 288 min).

Sur le plan clinique, le pronostic à 3 mois des patients était comparable entre les deux périodes, avec 45,7% des patients obtenant un score mRs0-2 sur 2015-2017, contre 35,6% sur la période 2012-2014 (différence non statistiquement significative).

Certains délais sont incompressibles

"Ces résultats montrent les limites de notre action d'amélioration des pratiques car seulement le DIDO et le D2D ont été impactés par la phase pré-imagerie. Des délais semblent incompressibles: la préparation de transfert, le transport, la réadmission dans l'UNV de recours...", a commenté le Dr Sablot.

En outre, "même si une réduction de 50 min, ça semble bien, on reste dans un délai médian supérieur à la limite des 6 heures pour recanaliser et en conséquence, l'impact clinique n'est pas significatif".

Le Dr Sablot s'est interrogé sur les moyens d'accélérer encore le flux. "Faut-il davantage recourir au modèle mothership? Cela semble difficile car l'UNV de recours est déjà saturée alors que le volume d'activité au CH est d'environ 100 occlusions artérielles proximales par an."

"Faire encore plus d'effort sur les délais semble difficile, même en utilisant l'hélicoptère. Ce mode de transport n'a d'intérêt qu'en cas d'embouteillages en journée, pour un gain limité de 10-15 minutes, et s'il est disponible." Sur le temps DIDO, le neurologue a estimé qu'un plafond était atteint et qu'il était difficile de réduire encore davantage puisque l'objectif de délai est de 75 min.

Ecartant la thrombectomie en première intention dont le bénéfice reste à démontrer dans des études, le Dr Sablot a estimé qu'il fallait réfléchir à un centre de NRI sur place. "On passe à 260 minutes pour le délai de recanalisation, bien en-dessous des 6 heures, car on enlève 90 min de délai de transfert."

Cette étude suggère que des actions d'amélioration des pratiques peuvent être généralisées à l'ensemble des filières nécessitant un transfert du patient vers une UNV de recours. Cependant, pour les UNV de proximité à gros volume d'activité et les plus distantes, "ces actions sont insuffisantes et ne permettent pas de proposer une recanalisation par thrombectomie dans un délai acceptable", a commenté le neurologue.

Pour cela, "ces UNV devraient pouvoir pratiquer un traitement endovasculaire sur place."

La direction générale de l'offre de soins (DGOS) a mis en place un groupe de travail pour réorganiser les filières AVC afin de permettre le déploiement de la thrombectomie mécanique. Il n'est pas exclu d'ouvrir de nouveaux centres NRI mais la priorité est plutôt de renforcer les centres existants, a rappelé la chargée de mission, Pascale Dhote-Burger, en clôture de cette journée (cf dépêche du 15/11/2018 à 11:53).

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