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08/12 2021
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TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES: LA SITUATION RESTE DIFFICILE DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE COVID-19

MONTPELLIER, 8 décembre 2021 (APMnews) - L'impact de la crise sanitaire de Covid-19 sur les troubles des conduites alimentaires chez les adolescents et les jeunes adultes se poursuit, avec une hausse à la fois des cas, en particulier d'anorexie, et de leur sévérité alors que la filière de prise en charge est saturée, selon une session de la Fédération française anorexie boulimie (Ffab), qui s'est tenue la semaine dernière au congrès français de psychiatrie (CFP), à Montpellier et à distance.

"La pandémie a déclenché une situation grave à la fois concernant la demande de soins et la saturation de l'offre de soins", a indiqué le Pr Nathalie Godart, pédopsychiatre, présidente de la Ffab, en ouverture.

En plus de son impact sur la santé publique, la crise sanitaire affecte la santé mentale des personnes ayant le Covid-19, mais aussi leur famille, les professionnels de santé et l'ensemble de la population, parmi lesquels les personnes ayant déjà des troubles mentaux ou des maladies psychiatriques. Ces dernières ont pu avoir une aggravation de leurs symptômes et/ou une interruption de leur traitement, a rappelé le Pr Fernando Fernandez-Aranda de l'université de Barcelone.

Pour les patients atteints de troubles des conduites alimentaires (TCA) en particulier, des études ont rapporté une détérioration des symptômes notamment pendant le confinement ainsi qu'une augmentation des séquelles physiques et des risques associés.

Selon une revue systématique de la littérature publiée en juillet, les deux tiers des personnes ayant des TCA ont rapporté une dégradation de leurs symptômes, et notamment la moitié des obèses ont encore pris du poids. Plus de la moitié des personnes avec des TCA ont aussi ressenti des troubles dépressifs et anxieux, a poursuivi le spécialiste espagnol.

En France, les professionnels dressent le même "constat alarmant", a poursuivi le Pr Sébastien Guillaume du CHU de Montpellier. "Les besoins de soins ont augmenté de manière importante, davantage pour l'anorexie que pour la boulimie ou l'hyperphagie boulimique, avec une plus grande sévérité et une saturation de la filière."

"La situation est encore d'actualité et s'aggrave. Il y a urgence", a-t-il souligné, rappelant que cette situation inquiétante touche les autres pays, avec une incidence en hausse de 15% en 2020 par rapport à 2017-2019 dans une base de données principalement américaine, selon une étude internationale.

Ces données, comme celles vues en France, suggèrent que parmi les TCA, c'est principalement l'anorexie qui est concernée, avec en outre une association avec un risque suicidaire. "C'est une situation très compliquée, avec un risque de dénutrition, des tentatives de suicide répétées, ce que l'on ne voyait pas tellement avant", a pointé le psychiatre.

"On a alerté les autorités au niveau national et de premières mesures ont été prises, avec une première instruction diffusée aux ARS [agences régionales de santé] et une dotation de 3 millions d'euros pour une mise en oeuvre courant 2021", a-t-il poursuivi, rapportant une déclinaison variable selon les régions.

Une enveloppe supplémentaire de "2 millions d'euros" pourrait être débloquée pour aider les filières TCA "dans ce contexte très particulier" ainsi qu'"une aide pour la structuration nationale qui permettrait de mieux répondre à cette augmentation des besoins".

Interrogée par APMnews, la direction générale de l'offre de soins (DGOS) a rappelé mercredi que ces 3 millions d'euros délégués aux ARS, sur la base d'une répartition populationnelle, pour accompagner financièrement les professionnels impliqués, visent à "renforcer, sur les territoires, la structuration d'une offre de soins correspondant aux besoins des personnes souffrant de TCA, qui soit adaptée à l'âge, multidisciplinaire, coordonnée et graduée".

"Des crédits complémentaires sont prévus en troisième circulaire budgétaire 2021 -et y seront précisés- afin de poursuivre et de renforcer", a-t-elle poursuivi, ne confirmant ni n'infirmant les chiffres évoqués.

Le constat partagé par les professionnels dès 2020 avait conduit DGOS à demander à la Ffab d'établir un état des lieux, a rappelé le Pr Guillaume. Dans son établissement et celui de Toulouse, "les demandes de prise en charge ont bondi de 234% au premier trimestre 2021 par rapport à 2020, les demandes d'hospitalisation chez l'adulte comme chez l'enfant, les indications d'hospitalisation ont augmenté de 53% sur le premier semestre par rapport à 2020, la durée moyenne de séjour s'est allongée et les patients sont dans un état plus sévère à la fois sur le plan somatique que psychique."

Hausse des demandes, allongement des délais

En février, la fédération a donc mené une enquête plus qualitative que quantitative, obtenant des réponses de 147 de ses correspondants parmi 625 correspondants dans toutes les régions sauf la Corse et l'outre-mer. La majorité des répondants (80%) exercent en structure hospitalière et étaient médecins (27% de pédopsychiatres, 20% de psychiatres adultes, 20% de pédiatres); des internes, cadres, infirmières, psychologues, diététiciens et psychomotriciens ont également participé.

Les principaux résultats présentés par le Pr Guillaume montrent que "ce sentiment" de hausse des TCA est "partagé" car ils sont 91% à confirmer avoir observé une hausse des besoins concernant les hospitalisations à temps plein pour l'anorexie mentale et 88,7% concernant l'hospitalisation de jour (HDJ), respectivement 57% et 73,3% pour la boulimie et respectivement 41,8% et 55,36% pour l'hyperphagie boulimique.

Cette progression des besoins depuis la crise se répercute aussi sur les demandes de consultation, tendance observée également par 94,8% des répondants pour l'anorexie mentale, 97,8% pour la boulimie et 66,3% pour l'hyperphagie boulimique.

L'effet de la crise sur la sévérité se traduit par une augmentation des situations nécessitant d'emblée une hospitalisation en urgence, constat rapporté par 92,2% des répondants pour l'anorexie mentale, 33,6% pour la boulimie et 13,3% pour l'hyperphagie boulimique. Et ils sont respectivement 91,7%, 37,8% et 8,5% à rapporter un niveau de sévérité extrême sur le plan somatique et/ou psychiatrique.

La Ffab a interrogé les professionnels sur les délais de prise en charge pour une hospitalisation à temps plein pour un nouveau patient et dans près de 80% des cas, ils rapportent un allongement allant jusqu'à un mois (18%), deux mois (16,2%) voire plus (16,2%) et même, une situation bloquée, avec une incertitude sur les délais, pour environ 20% des répondants.

La situation est similaire pour les demandes d'HDJ et de consultation, ne serait-ce que pour une évaluation. "On était déjà débordé avant et ça ne s'arrange pas", a commenté le psychiatre.

Il a rapporté également les résultats d'une enquête menée auprès de 64 services de pédopsychiatrie européens(dont 8 français), interrogés sur leur ressenti. Une hausse des cas depuis la crise sanitaire est déclarée pour différents troubles, notamment les TCA et les crises suicidaires.

Des données quantitatives commencent à être publiées, comme cette étude menée auprès d'étudiants en Normandie et publiée en septembre dans Nutrients. Cette enquête sur les TCA répétée tous les trois ans depuis 2009 montre une prévalence globalement stable jusqu'en 2018 puis une hausse "franche" en 2021, principalement l'anorexie, à la fois chez les femmes et les hommes.

ld/ab/APMnews

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MONTPELLIER, 8 décembre 2021 (APMnews) - L'impact de la crise sanitaire de Covid-19 sur les troubles des conduites alimentaires chez les adolescents et les jeunes adultes se poursuit, avec une hausse à la fois des cas, en particulier d'anorexie, et de leur sévérité alors que la filière de prise en charge est saturée, selon une session de la Fédération française anorexie boulimie (Ffab), qui s'est tenue la semaine dernière au congrès français de psychiatrie (CFP), à Montpellier et à distance.

"La pandémie a déclenché une situation grave à la fois concernant la demande de soins et la saturation de l'offre de soins", a indiqué le Pr Nathalie Godart, pédopsychiatre, présidente de la Ffab, en ouverture.

En plus de son impact sur la santé publique, la crise sanitaire affecte la santé mentale des personnes ayant le Covid-19, mais aussi leur famille, les professionnels de santé et l'ensemble de la population, parmi lesquels les personnes ayant déjà des troubles mentaux ou des maladies psychiatriques. Ces dernières ont pu avoir une aggravation de leurs symptômes et/ou une interruption de leur traitement, a rappelé le Pr Fernando Fernandez-Aranda de l'université de Barcelone.

Pour les patients atteints de troubles des conduites alimentaires (TCA) en particulier, des études ont rapporté une détérioration des symptômes notamment pendant le confinement ainsi qu'une augmentation des séquelles physiques et des risques associés.

Selon une revue systématique de la littérature publiée en juillet, les deux tiers des personnes ayant des TCA ont rapporté une dégradation de leurs symptômes, et notamment la moitié des obèses ont encore pris du poids. Plus de la moitié des personnes avec des TCA ont aussi ressenti des troubles dépressifs et anxieux, a poursuivi le spécialiste espagnol.

En France, les professionnels dressent le même "constat alarmant", a poursuivi le Pr Sébastien Guillaume du CHU de Montpellier. "Les besoins de soins ont augmenté de manière importante, davantage pour l'anorexie que pour la boulimie ou l'hyperphagie boulimique, avec une plus grande sévérité et une saturation de la filière."

"La situation est encore d'actualité et s'aggrave. Il y a urgence", a-t-il souligné, rappelant que cette situation inquiétante touche les autres pays, avec une incidence en hausse de 15% en 2020 par rapport à 2017-2019 dans une base de données principalement américaine, selon une étude internationale.

Ces données, comme celles vues en France, suggèrent que parmi les TCA, c'est principalement l'anorexie qui est concernée, avec en outre une association avec un risque suicidaire. "C'est une situation très compliquée, avec un risque de dénutrition, des tentatives de suicide répétées, ce que l'on ne voyait pas tellement avant", a pointé le psychiatre.

"On a alerté les autorités au niveau national et de premières mesures ont été prises, avec une première instruction diffusée aux ARS [agences régionales de santé] et une dotation de 3 millions d'euros pour une mise en oeuvre courant 2021", a-t-il poursuivi, rapportant une déclinaison variable selon les régions.

Une enveloppe supplémentaire de "2 millions d'euros" pourrait être débloquée pour aider les filières TCA "dans ce contexte très particulier" ainsi qu'"une aide pour la structuration nationale qui permettrait de mieux répondre à cette augmentation des besoins".

Interrogée par APMnews, la direction générale de l'offre de soins (DGOS) a rappelé mercredi que ces 3 millions d'euros délégués aux ARS, sur la base d'une répartition populationnelle, pour accompagner financièrement les professionnels impliqués, visent à "renforcer, sur les territoires, la structuration d'une offre de soins correspondant aux besoins des personnes souffrant de TCA, qui soit adaptée à l'âge, multidisciplinaire, coordonnée et graduée".

"Des crédits complémentaires sont prévus en troisième circulaire budgétaire 2021 -et y seront précisés- afin de poursuivre et de renforcer", a-t-elle poursuivi, ne confirmant ni n'infirmant les chiffres évoqués.

Le constat partagé par les professionnels dès 2020 avait conduit DGOS à demander à la Ffab d'établir un état des lieux, a rappelé le Pr Guillaume. Dans son établissement et celui de Toulouse, "les demandes de prise en charge ont bondi de 234% au premier trimestre 2021 par rapport à 2020, les demandes d'hospitalisation chez l'adulte comme chez l'enfant, les indications d'hospitalisation ont augmenté de 53% sur le premier semestre par rapport à 2020, la durée moyenne de séjour s'est allongée et les patients sont dans un état plus sévère à la fois sur le plan somatique que psychique."

Hausse des demandes, allongement des délais

En février, la fédération a donc mené une enquête plus qualitative que quantitative, obtenant des réponses de 147 de ses correspondants parmi 625 correspondants dans toutes les régions sauf la Corse et l'outre-mer. La majorité des répondants (80%) exercent en structure hospitalière et étaient médecins (27% de pédopsychiatres, 20% de psychiatres adultes, 20% de pédiatres); des internes, cadres, infirmières, psychologues, diététiciens et psychomotriciens ont également participé.

Les principaux résultats présentés par le Pr Guillaume montrent que "ce sentiment" de hausse des TCA est "partagé" car ils sont 91% à confirmer avoir observé une hausse des besoins concernant les hospitalisations à temps plein pour l'anorexie mentale et 88,7% concernant l'hospitalisation de jour (HDJ), respectivement 57% et 73,3% pour la boulimie et respectivement 41,8% et 55,36% pour l'hyperphagie boulimique.

Cette progression des besoins depuis la crise se répercute aussi sur les demandes de consultation, tendance observée également par 94,8% des répondants pour l'anorexie mentale, 97,8% pour la boulimie et 66,3% pour l'hyperphagie boulimique.

L'effet de la crise sur la sévérité se traduit par une augmentation des situations nécessitant d'emblée une hospitalisation en urgence, constat rapporté par 92,2% des répondants pour l'anorexie mentale, 33,6% pour la boulimie et 13,3% pour l'hyperphagie boulimique. Et ils sont respectivement 91,7%, 37,8% et 8,5% à rapporter un niveau de sévérité extrême sur le plan somatique et/ou psychiatrique.

La Ffab a interrogé les professionnels sur les délais de prise en charge pour une hospitalisation à temps plein pour un nouveau patient et dans près de 80% des cas, ils rapportent un allongement allant jusqu'à un mois (18%), deux mois (16,2%) voire plus (16,2%) et même, une situation bloquée, avec une incertitude sur les délais, pour environ 20% des répondants.

La situation est similaire pour les demandes d'HDJ et de consultation, ne serait-ce que pour une évaluation. "On était déjà débordé avant et ça ne s'arrange pas", a commenté le psychiatre.

Il a rapporté également les résultats d'une enquête menée auprès de 64 services de pédopsychiatrie européens(dont 8 français), interrogés sur leur ressenti. Une hausse des cas depuis la crise sanitaire est déclarée pour différents troubles, notamment les TCA et les crises suicidaires.

Des données quantitatives commencent à être publiées, comme cette étude menée auprès d'étudiants en Normandie et publiée en septembre dans Nutrients. Cette enquête sur les TCA répétée tous les trois ans depuis 2009 montre une prévalence globalement stable jusqu'en 2018 puis une hausse "franche" en 2021, principalement l'anorexie, à la fois chez les femmes et les hommes.

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