Actualités de l'Urgence - APM

31/08 2022
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URGENCES: LE SYSTÈME "A TENU", AU PRIX D'UN ÉPUISEMENT DES PROFESSIONNELS (PRÉSIDENTS DE CME DE CH)

(Par Sylvain LABAUNE)

PARIS, 31 août 2022 (APMnews) - Si le système de santé "a tenu" cet été malgré la crise des urgences, cela s'est fait au "détriment de professionnels qui se sont mobilisés au-delà de leurs obligations", a déclaré mardi à APMnews David Piney, vice-président de la conférence des présidents de commission médicale d'établissement (CME) de centres hospitaliers (CH).

Le ministre de la santé et de la prévention, François Braun, a déclaré mardi dans une interview au Quotidien du médecin, à propos des tensions et des fermetures aux urgences cet été, que la "catastrophe annoncée ne s'est pas produite grâce à l’investissement fort des professionnels sur le terrain, hospitaliers comme libéraux", même si "l'été n’est pas fini".

"Tout le monde a joué le jeu même si j’aurais aimé que certaines mesures", issues de la mission flash (ou "Braun") sur les urgences et les soins non programmés (cf dépêche du 12/07/2022 à 12:50), "se développent davantage, comme la participation à la permanence des soins commune public/privé dans les spécialités". Le ministre a par ailleurs évoqué une augmentation des appels aux centres 15 "de l’ordre de 20%" cet été, "même si cette croissance s’observait déjà depuis le début d’année".

Interrogé sur la situation aux urgences, David Piney a rapporté que la "majorité des établissements sont sous tension", en particulier dans les centres 15, avec toutefois des disparités régionales en fonction notamment de l'afflux de touristes.

"Nous ne disposons pas encore d'éléments objectivés" en ce qui concerne d'éventuels incidents ou événements indésirables graves liés à ces tensions et fermetures, a continué le vice-président de la conférence des présidents de CME de CH.

Il y a eu "beaucoup de difficultés et parfois d'irritation dans les établissements du fait de la fatigue et de l'absence de réponse à des besoins d'hospitalisation". Des "patients sont parfois restés à attendre sur des brancards dans les services d'urgence", a-t-il déploré.

"Ce que l'on peut déjà dire, c'est que les équipes hospitalières sont très fatiguées", ce qui a encore aggravé l'éreintement déjà présent "avant l'été".

Si "l'ensemble du système du système sanitaire a tenu, c'est au détriment de professionnels qui se sont mobilisés au-delà de leurs obligations de service et sont venus en appui de beaucoup de situations difficiles", a déploré David Piney.

La conférence des présidents de CME de CH "constate toutefois sur le terrain un certain nombre d'initiatives plutôt positives, notamment dans le cadre des mesures issues du rapport Braun, mais pas seulement, puisque les communautés médicales s'étaient mobilisées avant sa remise en préparant l'été avec un angle territorial assez fort".

"Beaucoup de coopérations se sont mises en place cet été entre les communautés médicales hospitalières et les professionnels de ville pour essayer de trouver des solutions alternatives, soit au niveau des ressources humaines ou soit pour la réorientation des patients", a-t-il continué.

Le "rôle des présidents de CME a été vraiment important pour créer le lien entre les médecins et les directions", a-t-il ajouté.

La "situation est quand même plus sereine depuis quelques jours" aux urgences, a précisé David Piney.

La rentrée de septembre sera toutefois "tout aussi compliquée" à gérer car outre les urgences, il va "falloir rouvrir rapidement tous les lits fermés" dans les établissements, "en plus la gestion de la fatigue et des besoins d'hospitalisation", a-t-il continué.

La conférence des présidents de CME de CH espère publier dans les prochains jours une enquête sous la forme d'un questionnaire envoyé aux professionnels afin d'"objectiver les choses" sur les tensions cet été aux urgences.

Le président de Samu-Urgences de France (SUdF), Marc Noizet, a expliqué lundi à APMnews que les urgences ont fait face au "pire été" jamais connu et que cela laissera des marques durables sur des services déjà "exsangues" (cf dépêche du 29/08/2022 à 17:49).

Il y a eu des "pertes de chance" liées aux fermetures (Christophe Prudhomme, Amuf)

"Nous sommes dans une situation extrême et il faut arrêter de tourner autour du pot, quand un service d'urgence est fermé, il est fermé", a déclaré mardi à APMnews Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf) et médecin urgentiste au Samu 93 à l'hôpital Avicenne (AP-HP) de Bobigny.

"Quand le ministre de la santé dit qu'il n'y a pas eu de catastrophes cet été, certes il n'y a pas eu de catastrophes massives, mais nous avons eu régulièrement des pertes de chance par défaut de moyens", a-t-il rapporté.

Christophe Prudhomme a évoqué des "décès qui auraient pu être évités". Par exemple, "quand les centres 15 sont surchargés et qu'il faut 5 à 8 minutes pour décrocher pour un arrêt cardiaque, cela conduit malheureusement à des décès".

Un "autre exemple emblématique est le cas d'un enfant souffrant d'une laryngite qui a été amené par ses parents aux urgences" d'un hôpital de Vendée, or "on ne les a pas laissés rentrer" et "en désespoir de cause, ils ont pris leur voiture pour l'amener" dans une autre ville du département. "À l'arrivée, l'enfant a été pris en charge aux urgences de cet autre hôpital puis hospitalisé pendant cinq jours. Il aurait pu mourir", a-t-il continué.

Il y a "aussi eu le cas d'un patient qui a attendu pour venir aux urgences en Pays de la Loire puis a fini par faire un infarctus. Il s'est ensuite retrouvé en attente d'une greffe cardiaque". "Nous avons des exemples de ce type tous les jours", a affirmé Christophe Prudhomme.

Ce qui "nous inquiète le plus à l'Amuf, c'est que le ministre de la santé semble vouloir pérenniser ce fonctionnement dégradé aux urgences", c'est-à-dire la régulation avant l'entrée aux urgences. "Cela n'est pas sérieux" au regard des conséquences pour la santé des patients, a-t-il déclaré.

syl/ab/APMnews

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URGENCES: LE SYSTÈME "A TENU", AU PRIX D'UN ÉPUISEMENT DES PROFESSIONNELS (PRÉSIDENTS DE CME DE CH)

(Par Sylvain LABAUNE)

PARIS, 31 août 2022 (APMnews) - Si le système de santé "a tenu" cet été malgré la crise des urgences, cela s'est fait au "détriment de professionnels qui se sont mobilisés au-delà de leurs obligations", a déclaré mardi à APMnews David Piney, vice-président de la conférence des présidents de commission médicale d'établissement (CME) de centres hospitaliers (CH).

Le ministre de la santé et de la prévention, François Braun, a déclaré mardi dans une interview au Quotidien du médecin, à propos des tensions et des fermetures aux urgences cet été, que la "catastrophe annoncée ne s'est pas produite grâce à l’investissement fort des professionnels sur le terrain, hospitaliers comme libéraux", même si "l'été n’est pas fini".

"Tout le monde a joué le jeu même si j’aurais aimé que certaines mesures", issues de la mission flash (ou "Braun") sur les urgences et les soins non programmés (cf dépêche du 12/07/2022 à 12:50), "se développent davantage, comme la participation à la permanence des soins commune public/privé dans les spécialités". Le ministre a par ailleurs évoqué une augmentation des appels aux centres 15 "de l’ordre de 20%" cet été, "même si cette croissance s’observait déjà depuis le début d’année".

Interrogé sur la situation aux urgences, David Piney a rapporté que la "majorité des établissements sont sous tension", en particulier dans les centres 15, avec toutefois des disparités régionales en fonction notamment de l'afflux de touristes.

"Nous ne disposons pas encore d'éléments objectivés" en ce qui concerne d'éventuels incidents ou événements indésirables graves liés à ces tensions et fermetures, a continué le vice-président de la conférence des présidents de CME de CH.

Il y a eu "beaucoup de difficultés et parfois d'irritation dans les établissements du fait de la fatigue et de l'absence de réponse à des besoins d'hospitalisation". Des "patients sont parfois restés à attendre sur des brancards dans les services d'urgence", a-t-il déploré.

"Ce que l'on peut déjà dire, c'est que les équipes hospitalières sont très fatiguées", ce qui a encore aggravé l'éreintement déjà présent "avant l'été".

Si "l'ensemble du système du système sanitaire a tenu, c'est au détriment de professionnels qui se sont mobilisés au-delà de leurs obligations de service et sont venus en appui de beaucoup de situations difficiles", a déploré David Piney.

La conférence des présidents de CME de CH "constate toutefois sur le terrain un certain nombre d'initiatives plutôt positives, notamment dans le cadre des mesures issues du rapport Braun, mais pas seulement, puisque les communautés médicales s'étaient mobilisées avant sa remise en préparant l'été avec un angle territorial assez fort".

"Beaucoup de coopérations se sont mises en place cet été entre les communautés médicales hospitalières et les professionnels de ville pour essayer de trouver des solutions alternatives, soit au niveau des ressources humaines ou soit pour la réorientation des patients", a-t-il continué.

Le "rôle des présidents de CME a été vraiment important pour créer le lien entre les médecins et les directions", a-t-il ajouté.

La "situation est quand même plus sereine depuis quelques jours" aux urgences, a précisé David Piney.

La rentrée de septembre sera toutefois "tout aussi compliquée" à gérer car outre les urgences, il va "falloir rouvrir rapidement tous les lits fermés" dans les établissements, "en plus la gestion de la fatigue et des besoins d'hospitalisation", a-t-il continué.

La conférence des présidents de CME de CH espère publier dans les prochains jours une enquête sous la forme d'un questionnaire envoyé aux professionnels afin d'"objectiver les choses" sur les tensions cet été aux urgences.

Le président de Samu-Urgences de France (SUdF), Marc Noizet, a expliqué lundi à APMnews que les urgences ont fait face au "pire été" jamais connu et que cela laissera des marques durables sur des services déjà "exsangues" (cf dépêche du 29/08/2022 à 17:49).

Il y a eu des "pertes de chance" liées aux fermetures (Christophe Prudhomme, Amuf)

"Nous sommes dans une situation extrême et il faut arrêter de tourner autour du pot, quand un service d'urgence est fermé, il est fermé", a déclaré mardi à APMnews Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf) et médecin urgentiste au Samu 93 à l'hôpital Avicenne (AP-HP) de Bobigny.

"Quand le ministre de la santé dit qu'il n'y a pas eu de catastrophes cet été, certes il n'y a pas eu de catastrophes massives, mais nous avons eu régulièrement des pertes de chance par défaut de moyens", a-t-il rapporté.

Christophe Prudhomme a évoqué des "décès qui auraient pu être évités". Par exemple, "quand les centres 15 sont surchargés et qu'il faut 5 à 8 minutes pour décrocher pour un arrêt cardiaque, cela conduit malheureusement à des décès".

Un "autre exemple emblématique est le cas d'un enfant souffrant d'une laryngite qui a été amené par ses parents aux urgences" d'un hôpital de Vendée, or "on ne les a pas laissés rentrer" et "en désespoir de cause, ils ont pris leur voiture pour l'amener" dans une autre ville du département. "À l'arrivée, l'enfant a été pris en charge aux urgences de cet autre hôpital puis hospitalisé pendant cinq jours. Il aurait pu mourir", a-t-il continué.

Il y a "aussi eu le cas d'un patient qui a attendu pour venir aux urgences en Pays de la Loire puis a fini par faire un infarctus. Il s'est ensuite retrouvé en attente d'une greffe cardiaque". "Nous avons des exemples de ce type tous les jours", a affirmé Christophe Prudhomme.

Ce qui "nous inquiète le plus à l'Amuf, c'est que le ministre de la santé semble vouloir pérenniser ce fonctionnement dégradé aux urgences", c'est-à-dire la régulation avant l'entrée aux urgences. "Cela n'est pas sérieux" au regard des conséquences pour la santé des patients, a-t-il déclaré.

syl/ab/APMnews

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