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13/09 2019
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AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ PAR LE TRAVAIL EN ÉQUIPE: UNE EXPÉRIENCE RÉUSSIE AU SAMU 95

PARIS, 13 septembre 2019 (APMews) - L’engagement du Samu-Centre 15 du Val-d'Oise dans le "programme d'amélioration continue du travail en équipe" (Pacte) proposé par la Haute autorité de santé (HAS) a porté ses fruits en matière d’organisation et de qualité de vie au travail, ont expliqué les représentantes du service, jeudi, au cours d’un séminaire sur le renforcement de la qualité des Samu-Centres 15 organisé par le ministère.

L’expérience du Samu 95, basé au centre hospitalier (CH) de Pontoise, a été exposée au cours de ce séminaire au cours duquel plusieurs tables-rondes ont mis en perspective les mesures présentées le matin même par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn (cf dépêche du 12/09/2019 à 14:22, dépêche du 13/09/2019 à 17:36 et dépêche du 13/09/2019 à 15:31).

Il est notamment proposé aux Samu-Centres 15 d’entrer dans le dispositif Pacte, mis à disposition des établissements de santé par la HAS depuis mai 2018, après une phase d’expérimentation lancée en 2014, suivie d’une phase pilote (cf dépêche du 30/05/2018 à 16:24 et dépêche du 21/02/2018 à 10:51).

Pacte porte sur l’amélioration du travail en équipe, avec "avant tout pour objectif la qualité et la sécurité du patient", a rappelé Laetitia May-Michelangeli, cheffe de service évaluation et outils pour la qualité et la sécurité des soins à la HAS. Il a aussi des effets sur "la qualité de vie au travail. C’est une démarche d’évaluation des pratiques professionnelles, qui prend en compte la pratique réelle et les processus cliniques, les comportements humains, la communication".

Durant deux ans, la démarche comprend trois phases, "une phase de diagnostic pour comprendre comment l’équipe fonctionne, qui dure au maximum huit mois, suivie par le déploiement des actions qui dure au maximum 12 mois, et une phase d’évaluation dans les six mois". Ces phases sont assorties d’outils spécifiques, comme le module d’animation Crew ressource management (CRM) en santé, développé par la HAS.

En 2014, le Samu 95 a figuré parmi les précurseurs de la démarche en répondant à l'appel de la HAS. Le projet "faisait également suite à un événement indésirable grave (EIG)", a retracé Agnès Ricard-Hibon, chef du service du Samu. "On avait observé que l’on n’était pas très bon dans le décroché des appels. On était les seuls en Ile-de-France à avoir le 112, et on sait qu’il [génère] beaucoup de faux appels, donc on était pénalisé dans les indicateurs qualité."

"Néanmoins, quand on enlevait les faux appels, on était à un taux de décrochés de 75%." En outre, le taux "de médicalisation des appels était loin d’être optimal, parce qu’il y avait un dossier sur deux seulement où il y avait une implication médicale. Les ARM [agents de régulation médicale] n’osaient pas solliciter les médecins, il fallait améliorer la communication interprofessionnelle", a-t-elle expliqué.

La démarche a porté ses fruits, car "on a amélioré le taux de décroché, et surtout amélioré le taux d’incorporation des médecins dans les dossiers. Les ARM sont laissés moins seuls dans leur décision", s'est-elle réjouie.

Le projet a commencé avec "l’implication de l’équipe d’encadrement du Samu, médical et paramédical, mais aussi avec le soutien de la direction de la performance et de la direction qualité de l’hôpital, acteurs essentiels pour sa mise en oeuvre", a fait valoir Isabelle Villard, cadre supérieur de santé au pôle soins intensifs et non programmés, polypathologie et maladies systémiques du CH, dont relève le Samu.

Des réunions pluridisciplinaires ont été organisées avec "l’ensemble des professionnels -médecins généralistes, urgentistes, ARM- sur les problématiques rencontrées", afin d’établir un "diagnostic partagé". Un plan d’actions a été élaboré pour "améliorer la communication, les conditions de travail, accompagner le développement des compétences, formaliser et réactualiser les procédures, analyser les pratiques professionnelles", a détaillé Régine Vallejo, cadre de santé au Samu.

En 2016 ont été mis en place des "staffs d’équipe thématiques, environ tous les deux mois, au début sur la base du volontariat", puis dans le cadre de la formation continue. Ces réunions ont permis d’identifier les "dysfonctionnements et le stress généré par ces situations". Cela "a été un élément extrêmement moteur de la réussite de la démarche, de l’engagement des praticiens, et dans le fait que les ARM se sont sentis plus en confiance. La parole s’est libérée des deux côtés et a permis d’identifier des points de blocage", a relevé Agnès Ricard-Hibon.

Puis, "on a eu la chance de pouvoir augmenter les effectifs. En 2014, il y avait cinq ARM autour de la table, maintenant ils sont neuf [le jour], plus un superviseur" en train d’être mis en place, a ajouté Régine Vallejo.

Les effectifs d’ARM étaient de 25 équivalents temps plein (ETP) au début de la démarche et atteindront 42 à la fin de l’année, a-t-elle précisé à APMnews. Le service reçoit environ 2.000 appels par jour au total.

Réduction du taux d'absentéisme

Le service s’est réorganisé en front et back office: "On a créé des postes dédiés. On a mis un ARM dédié à la radio Smur, un ARM aux ambulances privées", un autre "va aider là où il y a plus de besoins", a-t-elle aussi expliqué à APMnews. Au front office, les ARM décrochent "tous les 15 et prennent les bilans pompiers".

Avec les ambulances privées a été formalisé un partenariat engageant leur disponibilité sur un planning. Auparavant, les médecins généralistes étaient présents pendant les horaires de permanence des soins, "de 18h au lendemain 8h, mais en journée, il était plus qu’utile d’avoir un médecin généraliste au Samu. On a réussi à en avoir un H24 tous les jours, et parfois deux désormais".

"Il s’est avéré nécessaire, à la demande des personnels, d’établir une charte de fonctionnement", a également expliqué Régine Vallejo lors de la table ronde. "On a également attribué du matériel individuel à chaque personnel."

Le service a été équipé d’une téléphonie avancée, qui permet d’avoir "une visibilité de ce qui se passe en régulation quasiment en temps réel".

Un plan de formation a été élaboré, avec une thématique "sur le risque juridique et l’approche éthique du métier d’ARM", ainsi qu’un dispositif d’intégration pour les nouvelles recrues.

Un système d’écoute aléatoire des bandes a été instauré. "C’est dans un échange bienveillant que l’on va communiquer avec les ARM", par ailleurs encouragés à "demander de réécouter les situations" pour "travailler ensemble sur la qualité", a-t-elle ajouté.

"Il n’y avait pas d’algorithme de tri et d’orientation; on a pris et détaillé 70 algorithmes adultes et pédiatriques pour orienter les patients", associés à des consignes internes, a également développé Régine Vallejo. S’agissant de l’analyse des pratiques, "on incite [les ARM] à faire remonter les dysfonctionnements".

Face au phénomène de certains "appels intempestifs", des situations où "on nous appelle 300 fois dans le mois", elle a cité la création d’un groupe de travail sur les problèmes de précarité et de prises en charge psychiatriques complexes.

Parmi les projets à venir, elle évoqué la création d’un groupe de parole pour les ARM.

Sur le plan logistique, le Samu doit déménager mercredi dans une salle provisoire, dans l’attente d’être installé dans une nouvelle salle de régulation, d’ici un an ou 18 mois.

Outre "une démarche qualité renforcée avec l’analyse de nos pratiques, la mise en évidence de certains indicateurs qualité, les retours d’expérience, [le projet] a aussi permis d’établir sur cinq ans une dynamique managériale partagée -médicale, paramédicale- continue", a conclu Isabelle Villard.

Régine Vallejo a précisé que le taux d’absentéisme a été divisé par deux: "On a évité les petits arrêts d’épuisement."

"Nous avons atteint un rythme de croisière qu’il faut poursuivre et s’élargir davantage sur le patient, que l’on va essayer d’inclure dans notre démarche Pacte", a complété Isabelle Villard.

La démarche nécessite des prérequis, a mis en exergue la représentante de la HAS, Laetitia May-Michelangeli: "Il faut une équipe volontaire et motivée, [car le projet] ne peut pas [être] imposé par le haut, un engagement et un soutien de la direction, l’identification de référents Pacte, l’engagement sur une problématique qui fait sens pour l’ensemble de l’équipe" et un facilitateur, qui est une personne extérieure.

Un support adapté aux Samu est en préparation, mais "n’importe quelle équipe peut s’engager aujourd’hui", a-t-elle souligné.

Lors du séminaire, Laetitia May-Michelangeli a par ailleurs lancé un appel à candidature pour recruter un "référent national" Pacte pour les Samu, qui sera un "interlocuteur privilégié de la HAS, expert du métier, de l’activité".

mlb/vl/APMnews

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PARIS, 13 septembre 2019 (APMews) - L’engagement du Samu-Centre 15 du Val-d'Oise dans le "programme d'amélioration continue du travail en équipe" (Pacte) proposé par la Haute autorité de santé (HAS) a porté ses fruits en matière d’organisation et de qualité de vie au travail, ont expliqué les représentantes du service, jeudi, au cours d’un séminaire sur le renforcement de la qualité des Samu-Centres 15 organisé par le ministère.

L’expérience du Samu 95, basé au centre hospitalier (CH) de Pontoise, a été exposée au cours de ce séminaire au cours duquel plusieurs tables-rondes ont mis en perspective les mesures présentées le matin même par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn (cf dépêche du 12/09/2019 à 14:22, dépêche du 13/09/2019 à 17:36 et dépêche du 13/09/2019 à 15:31).

Il est notamment proposé aux Samu-Centres 15 d’entrer dans le dispositif Pacte, mis à disposition des établissements de santé par la HAS depuis mai 2018, après une phase d’expérimentation lancée en 2014, suivie d’une phase pilote (cf dépêche du 30/05/2018 à 16:24 et dépêche du 21/02/2018 à 10:51).

Pacte porte sur l’amélioration du travail en équipe, avec "avant tout pour objectif la qualité et la sécurité du patient", a rappelé Laetitia May-Michelangeli, cheffe de service évaluation et outils pour la qualité et la sécurité des soins à la HAS. Il a aussi des effets sur "la qualité de vie au travail. C’est une démarche d’évaluation des pratiques professionnelles, qui prend en compte la pratique réelle et les processus cliniques, les comportements humains, la communication".

Durant deux ans, la démarche comprend trois phases, "une phase de diagnostic pour comprendre comment l’équipe fonctionne, qui dure au maximum huit mois, suivie par le déploiement des actions qui dure au maximum 12 mois, et une phase d’évaluation dans les six mois". Ces phases sont assorties d’outils spécifiques, comme le module d’animation Crew ressource management (CRM) en santé, développé par la HAS.

En 2014, le Samu 95 a figuré parmi les précurseurs de la démarche en répondant à l'appel de la HAS. Le projet "faisait également suite à un événement indésirable grave (EIG)", a retracé Agnès Ricard-Hibon, chef du service du Samu. "On avait observé que l’on n’était pas très bon dans le décroché des appels. On était les seuls en Ile-de-France à avoir le 112, et on sait qu’il [génère] beaucoup de faux appels, donc on était pénalisé dans les indicateurs qualité."

"Néanmoins, quand on enlevait les faux appels, on était à un taux de décrochés de 75%." En outre, le taux "de médicalisation des appels était loin d’être optimal, parce qu’il y avait un dossier sur deux seulement où il y avait une implication médicale. Les ARM [agents de régulation médicale] n’osaient pas solliciter les médecins, il fallait améliorer la communication interprofessionnelle", a-t-elle expliqué.

La démarche a porté ses fruits, car "on a amélioré le taux de décroché, et surtout amélioré le taux d’incorporation des médecins dans les dossiers. Les ARM sont laissés moins seuls dans leur décision", s'est-elle réjouie.

Le projet a commencé avec "l’implication de l’équipe d’encadrement du Samu, médical et paramédical, mais aussi avec le soutien de la direction de la performance et de la direction qualité de l’hôpital, acteurs essentiels pour sa mise en oeuvre", a fait valoir Isabelle Villard, cadre supérieur de santé au pôle soins intensifs et non programmés, polypathologie et maladies systémiques du CH, dont relève le Samu.

Des réunions pluridisciplinaires ont été organisées avec "l’ensemble des professionnels -médecins généralistes, urgentistes, ARM- sur les problématiques rencontrées", afin d’établir un "diagnostic partagé". Un plan d’actions a été élaboré pour "améliorer la communication, les conditions de travail, accompagner le développement des compétences, formaliser et réactualiser les procédures, analyser les pratiques professionnelles", a détaillé Régine Vallejo, cadre de santé au Samu.

En 2016 ont été mis en place des "staffs d’équipe thématiques, environ tous les deux mois, au début sur la base du volontariat", puis dans le cadre de la formation continue. Ces réunions ont permis d’identifier les "dysfonctionnements et le stress généré par ces situations". Cela "a été un élément extrêmement moteur de la réussite de la démarche, de l’engagement des praticiens, et dans le fait que les ARM se sont sentis plus en confiance. La parole s’est libérée des deux côtés et a permis d’identifier des points de blocage", a relevé Agnès Ricard-Hibon.

Puis, "on a eu la chance de pouvoir augmenter les effectifs. En 2014, il y avait cinq ARM autour de la table, maintenant ils sont neuf [le jour], plus un superviseur" en train d’être mis en place, a ajouté Régine Vallejo.

Les effectifs d’ARM étaient de 25 équivalents temps plein (ETP) au début de la démarche et atteindront 42 à la fin de l’année, a-t-elle précisé à APMnews. Le service reçoit environ 2.000 appels par jour au total.

Réduction du taux d'absentéisme

Le service s’est réorganisé en front et back office: "On a créé des postes dédiés. On a mis un ARM dédié à la radio Smur, un ARM aux ambulances privées", un autre "va aider là où il y a plus de besoins", a-t-elle aussi expliqué à APMnews. Au front office, les ARM décrochent "tous les 15 et prennent les bilans pompiers".

Avec les ambulances privées a été formalisé un partenariat engageant leur disponibilité sur un planning. Auparavant, les médecins généralistes étaient présents pendant les horaires de permanence des soins, "de 18h au lendemain 8h, mais en journée, il était plus qu’utile d’avoir un médecin généraliste au Samu. On a réussi à en avoir un H24 tous les jours, et parfois deux désormais".

"Il s’est avéré nécessaire, à la demande des personnels, d’établir une charte de fonctionnement", a également expliqué Régine Vallejo lors de la table ronde. "On a également attribué du matériel individuel à chaque personnel."

Le service a été équipé d’une téléphonie avancée, qui permet d’avoir "une visibilité de ce qui se passe en régulation quasiment en temps réel".

Un plan de formation a été élaboré, avec une thématique "sur le risque juridique et l’approche éthique du métier d’ARM", ainsi qu’un dispositif d’intégration pour les nouvelles recrues.

Un système d’écoute aléatoire des bandes a été instauré. "C’est dans un échange bienveillant que l’on va communiquer avec les ARM", par ailleurs encouragés à "demander de réécouter les situations" pour "travailler ensemble sur la qualité", a-t-elle ajouté.

"Il n’y avait pas d’algorithme de tri et d’orientation; on a pris et détaillé 70 algorithmes adultes et pédiatriques pour orienter les patients", associés à des consignes internes, a également développé Régine Vallejo. S’agissant de l’analyse des pratiques, "on incite [les ARM] à faire remonter les dysfonctionnements".

Face au phénomène de certains "appels intempestifs", des situations où "on nous appelle 300 fois dans le mois", elle a cité la création d’un groupe de travail sur les problèmes de précarité et de prises en charge psychiatriques complexes.

Parmi les projets à venir, elle évoqué la création d’un groupe de parole pour les ARM.

Sur le plan logistique, le Samu doit déménager mercredi dans une salle provisoire, dans l’attente d’être installé dans une nouvelle salle de régulation, d’ici un an ou 18 mois.

Outre "une démarche qualité renforcée avec l’analyse de nos pratiques, la mise en évidence de certains indicateurs qualité, les retours d’expérience, [le projet] a aussi permis d’établir sur cinq ans une dynamique managériale partagée -médicale, paramédicale- continue", a conclu Isabelle Villard.

Régine Vallejo a précisé que le taux d’absentéisme a été divisé par deux: "On a évité les petits arrêts d’épuisement."

"Nous avons atteint un rythme de croisière qu’il faut poursuivre et s’élargir davantage sur le patient, que l’on va essayer d’inclure dans notre démarche Pacte", a complété Isabelle Villard.

La démarche nécessite des prérequis, a mis en exergue la représentante de la HAS, Laetitia May-Michelangeli: "Il faut une équipe volontaire et motivée, [car le projet] ne peut pas [être] imposé par le haut, un engagement et un soutien de la direction, l’identification de référents Pacte, l’engagement sur une problématique qui fait sens pour l’ensemble de l’équipe" et un facilitateur, qui est une personne extérieure.

Un support adapté aux Samu est en préparation, mais "n’importe quelle équipe peut s’engager aujourd’hui", a-t-elle souligné.

Lors du séminaire, Laetitia May-Michelangeli a par ailleurs lancé un appel à candidature pour recruter un "référent national" Pacte pour les Samu, qui sera un "interlocuteur privilégié de la HAS, expert du métier, de l’activité".

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