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13/03 2019
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ECHANGES TENDUS À L'ASSEMBLÉE SUR LA LIBERTÉ D'INSTALLATION DES MÉDECINS LIBÉRAUX

PARIS, 13 mars 2019 (APMnews) - La liberté d'installation et le conventionnement des médecins libéraux ont de nouveau fait l'objet mardi d'échanges tendus au sein de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, où des députés de tous bords plaident pour davantage de régulation au regard des difficultés d'accès aux soins dans certains territoires.

La commission a entamé mardi après-midi l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, sur lequel plus de 1.600 amendements ont été déposés. Ce texte, qui sera examiné en séance publique à partir du lundi 18 mars, traduit en partie la stratégie "Ma santé 2022", présentée en septembre 2018 par l'exécutif.

Une cinquantaine d'amendements déposés en commission concernaient la régulation de l'installation des médecins libéraux, un thème déjà débattu à de nombreuses reprises ces dernières années.

Pendant près d'une heure, des députés de la majorité et de l'opposition ont évoqué tour à tour les difficultés rencontrées par les citoyens dans leurs circonscriptions pour trouver un médecin, y compris pour rédiger des certificats de décès.

Les députés ont repoussé l'ensemble des dispositifs coercitifs proposés, qui émanaient de l'ensemble des bancs de l'hémicycle, y compris de la majorité.

Les mesures proposées visaient par exemple à imposer au dernier tiers du numerus clausus d'exercer pendant 3 ans dans des zones sous-denses (LR, LREM), à prévoir une obligation d'installation initiale de 3 ans dans ces zones pour l'ensemble des jeunes médecins, à organiser un conventionnement sélectif dans les zones déjà "bien dotées", y compris à titre expérimental.

Pour Yves Daniel (LREM, Loire-Atlantique), le conventionnement sélectif constitue une "forme de coercition qui peut permettre d'aider contre la désertification médicale".

"Franchement, c'est scandaleux: parler de pragmatisme, c'est se mettre face à la réalité que nous vivons dans les territoires [...]. Quand on a un médecin pour 3.500 habitants, ce n'est pas un problème politique, mais de santé et d'intérêt général", a-t-il observé.

"Je viens d'un territoire où le service public est très mal assuré", a renchéri Géraldine Bannier (Modem, Mayenne), signalant les difficultés à venir de son département en matière de démographie médicale, et soulignant l'absence d'impact des mesures incitatives.

"On vous demande de mettre des médecins face aux patients", a fait valoir Joël Aviragnet (PS, Haute-Garonne).

La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, a qualifié ces mesures de "réponse simpliste" et "contre-productive", dans un contexte de sous-effectif médical global à l'échelle du pays. Elle a invité les députés à donner sa chance aux mesures portées par "Ma santé 2022", évoquant la dynamique enclenchée dans les territoires avec la constitution des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

"Je sais que c'est tentant, que beaucoup d'entre vous sont sollicités", a relevé la ministre, appelant les députés au pragmatisme, face à la difficulté d'établir un zonage de territoires "surdotés".

Elle a rappelé que de telles mesures risqueraient de décourager les jeunes de s'installer, alors qu'ils plébiscitent déjà le salariat. "Notre problème, c'est de rendre l'installation libérale attractive. Vous imaginez combien l'installation obligatoire pendant 3 ans en zone sous-dense ou le conventionnement sélectif va donner envie aux jeunes médecins de s'installer", a-t-elle ajouté.

Le groupe France insoumise a finalement retiré avant discussion un amendement instaurant un conventionnement sélectif, identique à celui déjà soutenu en vain en octobre 2018 dans le cadre de la proposition de loi de Jean-Carles Grelier, relative à "l'orientation pour l'avenir de la santé"

Les députés ont repoussé ces dernières années plusieurs tentatives de remise en cause de la liberté d'installation ou de conventionnement, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 (cf dépêche du 28/10/2016 à 10:56) et dans des propositions de loi du socialiste Guillaume Garot (Mayenne) (cf dépêche du 24/01/2019 à 12:15 et VG7P2RBAP).

Les certificats de décès en souffrance

Les députés ont rejeté une série d'amendements visant à permettre à des infirmiers spécialement habilités à délivrer des certificats de décès.

"Dans mon département, nous avons eu un cas il y a très peu de temps encore où la famille a attendu 36 heures. Cette situation est absolument insoutenable", a observé Annie Chapelier (LREM, Gard).

"C'est vraiment une situation à laquelle nous ne pouvons être que sensibles [...] mais je souhaite que l'acte de décès reste un acte médical: c'est un moyen de repérer les causes de décès suspectes par exemple, et cela nécessite le remplissage d'un document assez précis sur ces causes", a argumenté Agnès Buzyn. La ministre a indiqué qu'elle essaierait de proposer une solution d'ici à l'examen en séance publique.

"Ce sujet ne se pose pas qu'à domicile, mais aussi dans les Ehpad", a observé Jeanine Dubié (Libertés et territoires, Hautes-Pyrénées), relevant qu'il se passait parfois le week-end jusqu'à 24 heures entre le moment où le décès est signalé et celui où le médecin se déplaçait pour le constater.

"En Mayenne, j'ai été alertée par les forces de l'ordre qui sont parfois obligées de rester des heures auprès des familles et même lorsque les personnes décédées sont très âgées", a signalé Géraldine Bannier.

"Je n'arrive pas à comprendre le débat que l'on a aujourd'hui. Parce qu'un médecin ne veut pas venir, parce qu'il décide que ce n'est pas urgent [...], on est en train de discuter de la possibilité de donner aux infirmières, qui elles sont là, la possibilité de cet acte qui reste médical? Honnêtement, je ne peux pas comprendre qu'on puisse justifier que dans des cas pareils le médecin refuse de se déplacer", s'est indignée Monique Iborra (LREM, Haute-Garonne).

Agnès Buzyn a rappelé que des efforts avaient été faits, et évoqué notamment la rémunération forfaitaire de 100 € brut versée depuis 2017 aux médecins pour la rédaction des certificats de décès dans le cadre de la permanence des soins, en application de l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 (cf dépêche du 12/05/2017 à 10:23).

Par ailleurs, les députés ont adopté un amendement du rapporteur général de la commission, Olivier Véran (LREM, Isère), similaire à d'autres portés par les groupes LR et Libertés et territoires, visant à préciser que le zonage élaboré pour attribuer les mesures d’incitation à l’installation des médecins devra être effectué "par spécialité, ou groupe de spécialités".

"Les zones caractérisées comme 'sous-denses' peuvent être différentes en fonction des spécialités médicales. Une zone bien dotée en médecins généralistes peut être par exemple dépourvue en ophtalmologues", explique le député dans l'exposé des motifs, qui souligne que le zonage actuel "est défini de manière identique, quelle que soit la spécialité".

Les députés ont repoussé, comme ils l'avaient fait dans le cadre du PLFSS 2019, des mesures visant à augmentation des exonérations accordées aux médecins retraités pour faciliter le cumul emploi-retraite dans les zones où l’accès aux soins est fragilisé.

vg/nc/APMnews

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PARIS, 13 mars 2019 (APMnews) - La liberté d'installation et le conventionnement des médecins libéraux ont de nouveau fait l'objet mardi d'échanges tendus au sein de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, où des députés de tous bords plaident pour davantage de régulation au regard des difficultés d'accès aux soins dans certains territoires.

La commission a entamé mardi après-midi l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, sur lequel plus de 1.600 amendements ont été déposés. Ce texte, qui sera examiné en séance publique à partir du lundi 18 mars, traduit en partie la stratégie "Ma santé 2022", présentée en septembre 2018 par l'exécutif.

Une cinquantaine d'amendements déposés en commission concernaient la régulation de l'installation des médecins libéraux, un thème déjà débattu à de nombreuses reprises ces dernières années.

Pendant près d'une heure, des députés de la majorité et de l'opposition ont évoqué tour à tour les difficultés rencontrées par les citoyens dans leurs circonscriptions pour trouver un médecin, y compris pour rédiger des certificats de décès.

Les députés ont repoussé l'ensemble des dispositifs coercitifs proposés, qui émanaient de l'ensemble des bancs de l'hémicycle, y compris de la majorité.

Les mesures proposées visaient par exemple à imposer au dernier tiers du numerus clausus d'exercer pendant 3 ans dans des zones sous-denses (LR, LREM), à prévoir une obligation d'installation initiale de 3 ans dans ces zones pour l'ensemble des jeunes médecins, à organiser un conventionnement sélectif dans les zones déjà "bien dotées", y compris à titre expérimental.

Pour Yves Daniel (LREM, Loire-Atlantique), le conventionnement sélectif constitue une "forme de coercition qui peut permettre d'aider contre la désertification médicale".

"Franchement, c'est scandaleux: parler de pragmatisme, c'est se mettre face à la réalité que nous vivons dans les territoires [...]. Quand on a un médecin pour 3.500 habitants, ce n'est pas un problème politique, mais de santé et d'intérêt général", a-t-il observé.

"Je viens d'un territoire où le service public est très mal assuré", a renchéri Géraldine Bannier (Modem, Mayenne), signalant les difficultés à venir de son département en matière de démographie médicale, et soulignant l'absence d'impact des mesures incitatives.

"On vous demande de mettre des médecins face aux patients", a fait valoir Joël Aviragnet (PS, Haute-Garonne).

La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, a qualifié ces mesures de "réponse simpliste" et "contre-productive", dans un contexte de sous-effectif médical global à l'échelle du pays. Elle a invité les députés à donner sa chance aux mesures portées par "Ma santé 2022", évoquant la dynamique enclenchée dans les territoires avec la constitution des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

"Je sais que c'est tentant, que beaucoup d'entre vous sont sollicités", a relevé la ministre, appelant les députés au pragmatisme, face à la difficulté d'établir un zonage de territoires "surdotés".

Elle a rappelé que de telles mesures risqueraient de décourager les jeunes de s'installer, alors qu'ils plébiscitent déjà le salariat. "Notre problème, c'est de rendre l'installation libérale attractive. Vous imaginez combien l'installation obligatoire pendant 3 ans en zone sous-dense ou le conventionnement sélectif va donner envie aux jeunes médecins de s'installer", a-t-elle ajouté.

Le groupe France insoumise a finalement retiré avant discussion un amendement instaurant un conventionnement sélectif, identique à celui déjà soutenu en vain en octobre 2018 dans le cadre de la proposition de loi de Jean-Carles Grelier, relative à "l'orientation pour l'avenir de la santé"

Les députés ont repoussé ces dernières années plusieurs tentatives de remise en cause de la liberté d'installation ou de conventionnement, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 (cf dépêche du 28/10/2016 à 10:56) et dans des propositions de loi du socialiste Guillaume Garot (Mayenne) (cf dépêche du 24/01/2019 à 12:15 et VG7P2RBAP).

Les certificats de décès en souffrance

Les députés ont rejeté une série d'amendements visant à permettre à des infirmiers spécialement habilités à délivrer des certificats de décès.

"Dans mon département, nous avons eu un cas il y a très peu de temps encore où la famille a attendu 36 heures. Cette situation est absolument insoutenable", a observé Annie Chapelier (LREM, Gard).

"C'est vraiment une situation à laquelle nous ne pouvons être que sensibles [...] mais je souhaite que l'acte de décès reste un acte médical: c'est un moyen de repérer les causes de décès suspectes par exemple, et cela nécessite le remplissage d'un document assez précis sur ces causes", a argumenté Agnès Buzyn. La ministre a indiqué qu'elle essaierait de proposer une solution d'ici à l'examen en séance publique.

"Ce sujet ne se pose pas qu'à domicile, mais aussi dans les Ehpad", a observé Jeanine Dubié (Libertés et territoires, Hautes-Pyrénées), relevant qu'il se passait parfois le week-end jusqu'à 24 heures entre le moment où le décès est signalé et celui où le médecin se déplaçait pour le constater.

"En Mayenne, j'ai été alertée par les forces de l'ordre qui sont parfois obligées de rester des heures auprès des familles et même lorsque les personnes décédées sont très âgées", a signalé Géraldine Bannier.

"Je n'arrive pas à comprendre le débat que l'on a aujourd'hui. Parce qu'un médecin ne veut pas venir, parce qu'il décide que ce n'est pas urgent [...], on est en train de discuter de la possibilité de donner aux infirmières, qui elles sont là, la possibilité de cet acte qui reste médical? Honnêtement, je ne peux pas comprendre qu'on puisse justifier que dans des cas pareils le médecin refuse de se déplacer", s'est indignée Monique Iborra (LREM, Haute-Garonne).

Agnès Buzyn a rappelé que des efforts avaient été faits, et évoqué notamment la rémunération forfaitaire de 100 € brut versée depuis 2017 aux médecins pour la rédaction des certificats de décès dans le cadre de la permanence des soins, en application de l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 (cf dépêche du 12/05/2017 à 10:23).

Par ailleurs, les députés ont adopté un amendement du rapporteur général de la commission, Olivier Véran (LREM, Isère), similaire à d'autres portés par les groupes LR et Libertés et territoires, visant à préciser que le zonage élaboré pour attribuer les mesures d’incitation à l’installation des médecins devra être effectué "par spécialité, ou groupe de spécialités".

"Les zones caractérisées comme 'sous-denses' peuvent être différentes en fonction des spécialités médicales. Une zone bien dotée en médecins généralistes peut être par exemple dépourvue en ophtalmologues", explique le député dans l'exposé des motifs, qui souligne que le zonage actuel "est défini de manière identique, quelle que soit la spécialité".

Les députés ont repoussé, comme ils l'avaient fait dans le cadre du PLFSS 2019, des mesures visant à augmentation des exonérations accordées aux médecins retraités pour faciliter le cumul emploi-retraite dans les zones où l’accès aux soins est fragilisé.

vg/nc/APMnews

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