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21/11 2022
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IL FAUT PLANIFIER LA RÉPARTITION DES MATERNITÉS SUR DES CRITÈRES DE SANTÉ PUBLIQUE, NON DE PROXIMITÉ (CNGOF)

PARIS, 21 novembre 2022 (APMnews) - Une véritable réflexion sur la planification de la répartition des maternités sur le territoire doit être menée, fondée sur des critères de santé publique, et non uniquement de proximité, a plaidé vendredi le Collège national des gynécologues-obstétriciens (CNGOF), lors d'une conférence de presse.

Le CNGOF a présenté vendredi ses mesures pour la continuité des soins en gynécologie-obstétrique, issues du rapport de sa commission démographie mise en place en commun avec le Collège des enseignants en gynécologie-obstétrique (Cego) en 2019 (cf dépêche du 18/11/2022 à 17:53).

Dans son rapport, la commission constate une crise démographique "profonde", vouée à s'aggraver, si rien n'est fait pour prendre en compte l'évolution des aspirations des jeunes praticiens et les besoins réels en termes de santé publique (cf dépêche du 21/11/2022 à 19:07). Elle a analysé les impacts attendus de la crise démographique des gynécologues-obstétriciens sur l'organisation des soins.

Outre une refonte des modalités de financement de la permanence des soins (PDS) et des équipes de gynécologues-obstétriciens, proposée dans le rapport pour améliorer l'attractivité des salles de naissance (cf dépêche du 18/11/2022 à 17:53), il est nécessaire de poursuivre la concentration des sites nécessitant une permanence des soins (PDS) -naissances, urgences gynéco-, de façon adaptée, plaide la commission.

"Cette concentration doit reposer sur une réflexion adaptée à chaque territoire et répondant à la question de l'accessibilité pour les naissances et les urgences gynécologiques. Cette approche n'est en aucun cas celle de la proximité", insiste-t-elle.

"La question de l'accès aux soins réglés, de suivi, de prévention, ne justifiant pas de permanence des soins, peut être traitée différemment (il est en effet beaucoup plus acceptable pour un praticien de participer à une activité territoriale réglée). Il n'est pas ici question de concentrer les soins urgents au sein de quelques très grandes maternités, certains sites isolés seront certainement à maintenir en raison de problèmes d'accessibilité. Il faudra alors construire des équipes territoriales attractives (par leur dimensionnement et la valorisation financière)", expose-t-elle.

Il faut continuer à concentrer les soins techniques, même si "tout le monde continue à râler quand on discute de la fermeture d'une maternité", a développé le Pr Olivier Morel (CHU de Nancy), président de la commission démographie. "Il y a une grosse différence entre sécurité à l'accouchement et sécurité du suivi de grossesse, sécurité du suivi des femmes".

"On ne peut pas prétendre aujourd'hui qu'on met en danger la santé des femmes en France si on continue à le faire." "Mais ce qui est frustrant aujourd'hui c'est que les maternités ne sont pas fermées après mûre réflexion, mais en dernier recours, parce qu'on essaie de tenir, et c'est rarement la bonne maternité qu'on ferme sur la carte" (en termes de nombre de femmes concernées par l'éloignement, etc.).

Or "on ne regarde pas du tout l'impact d'une fermeture de maternité sur la qualité des soins".

Planifier la répartition des maternités sur les éléments de santé publique

Il est nécessaire d'une part, de planifier la répartition des maternités sur le territoire, "ce qui n'est pas fait", et d'autre part, de le faire "non pas en fonction du poids politique d'Untel ou d'Untel et des problèmes politiques locaux en général, mais des données de santé publique", a insisté le Pr Morel.

"On a plein de solutions à proposer: par exemple les patientes peuvent être suivies près de chez elles sur des CPP [centres périnataux de proximité]", sachant que cela n'arrivera qu'en moyenne deux fois dans leur vie.

Il a souligné que la demi-heure pour arriver à une maternité, critère souvent avancé pour justifier du maintien d'une maternité, "ne repose sur aucun critère médical. C'est quelque chose qui a été évoqué par un de nos précédents présidents de la République [François Hollande, NDLR]. Ça ne correspond à rien en termes de sécurité".

"Il faut concentrer les soins pour avoir une meilleure technicité, des gynécologues-obstétriciens mieux formés (plus entraînés), moins fatigués, plus motivés pour y travailler."

Il a cité l'exemple de la Finlande, première dans le classement au sein de l'OCDE pour la sécurité des soins maternels et périnatals. "Le pays compte 18 maternités (moins qu'en Lorraine) pour plus de 60.000 naissances (un tout petit peu plus grand que la Lorraine), et a pour objectif d'arriver à 16 en améliorant les choses, avec la cible de n'avoir aucune maternité de moins de 1.000 naissances par an." "Ce n'est pas pour des problèmes démographiques, c'est pour améliorer les choses."

"En France, on est en capacité de le faire." Mais les géographes de la santé qui réalisent des cartes sur les difficultés d'accès en fonction de l'évolution des besoins "ne prennent en compte que la durée d'accès aux maternités, sans considérer le nombre de patientes concernées. Faut-il rouvrir une maternité à Corte [Corse] où 40 patientes accouchent par an? Certainement pas, il faut considérer le nombre de femmes concernées, c'est ce que font les Finlandais. Il faut être raisonnable, quand il y a très peu de femmes concernées, à un moment donné, il faut être capable de dire 'non il ne faut plus laisser une maternité là, il faut concentrer'".

Il y a confusion en France entre accessibilité et proximité, entre soins courants et plateau technique, a-t-il déploré.

"En fermant des maternités intelligemment, on a la possibilité d'éloigner très peu de femmes, et même en le faisant, il n'y a pas d'augmentation significative des naissances extra-hospitalières sur les 20 dernières années en dehors de celles voulues par les femmes" (accouchement à domicile ou en maison de naissance).

Des organisations spécifiques à copier ou à inventer

Aux Seychelles, où la population est concentrée sur quelques grosses îles et la seule maternité est à Mahé, ou dans les pays nordiques, constitués de plusieurs îles sur la Baltique, des organisations sont mises en place pour faire venir les femmes près de la maternité avant leur accouchement, a-t-il noté.

"En Lorraine, je suis convaincu qu'on ne peut pas ne pas avoir de maternité à Verdun. C'est au milieu de nulle part. Il y a très peu de naissances, 500 ou 600, très en dessous du seuil des 1.000 naissances des Nordiques. Mais c'est à plus d'une heure de tout. Le problème est que si le directeur de l'hôpital de Verdun doit recruter des gynécos qui vont être obligés de vivre à Verdun, ça ne marchera pas, ça ne marche pas depuis 20 ans, personne ne s'y est installé."

"Par contre, si on dit que l'on met cette maternité de Verdun qui est absolument nécessaire pour la population, sous la responsabilité du CHU de Reims, le plus proche, où on finance sept postes de PH supplémentaires, qui vont aller prendre en charge cette maternité -ils savent qu'ils doivent y aller une fois par semaine pendant 24h, ils vont gérer des accouchements, ils peuvent gérer du suivi en parallèle (avec seulement 600 naissances par an)-, mais ils habiteront Reims, ce sont des choses qui marchent".

Il a cité en contre-exemple Neufchâteau (Vosges) où il y a moins de 200 naissances par an. C'est très isolé mais "en dessous d'un certain nombre de naissances, je pense qu'il n'est plus raisonnable de dire on met plein de moyens là-bas. Comme à Corte".

"Quand il y a très peu de patientes concernées, pour autant elles existent, elles habitent très loin, on met en place des systèmes de transport de femmes enceintes -ça n'existe pas en France, il n'y a pas de Smur obstétrical- et on met en place une hôtellisation, en allant au bout du concept".

Ce concept d'hôtellisation a débuté il n'y a pas longtemps, dans les pays nordiques, avec des durées limitées en pré-travail, "avec des vrais studios où les femmes peuvent venir s'installer en famille, avec une vraie prise en charge. Encore une fois, c'est deux fois dans la vie d'une femme en moyenne".

"On a mis en place une hôtellisation à Nancy, où on a d'emblée demandé à avoir des studios. On a deux studios réservés à la maternité, à 500 m de la maternité du CHU, où les femmes peuvent être logées huit jours avant l'accouchement, -ce qui est trop juste en fait-, et cinq semaines avant en cas de pathologie", a-t-il témoigné.

Une prestation d'hébergement temporaire non médicalisé des femmes enceintes lorsque la situation de leur domicile implique une durée d'accès à une unité adaptée de gynécologie-obstétrique supérieure à un seuil a été mise en place dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020, rappelle-t-on. Un décret précisant les conditions d'accès à ce dispositif a été publié en avril (cf dépêche du 15/04/2022 à 11:54). Peuvent y prétendre les femmes enceintes résidant à plus de 45 min de trajet motorisé "en conditions habituelles" de l'établissement le plus proche.

cd/ab/APMnews

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PARIS, 21 novembre 2022 (APMnews) - Une véritable réflexion sur la planification de la répartition des maternités sur le territoire doit être menée, fondée sur des critères de santé publique, et non uniquement de proximité, a plaidé vendredi le Collège national des gynécologues-obstétriciens (CNGOF), lors d'une conférence de presse.

Le CNGOF a présenté vendredi ses mesures pour la continuité des soins en gynécologie-obstétrique, issues du rapport de sa commission démographie mise en place en commun avec le Collège des enseignants en gynécologie-obstétrique (Cego) en 2019 (cf dépêche du 18/11/2022 à 17:53).

Dans son rapport, la commission constate une crise démographique "profonde", vouée à s'aggraver, si rien n'est fait pour prendre en compte l'évolution des aspirations des jeunes praticiens et les besoins réels en termes de santé publique (cf dépêche du 21/11/2022 à 19:07). Elle a analysé les impacts attendus de la crise démographique des gynécologues-obstétriciens sur l'organisation des soins.

Outre une refonte des modalités de financement de la permanence des soins (PDS) et des équipes de gynécologues-obstétriciens, proposée dans le rapport pour améliorer l'attractivité des salles de naissance (cf dépêche du 18/11/2022 à 17:53), il est nécessaire de poursuivre la concentration des sites nécessitant une permanence des soins (PDS) -naissances, urgences gynéco-, de façon adaptée, plaide la commission.

"Cette concentration doit reposer sur une réflexion adaptée à chaque territoire et répondant à la question de l'accessibilité pour les naissances et les urgences gynécologiques. Cette approche n'est en aucun cas celle de la proximité", insiste-t-elle.

"La question de l'accès aux soins réglés, de suivi, de prévention, ne justifiant pas de permanence des soins, peut être traitée différemment (il est en effet beaucoup plus acceptable pour un praticien de participer à une activité territoriale réglée). Il n'est pas ici question de concentrer les soins urgents au sein de quelques très grandes maternités, certains sites isolés seront certainement à maintenir en raison de problèmes d'accessibilité. Il faudra alors construire des équipes territoriales attractives (par leur dimensionnement et la valorisation financière)", expose-t-elle.

Il faut continuer à concentrer les soins techniques, même si "tout le monde continue à râler quand on discute de la fermeture d'une maternité", a développé le Pr Olivier Morel (CHU de Nancy), président de la commission démographie. "Il y a une grosse différence entre sécurité à l'accouchement et sécurité du suivi de grossesse, sécurité du suivi des femmes".

"On ne peut pas prétendre aujourd'hui qu'on met en danger la santé des femmes en France si on continue à le faire." "Mais ce qui est frustrant aujourd'hui c'est que les maternités ne sont pas fermées après mûre réflexion, mais en dernier recours, parce qu'on essaie de tenir, et c'est rarement la bonne maternité qu'on ferme sur la carte" (en termes de nombre de femmes concernées par l'éloignement, etc.).

Or "on ne regarde pas du tout l'impact d'une fermeture de maternité sur la qualité des soins".

Planifier la répartition des maternités sur les éléments de santé publique

Il est nécessaire d'une part, de planifier la répartition des maternités sur le territoire, "ce qui n'est pas fait", et d'autre part, de le faire "non pas en fonction du poids politique d'Untel ou d'Untel et des problèmes politiques locaux en général, mais des données de santé publique", a insisté le Pr Morel.

"On a plein de solutions à proposer: par exemple les patientes peuvent être suivies près de chez elles sur des CPP [centres périnataux de proximité]", sachant que cela n'arrivera qu'en moyenne deux fois dans leur vie.

Il a souligné que la demi-heure pour arriver à une maternité, critère souvent avancé pour justifier du maintien d'une maternité, "ne repose sur aucun critère médical. C'est quelque chose qui a été évoqué par un de nos précédents présidents de la République [François Hollande, NDLR]. Ça ne correspond à rien en termes de sécurité".

"Il faut concentrer les soins pour avoir une meilleure technicité, des gynécologues-obstétriciens mieux formés (plus entraînés), moins fatigués, plus motivés pour y travailler."

Il a cité l'exemple de la Finlande, première dans le classement au sein de l'OCDE pour la sécurité des soins maternels et périnatals. "Le pays compte 18 maternités (moins qu'en Lorraine) pour plus de 60.000 naissances (un tout petit peu plus grand que la Lorraine), et a pour objectif d'arriver à 16 en améliorant les choses, avec la cible de n'avoir aucune maternité de moins de 1.000 naissances par an." "Ce n'est pas pour des problèmes démographiques, c'est pour améliorer les choses."

"En France, on est en capacité de le faire." Mais les géographes de la santé qui réalisent des cartes sur les difficultés d'accès en fonction de l'évolution des besoins "ne prennent en compte que la durée d'accès aux maternités, sans considérer le nombre de patientes concernées. Faut-il rouvrir une maternité à Corte [Corse] où 40 patientes accouchent par an? Certainement pas, il faut considérer le nombre de femmes concernées, c'est ce que font les Finlandais. Il faut être raisonnable, quand il y a très peu de femmes concernées, à un moment donné, il faut être capable de dire 'non il ne faut plus laisser une maternité là, il faut concentrer'".

Il y a confusion en France entre accessibilité et proximité, entre soins courants et plateau technique, a-t-il déploré.

"En fermant des maternités intelligemment, on a la possibilité d'éloigner très peu de femmes, et même en le faisant, il n'y a pas d'augmentation significative des naissances extra-hospitalières sur les 20 dernières années en dehors de celles voulues par les femmes" (accouchement à domicile ou en maison de naissance).

Des organisations spécifiques à copier ou à inventer

Aux Seychelles, où la population est concentrée sur quelques grosses îles et la seule maternité est à Mahé, ou dans les pays nordiques, constitués de plusieurs îles sur la Baltique, des organisations sont mises en place pour faire venir les femmes près de la maternité avant leur accouchement, a-t-il noté.

"En Lorraine, je suis convaincu qu'on ne peut pas ne pas avoir de maternité à Verdun. C'est au milieu de nulle part. Il y a très peu de naissances, 500 ou 600, très en dessous du seuil des 1.000 naissances des Nordiques. Mais c'est à plus d'une heure de tout. Le problème est que si le directeur de l'hôpital de Verdun doit recruter des gynécos qui vont être obligés de vivre à Verdun, ça ne marchera pas, ça ne marche pas depuis 20 ans, personne ne s'y est installé."

"Par contre, si on dit que l'on met cette maternité de Verdun qui est absolument nécessaire pour la population, sous la responsabilité du CHU de Reims, le plus proche, où on finance sept postes de PH supplémentaires, qui vont aller prendre en charge cette maternité -ils savent qu'ils doivent y aller une fois par semaine pendant 24h, ils vont gérer des accouchements, ils peuvent gérer du suivi en parallèle (avec seulement 600 naissances par an)-, mais ils habiteront Reims, ce sont des choses qui marchent".

Il a cité en contre-exemple Neufchâteau (Vosges) où il y a moins de 200 naissances par an. C'est très isolé mais "en dessous d'un certain nombre de naissances, je pense qu'il n'est plus raisonnable de dire on met plein de moyens là-bas. Comme à Corte".

"Quand il y a très peu de patientes concernées, pour autant elles existent, elles habitent très loin, on met en place des systèmes de transport de femmes enceintes -ça n'existe pas en France, il n'y a pas de Smur obstétrical- et on met en place une hôtellisation, en allant au bout du concept".

Ce concept d'hôtellisation a débuté il n'y a pas longtemps, dans les pays nordiques, avec des durées limitées en pré-travail, "avec des vrais studios où les femmes peuvent venir s'installer en famille, avec une vraie prise en charge. Encore une fois, c'est deux fois dans la vie d'une femme en moyenne".

"On a mis en place une hôtellisation à Nancy, où on a d'emblée demandé à avoir des studios. On a deux studios réservés à la maternité, à 500 m de la maternité du CHU, où les femmes peuvent être logées huit jours avant l'accouchement, -ce qui est trop juste en fait-, et cinq semaines avant en cas de pathologie", a-t-il témoigné.

Une prestation d'hébergement temporaire non médicalisé des femmes enceintes lorsque la situation de leur domicile implique une durée d'accès à une unité adaptée de gynécologie-obstétrique supérieure à un seuil a été mise en place dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020, rappelle-t-on. Un décret précisant les conditions d'accès à ce dispositif a été publié en avril (cf dépêche du 15/04/2022 à 11:54). Peuvent y prétendre les femmes enceintes résidant à plus de 45 min de trajet motorisé "en conditions habituelles" de l'établissement le plus proche.

cd/ab/APMnews

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