Actualités de l'Urgence - APM

09/12 2019
Retour

LA COUR DES COMPTES TANCE L'ORDRE DES MÉDECINS POUR DES INSUFFISANCES RELEVÉES DANS L'EXERCICE DE SES MISSIONS

PARIS, 9 décembre 2019 (APMnews) - La Cour des comptes reproche à l'ordre des médecins de ne pas exercer de façon satisfaisante ses missions administratives et juridictionnelles dans un rapport publié lundi.

Ce rapport fait suite à un contrôle effectué par la Cour des comptes en 2018 auprès du Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) et de 46 des 101 conseils départementaux de l'ordre (CDOM) (cf dépêche du 09/12/2019 à 10:00).

La Cour des comptes épingle l'ordre pour une "gestion caractérisée par des faiblesses, voire des dérives, préoccupantes" (cf dépêche du 09/12/2019 à 10:01), des irrégularités dans sa gestion des ressources humaines (cf dépêche du 09/12/2019 à 10:02) ou encore un exercice "peu ou mal assur[é]" de "missions importantes qui justifient son existence".

Elle reconnaît que la tenue du tableau des médecins habilités à exercer, "qui est l'une des principales missions de l'ordre, est correctement assurée, malgré un outil informatique et des procédures de gestion des inscriptions aujourd’hui inadaptés".

La Cour rappelle que, dans le cadre de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, les ordres des professions de santé "contribuent à promouvoir la santé publique et la qualité des soins".

"La réalisation de cet objectif passe notamment par le respect, trop longtemps différé par l'ordre, de ses obligations légales en matière de contrôle des obligations de formation continue des médecins, de contrôle de l'insuffisance professionnelle et de détection et de suivi des médecins à risque", soulignent les magistrats.

Alors que l'ordre a pour mission "d'assurer la promotion du développement professionnel continu (DPC) et de vérifier le respect de l'obligation faite aux médecins de se former pendant toute leur carrière", la Cour note que "l'ordre a largement délaissé cette mission et n'a déployé aucun outil dans les conseils départementaux pour l'assurer".

Au sein des conseils départementaux, le contrôle du DPC "se réduit aujourd'hui, quand il existe, à la tenue d'un tableur recensant par praticien les attestations transmises par les organismes de formation", pointe le rapport.

Seuls 20% des médecins répondent à leur obligation de formation continue

En s'appuyant sur les informations transmises par l'Agence nationale du DPC (ANDPC), les magistrats soulignent "que moins de 20% des médecins satisfont à l'obligation de se former".

La Cour des comptes estime que l'ordre ne se préoccupe pas suffisamment de la détection et de l'accompagnement, de l'insuffisance professionnelle ou l'état de santé rend dangereux l'exercice de la médecine, notamment en raison du manque "[d']outils de pilotage et d'analyse nécessaires" au sein des conseils régionaux.

Les magistrats ont également mis en lumière des délais trop longs dans le traitement des dossiers, tant au niveau régional que national, si bien que "certaines suspensions de médecins sont ordonnées jusqu'à deux ans après l'introduction d'un recours".

Ils ont recensé de nombreuses difficultés rencontrées par les conseils régionaux de l'ordre pour contrôler l'insuffisance professionnelle: des "difficultés à trouver des experts, difficultés à tenir les délais imposés par les textes", une "hétérogénéité dans les méthodologies d'évaluation de l'insuffisance professionnelle", une "absence de statut pour les médecins suspendus pendant le temps de leur mise à niveau".

Assouplir les modalités de suspension en cas d'infirmité ou d'état pathologique

Concernant "les cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession", les magistrats ont souligné que "le code de la santé ne permet pas, en l'état actuel, de prononcer une suspension partielle du médecin".

Cette situation peut à la fois provoquer des "injustices", en interdisant d'exercice "un médecin rendu partiellement invalide par une maladie mais doté de toutes ses capacités cognitives, alors qu'un aménagement de son emploi aurait été possible" tout comme des décisions risquées pour les patients "en ne suspendant pas un médecin que son état empêche d'exercer dans la plénitude de ses fonctions".

Ils plaident donc pour l'introduction de dispositions permettant la suspension partielle d'un médecin rendu partiellement invalide et pour donner la possibilité à l'ordre de "demander à un médecin de se soumettre à un suivi de soins pour être autorisé à continuer d'exercer".

Les magistrats jugent "également indispensable d'aider les conseils territoriaux à mieux détecter les situations à risque de certains médecins et à réformer la manière dont ces derniers sont ensuite suivis et contrôlés par l'ordre".

A ce titre, ils appellent à généraliser "la réalisation en routine d'entretiens confraternels au sein des conseils et surtout les visites de cabinet, à l'occasion d'une installation par exemple ou tous les 10 ans".

Le rapport de la Cour des comptes met aussi en exergue un "contrôle lacunaire" des contrats et des conventions passés entre médecins et industrie par l'ordre des médecins, et notamment une absence de sanctions à l'égard des médecins fautifs (cf dépêche du 09/12/2019 à 10:03).

Une trop faible implication dans l'accès aux soins

Dans le cadre de l'organisation de la permanence des soins, la Cour des comptes a noté une implication inégale des conseils départementaux pour remédier à l'insuffisance du nombre de médecins volontaires, depuis l'abandon de l'obligation déontologique individuelle pour les médecins libéraux d'effectuer des gardes en 2002.

"L'implication pour mobiliser le corps médical est exemplaire dans plusieurs départements", a toutefois salué la Cour en citant le Val-de-Marne, la Corse-du-Sud et l'Indre.

Les magistrats ont par ailleurs mis en avant la position "ambiguë" de l'ordre sur les refus de soins.

Si la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a créé des commissions ad hoc placées auprès des ordres professionnels, "chargées d'évaluer le nombre et la nature des pratiques de refus et de remettre un rapport annuel au ministre chargé de la santé", celle placée auprès de l’ordre des médecins "n'a produit qu'un rapport depuis".

Par ailleurs, l'ordre indique "ne pas disposer du budget suffisant pour faire fonctionner la commission et refuse de financer des études sur les refus de soins".

Une tendance à empiéter sur le champ syndical

Si la Cour reproche à l'ordre de ne pas assurer pleinement certaines de ses missions administratives et juridictionnelles, elle souligne également que l'ordre intervient de plus en plus sur le terrain de la défense des intérêts de la profession, au risque d'empiéter sur les missions des syndicats.

"L'ordre des médecins [...] intervient fréquemment dans le champ de la défense des intérêts professionnels et sort régulièrement du champ déontologique au regard duquel il devrait apprécier l’impact des réformes qui lui sont soumises pour avis", estiment les magistrats de la Cour.

"Toute communication à caractère revendicatif se situe clairement hors du champ des missions d'un ordre", juge la Cour, "pourtant, se considérant comme le représentant de tous les médecins, l'ordre, encouragé parfois par les pouvoirs publics eux-mêmes qui le sollicitent sur des questions se situant hors de son champ de compétences, se positionne comme un interlocuteur privilégié sur les réformes de santé à venir".

"La communication de l'ordre est le reflet de ce glissement vers le champ syndical", note à ce sujet le rapport, en pointant l'enveloppe d'un million d'euros dépensée par l'ordre pour lancer "une grande consultation nationale" en 2015, en marge de l'élaboration de la loi de modernisation du système de santé.

Pour la Cour, "cette confusion des rôles est préjudiciable à l'image de l'ordre et à l'exercice de ses missions, elle est difficilement compatible avec son rôle de gardien impartial de la déontologie de la profession".

Dans sa réponse à la Cour des comptes, l'ordre "conteste la vision réductrice" des magistrats de la rue Cambon quant aux responsabilités qui sont celles que le législateur lui a confiées notamment en tant que représentant de la profession dans sa mission d'ensemble".

"C'est dans le but d'accomplir avec détermination cette mission, que l'ordre des médecins a entendu se doter des moyens de communication modernes afin d'intensifier le dialogue avec les médecins pour exprimer les attentes de toute la profession", se justifie l'ordre.

Concernant le contrôle du respect par les médecins de leur obligation de DPC, l'ordre souligne que si le dispositif a été créé en 2011, sa version définitive "n'a été proposé[e] au législateur qu'avec la loi du 26 janvier 2016".

Rapport de la Cour des comptes sur l'ordre des médecins

gl/ab/APMnews

Les données APM Santé sont la propriété de APM International. Toute copie, republication ou redistribution des données APM Santé, notamment via la mise en antémémoire, l'encadrement ou des moyens similaires, est expressément interdite sans l'accord préalable écrit de APM. APM ne sera pas responsable des erreurs ou des retards dans les données ou de toutes actions entreprises en fonction de celles-ci ou toutes décisions prises sur la base du service. APM, APM Santé et le logo APM International, sont des marques d'APM International dans le monde. Pour de plus amples informations sur les autres services d'APM, veuillez consulter le site Web public d'APM à l'adresse www.apmnews.com

Copyright © APM-Santé - Tous droits réservés.

Informations professionnelles

09/12 2019
Retour

LA COUR DES COMPTES TANCE L'ORDRE DES MÉDECINS POUR DES INSUFFISANCES RELEVÉES DANS L'EXERCICE DE SES MISSIONS

PARIS, 9 décembre 2019 (APMnews) - La Cour des comptes reproche à l'ordre des médecins de ne pas exercer de façon satisfaisante ses missions administratives et juridictionnelles dans un rapport publié lundi.

Ce rapport fait suite à un contrôle effectué par la Cour des comptes en 2018 auprès du Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) et de 46 des 101 conseils départementaux de l'ordre (CDOM) (cf dépêche du 09/12/2019 à 10:00).

La Cour des comptes épingle l'ordre pour une "gestion caractérisée par des faiblesses, voire des dérives, préoccupantes" (cf dépêche du 09/12/2019 à 10:01), des irrégularités dans sa gestion des ressources humaines (cf dépêche du 09/12/2019 à 10:02) ou encore un exercice "peu ou mal assur[é]" de "missions importantes qui justifient son existence".

Elle reconnaît que la tenue du tableau des médecins habilités à exercer, "qui est l'une des principales missions de l'ordre, est correctement assurée, malgré un outil informatique et des procédures de gestion des inscriptions aujourd’hui inadaptés".

La Cour rappelle que, dans le cadre de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, les ordres des professions de santé "contribuent à promouvoir la santé publique et la qualité des soins".

"La réalisation de cet objectif passe notamment par le respect, trop longtemps différé par l'ordre, de ses obligations légales en matière de contrôle des obligations de formation continue des médecins, de contrôle de l'insuffisance professionnelle et de détection et de suivi des médecins à risque", soulignent les magistrats.

Alors que l'ordre a pour mission "d'assurer la promotion du développement professionnel continu (DPC) et de vérifier le respect de l'obligation faite aux médecins de se former pendant toute leur carrière", la Cour note que "l'ordre a largement délaissé cette mission et n'a déployé aucun outil dans les conseils départementaux pour l'assurer".

Au sein des conseils départementaux, le contrôle du DPC "se réduit aujourd'hui, quand il existe, à la tenue d'un tableur recensant par praticien les attestations transmises par les organismes de formation", pointe le rapport.

Seuls 20% des médecins répondent à leur obligation de formation continue

En s'appuyant sur les informations transmises par l'Agence nationale du DPC (ANDPC), les magistrats soulignent "que moins de 20% des médecins satisfont à l'obligation de se former".

La Cour des comptes estime que l'ordre ne se préoccupe pas suffisamment de la détection et de l'accompagnement, de l'insuffisance professionnelle ou l'état de santé rend dangereux l'exercice de la médecine, notamment en raison du manque "[d']outils de pilotage et d'analyse nécessaires" au sein des conseils régionaux.

Les magistrats ont également mis en lumière des délais trop longs dans le traitement des dossiers, tant au niveau régional que national, si bien que "certaines suspensions de médecins sont ordonnées jusqu'à deux ans après l'introduction d'un recours".

Ils ont recensé de nombreuses difficultés rencontrées par les conseils régionaux de l'ordre pour contrôler l'insuffisance professionnelle: des "difficultés à trouver des experts, difficultés à tenir les délais imposés par les textes", une "hétérogénéité dans les méthodologies d'évaluation de l'insuffisance professionnelle", une "absence de statut pour les médecins suspendus pendant le temps de leur mise à niveau".

Assouplir les modalités de suspension en cas d'infirmité ou d'état pathologique

Concernant "les cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession", les magistrats ont souligné que "le code de la santé ne permet pas, en l'état actuel, de prononcer une suspension partielle du médecin".

Cette situation peut à la fois provoquer des "injustices", en interdisant d'exercice "un médecin rendu partiellement invalide par une maladie mais doté de toutes ses capacités cognitives, alors qu'un aménagement de son emploi aurait été possible" tout comme des décisions risquées pour les patients "en ne suspendant pas un médecin que son état empêche d'exercer dans la plénitude de ses fonctions".

Ils plaident donc pour l'introduction de dispositions permettant la suspension partielle d'un médecin rendu partiellement invalide et pour donner la possibilité à l'ordre de "demander à un médecin de se soumettre à un suivi de soins pour être autorisé à continuer d'exercer".

Les magistrats jugent "également indispensable d'aider les conseils territoriaux à mieux détecter les situations à risque de certains médecins et à réformer la manière dont ces derniers sont ensuite suivis et contrôlés par l'ordre".

A ce titre, ils appellent à généraliser "la réalisation en routine d'entretiens confraternels au sein des conseils et surtout les visites de cabinet, à l'occasion d'une installation par exemple ou tous les 10 ans".

Le rapport de la Cour des comptes met aussi en exergue un "contrôle lacunaire" des contrats et des conventions passés entre médecins et industrie par l'ordre des médecins, et notamment une absence de sanctions à l'égard des médecins fautifs (cf dépêche du 09/12/2019 à 10:03).

Une trop faible implication dans l'accès aux soins

Dans le cadre de l'organisation de la permanence des soins, la Cour des comptes a noté une implication inégale des conseils départementaux pour remédier à l'insuffisance du nombre de médecins volontaires, depuis l'abandon de l'obligation déontologique individuelle pour les médecins libéraux d'effectuer des gardes en 2002.

"L'implication pour mobiliser le corps médical est exemplaire dans plusieurs départements", a toutefois salué la Cour en citant le Val-de-Marne, la Corse-du-Sud et l'Indre.

Les magistrats ont par ailleurs mis en avant la position "ambiguë" de l'ordre sur les refus de soins.

Si la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a créé des commissions ad hoc placées auprès des ordres professionnels, "chargées d'évaluer le nombre et la nature des pratiques de refus et de remettre un rapport annuel au ministre chargé de la santé", celle placée auprès de l’ordre des médecins "n'a produit qu'un rapport depuis".

Par ailleurs, l'ordre indique "ne pas disposer du budget suffisant pour faire fonctionner la commission et refuse de financer des études sur les refus de soins".

Une tendance à empiéter sur le champ syndical

Si la Cour reproche à l'ordre de ne pas assurer pleinement certaines de ses missions administratives et juridictionnelles, elle souligne également que l'ordre intervient de plus en plus sur le terrain de la défense des intérêts de la profession, au risque d'empiéter sur les missions des syndicats.

"L'ordre des médecins [...] intervient fréquemment dans le champ de la défense des intérêts professionnels et sort régulièrement du champ déontologique au regard duquel il devrait apprécier l’impact des réformes qui lui sont soumises pour avis", estiment les magistrats de la Cour.

"Toute communication à caractère revendicatif se situe clairement hors du champ des missions d'un ordre", juge la Cour, "pourtant, se considérant comme le représentant de tous les médecins, l'ordre, encouragé parfois par les pouvoirs publics eux-mêmes qui le sollicitent sur des questions se situant hors de son champ de compétences, se positionne comme un interlocuteur privilégié sur les réformes de santé à venir".

"La communication de l'ordre est le reflet de ce glissement vers le champ syndical", note à ce sujet le rapport, en pointant l'enveloppe d'un million d'euros dépensée par l'ordre pour lancer "une grande consultation nationale" en 2015, en marge de l'élaboration de la loi de modernisation du système de santé.

Pour la Cour, "cette confusion des rôles est préjudiciable à l'image de l'ordre et à l'exercice de ses missions, elle est difficilement compatible avec son rôle de gardien impartial de la déontologie de la profession".

Dans sa réponse à la Cour des comptes, l'ordre "conteste la vision réductrice" des magistrats de la rue Cambon quant aux responsabilités qui sont celles que le législateur lui a confiées notamment en tant que représentant de la profession dans sa mission d'ensemble".

"C'est dans le but d'accomplir avec détermination cette mission, que l'ordre des médecins a entendu se doter des moyens de communication modernes afin d'intensifier le dialogue avec les médecins pour exprimer les attentes de toute la profession", se justifie l'ordre.

Concernant le contrôle du respect par les médecins de leur obligation de DPC, l'ordre souligne que si le dispositif a été créé en 2011, sa version définitive "n'a été proposé[e] au législateur qu'avec la loi du 26 janvier 2016".

Rapport de la Cour des comptes sur l'ordre des médecins

gl/ab/APMnews

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites.