Actualités de l'Urgence - APM

16/06 2021
Retour

PÉDIATRIE: L'IGAS DRESSE LE CONSTAT D'UNE OFFRE DE SOINS PEU LISIBLE ET MAL COORDONNÉE

PARIS, 16 juin 2021 (APMnews) - L'organisation des soins en pédiatrie souffre d'un manque de lisibilité et de coordination, avec une médecine ambulatoire "en crise" et des services hospitaliers, souvent sur-sollicités, en manque d'attractivité et de valorisation, constate l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport rendu public lundi.

L'Igas avait été saisie en septembre 2020 d'une mission portant sur la pédiatrie et l’organisation des soins de l’enfant par le ministre des solidarités et de la santé. Ce dernier a aussi sollicité l'expertise du Pr Brigitte Chabrol, présidente du conseil national professionnel (CNP) de pédiatrie, en appui de la mission.

Le rapport dresse le constat d'une pédiatrie en croissance démographique, mais dont la densité reste faible par rapport aux autres pays de l'OCDE, avec 73,9 pédiatres pour 100.000 enfants de moins de 15 ans en 2020 (22e sur 31 pays).

Avant d'avancer ses propositions (cf dépêche du 16/06/2021 à 18:48), la mission dresse un panorama des professionnels de santé de l’enfant préoccupant. La pédiatrie libérale est "faiblement attractive", notamment en raison d'un niveau de rémunération plus faible que les autres spécialités médicales. Elle connaît un recul démographique important: actuellement, dans 8 départements, la densité est inférieure à un pédiatre pour 100.000 habitants, avec des inégalités territoriales qui tendent à s'accroître. A cela s'ajoute la raréfaction des effectifs médicaux en protection maternelle et infantile (PMI) et en médecine scolaire.

Les pédiatres de ville jouent "très peu de rôle de deuxième recours pour les médecins généralistes", qui adressent les enfants de manière privilégiée vers les pédiatres hospitaliers, "par crainte d’une captation de patientèle par les pédiatres libéraux, et du fait de manque de pédiatres sur certains territoires". Et ils jouent peu de rôle de recours pour les hôpitaux, notamment pour le suivi des maladies chroniques, aujourd’hui assuré quasi exclusivement par les établissements hospitaliers, "sur-sollicités".

Dans le même temps, les médecins généralistes jouent un rôle important et croissant dans la prise en charge des enfants, bien que leur formation à la santé de ces derniers soit "hétérogène", selon la mission. "Ils assurent plus de 85% des consultations de ville des enfants de moins de 16 ans." La situation contribue à la "crise identitaire" de la pédiatrie de ville. Celle-ci assume de fait des missions proches de celles de la médecine généraliste, avec des positionnements "peu complémentaires".

Inadaptation de la tarification des actes médicaux à l'hôpital

La mission constate que la pédiatrie hospitalière et la chirurgie pédiatrique connaissent une évolution tirée par la spécialisation croissante des disciplines médicales. Mais l'attractivité de la pédiatrie à l'hôpital diminue, en raison notamment du poids de la permanence des soins, surtout dans les centres hospitaliers, où les équipes sont plus petites que dans les CHU, dans lesquels l’exercice exclusif de la pédiatrie spécialisée est en outre plus fréquent.

"La sollicitation croissante des urgences pédiatriques par les parents, sans que ce recours ne soit toujours justifié médicalement, est également avancée par les pédiatres pour expliquer la perte d’attractivité des postes de pédiatrie en centres hospitaliers." Les difficultés rencontrées par la pédopsychiatrie a de plus des répercussions sur l’activité de pédiatrie.

En outre, "l'inadaptation de la tarification des actes médicaux (et chirurgicaux) par rapport aux spécificités de la pédiatrie (notamment la durée des actes) est pointée par de nombreux acteurs".

Le manque de médecins anesthésistes avec des compétences pédiatriques constitue aussi "une difficulté récurrente".

Les professions paramédicales de l’enfant sont par ailleurs "insuffisamment reconnues". Selon la mission, l'absence d’évolution du diplôme d’infirmière puéricultrice (environ 23.000 professionnels en 2020) depuis 1983 "reflète le manque de reconnaissance d’une profession dont le positionnement est questionné à l’hôpital par rapport aux infirmiers 'généralistes' et aux autres infirmiers spécialisés".

Le fait que la formation initiale des infirmiers généralistes ne comporte plus depuis 2009 de stage et formation obligatoire en pédiatrie n'a pas entraîné une meilleure reconnaissance des infirmières puéricultrices, relève l'Igas. Au contraire, les compétences de ces dernières "sont sous-utilisées, en particulier en secteur ambulatoire, puisque leur exercice est limité aux services de PMI, en raison de l’absence de financement de leurs actes en ville".

Infirmiers puériculteurs : un référentiel de formation "désuet"

"La nécessité d’une refonte" du référentiel de formation des infirmiers puériculteurs (bac+4, 12 mois de formation), "désuet, en décalage par rapport aux pratiques professionnelles, est admise par tous", rappelle la mission. Elle est "d’autant plus prégnante dans un contexte de l’universitarisation des professions paramédicales, projet engagé depuis 2006".

Les auxiliaires de puériculture témoignent également selon la mission d’un manque de reconnaissance et d’une "confusion de leurs compétences avec celles des aides-soignants".

La mission dresse ensuite un bilan tout aussi préoccupant de l’offre en santé des enfants et de l’articulation entre les différents acteurs. Les dispositifs "foisonnants ne parviennent pas, sauf exception, à toucher l’ensemble des enfants", observe-t-elle. "Ils ne permettent pas de remédier aux inégalités sociales et territoriales en santé qui restent marquées." L'offre pâtit de surcroît d’un manque de lisibilité pour les parents, ce qui constitue "l’un des facteurs de recours aux urgences hospitalières".

Celui-ci est en effet particulièrement élevé pour les enfants, "comparé à la population adulte, et il augmente (+2% par an) alors que la population des enfants diminue en raison de la baisse de la natalité depuis 2014". La proportion du recours inadapté aux services d’urgences pédiatriques est élevée, représentant "près de 30% des consultations". Les parents comme les professionnels expliquent la situation par la difficulté à trouver une consultation non programmée en ville.

La mission cite plusieurs expérimentations visant à réduire ces recours non justifiés médicalement aux urgences pédiatriques, qui pourront "nourrir le projet de service d’accès aux soins (SAS), actuellement en déploiement dans 22 sites pilotes départementaux en 2021".

Elle considère par ailleurs que le système de santé "ne prend pas toujours correctement en charge les problématiques spécifiques des enfants vulnérables et des enfants souffrant de certaines pathologies". Alors que certaines politiques de santé "sont anciennes et relativement bien structurées, par exemple pour la périnatalité ou les maladies rares", d’autres sont "encore en structuration", comme la prise en charge de l’autisme et des troubles du neuro-développement.

L’accès aux soins de certains publics, notamment les enfants et adolescents pris en charge au titre de la protection de l’enfance ou les enfants handicapés, "reste difficile". Pour la mission, "des marges de progrès subsistent également pour un accueil des enfants à l’hôpital conforme aux droits de l’enfant sur l’ensemble du territoire et pour un meilleur accompagnement des familles, en lien avec les associations d’usagers".

Elle souligne aussi que la coordination des acteurs de santé de l’enfant reste insuffisante, que ce soit entre établissements hospitaliers, entre professionnels de ville ou entre acteurs de ville et hôpital. Cette faille "nuit tant aux professionnels de santé", qui subissent les effets d'une inadéquation du niveau de recours, des risques d’engorgement de certaines structures, qu'aux familles, qui peuvent notamment subir des retards de prise en charge.

Rapport Igas sur l'organisation des soins en pédiatrie

mlb/ab/APMnews

Les données APM Santé sont la propriété de APM International. Toute copie, republication ou redistribution des données APM Santé, notamment via la mise en antémémoire, l'encadrement ou des moyens similaires, est expressément interdite sans l'accord préalable écrit de APM. APM ne sera pas responsable des erreurs ou des retards dans les données ou de toutes actions entreprises en fonction de celles-ci ou toutes décisions prises sur la base du service. APM, APM Santé et le logo APM International, sont des marques d'APM International dans le monde. Pour de plus amples informations sur les autres services d'APM, veuillez consulter le site Web public d'APM à l'adresse www.apmnews.com

Copyright © APM-Santé - Tous droits réservés.

Informations professionnelles

16/06 2021
Retour

PÉDIATRIE: L'IGAS DRESSE LE CONSTAT D'UNE OFFRE DE SOINS PEU LISIBLE ET MAL COORDONNÉE

PARIS, 16 juin 2021 (APMnews) - L'organisation des soins en pédiatrie souffre d'un manque de lisibilité et de coordination, avec une médecine ambulatoire "en crise" et des services hospitaliers, souvent sur-sollicités, en manque d'attractivité et de valorisation, constate l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport rendu public lundi.

L'Igas avait été saisie en septembre 2020 d'une mission portant sur la pédiatrie et l’organisation des soins de l’enfant par le ministre des solidarités et de la santé. Ce dernier a aussi sollicité l'expertise du Pr Brigitte Chabrol, présidente du conseil national professionnel (CNP) de pédiatrie, en appui de la mission.

Le rapport dresse le constat d'une pédiatrie en croissance démographique, mais dont la densité reste faible par rapport aux autres pays de l'OCDE, avec 73,9 pédiatres pour 100.000 enfants de moins de 15 ans en 2020 (22e sur 31 pays).

Avant d'avancer ses propositions (cf dépêche du 16/06/2021 à 18:48), la mission dresse un panorama des professionnels de santé de l’enfant préoccupant. La pédiatrie libérale est "faiblement attractive", notamment en raison d'un niveau de rémunération plus faible que les autres spécialités médicales. Elle connaît un recul démographique important: actuellement, dans 8 départements, la densité est inférieure à un pédiatre pour 100.000 habitants, avec des inégalités territoriales qui tendent à s'accroître. A cela s'ajoute la raréfaction des effectifs médicaux en protection maternelle et infantile (PMI) et en médecine scolaire.

Les pédiatres de ville jouent "très peu de rôle de deuxième recours pour les médecins généralistes", qui adressent les enfants de manière privilégiée vers les pédiatres hospitaliers, "par crainte d’une captation de patientèle par les pédiatres libéraux, et du fait de manque de pédiatres sur certains territoires". Et ils jouent peu de rôle de recours pour les hôpitaux, notamment pour le suivi des maladies chroniques, aujourd’hui assuré quasi exclusivement par les établissements hospitaliers, "sur-sollicités".

Dans le même temps, les médecins généralistes jouent un rôle important et croissant dans la prise en charge des enfants, bien que leur formation à la santé de ces derniers soit "hétérogène", selon la mission. "Ils assurent plus de 85% des consultations de ville des enfants de moins de 16 ans." La situation contribue à la "crise identitaire" de la pédiatrie de ville. Celle-ci assume de fait des missions proches de celles de la médecine généraliste, avec des positionnements "peu complémentaires".

Inadaptation de la tarification des actes médicaux à l'hôpital

La mission constate que la pédiatrie hospitalière et la chirurgie pédiatrique connaissent une évolution tirée par la spécialisation croissante des disciplines médicales. Mais l'attractivité de la pédiatrie à l'hôpital diminue, en raison notamment du poids de la permanence des soins, surtout dans les centres hospitaliers, où les équipes sont plus petites que dans les CHU, dans lesquels l’exercice exclusif de la pédiatrie spécialisée est en outre plus fréquent.

"La sollicitation croissante des urgences pédiatriques par les parents, sans que ce recours ne soit toujours justifié médicalement, est également avancée par les pédiatres pour expliquer la perte d’attractivité des postes de pédiatrie en centres hospitaliers." Les difficultés rencontrées par la pédopsychiatrie a de plus des répercussions sur l’activité de pédiatrie.

En outre, "l'inadaptation de la tarification des actes médicaux (et chirurgicaux) par rapport aux spécificités de la pédiatrie (notamment la durée des actes) est pointée par de nombreux acteurs".

Le manque de médecins anesthésistes avec des compétences pédiatriques constitue aussi "une difficulté récurrente".

Les professions paramédicales de l’enfant sont par ailleurs "insuffisamment reconnues". Selon la mission, l'absence d’évolution du diplôme d’infirmière puéricultrice (environ 23.000 professionnels en 2020) depuis 1983 "reflète le manque de reconnaissance d’une profession dont le positionnement est questionné à l’hôpital par rapport aux infirmiers 'généralistes' et aux autres infirmiers spécialisés".

Le fait que la formation initiale des infirmiers généralistes ne comporte plus depuis 2009 de stage et formation obligatoire en pédiatrie n'a pas entraîné une meilleure reconnaissance des infirmières puéricultrices, relève l'Igas. Au contraire, les compétences de ces dernières "sont sous-utilisées, en particulier en secteur ambulatoire, puisque leur exercice est limité aux services de PMI, en raison de l’absence de financement de leurs actes en ville".

Infirmiers puériculteurs : un référentiel de formation "désuet"

"La nécessité d’une refonte" du référentiel de formation des infirmiers puériculteurs (bac+4, 12 mois de formation), "désuet, en décalage par rapport aux pratiques professionnelles, est admise par tous", rappelle la mission. Elle est "d’autant plus prégnante dans un contexte de l’universitarisation des professions paramédicales, projet engagé depuis 2006".

Les auxiliaires de puériculture témoignent également selon la mission d’un manque de reconnaissance et d’une "confusion de leurs compétences avec celles des aides-soignants".

La mission dresse ensuite un bilan tout aussi préoccupant de l’offre en santé des enfants et de l’articulation entre les différents acteurs. Les dispositifs "foisonnants ne parviennent pas, sauf exception, à toucher l’ensemble des enfants", observe-t-elle. "Ils ne permettent pas de remédier aux inégalités sociales et territoriales en santé qui restent marquées." L'offre pâtit de surcroît d’un manque de lisibilité pour les parents, ce qui constitue "l’un des facteurs de recours aux urgences hospitalières".

Celui-ci est en effet particulièrement élevé pour les enfants, "comparé à la population adulte, et il augmente (+2% par an) alors que la population des enfants diminue en raison de la baisse de la natalité depuis 2014". La proportion du recours inadapté aux services d’urgences pédiatriques est élevée, représentant "près de 30% des consultations". Les parents comme les professionnels expliquent la situation par la difficulté à trouver une consultation non programmée en ville.

La mission cite plusieurs expérimentations visant à réduire ces recours non justifiés médicalement aux urgences pédiatriques, qui pourront "nourrir le projet de service d’accès aux soins (SAS), actuellement en déploiement dans 22 sites pilotes départementaux en 2021".

Elle considère par ailleurs que le système de santé "ne prend pas toujours correctement en charge les problématiques spécifiques des enfants vulnérables et des enfants souffrant de certaines pathologies". Alors que certaines politiques de santé "sont anciennes et relativement bien structurées, par exemple pour la périnatalité ou les maladies rares", d’autres sont "encore en structuration", comme la prise en charge de l’autisme et des troubles du neuro-développement.

L’accès aux soins de certains publics, notamment les enfants et adolescents pris en charge au titre de la protection de l’enfance ou les enfants handicapés, "reste difficile". Pour la mission, "des marges de progrès subsistent également pour un accueil des enfants à l’hôpital conforme aux droits de l’enfant sur l’ensemble du territoire et pour un meilleur accompagnement des familles, en lien avec les associations d’usagers".

Elle souligne aussi que la coordination des acteurs de santé de l’enfant reste insuffisante, que ce soit entre établissements hospitaliers, entre professionnels de ville ou entre acteurs de ville et hôpital. Cette faille "nuit tant aux professionnels de santé", qui subissent les effets d'une inadéquation du niveau de recours, des risques d’engorgement de certaines structures, qu'aux familles, qui peuvent notamment subir des retards de prise en charge.

Rapport Igas sur l'organisation des soins en pédiatrie

mlb/ab/APMnews

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites.