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24/02 2022
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"A TERME, HERA SERA AUSSI IMPORTANTE QUE LA BARDA" (PIERRE DELSAUX, DG HERA)

(Par Lise LEVEQUE)

PARIS, 24 février 2022 (APMnews) - Le directeur général de l'Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire (Health Emergency Response Authority, HERA), Pierre Delsaux, a présenté les missions et les pouvoirs en temps de crise sanitaire de la nouvelle structure, assurant qu'à terme elle sera aussi importante que la Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) américaine, mercredi lors d'un entretien avec APMnews.

HERA a été créée en septembre 2021 (cf dépêche du 16/09/2021 à 17:03). Le Belge Pierre Delsaux, qui était jusque-là directeur adjoint à la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne, en a pris la direction en décembre 2021, rappelle-t-on (cf dépêche du 01/12/2021 à 18:09).

Le directeur d'HERA a rappelé que l'institution a publié son programme de travail pour 2022 mi-février (cf dépêche du 10/02/2022 à 16:58). Il a décrit une autorité disposant de deux modes de fonctionnement. Le premier sera activé en cas de crise sanitaire. "Nous allons bientôt adopter formellement un texte législatif, discuté avec le Conseil européen, qui organise ce dispositif et qui définit les critères permettant de décréter une situation de crise", a précisé le directeur. Le conseil d'administration d'HERA "changera de nature et deviendra un conseil de crise avec une représentation des Etats membres de l'Union européenne (UE) à travers des ministres, voire des chefs d'Etat".

L'autorité disposera alors d'une "série de pouvoirs supplémentaires", notamment celui de procéder à des achats publics plus rapidement, d'avoir des règles simplifiées et plus efficaces, ou encore d'obtenir des informations plus vite de la part des entreprises, a-t-il énuméré.

Le directeur a ajouté que l'autorité travaillera en réseau avec les agences nationales des Etats membres. "HERA ne doit pas agir seule", a-t-il insisté. Pierre Delsaux travaillait auparavant sur les questions de défense et y voit une similitude avec la santé. "En matière de défense, les compétences sont celles des Etats membres, mais la Commission a mis en place un mécanisme pour pousser les Etats à coopérer et à financer des actions simultanées. De la même manière, HERA a vocation à les faire travailler ensemble dans le domaine de la santé", a-t-il expliqué.

"Si l'autorité fait tout cela, ce sera plus que ce que fait la BARDA", a-t-il affirmé. Il a d'ailleurs estimé que les moyens d'HERA étaient comparables à ceux de l'agence américaine, avec entre 120 et 150 personnes recrutées, "ce qui était l'effectif de la BARDA avant la crise sanitaire", et un budget "loin d'être négligeable" de 6 milliards d'euros sur la période 2022-2027.

Pierre Delsaux a expliqué qu'HERA avait été créée "après l'adoption du budget européen" qui couvre une période de sept ans. "HERA n'avait donc pas de ligne budgétaire spécifique et a été intégrée dans trois fonds existant: EU for Health, Horizon Europe et Rescue EU. Chaque année, HERA décidera d'utiliser une partie de ces fonds pour environ 1 milliard d'euros par an. Cette année le montant va jusqu'à 1,3 milliard", a-t-il détaillé.

Le directeur a également affirmé que le fait qu'HERA ne soit "pas une agence" présente plusieurs intérêts. "HERA n'est pas complétement indépendante de la Commission européenne donc elle a un accès direct à la présidente de la Commission et à la commissaire en charge de la santé. Je sais que je peux les contacter rapidement. Si j'étais directeur d'une agence ce ne serait pas le cas", a-t-il expliqué. En temps de crise, son influence sera de ce fait plus importante, estime-t-il. "L'autre intérêt, c'est que nous sommes déjà opérationnels. Nous n'avons pas perdu de temps à trouver le lieu d'un siège par exemple", a-t-il complété.

Le second mode de fonctionnement d'HERA "c'est la phase de préparation des crises". Dans cette configuration, les Etats européens conservent l'intégralité de leurs compétences en matière de santé et HERA gardera une utilité "dans le travail de fond qui nous protégera à long terme". "Nous sommes actuellement dans cette période durant laquelle nous travaillons avec les autres services de la Commission européenne. Le conseil d'administration se réunit de manière régulière et nous avançons sur un programme de travail", a-t-il expliqué.

Le Parlement européen est "invité à être présent aux réunions mais n'a pas donné suite pour l'instant", a-t-il précisé. Mi-novembre 2021, lors de la définition du périmètre d'HERA, plusieurs eurodéputés ont déploré que le Parlement soit exclu du processus décisionnel, rappelle-t-on (cf dépêche du 12/11/2021 à 18:28). "D'un point de vue formel, HERA est un service de la Commission dans lequel la Commission décide seule. Nous ne devrions même pas écouter les avis, mais nous avons décidé qu'en matière de santé, HERA ne devait pas fonctionner en silo", a-t-il expliqué. Il a ajouté que le Parlement aura le même rôle que les Etats membres au sein de l'autorité.

HERA travaille à la mise en place d'un mécanisme de détection rapide des menaces en matière de santé, via une plateforme électronique et l'utilisation de l'intelligence artificielle. La réflexion se fait en lien avec "l'European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et le reste du monde. Nous n'allons pas faire ça tout seul", a affirmé Pierre Delsaux.

Appel d'offres pour le projet EU Fab

Sur la partie R&D, l'autorité prévoit de débloquer plus de 300 millions d'euros dans le médical et les technologies innovantes pour faire face aux menaces émergentes. "Nous sommes dans la phase ou nous lançons les appels d'offres", a-t-il indiqué. Il a avancé que ce budget servira aussi à développer des médicaments et vaccins qui seront utiles en dehors d'une période de crise sanitaire.

Le directeur travaille sur le projet "EU Fab", qui consiste à remédier "au constat fait pendant la crise sanitaire d'une capacité de production insuffisante en Europe. L'idée c'est qu'HERA réservera des capacités de production auprès des producteurs uniquement en temps de crise. Nous pourrions, par exemple, dire aux sociétés d'arrêter la production d'un médicament et de produire celui dont on a massivement besoin". L'autorité prépare les appels d'offres pour ce projet qui seront rendus publics "dans quelques semaines". L'objectif est d'attirer des entreprises de toute taille, "pas seulement les grandes", implantées sur le sol européen.

L'autorité européenne veut aussi acquérir et constituer des stocks pour réagir sur le plan médical à une série de menaces sur la santé publique, avec un budget de plus de 580 millions d'euros. "Ces stocks, nous allons les constituer en harmonie avec les Etats membres pour éviter les doublons. Nous allons déterminer les produits concernés, puis nous contacterons les producteurs. Nous en aurons une gestion dynamique pour éviter de perdre des médicaments dont la durée de vie est limitée", a expliqué le dirigeant.

Le principe serait similaire à celui appliqué pour le partage des doses de vaccins contre le Covid-19 entre les différents Etats membres de l'UE avec un pot commun, dans lequel les Etats se serviraient en fonction de leurs besoins. "Un pays qui n'a pas besoin d'un médicament pourrait aussi choisir de répartir ce qui lui était alloué", a complété Pierre Delsaux.

Sous-groupe de travail avec les industriels

HERA est également mobilisée sur la création d'un sous-groupe de travail avec l'industrie. "Il ne s'agit pas uniquement de la grande industrie pharmaceutique mais aussi des plus petits industriels", a affirmé Pierre Delsaux. Un autre sous-groupe est en cours de constitution sur la société civile, avec des représentants de patients et des consommateurs. Des appels à manifestation d'intérêt seront lancés pour recruter leurs membres.

Ces entités seront informées des travaux de l'autorité et "associées à ses décisions. Elles auront la possibilité de s'exprimer", a assuré le directeur d'HERA, qui espère les voir émerger "autour de Pâques. Certainement avant l'été car je veux que ce soit établi le plus rapidement possible".

En parallèle, HERA continue de travailler sur la crise sanitaire du Covid-19. "L'autorité est en charge de la question des vaccins et de leurs dons. Nous réfléchissons aussi à une autre approche pour les variants du Sars-CoV-2 pour à terme avoir un type de vaccin qui serait multi-variant", a affirmé le directeur. Des "experts" du sujet ont été recrutés.

"Nous voulons collaborer avec d'autres pays dans le Covid-19 pour aller plus loin sur le séquençage, les capacités de production notamment en Afrique, et le développement d'actions coordonnées", a-t-il ajouté.

lle/eh/APMnews

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(Par Lise LEVEQUE)

PARIS, 24 février 2022 (APMnews) - Le directeur général de l'Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire (Health Emergency Response Authority, HERA), Pierre Delsaux, a présenté les missions et les pouvoirs en temps de crise sanitaire de la nouvelle structure, assurant qu'à terme elle sera aussi importante que la Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) américaine, mercredi lors d'un entretien avec APMnews.

HERA a été créée en septembre 2021 (cf dépêche du 16/09/2021 à 17:03). Le Belge Pierre Delsaux, qui était jusque-là directeur adjoint à la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne, en a pris la direction en décembre 2021, rappelle-t-on (cf dépêche du 01/12/2021 à 18:09).

Le directeur d'HERA a rappelé que l'institution a publié son programme de travail pour 2022 mi-février (cf dépêche du 10/02/2022 à 16:58). Il a décrit une autorité disposant de deux modes de fonctionnement. Le premier sera activé en cas de crise sanitaire. "Nous allons bientôt adopter formellement un texte législatif, discuté avec le Conseil européen, qui organise ce dispositif et qui définit les critères permettant de décréter une situation de crise", a précisé le directeur. Le conseil d'administration d'HERA "changera de nature et deviendra un conseil de crise avec une représentation des Etats membres de l'Union européenne (UE) à travers des ministres, voire des chefs d'Etat".

L'autorité disposera alors d'une "série de pouvoirs supplémentaires", notamment celui de procéder à des achats publics plus rapidement, d'avoir des règles simplifiées et plus efficaces, ou encore d'obtenir des informations plus vite de la part des entreprises, a-t-il énuméré.

Le directeur a ajouté que l'autorité travaillera en réseau avec les agences nationales des Etats membres. "HERA ne doit pas agir seule", a-t-il insisté. Pierre Delsaux travaillait auparavant sur les questions de défense et y voit une similitude avec la santé. "En matière de défense, les compétences sont celles des Etats membres, mais la Commission a mis en place un mécanisme pour pousser les Etats à coopérer et à financer des actions simultanées. De la même manière, HERA a vocation à les faire travailler ensemble dans le domaine de la santé", a-t-il expliqué.

"Si l'autorité fait tout cela, ce sera plus que ce que fait la BARDA", a-t-il affirmé. Il a d'ailleurs estimé que les moyens d'HERA étaient comparables à ceux de l'agence américaine, avec entre 120 et 150 personnes recrutées, "ce qui était l'effectif de la BARDA avant la crise sanitaire", et un budget "loin d'être négligeable" de 6 milliards d'euros sur la période 2022-2027.

Pierre Delsaux a expliqué qu'HERA avait été créée "après l'adoption du budget européen" qui couvre une période de sept ans. "HERA n'avait donc pas de ligne budgétaire spécifique et a été intégrée dans trois fonds existant: EU for Health, Horizon Europe et Rescue EU. Chaque année, HERA décidera d'utiliser une partie de ces fonds pour environ 1 milliard d'euros par an. Cette année le montant va jusqu'à 1,3 milliard", a-t-il détaillé.

Le directeur a également affirmé que le fait qu'HERA ne soit "pas une agence" présente plusieurs intérêts. "HERA n'est pas complétement indépendante de la Commission européenne donc elle a un accès direct à la présidente de la Commission et à la commissaire en charge de la santé. Je sais que je peux les contacter rapidement. Si j'étais directeur d'une agence ce ne serait pas le cas", a-t-il expliqué. En temps de crise, son influence sera de ce fait plus importante, estime-t-il. "L'autre intérêt, c'est que nous sommes déjà opérationnels. Nous n'avons pas perdu de temps à trouver le lieu d'un siège par exemple", a-t-il complété.

Le second mode de fonctionnement d'HERA "c'est la phase de préparation des crises". Dans cette configuration, les Etats européens conservent l'intégralité de leurs compétences en matière de santé et HERA gardera une utilité "dans le travail de fond qui nous protégera à long terme". "Nous sommes actuellement dans cette période durant laquelle nous travaillons avec les autres services de la Commission européenne. Le conseil d'administration se réunit de manière régulière et nous avançons sur un programme de travail", a-t-il expliqué.

Le Parlement européen est "invité à être présent aux réunions mais n'a pas donné suite pour l'instant", a-t-il précisé. Mi-novembre 2021, lors de la définition du périmètre d'HERA, plusieurs eurodéputés ont déploré que le Parlement soit exclu du processus décisionnel, rappelle-t-on (cf dépêche du 12/11/2021 à 18:28). "D'un point de vue formel, HERA est un service de la Commission dans lequel la Commission décide seule. Nous ne devrions même pas écouter les avis, mais nous avons décidé qu'en matière de santé, HERA ne devait pas fonctionner en silo", a-t-il expliqué. Il a ajouté que le Parlement aura le même rôle que les Etats membres au sein de l'autorité.

HERA travaille à la mise en place d'un mécanisme de détection rapide des menaces en matière de santé, via une plateforme électronique et l'utilisation de l'intelligence artificielle. La réflexion se fait en lien avec "l'European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et le reste du monde. Nous n'allons pas faire ça tout seul", a affirmé Pierre Delsaux.

Appel d'offres pour le projet EU Fab

Sur la partie R&D, l'autorité prévoit de débloquer plus de 300 millions d'euros dans le médical et les technologies innovantes pour faire face aux menaces émergentes. "Nous sommes dans la phase ou nous lançons les appels d'offres", a-t-il indiqué. Il a avancé que ce budget servira aussi à développer des médicaments et vaccins qui seront utiles en dehors d'une période de crise sanitaire.

Le directeur travaille sur le projet "EU Fab", qui consiste à remédier "au constat fait pendant la crise sanitaire d'une capacité de production insuffisante en Europe. L'idée c'est qu'HERA réservera des capacités de production auprès des producteurs uniquement en temps de crise. Nous pourrions, par exemple, dire aux sociétés d'arrêter la production d'un médicament et de produire celui dont on a massivement besoin". L'autorité prépare les appels d'offres pour ce projet qui seront rendus publics "dans quelques semaines". L'objectif est d'attirer des entreprises de toute taille, "pas seulement les grandes", implantées sur le sol européen.

L'autorité européenne veut aussi acquérir et constituer des stocks pour réagir sur le plan médical à une série de menaces sur la santé publique, avec un budget de plus de 580 millions d'euros. "Ces stocks, nous allons les constituer en harmonie avec les Etats membres pour éviter les doublons. Nous allons déterminer les produits concernés, puis nous contacterons les producteurs. Nous en aurons une gestion dynamique pour éviter de perdre des médicaments dont la durée de vie est limitée", a expliqué le dirigeant.

Le principe serait similaire à celui appliqué pour le partage des doses de vaccins contre le Covid-19 entre les différents Etats membres de l'UE avec un pot commun, dans lequel les Etats se serviraient en fonction de leurs besoins. "Un pays qui n'a pas besoin d'un médicament pourrait aussi choisir de répartir ce qui lui était alloué", a complété Pierre Delsaux.

Sous-groupe de travail avec les industriels

HERA est également mobilisée sur la création d'un sous-groupe de travail avec l'industrie. "Il ne s'agit pas uniquement de la grande industrie pharmaceutique mais aussi des plus petits industriels", a affirmé Pierre Delsaux. Un autre sous-groupe est en cours de constitution sur la société civile, avec des représentants de patients et des consommateurs. Des appels à manifestation d'intérêt seront lancés pour recruter leurs membres.

Ces entités seront informées des travaux de l'autorité et "associées à ses décisions. Elles auront la possibilité de s'exprimer", a assuré le directeur d'HERA, qui espère les voir émerger "autour de Pâques. Certainement avant l'été car je veux que ce soit établi le plus rapidement possible".

En parallèle, HERA continue de travailler sur la crise sanitaire du Covid-19. "L'autorité est en charge de la question des vaccins et de leurs dons. Nous réfléchissons aussi à une autre approche pour les variants du Sars-CoV-2 pour à terme avoir un type de vaccin qui serait multi-variant", a affirmé le directeur. Des "experts" du sujet ont été recrutés.

"Nous voulons collaborer avec d'autres pays dans le Covid-19 pour aller plus loin sur le séquençage, les capacités de production notamment en Afrique, et le développement d'actions coordonnées", a-t-il ajouté.

lle/eh/APMnews

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