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"ETAT LIMITE", PORTRAIT IMMERSIF D'UN PSYCHIATRE DE LIAISON À L'HÔPITAL PUBLIC
A la demande de ses collègues somaticiens et paramédicaux, le Dr Jamal Abdel-Kader, psychiatre de liaison, arpente les urgences générales et les autres services de l'hôpital Beaujon, pour accueillir, prendre en charge et assurer le suivi de patients nécessitant des soins psychiatriques.
Le film s'ouvre sur un prélude de Chopin qui, très vite, prend une tonalité techno pour rythmer, comme un cœur battant, les mouvements de caméra, des couloirs aux box et des box aux couloirs, avec des soignants qui se croisent comme dans un ballet bien huilé mais aussi bien stressant.
Après ces premières minutes d'exposition où les soignants des urgences, et des policiers escortant un homme qui s'est étranglé avec ses écouteurs alors qu'il était en garde à vue, cherchent "Jamal", le spectateur découvre ce médecin trentenaire qui sera ensuite quasiment de tous les plans.
Dès ses premiers mots, le ton est donné. Au téléphone, à un interlocuteur, il avance que l'hôpital est "très paupérisé", que c'est un endroit où "tout le monde est tendu du fait de l'accumulation d'un travail parce qu'on manque de personnel". Auprès d'un collègue aide-soignant qui déplore un "système" obligeant à "choisir" les patients, il interroge: "La limite, c'est quoi? Est-ce qu'on ne se rend pas un peu complice d'un 'truc' fou" dans lequel on ne peut pas réaliser "toutes nos missions"?
Plus tard, s'adressant au réalisateur, il interroge sa "vocation de service public". Il dénonce "le peu de moyens mis dans les soins de réhabilitation psycho-sociale" et réclame "une existence sociale" pour les personnes en marge que sont les malades psychiatriques.
"La relation de soins que je crée n'a pas de prix"
Caméra à l'épaule, le réalisateur court avec lui dans les couloirs, s'installe à ses côtés au chevet des patients, s'assoit sur les escaliers de secours ou prend l'air avec lui sur le toit du bâtiment, l'accompagne à l'atelier théâtre qu'il anime, et le suit dans son petit bureau, la nuit venue.
Le psychiatre explique qu'"on ne peut pas quantifier ce [qu'il] fait". "Et comme on est dans une logique à vouloir quantifier tout, cela dévalorise ce que je fais."

La particularité de la psychiatrie de liaison et de l'accueil aux urgences est à la fois l'extrême vulnérabilité des patients et la complexité, voire l'inextricabilité, de leurs situations. Alors, comme beaucoup de psychiatres du service public, Jamal Abdel-Kader fait de la médecine, mais aussi du social. Là, il tente de retisser des liens familiaux; ici il s'enquiert de l'entourage d'une patiente dont la famille réside aux Pays-Bas; là encore, il promet "une visite de courtoisie" à un patient douloureux hospitalisé dans un service somatique.
Revers de la prise en charge, il prescrit aussi une "contention-sédation", dans une séquence à la fois crue et retenue.
"Un des enjeux du film, pour moi, est de faire exister ensemble ces temporalités contradictoires: d'un côté le rythme effréné de l'hôpital, en état d'urgence permanent -longs couloirs surpeuplés, échanges entre deux portes, cris des patients en demande d'attention; de l'autre, les bulles de temps que Jamal aménage pour ses patients, imperméables au chaos", explique le réalisateur dans le dossier de presse du film.
De ce point de vue-là, le pari est gagné, le film donnant à voir Jamal Abdel-Kader à la fois dans ses courses à travers les dédales de l'hôpital, et au chevet des patients, à tenter, calmement, méthodiquement, de comprendre et de démêler les écheveaux de leur grande souffrance.
"Dézinguer la psychiatrie"
Il est indéniable que Jamal Abdel-Kader ne compte pas ses heures et qu'il donne beaucoup de lui-même, au point d'en avoir plein de dos -au sens propre. Avec une interne, qui avoue qu'elle "ramène à la maison" un peu de l'angoisse des patients, il assure être "anxieux", lui aussi.
Dommage néanmoins que le psychiatre, qui confesse d'ailleurs "être assez orgueilleux" et avoir eu le souhait, au début de sa carrière, de "dézinguer la psychiatrie" avec la certitude de "faire mieux" que ses confrères, soit héroïsé par une caméra qui ne le lâche pas et qui le place souvent en surplomb, au détriment des autres soignants -les paramédicaux ou les internes qui l'accompagnent- réduits au rôle de faire-valoir.
Même si la psychiatrie de liaison peut être un exercice un peu solitaire, le film, par sa mise en scène, souligne avec force le trait. Or la médecine à l'hôpital, et singulièrement aux urgences, est un sport d'équipe, ce que l'on ne devine qu'ici et là, par (trop) petites touches. En contradiction avec ce que montre le film, d'ailleurs, Jamal Abdel-Kader convient que "tout seul, on ne peut pas tenir".
("Etat limite", film de Nicolas Peduzzi, 1h42, en salles mercredi 1er mai)
vl/nc/APMnews
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"ETAT LIMITE", PORTRAIT IMMERSIF D'UN PSYCHIATRE DE LIAISON À L'HÔPITAL PUBLIC
A la demande de ses collègues somaticiens et paramédicaux, le Dr Jamal Abdel-Kader, psychiatre de liaison, arpente les urgences générales et les autres services de l'hôpital Beaujon, pour accueillir, prendre en charge et assurer le suivi de patients nécessitant des soins psychiatriques.
Le film s'ouvre sur un prélude de Chopin qui, très vite, prend une tonalité techno pour rythmer, comme un cœur battant, les mouvements de caméra, des couloirs aux box et des box aux couloirs, avec des soignants qui se croisent comme dans un ballet bien huilé mais aussi bien stressant.
Après ces premières minutes d'exposition où les soignants des urgences, et des policiers escortant un homme qui s'est étranglé avec ses écouteurs alors qu'il était en garde à vue, cherchent "Jamal", le spectateur découvre ce médecin trentenaire qui sera ensuite quasiment de tous les plans.
Dès ses premiers mots, le ton est donné. Au téléphone, à un interlocuteur, il avance que l'hôpital est "très paupérisé", que c'est un endroit où "tout le monde est tendu du fait de l'accumulation d'un travail parce qu'on manque de personnel". Auprès d'un collègue aide-soignant qui déplore un "système" obligeant à "choisir" les patients, il interroge: "La limite, c'est quoi? Est-ce qu'on ne se rend pas un peu complice d'un 'truc' fou" dans lequel on ne peut pas réaliser "toutes nos missions"?
Plus tard, s'adressant au réalisateur, il interroge sa "vocation de service public". Il dénonce "le peu de moyens mis dans les soins de réhabilitation psycho-sociale" et réclame "une existence sociale" pour les personnes en marge que sont les malades psychiatriques.
"La relation de soins que je crée n'a pas de prix"
Caméra à l'épaule, le réalisateur court avec lui dans les couloirs, s'installe à ses côtés au chevet des patients, s'assoit sur les escaliers de secours ou prend l'air avec lui sur le toit du bâtiment, l'accompagne à l'atelier théâtre qu'il anime, et le suit dans son petit bureau, la nuit venue.
Le psychiatre explique qu'"on ne peut pas quantifier ce [qu'il] fait". "Et comme on est dans une logique à vouloir quantifier tout, cela dévalorise ce que je fais."

La particularité de la psychiatrie de liaison et de l'accueil aux urgences est à la fois l'extrême vulnérabilité des patients et la complexité, voire l'inextricabilité, de leurs situations. Alors, comme beaucoup de psychiatres du service public, Jamal Abdel-Kader fait de la médecine, mais aussi du social. Là, il tente de retisser des liens familiaux; ici il s'enquiert de l'entourage d'une patiente dont la famille réside aux Pays-Bas; là encore, il promet "une visite de courtoisie" à un patient douloureux hospitalisé dans un service somatique.
Revers de la prise en charge, il prescrit aussi une "contention-sédation", dans une séquence à la fois crue et retenue.
"Un des enjeux du film, pour moi, est de faire exister ensemble ces temporalités contradictoires: d'un côté le rythme effréné de l'hôpital, en état d'urgence permanent -longs couloirs surpeuplés, échanges entre deux portes, cris des patients en demande d'attention; de l'autre, les bulles de temps que Jamal aménage pour ses patients, imperméables au chaos", explique le réalisateur dans le dossier de presse du film.
De ce point de vue-là, le pari est gagné, le film donnant à voir Jamal Abdel-Kader à la fois dans ses courses à travers les dédales de l'hôpital, et au chevet des patients, à tenter, calmement, méthodiquement, de comprendre et de démêler les écheveaux de leur grande souffrance.
"Dézinguer la psychiatrie"
Il est indéniable que Jamal Abdel-Kader ne compte pas ses heures et qu'il donne beaucoup de lui-même, au point d'en avoir plein de dos -au sens propre. Avec une interne, qui avoue qu'elle "ramène à la maison" un peu de l'angoisse des patients, il assure être "anxieux", lui aussi.
Dommage néanmoins que le psychiatre, qui confesse d'ailleurs "être assez orgueilleux" et avoir eu le souhait, au début de sa carrière, de "dézinguer la psychiatrie" avec la certitude de "faire mieux" que ses confrères, soit héroïsé par une caméra qui ne le lâche pas et qui le place souvent en surplomb, au détriment des autres soignants -les paramédicaux ou les internes qui l'accompagnent- réduits au rôle de faire-valoir.
Même si la psychiatrie de liaison peut être un exercice un peu solitaire, le film, par sa mise en scène, souligne avec force le trait. Or la médecine à l'hôpital, et singulièrement aux urgences, est un sport d'équipe, ce que l'on ne devine qu'ici et là, par (trop) petites touches. En contradiction avec ce que montre le film, d'ailleurs, Jamal Abdel-Kader convient que "tout seul, on ne peut pas tenir".
("Etat limite", film de Nicolas Peduzzi, 1h42, en salles mercredi 1er mai)
vl/nc/APMnews
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