Actualités de l'Urgence - APM

14/06 2018
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AGNÈS BUZYN ET BRUNO LE MAIRE DÉFAVORABLES À LA CRÉATION D'UNE "POLICE DE LA SÛRETÉ AGROALIMENTAIRE"

PARIS, 14 juin 2018 (APMnews) - La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, se sont déclarés défavorables à la création d'une "police de la sûreté agroalimentaire", estimant que le système actuel d'alerte et de gestion des crises sanitaires était performant, jeudi lors d'auditions par la commission d'enquête parlementaire consacrée à l'affaire Lactalis.

Cette commission d'enquête parlementaire a été créée dans un contexte d'épidémie de salmonellose chez des nourrissons ayant consommé des produits de nutrition infantile fabriqués par Lactalis, rappelle-t-on (cf dépêche du 07/02/2018 à 18:17 et dépêche du 01/02/2018 à 17:52). L'objectif des députés est de "tirer les enseignements de l'affaire Lactalis" et d'étudier "les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques".

Ce cycle d'auditions se clôt jeudi avec celles des ministres Agnès Buzyn et Bruno Le Maire.

A l'heure actuelle, en cas de crise sanitaire, les missions se répartissent entre la direction générale de la santé (DGS, au ministère de la santé), qui endosse un rôle d'alerte, et les directions générales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF, au ministère de l'économie) et de l'alimentation (DGAL, au ministère de l'agriculture), qui ont un rôle de gestion et de contrôle.

Dans le cadre de l'élaboration de son rapport d'enquête, la commission réfléchit à l'idée de proposer la création d'une "police de la sûreté agroalimentaire". En cas de crise sanitaire en lien avec "l'intégralité des produits agroalimentaires", cette police gèrerait le processus dans sa globalité, de la communication jusqu'au contrôle de l'effectivité du retrait-rappel, ceci afin d'"éviter tout loupé de communication".

Le rapporteur de la commission d'enquête, Grégory Besson-Moreau (LREM, Aube), a souligné que dans cette configuration, "il n'y aurait plus qu'une seule tête, une seule direction et une seule chaîne".

Agnès Buzyn s'est montrée en désaccord avec cette proposition, pointant une "lecture a posteriori" de cette crise, d'origine alimentaire. Elle a rappelé que "dans les trois quarts des cas", les épidémies n'étaient pas d'origine alimentaire, et a souligné le fait que la détermination de la cause d'une crise sanitaire nécessitait un long travail d'enquête.

Selon la ministre, regrouper sous une seule direction l'ensemble du processus lié à la sûreté agroalimentaire engendrera des "difficulté[s] pour tout ce qui n'est pas alimentaire". "Or, notre problème ce sont les crises sanitaires, quelle qu'en soit l'origine", a-t-elle pointé. "On doit être efficient quelle que soit l'origine de la crise sanitaire."

Elle a en outre estimé que "chacun [devait] être dans son rôle". "Tout fondre dans une seule administration, c'est sous-estimer tous les types d'alertes que gère la DGS aujourd'hui", a-t-elle noté, considérant "qu'à vouloir tout centraliser, on [la DGS] risque de passer à côté d'épidémies".

La ministre a néanmoins admis que des améliorations pouvaient être apportées, notamment au sujet de la coordination de l'information donnée, mais a demandé à ce que ne soit pas "chamboul[é] un dispositif de sécurité sanitaire qui est extrêmement performant, en général".

Bruno Le Maire a également émis des réserves à ce sujet, soulignant que la question de l'alimentation était "extraordinairement complexe", comprenant de nombreux aspects comme la nourriture des animaux, l'utilisation d'antibiotiques, la transformation des produits...

"Cette idée qu'on peut simplifier à l'extrême, par une seule organisation, un processus extrêmement complexe -parce qu'il engage le vivant, et que le vivant c'est complexe-, je pense que ce n'est pas forcément ce qui est le plus opportun", a-t-il dit, estimant qu'il était "de bonne politique" que la DGAL et la DGCCRF soient respectivement responsables de "l'amont" (l'élevage, le vivant) et de "l'aval" (la transformation et la consommation).

Il a admis que la coordination entre les services pouvait "certainement" être améliorée, mais s'est élevé contre l'idée d'une fusion. "Il me semble que ce n'est pas exactement les mêmes compétences [...] ni exactement le même métier."

Pas d'analyse systématique des souches isolées

Par ailleurs, interrogée sur la possibilité d'élargir les analyses du Centre national de référence (CNR) à l'ensemble des souches de salmonelles isolées en France, Agnès Buzyn a répondu qu'elle n'était "pas très favorable" à l'idée.

Soulignant qu'il n'y aurait alors "aucune raison de restreindre [ces analyses] aux salmonelles", elle a considéré que l'on "perd[rait] en qualité d'information à vouloir tout embrasser" et que cela conduirait à "rater des épidémies".

"On a probablement un des systèmes d'alerte les plus performants au monde, parce qu'il est centralisé, organisé, coordonné", a-t-elle insisté. Pour la ministre, ce système est efficient parce qu'il est "à la main de professionnels qui jugent de l'émergence d'une souche à un seuil anormal", et que "noyer [ces derniers] sous toute la bactériologie française serait un risque majeur et un coût considérable pour l'Etat".

Agnès Buzyn a par ailleurs indiqué que l'appli mobile sante.fr (cf dépêche du 17/03/2017 à 12:01) "devrait voir le jour en 2019", rappelant qu'il permettrait aux usagers d'avoir "toutes les informations sur les médicaments, les alertes sanitaires, etc."

Les conclusions de la commission d'enquête doivent être rendues dans la seconde quinzaine du mois de juillet, note-t-on.

sb/ab/APMnews

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PARIS, 14 juin 2018 (APMnews) - La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, se sont déclarés défavorables à la création d'une "police de la sûreté agroalimentaire", estimant que le système actuel d'alerte et de gestion des crises sanitaires était performant, jeudi lors d'auditions par la commission d'enquête parlementaire consacrée à l'affaire Lactalis.

Cette commission d'enquête parlementaire a été créée dans un contexte d'épidémie de salmonellose chez des nourrissons ayant consommé des produits de nutrition infantile fabriqués par Lactalis, rappelle-t-on (cf dépêche du 07/02/2018 à 18:17 et dépêche du 01/02/2018 à 17:52). L'objectif des députés est de "tirer les enseignements de l'affaire Lactalis" et d'étudier "les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques".

Ce cycle d'auditions se clôt jeudi avec celles des ministres Agnès Buzyn et Bruno Le Maire.

A l'heure actuelle, en cas de crise sanitaire, les missions se répartissent entre la direction générale de la santé (DGS, au ministère de la santé), qui endosse un rôle d'alerte, et les directions générales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF, au ministère de l'économie) et de l'alimentation (DGAL, au ministère de l'agriculture), qui ont un rôle de gestion et de contrôle.

Dans le cadre de l'élaboration de son rapport d'enquête, la commission réfléchit à l'idée de proposer la création d'une "police de la sûreté agroalimentaire". En cas de crise sanitaire en lien avec "l'intégralité des produits agroalimentaires", cette police gèrerait le processus dans sa globalité, de la communication jusqu'au contrôle de l'effectivité du retrait-rappel, ceci afin d'"éviter tout loupé de communication".

Le rapporteur de la commission d'enquête, Grégory Besson-Moreau (LREM, Aube), a souligné que dans cette configuration, "il n'y aurait plus qu'une seule tête, une seule direction et une seule chaîne".

Agnès Buzyn s'est montrée en désaccord avec cette proposition, pointant une "lecture a posteriori" de cette crise, d'origine alimentaire. Elle a rappelé que "dans les trois quarts des cas", les épidémies n'étaient pas d'origine alimentaire, et a souligné le fait que la détermination de la cause d'une crise sanitaire nécessitait un long travail d'enquête.

Selon la ministre, regrouper sous une seule direction l'ensemble du processus lié à la sûreté agroalimentaire engendrera des "difficulté[s] pour tout ce qui n'est pas alimentaire". "Or, notre problème ce sont les crises sanitaires, quelle qu'en soit l'origine", a-t-elle pointé. "On doit être efficient quelle que soit l'origine de la crise sanitaire."

Elle a en outre estimé que "chacun [devait] être dans son rôle". "Tout fondre dans une seule administration, c'est sous-estimer tous les types d'alertes que gère la DGS aujourd'hui", a-t-elle noté, considérant "qu'à vouloir tout centraliser, on [la DGS] risque de passer à côté d'épidémies".

La ministre a néanmoins admis que des améliorations pouvaient être apportées, notamment au sujet de la coordination de l'information donnée, mais a demandé à ce que ne soit pas "chamboul[é] un dispositif de sécurité sanitaire qui est extrêmement performant, en général".

Bruno Le Maire a également émis des réserves à ce sujet, soulignant que la question de l'alimentation était "extraordinairement complexe", comprenant de nombreux aspects comme la nourriture des animaux, l'utilisation d'antibiotiques, la transformation des produits...

"Cette idée qu'on peut simplifier à l'extrême, par une seule organisation, un processus extrêmement complexe -parce qu'il engage le vivant, et que le vivant c'est complexe-, je pense que ce n'est pas forcément ce qui est le plus opportun", a-t-il dit, estimant qu'il était "de bonne politique" que la DGAL et la DGCCRF soient respectivement responsables de "l'amont" (l'élevage, le vivant) et de "l'aval" (la transformation et la consommation).

Il a admis que la coordination entre les services pouvait "certainement" être améliorée, mais s'est élevé contre l'idée d'une fusion. "Il me semble que ce n'est pas exactement les mêmes compétences [...] ni exactement le même métier."

Pas d'analyse systématique des souches isolées

Par ailleurs, interrogée sur la possibilité d'élargir les analyses du Centre national de référence (CNR) à l'ensemble des souches de salmonelles isolées en France, Agnès Buzyn a répondu qu'elle n'était "pas très favorable" à l'idée.

Soulignant qu'il n'y aurait alors "aucune raison de restreindre [ces analyses] aux salmonelles", elle a considéré que l'on "perd[rait] en qualité d'information à vouloir tout embrasser" et que cela conduirait à "rater des épidémies".

"On a probablement un des systèmes d'alerte les plus performants au monde, parce qu'il est centralisé, organisé, coordonné", a-t-elle insisté. Pour la ministre, ce système est efficient parce qu'il est "à la main de professionnels qui jugent de l'émergence d'une souche à un seuil anormal", et que "noyer [ces derniers] sous toute la bactériologie française serait un risque majeur et un coût considérable pour l'Etat".

Agnès Buzyn a par ailleurs indiqué que l'appli mobile sante.fr (cf dépêche du 17/03/2017 à 12:01) "devrait voir le jour en 2019", rappelant qu'il permettrait aux usagers d'avoir "toutes les informations sur les médicaments, les alertes sanitaires, etc."

Les conclusions de la commission d'enquête doivent être rendues dans la seconde quinzaine du mois de juillet, note-t-on.

sb/ab/APMnews

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