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08/11 2019
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ALERTE DES AUTORITÉS SUR LE MÉSUSAGE CROISSANT DU PROTOXYDE D'AZOTE CHEZ LES JEUNES

PARIS, 8 novembre 2019 (APMnews) - Le ministère des solidarités et de la santé ainsi que les administrations concernées vont prochainement diffuser des messages afin de sensibiliser les adolescents et les jeunes adultes aux risques liés à l'usage récréatif du protoxyde d'azote ainsi que les professionnels de santé pour améliorer le repérage et la prise en charge des personnes qui développent des complications graves, a-t-on appris auprès des autorités.

Connu aussi sous le nom de gaz hilarant, le protoxyde d'azote est notamment stocké dans des cartouches ou capsules pour siphon à chantilly qui sont en vente libre, en particulier sur internet.

S'agissant d'un produit de consommation courante, cette utilisation détournée fait l'objet de discussions entre les directions générales de la santé (DGS) et de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), a indiqué jeudi à APMnews la DGS au nom des différentes administrations.

Le ministère chargé de la santé travaille actuellement avec ses partenaires "à la mise en place d'un dispositif d'information afin de sensibiliser les personnes qui détournent ces produits, ceux qui pourraient l'initier ainsi que les professionnels de santé pour un meilleur repérage et prise en charge de ces pratiques dangereuses".

Des messages doivent être diffusés prochainement pour avertir les usagers des risques d'intoxication liés à la consommation du protoxyde d'azote, indique-t-on à la DGS. "Les agences régionales de santé (ARS) et les préfectures ont d'ores et déjà diffusé des informations sur les territoires concernés par ce phénomène", sans que ces derniers soient précisés.

L'ANSM a demandé une enquête d'addictovigilance dont les résultats sont prévus "pour le premier trimestre 2020". Elle a aussi sollicité l'Anses afin de récupérer l'ensemble des cas relatifs au protoxyde d'azote seul rapportés aux centres antipoison.

L'approche réglementaire ou législative paraît inadaptée pour des produits de consommation courante. "Les actions qui doivent être mises en oeuvre passent en priorité par l'école, les universités, les acteurs en proximité des jeunes et potentiellement les étudiants du service sanitaire", au nombre de 47.000 depuis la rentrée 2018-2019.

"Seules des approches de prévention globales pourront porter leurs fruits."

L'usage détourné du protoxyde d'azote "n'est pas nouveau mais le nombre et la gravité des effets indésirables rapportés en lien avec ces pratiques tendent à augmenter ces dernières années", rappelle la DGS. Des cas avec conséquences graves sur la santé, notamment asphyxie, perte de connaissance, crise d'asthme, ont été signalés depuis 2016.

"Le protoxyde d'azote est un produit que l'on connaît depuis longtemps, notamment en raison de son usage médical. Son usage détourné est connu aussi depuis longtemps. Ce qui change, ce sont les modalités: une consommation chez les adolescents et les jeunes adultes, qui est massive, jusqu'à 30 cartouches par jour, et répétée, au long cours", a précisé vendredi auprès d'APMnews la présidente de l'Association française des centres d'addictovigilance, le Pr Joëlle Micallef (CHU de Bordeaux).

Les effets recherchés (euphorie, distorsion des perceptions, sensation de flottement, désinhibition) ne durent que quelques minutes, favorisant la répétition des prises. C'est ce qui fait aussi suspecter des comportements addictifs, le phénomène étant entretenu par la facilité d'accès à ce produit.

8 cas de complications graves dans les Hauts-de-France

Les centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance et l'addictovigilance (CEIP-A) avaient présenté des données en mai 2018 en comité technique à l'ANSM, faisant état de 11 notifications spontanées entre septembre 2016 et décembre 2017. "Et là, en quelques mois, on a 8 cas d'atteintes neurologiques grave dans la seule région des Hauts-de-France. C'est un signal très fort", poursuit-elle, rappelant qu'il existe souvent une sous-déclaration des cas en l'absence de lien établi avec le produit.

Ces atteintes neurologiques se caractérisent par des polyneuropathies axonales sensitivomotrices, d'expression quelquefois sévère avec signes de dénervation active, et par des scléroses combinées de la moelle. Depuis 2018, des cas de troubles graves neurologiques avec des atteintes du système nerveux et de la moelle épinière (du type myélite cervicale aiguë et sclérose combinée de la moelle) ont été notifiés au réseau d'addictovigilance.

Les CEIP-A avaient demandé cette surveillance renforcée afin de "continuer à suivre l'évolution de l'usage, bien caractériser les effets cliniques, les complications somatiques et psychiatriques, les typologies de consommations pour pouvoir délivrer des messages appropriés", poursuit le Pr Micallef

Les personnes qui consomment du protoxyde d'azote peuvent arriver aux urgences ou être hospitalisées à cause des effets aigus (nausées, céphalées, confusion, chute, perte de connaissance, asphyxie ou arythmie) ou les complications neurologiques. "Il faut faire le lien. Sinon, le patient peut recommencer alors que le premier traitement, c'est l'arrêt de l'exposition."

Interrogée sur des "cas de décès", le Pr Micallef indique que quelques cas ont été rapportés mais que le lien de causalité est difficile à établir. "C'est compliqué de retrouver la trace d'un gaz, il existe souvent plusieurs facteurs possibles participant au décès. Mais, de par son action, le protoxyde d'azote peut être fatal dans certaines circonstances."

"Les jeunes en ont une image de produit sans risque mais c'est un produit qui peut entraîner des lésions irréversibles, avec en outre une étude récente suggérant une toxicité directe sur l'axone. En médecine, c'est un produit encadré, disponible uniquement à l'hôpital."

Le protoxyde d'azote semble particulièrement populaire dans les soirées étudiantes. Dans le compte-rendu du comité technique des CEIP-A de mai 2018, il est indiqué -lorsque l'information est disponible- que le gaz provient "toujours de sa commercialisation en vente libre ou sur internet" mais l'ANSM signalait depuis 2016, trois déclarations de vols de bouteilles (ou obus) de protoxyde d'azote dans des hôpitaux.

En 2007, dans un rapport à la DGS, le comité de coordination de toxicovigilance indiquait que l'usage détourné du protoxyde d'azote avait émergé en France au cours des années 1990 "dans l'espace festif techno" et mentionnait aussi des vols d'obus de protoxyde d'azote dans des cliniques ou des hôpitaux. Cette mode a décliné au début des années 2000.

La résurgence de cette pratique pourrait être à la fois liée à la facilité d'accès aux cartouches de siphon de chantilly, dont l'usage a été popularisé avec les émissions télévisées de cuisine, et internet. Ces cartouches peuvent être achetées par lot (jusqu'à 600 cartouches) et l'usage de gaz hilarant, avec des bonbonnes SmartWhip équivalentes à 80-100 cartouches, est directement promu sur les réseaux sociaux, comme sur cette vidéo Youtube postée en septembre par une société de livraison à domicile ou plus simplement par de simples usagers qui filment leurs exploits sur Instagram.

ld/eh/APMnews

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PARIS, 8 novembre 2019 (APMnews) - Le ministère des solidarités et de la santé ainsi que les administrations concernées vont prochainement diffuser des messages afin de sensibiliser les adolescents et les jeunes adultes aux risques liés à l'usage récréatif du protoxyde d'azote ainsi que les professionnels de santé pour améliorer le repérage et la prise en charge des personnes qui développent des complications graves, a-t-on appris auprès des autorités.

Connu aussi sous le nom de gaz hilarant, le protoxyde d'azote est notamment stocké dans des cartouches ou capsules pour siphon à chantilly qui sont en vente libre, en particulier sur internet.

S'agissant d'un produit de consommation courante, cette utilisation détournée fait l'objet de discussions entre les directions générales de la santé (DGS) et de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), a indiqué jeudi à APMnews la DGS au nom des différentes administrations.

Le ministère chargé de la santé travaille actuellement avec ses partenaires "à la mise en place d'un dispositif d'information afin de sensibiliser les personnes qui détournent ces produits, ceux qui pourraient l'initier ainsi que les professionnels de santé pour un meilleur repérage et prise en charge de ces pratiques dangereuses".

Des messages doivent être diffusés prochainement pour avertir les usagers des risques d'intoxication liés à la consommation du protoxyde d'azote, indique-t-on à la DGS. "Les agences régionales de santé (ARS) et les préfectures ont d'ores et déjà diffusé des informations sur les territoires concernés par ce phénomène", sans que ces derniers soient précisés.

L'ANSM a demandé une enquête d'addictovigilance dont les résultats sont prévus "pour le premier trimestre 2020". Elle a aussi sollicité l'Anses afin de récupérer l'ensemble des cas relatifs au protoxyde d'azote seul rapportés aux centres antipoison.

L'approche réglementaire ou législative paraît inadaptée pour des produits de consommation courante. "Les actions qui doivent être mises en oeuvre passent en priorité par l'école, les universités, les acteurs en proximité des jeunes et potentiellement les étudiants du service sanitaire", au nombre de 47.000 depuis la rentrée 2018-2019.

"Seules des approches de prévention globales pourront porter leurs fruits."

L'usage détourné du protoxyde d'azote "n'est pas nouveau mais le nombre et la gravité des effets indésirables rapportés en lien avec ces pratiques tendent à augmenter ces dernières années", rappelle la DGS. Des cas avec conséquences graves sur la santé, notamment asphyxie, perte de connaissance, crise d'asthme, ont été signalés depuis 2016.

"Le protoxyde d'azote est un produit que l'on connaît depuis longtemps, notamment en raison de son usage médical. Son usage détourné est connu aussi depuis longtemps. Ce qui change, ce sont les modalités: une consommation chez les adolescents et les jeunes adultes, qui est massive, jusqu'à 30 cartouches par jour, et répétée, au long cours", a précisé vendredi auprès d'APMnews la présidente de l'Association française des centres d'addictovigilance, le Pr Joëlle Micallef (CHU de Bordeaux).

Les effets recherchés (euphorie, distorsion des perceptions, sensation de flottement, désinhibition) ne durent que quelques minutes, favorisant la répétition des prises. C'est ce qui fait aussi suspecter des comportements addictifs, le phénomène étant entretenu par la facilité d'accès à ce produit.

8 cas de complications graves dans les Hauts-de-France

Les centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance et l'addictovigilance (CEIP-A) avaient présenté des données en mai 2018 en comité technique à l'ANSM, faisant état de 11 notifications spontanées entre septembre 2016 et décembre 2017. "Et là, en quelques mois, on a 8 cas d'atteintes neurologiques grave dans la seule région des Hauts-de-France. C'est un signal très fort", poursuit-elle, rappelant qu'il existe souvent une sous-déclaration des cas en l'absence de lien établi avec le produit.

Ces atteintes neurologiques se caractérisent par des polyneuropathies axonales sensitivomotrices, d'expression quelquefois sévère avec signes de dénervation active, et par des scléroses combinées de la moelle. Depuis 2018, des cas de troubles graves neurologiques avec des atteintes du système nerveux et de la moelle épinière (du type myélite cervicale aiguë et sclérose combinée de la moelle) ont été notifiés au réseau d'addictovigilance.

Les CEIP-A avaient demandé cette surveillance renforcée afin de "continuer à suivre l'évolution de l'usage, bien caractériser les effets cliniques, les complications somatiques et psychiatriques, les typologies de consommations pour pouvoir délivrer des messages appropriés", poursuit le Pr Micallef

Les personnes qui consomment du protoxyde d'azote peuvent arriver aux urgences ou être hospitalisées à cause des effets aigus (nausées, céphalées, confusion, chute, perte de connaissance, asphyxie ou arythmie) ou les complications neurologiques. "Il faut faire le lien. Sinon, le patient peut recommencer alors que le premier traitement, c'est l'arrêt de l'exposition."

Interrogée sur des "cas de décès", le Pr Micallef indique que quelques cas ont été rapportés mais que le lien de causalité est difficile à établir. "C'est compliqué de retrouver la trace d'un gaz, il existe souvent plusieurs facteurs possibles participant au décès. Mais, de par son action, le protoxyde d'azote peut être fatal dans certaines circonstances."

"Les jeunes en ont une image de produit sans risque mais c'est un produit qui peut entraîner des lésions irréversibles, avec en outre une étude récente suggérant une toxicité directe sur l'axone. En médecine, c'est un produit encadré, disponible uniquement à l'hôpital."

Le protoxyde d'azote semble particulièrement populaire dans les soirées étudiantes. Dans le compte-rendu du comité technique des CEIP-A de mai 2018, il est indiqué -lorsque l'information est disponible- que le gaz provient "toujours de sa commercialisation en vente libre ou sur internet" mais l'ANSM signalait depuis 2016, trois déclarations de vols de bouteilles (ou obus) de protoxyde d'azote dans des hôpitaux.

En 2007, dans un rapport à la DGS, le comité de coordination de toxicovigilance indiquait que l'usage détourné du protoxyde d'azote avait émergé en France au cours des années 1990 "dans l'espace festif techno" et mentionnait aussi des vols d'obus de protoxyde d'azote dans des cliniques ou des hôpitaux. Cette mode a décliné au début des années 2000.

La résurgence de cette pratique pourrait être à la fois liée à la facilité d'accès aux cartouches de siphon de chantilly, dont l'usage a été popularisé avec les émissions télévisées de cuisine, et internet. Ces cartouches peuvent être achetées par lot (jusqu'à 600 cartouches) et l'usage de gaz hilarant, avec des bonbonnes SmartWhip équivalentes à 80-100 cartouches, est directement promu sur les réseaux sociaux, comme sur cette vidéo Youtube postée en septembre par une société de livraison à domicile ou plus simplement par de simples usagers qui filment leurs exploits sur Instagram.

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