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10/05 2022
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ATTRACTIVITÉ ET FINANCEMENT: "EVITER DE PENSER QUE L'HÔPITAL EST LE CORPS MALADE" (FRÉDÉRIC VALLETOUX)

PARIS, 10 mai 2022 (APMnews) - La situation du système de santé -sur le plan de l'attractivité, des rémunérations ou du financement- doit s'apprécier dans son ensemble, avec la médecine de ville, et il faut éviter de "laisser penser que l'hôpital est le corps malade", plaide Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), dans une interview aux Echos parue mardi.

D'abord interrogé sur les pénuries de personnel qui conduisent à la fermeture de services, le président de la FHF a partagé le constat de "tensions très fortes" et d'"une fatigue" à la suite de deux ans d'épidémie de Covid. "C'est la première fois que je vois de telles tensions dès le printemps. On se croirait entre Noël et le Nouvel An ou bien autour du 15 août. Ça fait peur pour cet été", a observé Frédéric Valletoux.

En prévision des prochains mois, "nous avons demandé aux agences régionales de santé [ARS] d'organiser la permanence des soins dans tous les territoires et en ville", a-t-il précisé, s'étonnant qu'"en France, on sait organiser la permanence des boulangeries toute l'année, mais pas celle des médecins".

A une semaine du début du salon Santexpo organisé par la FHF (cf dépêche du 10/05/2022 à 13:06), Frédéric Valletoux a rappelé plusieurs des propositions de la fédération pour le système de santé (cf dépêche du 08/11/2021 à 13:15). Il faut "rendre obligatoire la permanence des soins pour la médecine libérale -mais pas avec une approche nationale, plutôt avec une approche territoriale et sensible, et bien sûr en ajustant les rémunérations de chacun en fonction de leur prise en charge de nouvelles obligations", a-t-il détaillé.

Amené à commenter les propositions de Martin Hirsch, le directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), pour refonder l'hôpital public (cf dépêche du 03/05/2022 à 17:48), il a jugé celles-ci "intéressantes car elles vont dans le sens d'une plus grande souplesse, avec des outils pour gérer au plus près les ressources hospitalières et les besoins de santé de la population".

Cependant, "on ne peut pas apprécier la situation du système de santé en ne regardant que l'hôpital", a-t-il insisté. "L'attractivité des métiers, le financement, la place des établissements doivent être évalués à l'aune de l'ensemble, en évitant de laisser penser que l'hôpital est le corps malade."

Se pose bien un "sujet de modernisation des rémunérations et de fluidification de la gouvernance mais dans la majorité des établissements, des équilibres ont été trouvés", a-t-il estimé.

L'AP-HP "est un très grand hôpital, avec des effectifs importants, une concentration de fonctions nationales, des équilibres complexes qui ne reflètent pas forcément ce qui se passe dans le reste du pays", a poursuivi le président de la FHF, pointant donc, comme son directeur, la spécificité de l'institution.

La médecine de ville "est elle aussi en crise", a-t-il souligné. "Elle souffre des mêmes maux que l'hôpital: manque de soignants, défaut d'attractivité, crise des vocations" et "la question du financement doit être posée là aussi".

Pour le président de la FHF, "il n'est pas sain que le médecin généraliste ne joue plus son rôle de porte d'entrée dans le système de santé et que les spécialités médicales soient mal réparties sur le territoire". L'hôpital et la ville "sont les deux jambes du système de santé, et aujourd'hui il est à genoux, sur ses deux genoux!", a-t-il illustré.

Publier les écarts de rémunération entre public et privé

"Nous avons proposé de réunir des états généraux de l'accès aux soins dès cet été, pour faire émerger des pistes de réforme qui pourront être inscrites dans le budget de la sécurité sociale pour 2023", a rappelé Frédéric Valletoux.

Le maire de Fontainebleau, qui a été investi au sein de la majorité présidentielle pour les élections législatives (cf dépêche du 09/05/2022 à 11:16), s'est félicité que l'idée ait "inspiré Emmanuel Macron, qui a promis de lancer une 'conférence des parties prenantes'" dans le cadre de son programme de campagne pour l'élection présidentielle (cf dépêche du 25/04/2022 à 06:00).

"Si rien ne sort de ces discussions, alors le gouvernement devra prendre ses responsabilités et réformer avec pour objectif janvier 2023. C'est la méthode du 'Ségur de la santé' de 2020, qui était la bonne", a-t-il considéré. Interrogé sur les effets concrets du Ségur, il a estimé que cette démarche n'a été "qu'une première étape".

"On s'est focalisé sur le rattrapage salarial et la refonte des grilles statutaires, et on en est resté là car une deuxième vague de Covid est arrivée", a-t-il analysé. "Il y avait un gros problème de niveau de rémunération. Il a globalement été reconnu et réglé, même s'il faut encore aller plus loin sur certaines spécialités médicales, sur les infirmiers spécialisés, les fonctions d'encadrement…", a plaidé Frédéric Valletoux.

"Maintenant, il faut réduire les écarts anormaux entre le public et le privé, en augmentant les rémunérations dans les spécialités en tension, mais aussi en encadrant mieux certaines rémunérations excessives dans le privé -cela relève de la responsabilité de l'assurance maladie", a-t-il préconisé. "Je souhaite que l'on publie les écarts de rémunération entre secteurs, spécialité par spécialité."

Favoriser l'accès aux soins nécessite de "revaloriser immédiatement le travail de nuit, aux urgences hospitalières et en libéral", a-t-il demandé (cf dépêche du 15/12/2021 à 19:06).

Il a rappelé la demande de la FHF d'une "loi de programmation pluriannuelle de la santé et de la dépendance dès 2023" (cf dépêche du 10/03/2022 à 19:00), ce qui permettrait "de développer les politiques de prévention ainsi que la lutte contre les actes inutiles, aujourd'hui soumis aux aléas de l'annualité budgétaire". Il faudra aussi "mener la réforme de la dépendance, indispensable pour développer notre capacité à faire venir à l'hôpital de nouvelles générations de professionnels".

"Nous savons déjà qu'il va manquer 100.000 infirmiers et aides-soignants dans les cinq ans qui viennent pour faire face à la perte d'autonomie en établissement. Il en faudra aussi 25.000 à l'hôpital, ne serait-ce que pour combler les besoins non pourvus", a chiffré Frédéric Valletoux.

"Pour parvenir à recruter, il va falloir adapter et simplifier le contenu des formations initiales. L'Etat devra également veiller à l'accroissement des capacités de formation en santé lorsqu'il renouvellera ses contrats de plan avec les régions, afin qu'il n'y ait pas de goulet d'étranglement dans les filières."

mlb/ab/APMnews

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PARIS, 10 mai 2022 (APMnews) - La situation du système de santé -sur le plan de l'attractivité, des rémunérations ou du financement- doit s'apprécier dans son ensemble, avec la médecine de ville, et il faut éviter de "laisser penser que l'hôpital est le corps malade", plaide Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), dans une interview aux Echos parue mardi.

D'abord interrogé sur les pénuries de personnel qui conduisent à la fermeture de services, le président de la FHF a partagé le constat de "tensions très fortes" et d'"une fatigue" à la suite de deux ans d'épidémie de Covid. "C'est la première fois que je vois de telles tensions dès le printemps. On se croirait entre Noël et le Nouvel An ou bien autour du 15 août. Ça fait peur pour cet été", a observé Frédéric Valletoux.

En prévision des prochains mois, "nous avons demandé aux agences régionales de santé [ARS] d'organiser la permanence des soins dans tous les territoires et en ville", a-t-il précisé, s'étonnant qu'"en France, on sait organiser la permanence des boulangeries toute l'année, mais pas celle des médecins".

A une semaine du début du salon Santexpo organisé par la FHF (cf dépêche du 10/05/2022 à 13:06), Frédéric Valletoux a rappelé plusieurs des propositions de la fédération pour le système de santé (cf dépêche du 08/11/2021 à 13:15). Il faut "rendre obligatoire la permanence des soins pour la médecine libérale -mais pas avec une approche nationale, plutôt avec une approche territoriale et sensible, et bien sûr en ajustant les rémunérations de chacun en fonction de leur prise en charge de nouvelles obligations", a-t-il détaillé.

Amené à commenter les propositions de Martin Hirsch, le directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), pour refonder l'hôpital public (cf dépêche du 03/05/2022 à 17:48), il a jugé celles-ci "intéressantes car elles vont dans le sens d'une plus grande souplesse, avec des outils pour gérer au plus près les ressources hospitalières et les besoins de santé de la population".

Cependant, "on ne peut pas apprécier la situation du système de santé en ne regardant que l'hôpital", a-t-il insisté. "L'attractivité des métiers, le financement, la place des établissements doivent être évalués à l'aune de l'ensemble, en évitant de laisser penser que l'hôpital est le corps malade."

Se pose bien un "sujet de modernisation des rémunérations et de fluidification de la gouvernance mais dans la majorité des établissements, des équilibres ont été trouvés", a-t-il estimé.

L'AP-HP "est un très grand hôpital, avec des effectifs importants, une concentration de fonctions nationales, des équilibres complexes qui ne reflètent pas forcément ce qui se passe dans le reste du pays", a poursuivi le président de la FHF, pointant donc, comme son directeur, la spécificité de l'institution.

La médecine de ville "est elle aussi en crise", a-t-il souligné. "Elle souffre des mêmes maux que l'hôpital: manque de soignants, défaut d'attractivité, crise des vocations" et "la question du financement doit être posée là aussi".

Pour le président de la FHF, "il n'est pas sain que le médecin généraliste ne joue plus son rôle de porte d'entrée dans le système de santé et que les spécialités médicales soient mal réparties sur le territoire". L'hôpital et la ville "sont les deux jambes du système de santé, et aujourd'hui il est à genoux, sur ses deux genoux!", a-t-il illustré.

Publier les écarts de rémunération entre public et privé

"Nous avons proposé de réunir des états généraux de l'accès aux soins dès cet été, pour faire émerger des pistes de réforme qui pourront être inscrites dans le budget de la sécurité sociale pour 2023", a rappelé Frédéric Valletoux.

Le maire de Fontainebleau, qui a été investi au sein de la majorité présidentielle pour les élections législatives (cf dépêche du 09/05/2022 à 11:16), s'est félicité que l'idée ait "inspiré Emmanuel Macron, qui a promis de lancer une 'conférence des parties prenantes'" dans le cadre de son programme de campagne pour l'élection présidentielle (cf dépêche du 25/04/2022 à 06:00).

"Si rien ne sort de ces discussions, alors le gouvernement devra prendre ses responsabilités et réformer avec pour objectif janvier 2023. C'est la méthode du 'Ségur de la santé' de 2020, qui était la bonne", a-t-il considéré. Interrogé sur les effets concrets du Ségur, il a estimé que cette démarche n'a été "qu'une première étape".

"On s'est focalisé sur le rattrapage salarial et la refonte des grilles statutaires, et on en est resté là car une deuxième vague de Covid est arrivée", a-t-il analysé. "Il y avait un gros problème de niveau de rémunération. Il a globalement été reconnu et réglé, même s'il faut encore aller plus loin sur certaines spécialités médicales, sur les infirmiers spécialisés, les fonctions d'encadrement…", a plaidé Frédéric Valletoux.

"Maintenant, il faut réduire les écarts anormaux entre le public et le privé, en augmentant les rémunérations dans les spécialités en tension, mais aussi en encadrant mieux certaines rémunérations excessives dans le privé -cela relève de la responsabilité de l'assurance maladie", a-t-il préconisé. "Je souhaite que l'on publie les écarts de rémunération entre secteurs, spécialité par spécialité."

Favoriser l'accès aux soins nécessite de "revaloriser immédiatement le travail de nuit, aux urgences hospitalières et en libéral", a-t-il demandé (cf dépêche du 15/12/2021 à 19:06).

Il a rappelé la demande de la FHF d'une "loi de programmation pluriannuelle de la santé et de la dépendance dès 2023" (cf dépêche du 10/03/2022 à 19:00), ce qui permettrait "de développer les politiques de prévention ainsi que la lutte contre les actes inutiles, aujourd'hui soumis aux aléas de l'annualité budgétaire". Il faudra aussi "mener la réforme de la dépendance, indispensable pour développer notre capacité à faire venir à l'hôpital de nouvelles générations de professionnels".

"Nous savons déjà qu'il va manquer 100.000 infirmiers et aides-soignants dans les cinq ans qui viennent pour faire face à la perte d'autonomie en établissement. Il en faudra aussi 25.000 à l'hôpital, ne serait-ce que pour combler les besoins non pourvus", a chiffré Frédéric Valletoux.

"Pour parvenir à recruter, il va falloir adapter et simplifier le contenu des formations initiales. L'Etat devra également veiller à l'accroissement des capacités de formation en santé lorsqu'il renouvellera ses contrats de plan avec les régions, afin qu'il n'y ait pas de goulet d'étranglement dans les filières."

mlb/ab/APMnews

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