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AVC: 30 ANS APRÈS SA CRÉATION, LE REGISTRE DE DIJON GARDE TOUT SON INTÉRÊT
DIJON, 21 juillet 2016 (APM) - Trente ans après sa création, le registre dijonnais des accidents vasculaires cérébraux (AVC) continue à améliorer l'épidémiologie de cette pathologie en France, et reste un outil d'aide à la décision dans l'organisation des soins, conservant son intérêt face à l'essor du <*big data*>, a estimé l'un de ses responsables, le Pr Maurice Giroud du CHU de Dijon.
"J'entends dire que les registres vont disparaître face au <*big data*> mais ils ont toujours leur place car ils n'apportent pas les mêmes informations que les grandes bases de données, ce sont des outils complémentaires", a fait valoir le neurologue dans un entretien mercredi à l'APM à l'occasion des 30 ans du registre dijonnais des AVC.
Les grandes bases de données comme le Système national d'information inter-régimes d'assurance maladie (Sniiram) et le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) fournissent des informations à l'échelle nationale voire internationale mais ce sont des données administratives qui comportent des biais, notamment des faux positifs et des faux négatifs, et ne permettent pas le suivi d'une population comme le font les registres, a-t-il poursuivi.
Outre cette capacité de suivi, le registre dijonnais possède deux autres qualités, l'exhaustivité et la spécificité. Avec le recul, le Pr Giroud se dit qu'il a bien fait de rester "modeste" en limitant le registre à Dijon uniquement. "Lors du lancement en 1985, le travail était bénévole", se souvient-il, même s'il a bénéficié du soutien des registres déjà en place, celui des hémopathies malignes en Côte-d'Or et celui des cancers digestifs en Bourgogne.
Le registre dijonnais est alors le premier registre français des AVC. Les seules données disponibles à l'époque provenaient notamment des registres américain de Framingham et britannique d'Oxford. Depuis, un registre a été ouvert en 2008 à Lille et dans le Pays brestois.
Le premier article scientifique a été publié dans une revue française en 1987, suscitant l'intérêt des organismes publics qui ont apporté le premier financement officiel, via le comité des registres, en 1989. Le registre a pu s'étoffer avec un médecin vacataire pour l'enregistrement des cas et la saisie informatique des dossiers puis un biostatisticien. Les publications dans des revues médicales internationales ont commencé ensuite dans les années 1990, avec à présent un rythme moyen de cinq articles par an, indique le Pr Giroud.
La qualité du registre tient aussi aux données recueillies. "On s'est toujours attaché à l'essentiel. Le dossier n'est pas trop dense, ce qui réduit le taux de données manquantes. Les données se sont élargies avec les progrès scientifiques et techniques: à la clinique se sont ajoutées des données biologiques (marqueurs sériques, ADN) et radiologiques (scanner, doppler, échographie, IRM)", poursuit-il.
Le premier enseignement du registre a été l'incidence des AVC en France. "Avec 160 cas pour 100.000 habitants par an, elle était assez basse, comme en Italie, par rapport à d'autres pays occidentaux, confortant l'idée d'un <*French paradox*>, comme pour les maladies cardiovasculaires."
"A présent, les données des registres anglo-saxons montrent une incidence en baisse, similaire à la France et l'Italie, avec une incidence qui diminue. Mais on suppose désormais que cette tendance s'explique davantage par un système de santé et une organisation des soins qui se rapprochent des nôtres, avec un remboursement des soins qui permet un meilleur accès à la prise en charge, que par la génétique, le climat et le régime alimentaire", explique le neurologue.
Le registre montre aussi que l'évolution épidémiologique varie selon le type d'AVC. La part des AVC hémorragiques est passée de 30% à 10%, probablement grâce au dépistage et au traitement de l'hypertension artérielle, mais la part des AVC lacunaires augmente, ce qui pourrait s'expliquer par des facteurs génétiques.
=3Valider les pratiques médicales
En parallèle d'informations purement épidémiologiques, le registre a pour intérêt de "valider des pratiques médicales au sein d'un réseau". "Le réseau de soins alimente le registre en données puis le registre permet de vérifier le bénéfice en pratique clinique quotidienne puis de remonter les informations aux tutelles", souligne le Pr Giroud.
L'arrivée de la fibrinolyse pour le traitement de l'AVC ischémique à sa phase aiguë en 2003 et la création des unités neurovasculaires (UNV) en parallèle dans le cadre du premier Plan AVC ont permis de réduire la mortalité à un mois, passant de 18% à 9%, ainsi que l'hémiplégie massive, concernant 40% des patients contre 60% avant.
D'autres données du registre ont aussi validé la mise en place, dans le cadre des Plans AVC, d'une consultation post-AVC et d'un suivi téléphonique par des infirmières cliniciennes. Cette mesure a permis de "vérifier la bonne compréhension des ordonnances, s'assurer de la bonne observance, détecter de nouveaux facteurs de risque: le taux de récidive est ainsi passé de 16% par an à 5% par an en cinq ans", se félicite le neurologue.
Plus récemment, le registre a aussi confirmé la faisabilité de la prise en charge des AVC à la phase aiguë par télémédecine, en montrant que la fibrinolyse à distance était aussi sûre et efficace que celle réalisée in situ. "A présent, 19 CHG pratiquent la téléfibrinolyse régulièrement en lien avec le CHU de Dijon."
L'équipe va continuer ce travail de validation avec la thrombectomie mécanique, nouvelle technique de neuroradiologie interventionnelle pour les AVC ischémiques touchant les artères de gros calibre. La communauté neurologique attend la création d'un acte pour fin 2016-début 2017 et a appelé à la création d'un registre national afin de mieux connaître et ajuster cette activité, rappelle-t-on.
Autre sujet de recherche, le suivi des nouveaux anticoagulants oraux. "Le registre devrait nous donner des résultats d'ici un an sur l'intérêt de ces médicaments par rapport aux AVK [anti-vitamine K], s'ils sont bien aussi efficaces mais avec un risque réduit d'hémorragies cérébrales en particulier
Le co-responsable du registre, le Pr Yannick Béjot, travaille par ailleurs à inclure de nouvelles données d'ici un à deux ans afin de suivre le handicap moteur et cognitif des patients.
Le registre prévoit aussi de diffuser prochainement "un score qui devrait permettre à chacun de calculer son propre risque d'AVC et d'appliquer les mesures préventives nécessaires pour le réduire".
Enfin, l'équipe va approfondir les liens entre coeur et cerveau, d'une part, en s'associant avec un registre des infarctus du myocarde de Côte-d'Or et, d'autre part, en s'investissant dans la recherche fondamentale au sein d'un laboratoire de physiopathologie et d'épidémiologie des maladies neurocardiovasculaires.
Le registre bénéficie d'un financement de l'Inserm et l'ex-Institut national de veille sanitaire (InVS, intégré désormais dans l'Agence nationale de santé publique, Santé publique France), à hauteur de 62.000 euros par an. L'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne verse 145.000 euros par an au réseau de soins ville-hôpital, dont les données alimentent aussi le registre.
ld/eh/APM
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AVC: 30 ANS APRÈS SA CRÉATION, LE REGISTRE DE DIJON GARDE TOUT SON INTÉRÊT
DIJON, 21 juillet 2016 (APM) - Trente ans après sa création, le registre dijonnais des accidents vasculaires cérébraux (AVC) continue à améliorer l'épidémiologie de cette pathologie en France, et reste un outil d'aide à la décision dans l'organisation des soins, conservant son intérêt face à l'essor du <*big data*>, a estimé l'un de ses responsables, le Pr Maurice Giroud du CHU de Dijon.
"J'entends dire que les registres vont disparaître face au <*big data*> mais ils ont toujours leur place car ils n'apportent pas les mêmes informations que les grandes bases de données, ce sont des outils complémentaires", a fait valoir le neurologue dans un entretien mercredi à l'APM à l'occasion des 30 ans du registre dijonnais des AVC.
Les grandes bases de données comme le Système national d'information inter-régimes d'assurance maladie (Sniiram) et le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) fournissent des informations à l'échelle nationale voire internationale mais ce sont des données administratives qui comportent des biais, notamment des faux positifs et des faux négatifs, et ne permettent pas le suivi d'une population comme le font les registres, a-t-il poursuivi.
Outre cette capacité de suivi, le registre dijonnais possède deux autres qualités, l'exhaustivité et la spécificité. Avec le recul, le Pr Giroud se dit qu'il a bien fait de rester "modeste" en limitant le registre à Dijon uniquement. "Lors du lancement en 1985, le travail était bénévole", se souvient-il, même s'il a bénéficié du soutien des registres déjà en place, celui des hémopathies malignes en Côte-d'Or et celui des cancers digestifs en Bourgogne.
Le registre dijonnais est alors le premier registre français des AVC. Les seules données disponibles à l'époque provenaient notamment des registres américain de Framingham et britannique d'Oxford. Depuis, un registre a été ouvert en 2008 à Lille et dans le Pays brestois.
Le premier article scientifique a été publié dans une revue française en 1987, suscitant l'intérêt des organismes publics qui ont apporté le premier financement officiel, via le comité des registres, en 1989. Le registre a pu s'étoffer avec un médecin vacataire pour l'enregistrement des cas et la saisie informatique des dossiers puis un biostatisticien. Les publications dans des revues médicales internationales ont commencé ensuite dans les années 1990, avec à présent un rythme moyen de cinq articles par an, indique le Pr Giroud.
La qualité du registre tient aussi aux données recueillies. "On s'est toujours attaché à l'essentiel. Le dossier n'est pas trop dense, ce qui réduit le taux de données manquantes. Les données se sont élargies avec les progrès scientifiques et techniques: à la clinique se sont ajoutées des données biologiques (marqueurs sériques, ADN) et radiologiques (scanner, doppler, échographie, IRM)", poursuit-il.
Le premier enseignement du registre a été l'incidence des AVC en France. "Avec 160 cas pour 100.000 habitants par an, elle était assez basse, comme en Italie, par rapport à d'autres pays occidentaux, confortant l'idée d'un <*French paradox*>, comme pour les maladies cardiovasculaires."
"A présent, les données des registres anglo-saxons montrent une incidence en baisse, similaire à la France et l'Italie, avec une incidence qui diminue. Mais on suppose désormais que cette tendance s'explique davantage par un système de santé et une organisation des soins qui se rapprochent des nôtres, avec un remboursement des soins qui permet un meilleur accès à la prise en charge, que par la génétique, le climat et le régime alimentaire", explique le neurologue.
Le registre montre aussi que l'évolution épidémiologique varie selon le type d'AVC. La part des AVC hémorragiques est passée de 30% à 10%, probablement grâce au dépistage et au traitement de l'hypertension artérielle, mais la part des AVC lacunaires augmente, ce qui pourrait s'expliquer par des facteurs génétiques.
=3Valider les pratiques médicales
En parallèle d'informations purement épidémiologiques, le registre a pour intérêt de "valider des pratiques médicales au sein d'un réseau". "Le réseau de soins alimente le registre en données puis le registre permet de vérifier le bénéfice en pratique clinique quotidienne puis de remonter les informations aux tutelles", souligne le Pr Giroud.
L'arrivée de la fibrinolyse pour le traitement de l'AVC ischémique à sa phase aiguë en 2003 et la création des unités neurovasculaires (UNV) en parallèle dans le cadre du premier Plan AVC ont permis de réduire la mortalité à un mois, passant de 18% à 9%, ainsi que l'hémiplégie massive, concernant 40% des patients contre 60% avant.
D'autres données du registre ont aussi validé la mise en place, dans le cadre des Plans AVC, d'une consultation post-AVC et d'un suivi téléphonique par des infirmières cliniciennes. Cette mesure a permis de "vérifier la bonne compréhension des ordonnances, s'assurer de la bonne observance, détecter de nouveaux facteurs de risque: le taux de récidive est ainsi passé de 16% par an à 5% par an en cinq ans", se félicite le neurologue.
Plus récemment, le registre a aussi confirmé la faisabilité de la prise en charge des AVC à la phase aiguë par télémédecine, en montrant que la fibrinolyse à distance était aussi sûre et efficace que celle réalisée in situ. "A présent, 19 CHG pratiquent la téléfibrinolyse régulièrement en lien avec le CHU de Dijon."
L'équipe va continuer ce travail de validation avec la thrombectomie mécanique, nouvelle technique de neuroradiologie interventionnelle pour les AVC ischémiques touchant les artères de gros calibre. La communauté neurologique attend la création d'un acte pour fin 2016-début 2017 et a appelé à la création d'un registre national afin de mieux connaître et ajuster cette activité, rappelle-t-on.
Autre sujet de recherche, le suivi des nouveaux anticoagulants oraux. "Le registre devrait nous donner des résultats d'ici un an sur l'intérêt de ces médicaments par rapport aux AVK [anti-vitamine K], s'ils sont bien aussi efficaces mais avec un risque réduit d'hémorragies cérébrales en particulier
Le co-responsable du registre, le Pr Yannick Béjot, travaille par ailleurs à inclure de nouvelles données d'ici un à deux ans afin de suivre le handicap moteur et cognitif des patients.
Le registre prévoit aussi de diffuser prochainement "un score qui devrait permettre à chacun de calculer son propre risque d'AVC et d'appliquer les mesures préventives nécessaires pour le réduire".
Enfin, l'équipe va approfondir les liens entre coeur et cerveau, d'une part, en s'associant avec un registre des infarctus du myocarde de Côte-d'Or et, d'autre part, en s'investissant dans la recherche fondamentale au sein d'un laboratoire de physiopathologie et d'épidémiologie des maladies neurocardiovasculaires.
Le registre bénéficie d'un financement de l'Inserm et l'ex-Institut national de veille sanitaire (InVS, intégré désormais dans l'Agence nationale de santé publique, Santé publique France), à hauteur de 62.000 euros par an. L'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne verse 145.000 euros par an au réseau de soins ville-hôpital, dont les données alimentent aussi le registre.
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