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15/01 2021
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AVC: LE MAILLAGE TERRITORIAL EN UNITÉS NEUROVASCULAIRES EST EN "TRÈS GRAND DANGER" (SOCIÉTÉ SAVANTE)

PARIS, 15 janvier 2021 (APMnews) - Le maillage territorial en unités neurovasculaires (UNV) est "en très grand danger", fragilisant l'égalité d'accès aux soins pour les patients victimes d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques, a alerté le coordonnateur scientifique de la Société française neurovasculaire (SFNV), le Dr Denis Sablot du CH de Perpignan, lors du congrès de la société savante, vendredi.

Pour cette session commune avec les animateurs de filière AVC, la SFNV a notamment présenté les résultats d'une enquête menée en décembre 2020 afin de dresser un état des lieux de la démographie médicale au sein des UNV, préciser les difficultés, notamment concernant la permanence des soins, et estimer les besoins en recrutement et en formation, a indiqué le Dr Sablot.

A la représentante de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) participant à la réunion, Pascale Dhote-Burger, il a adressé "un message d'alerte". "En 2009, un rapport sur les AVC avait insisté sur le maillage territorial et cette stratégie a été validée et 10 ans après, ce maillage est en très grand danger!"

"Il est indispensable de répondre aux besoins de manière massive et rapide en renforçant l'attractivité des UNV", a conclu le Dr Sablon.

Pascale Dhote-Burger s'est voulu rassurante, affirmant avoir "bien en tête la notion de pénibilité renforcée au travail pour les neurologues et le retentissement sur leurs autres activités" et observant que les neuroradiologues faisaient le même constat (cf dépêche du 18/12/2020 à 15:40).

"La pénibilité est réelle, les postes manquants sont bien étayés. On ne peut pas rester ainsi au risque d'une aggravation de la situation", a-t-elle commenté. S'engageant à remonter ces éléments à sa direction, elle a également invité la SFNV à réfléchir avec elle à "des propositions coconstruites".

"Un déficit médical flagrant"

Les résultats présentés étaient issus d'une enquête déclarative envoyée aux 139 UNV françaises dont 88% ont répondu à l'ensemble des questions, avec 87 UNV de territoire, 33 UNV de recours et 2 UNV libérales.

Le premier point marquant qui en ressort, c'est "un déficit médical flagrant", avec 163 postes vacants sur 879 postes ouverts (18,5%), dont 114 de praticiens hospitaliers. Si tous les postes sont pourvus dans 53 UNV, 35 UNV déplorent un poste vacant, 24 UNV en rapportent 2, 6 UNV en déclarent 3, et 3 UNV déplorent même 4 postes vacants ou plus. La durée de la vacance est de 24 mois en moyenne.

Par rapport au nombre de lignes médicales nécessaires en horaires ouvrés pour faire fonctionner l'UNV de jour et les effectifs, il apparaît que 43% des UNV affichent un écart important.

Selon le type d'UNV, il apparaît que des postes sont vacants dans 3 UNV de territoire sur 4 et 1 UNV de recours sur 4. Sur les 66 UNV de territoires avec des postes vacants, 21 en déplorent 1, 20 en déclarent 2, 16 en rapportent 3 et respectivement 4 en déplorent 4 et 5 postes vacants, a précisé le Dr Sablot.

En postes d'internes, les postes se montrent parfois non pourvus dans 80% des UNV de territoire, sur 1,9 semestre par an en moyenne. Plus d'un quart des UNV de recours (9 parmi 33) sont également concernées.

Ce déficit en personnel a des répercussions notamment pendant les vacances scolaires pour 61% des UNV de territoires et 30% des UNV de recours. Sur l'ensemble des UNV, 12% des responsables déclarent dans leur service des cas de burn-out et d'arrêts de travail en conséquence, 24% cumulent les activités, 20% des fermetures d'activité programmée et 17% une réduction des congés annuels.

Les UNV peuvent avoir recours à des intérimaires, notamment un tiers des UNV de territoire et 10% des UNV de recours, sur 7 semaines par an en moyenne.

Ces chiffres montrent que "les UNV cumulent les difficultés", a commenté le Dr Sablot.

La SFNV a également interrogé les responsables d'UNV sur les solutions qu'ils envisageaient pour améliorer la situation et par intérêt décroissant, ils ont répondu par une hausse du nombre de neurologues, l'ouverture de nouveaux postes dans leur centre, une hausse du nombre d'internes, d'assistants partagés et/ou d'internes juniors, l'ouverture de postes à des non-neurologues, la création d'un cursus interne en CH, un allègement des démarches administratives pour les médecins étrangers et l'ouverture réelle aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).

Les UNV en difficulté (avec moins de 5 neurologues et des postes vacants) n'envisagent pas ces solutions dans le même ordre et semblent davantage vouloir recourir aux médecins étrangers ou ouvrir des postes à des non-neurologues, plutôt que d'augmenter le nombre de neurologues ou de nouveaux postes.

Le Dr Sablot a d'ailleurs fait observer que 24% de médecins étrangers (Union européenne ou en dehors) et 5% de médecins non-neurologues participent à l'activité des UNV.

"Les solutions sont limitées et c'est un cercle vicieux entre un effectif médical faible, la lourdeur de l'activité de la permanence des soins et la fuite des candidats potentiels", a-t-il commenté.

Qualifiant les perspectives de pessimistes, le neurologue a souligné qu'à l'été 2020, l'UNV d'Evreux a fermé, celle de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) a pu finalement repartir et qu'une à Paris a dû fermer des lits. Avec moins de 3 neurologues impliqués dans la permanence des soins (PDS), 15 UNV sont "en situation critique", avec un total de 42 postes vacants: Ajaccio, Alençon, Angoulême, Arras, Bourg-en-Bresse, Cahors, Chartes, Creil, Lisieux, Niort, Le Puy, Soissons, Tarbes, Vannes et Vesoul.

D'autres UNV, sans être dans une "situation critique", sont en difficulté. "Si l'une tombe, on peut craindre un 'effet dominos'. Ces situations ne sont pas anecdotiques. Une refonte est indispensable et en particulier une revalorisation du travail pour attirer les jeunes dans un contexte d'augmentation des cas d'AVC et donc d'activité pour les UNV", a souligné le Dr Sablot.

Une population vieillissante et de nouvelles missions pour les UNV

Le vieillissement de la population entraîne une hausse des patients avec un primo-AVC mais aussi des récidives, a ajouté le Pr Igor Sibon du CHU de Bordeaux, nouveau président de la SFNV. En 5 ans, le nombre de patients candidats à une prise en charge en UNV augmente mais le recours à la thrombolyse reste encore difficile, avec en outre une activité qui se complexifie avec les progrès scientifiques et technologiques.

La situation des UNV se complique encore avec les nouvelles missions qui lui sont attribuées, comme la mise en place de cliniques de l'accident ischémique transitoire (AIT), l'évolution du régime d'autorisation d'activité de soins de réanimation et des activités interventionnelles (thrombectomie) comme il l'avait déjà exposé lors du congrès de la Société française de neuroradiologie (SFNR) en décembre 2020 (cf dépêche du 18/12/2020 à 15:40).

Parmi les solutions possibles figurent l'optimisation des filières, les collaborations inter-établissements, l'augmentation du nombre d'internes de neurologie et de l'attractivité des praticiens hospitaliers en UNV, par une évolution des grilles ou l'attribution d'une prime notamment, et faciliter réellement l'exercice des neurologues étrangers hors UE.

Le recrutement de médecins non-neurologues, tels que des généralistes, des urgentistes, des gériatres, passant par une formation spécifique, semble aussi être une piste, ainsi que la formation d'infirmières de pratiques avancées (IPA) et pourquoi pas, engager des techniciens d'information médicale pour réduire la charge administrative, a poursuivi le Pr Sibon.

"De jeunes neurologues anticipent une forte pénibilité au travail et on craint qu'ils ne viennent pas en UNV. Le risque est de voir des UNV fermer et des inégalités d'accès aux soins ressurgir. Les conventions entre établissements permettront de soutenir les UNV en difficulté… le temps qu'elles redeviennent attractives", a-t-il commenté.

La représentante de la DGOS a reconnu que l'activité avait triplé à effectifs constants. "La tension et la pénibilité dans les UNV sont des faits reconnus."

ld/ab/APMnews

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PARIS, 15 janvier 2021 (APMnews) - Le maillage territorial en unités neurovasculaires (UNV) est "en très grand danger", fragilisant l'égalité d'accès aux soins pour les patients victimes d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques, a alerté le coordonnateur scientifique de la Société française neurovasculaire (SFNV), le Dr Denis Sablot du CH de Perpignan, lors du congrès de la société savante, vendredi.

Pour cette session commune avec les animateurs de filière AVC, la SFNV a notamment présenté les résultats d'une enquête menée en décembre 2020 afin de dresser un état des lieux de la démographie médicale au sein des UNV, préciser les difficultés, notamment concernant la permanence des soins, et estimer les besoins en recrutement et en formation, a indiqué le Dr Sablot.

A la représentante de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) participant à la réunion, Pascale Dhote-Burger, il a adressé "un message d'alerte". "En 2009, un rapport sur les AVC avait insisté sur le maillage territorial et cette stratégie a été validée et 10 ans après, ce maillage est en très grand danger!"

"Il est indispensable de répondre aux besoins de manière massive et rapide en renforçant l'attractivité des UNV", a conclu le Dr Sablon.

Pascale Dhote-Burger s'est voulu rassurante, affirmant avoir "bien en tête la notion de pénibilité renforcée au travail pour les neurologues et le retentissement sur leurs autres activités" et observant que les neuroradiologues faisaient le même constat (cf dépêche du 18/12/2020 à 15:40).

"La pénibilité est réelle, les postes manquants sont bien étayés. On ne peut pas rester ainsi au risque d'une aggravation de la situation", a-t-elle commenté. S'engageant à remonter ces éléments à sa direction, elle a également invité la SFNV à réfléchir avec elle à "des propositions coconstruites".

"Un déficit médical flagrant"

Les résultats présentés étaient issus d'une enquête déclarative envoyée aux 139 UNV françaises dont 88% ont répondu à l'ensemble des questions, avec 87 UNV de territoire, 33 UNV de recours et 2 UNV libérales.

Le premier point marquant qui en ressort, c'est "un déficit médical flagrant", avec 163 postes vacants sur 879 postes ouverts (18,5%), dont 114 de praticiens hospitaliers. Si tous les postes sont pourvus dans 53 UNV, 35 UNV déplorent un poste vacant, 24 UNV en rapportent 2, 6 UNV en déclarent 3, et 3 UNV déplorent même 4 postes vacants ou plus. La durée de la vacance est de 24 mois en moyenne.

Par rapport au nombre de lignes médicales nécessaires en horaires ouvrés pour faire fonctionner l'UNV de jour et les effectifs, il apparaît que 43% des UNV affichent un écart important.

Selon le type d'UNV, il apparaît que des postes sont vacants dans 3 UNV de territoire sur 4 et 1 UNV de recours sur 4. Sur les 66 UNV de territoires avec des postes vacants, 21 en déplorent 1, 20 en déclarent 2, 16 en rapportent 3 et respectivement 4 en déplorent 4 et 5 postes vacants, a précisé le Dr Sablot.

En postes d'internes, les postes se montrent parfois non pourvus dans 80% des UNV de territoire, sur 1,9 semestre par an en moyenne. Plus d'un quart des UNV de recours (9 parmi 33) sont également concernées.

Ce déficit en personnel a des répercussions notamment pendant les vacances scolaires pour 61% des UNV de territoires et 30% des UNV de recours. Sur l'ensemble des UNV, 12% des responsables déclarent dans leur service des cas de burn-out et d'arrêts de travail en conséquence, 24% cumulent les activités, 20% des fermetures d'activité programmée et 17% une réduction des congés annuels.

Les UNV peuvent avoir recours à des intérimaires, notamment un tiers des UNV de territoire et 10% des UNV de recours, sur 7 semaines par an en moyenne.

Ces chiffres montrent que "les UNV cumulent les difficultés", a commenté le Dr Sablot.

La SFNV a également interrogé les responsables d'UNV sur les solutions qu'ils envisageaient pour améliorer la situation et par intérêt décroissant, ils ont répondu par une hausse du nombre de neurologues, l'ouverture de nouveaux postes dans leur centre, une hausse du nombre d'internes, d'assistants partagés et/ou d'internes juniors, l'ouverture de postes à des non-neurologues, la création d'un cursus interne en CH, un allègement des démarches administratives pour les médecins étrangers et l'ouverture réelle aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).

Les UNV en difficulté (avec moins de 5 neurologues et des postes vacants) n'envisagent pas ces solutions dans le même ordre et semblent davantage vouloir recourir aux médecins étrangers ou ouvrir des postes à des non-neurologues, plutôt que d'augmenter le nombre de neurologues ou de nouveaux postes.

Le Dr Sablot a d'ailleurs fait observer que 24% de médecins étrangers (Union européenne ou en dehors) et 5% de médecins non-neurologues participent à l'activité des UNV.

"Les solutions sont limitées et c'est un cercle vicieux entre un effectif médical faible, la lourdeur de l'activité de la permanence des soins et la fuite des candidats potentiels", a-t-il commenté.

Qualifiant les perspectives de pessimistes, le neurologue a souligné qu'à l'été 2020, l'UNV d'Evreux a fermé, celle de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) a pu finalement repartir et qu'une à Paris a dû fermer des lits. Avec moins de 3 neurologues impliqués dans la permanence des soins (PDS), 15 UNV sont "en situation critique", avec un total de 42 postes vacants: Ajaccio, Alençon, Angoulême, Arras, Bourg-en-Bresse, Cahors, Chartes, Creil, Lisieux, Niort, Le Puy, Soissons, Tarbes, Vannes et Vesoul.

D'autres UNV, sans être dans une "situation critique", sont en difficulté. "Si l'une tombe, on peut craindre un 'effet dominos'. Ces situations ne sont pas anecdotiques. Une refonte est indispensable et en particulier une revalorisation du travail pour attirer les jeunes dans un contexte d'augmentation des cas d'AVC et donc d'activité pour les UNV", a souligné le Dr Sablot.

Une population vieillissante et de nouvelles missions pour les UNV

Le vieillissement de la population entraîne une hausse des patients avec un primo-AVC mais aussi des récidives, a ajouté le Pr Igor Sibon du CHU de Bordeaux, nouveau président de la SFNV. En 5 ans, le nombre de patients candidats à une prise en charge en UNV augmente mais le recours à la thrombolyse reste encore difficile, avec en outre une activité qui se complexifie avec les progrès scientifiques et technologiques.

La situation des UNV se complique encore avec les nouvelles missions qui lui sont attribuées, comme la mise en place de cliniques de l'accident ischémique transitoire (AIT), l'évolution du régime d'autorisation d'activité de soins de réanimation et des activités interventionnelles (thrombectomie) comme il l'avait déjà exposé lors du congrès de la Société française de neuroradiologie (SFNR) en décembre 2020 (cf dépêche du 18/12/2020 à 15:40).

Parmi les solutions possibles figurent l'optimisation des filières, les collaborations inter-établissements, l'augmentation du nombre d'internes de neurologie et de l'attractivité des praticiens hospitaliers en UNV, par une évolution des grilles ou l'attribution d'une prime notamment, et faciliter réellement l'exercice des neurologues étrangers hors UE.

Le recrutement de médecins non-neurologues, tels que des généralistes, des urgentistes, des gériatres, passant par une formation spécifique, semble aussi être une piste, ainsi que la formation d'infirmières de pratiques avancées (IPA) et pourquoi pas, engager des techniciens d'information médicale pour réduire la charge administrative, a poursuivi le Pr Sibon.

"De jeunes neurologues anticipent une forte pénibilité au travail et on craint qu'ils ne viennent pas en UNV. Le risque est de voir des UNV fermer et des inégalités d'accès aux soins ressurgir. Les conventions entre établissements permettront de soutenir les UNV en difficulté… le temps qu'elles redeviennent attractives", a-t-il commenté.

La représentante de la DGOS a reconnu que l'activité avait triplé à effectifs constants. "La tension et la pénibilité dans les UNV sont des faits reconnus."

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