Actualités de l'Urgence - APM

BORDEAUX: LA MSPB "EN DANGER" FINANCIÈREMENT APRÈS L'ABANDON PAR L'ARMÉE DU PROJET DE REGROUPEMENT AVEC L'HIA ROBERT-PICQUÉ
BORDEAUX, TALENCE (Gironde), 18 juin 2025 (APMnews) - Blandine Filet, directrice générale de la Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle (MSPB), a dénoncé mercredi l'absence d'accompagnement financier de l'Etat après le choix du ministère des armées d'abandonner le projet de regroupement entre l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Robert-Picqué et la MSPB, dit "projet Bahia", et a évoqué un risque de cessation de paiement de son établissement.
La préfecture de la Gironde avait annoncé en octobre 2024 l'abandon du projet de regroupement entre les deux établissements de santé, faisant le choix de réorganiser le soutien santé à destination des militaires blessés "à Bordeaux en recentrant l'hôpital d'instruction des armées Robert-Picqué sur son activité de rééducation et de réhabilitation, physique et psychique dans un nouveau centre [ad hoc], implanté sur ce site", rappelle-t-on (cf dépêche du 15/10/2024 à 18:23).
Ce choix était motivé par "l'évolution du contexte géostratégique et des menaces à laquelle la France doit faire face, en particulier sur le plan militaire".
La fin du projet Bahia "déséquilibre [un] budget d'investissement qui était équilibré à l'époque", a regretté Blandine Filet, interviewée par APMnews.
Elle a rappelé que la MSPB s'est engagée dans la création d'"une extension de notre hôpital actuel pour héberger toutes les activités, c'est-à-dire la somme des activités des deux sites".
Le projet de regroupement entre l'HIA et la Maison de santé protestante représentait initialement 90 millions d'euros (M€) d'investissement lors de la signature en 2016 (cf dépêche du 23/11/2017 à 16:51). La MSPB a dû emprunter plus de 67 M€ dans ce cadre.
Il était prévu dans l'accord que l'armée "participe sous la forme d'[…]un droit d'accès au plateau technique d'un montant de 1,2 M€ par an pendant 20 ans", soit 24 M€ de "préjudice", a exposé la directrice générale.
Mais la MSPB réclame in fine 35 M€ de dédommagement, soit les 24 M€ réactualisés en tenant compte des surcoûts en termes de taux d'intérêt pour l'emprunt souscrit "juste au moment de la guerre en Ukraine" qui n'"étaient plus du tout les mêmes que lorsqu'on a signé l'accord en 2016" avec le ministère des armées. A cela s'ajoutent d'autres "surcoûts" et "l'inflation".
La directrice générale a fait part au total d'un surcoût de 30 M€ par rapport aux 90 M€ d'investissements prévus initialement dans le projet du regroupement.
Questionné mardi par APMnews, le ministère des armées a fait valoir que les 35 M€ réclamés "ne [peuvent] être acceptés dès lors que [cela] constituerait une libéralité, ce qui entraînerait sinon la responsabilité de gestionnaire public des entités signataires du ministère des armées. Le ministère des armées n'est pas fondé à aller [jusqu'à] cette somme, l'équilibre financier de la MSPB, comme tout établissement de santé, étant du ressort d'un soutien par l'agence régionale de santé."
Le ministère a ajouté avoir accepté d'octroyer à la Maison de santé protestante un "montant de l'indemnité résultant de l'application du contrat", soit 3,5 M€, avec "un retrait progressif des ressources humaines militaires entre 2024 et 2027".
Ces 3,5 M€ représentent "le droit d'accès consommé […] puisqu'on a construit un premier bâtiment pour les consultations avec des personnels militaires et le maintien de professionnels militaires jusqu'en 2027", a résumé la directrice générale.
Un déficit qui se creuse pour la MSPB
Blandine Filet a expliqué que son Espic (établissement de santé privé d'intérêt collectif) avait pâti d'un déficit de 8 M€ en 2024 sur un budget global de 155 M€, sans bénéficier d'aides.
L'établissement s'attend à être dans le rouge à hauteur de 11 M€ en 2025 "avec la SMA [sécurisation modulée à l'activité] qui disparaît", a-t-elle estimé, soulignant un risque de cessation de paiement.
La directrice générale a évoqué une "alerte du commissaire aux comptes" relancée à "plusieurs reprises depuis l'année dernière".
Dans une vidéo diffusée samedi sur son compte Facebook, la MSPB fait valoir que "des services entiers risquent de fermer", dont "des services vitaux", citant la maternité, les urgences et la réanimation. L'établissement a évoqué 1.600 emplois menacés.
"L'armée s'est retirée sans prévenir et sans assumer. […] Nous avons respecté nos engagements, l'Etat doit respecter les siens", ont lancé des soignants témoignant leur soutien à la Maison de santé protestante.
Blandine Filet a dit à APMnews "comprendre" que le ministère des armées "change d'orientation et de projet", mais a insisté sur l'importance d'accompagner la MSPB face aux importants préjudices économiques que cela engendre pour son Espic.
Selon la directrice générale, l'ARS a promis de traiter son Espic "comme tous les autres établissements qui sont en difficulté", mais elle a déploré ne pas avoir pas obtenu l'aide financière nécessaire.
La MSPB envisage la voie judiciaire si la conciliation échoue
Par ailleurs, la directrice générale de la Maison de santé protestante a regretté qu'"on n'[ait] pas eu de vraie réunion de travail sur la façon dont on allait dissoudre" Bahia, ni même de courrier, rappelant que ce projet était lancé dans le cadre d'un groupement de coopération sanitaire (GCS) qui "existe" toujours.
Elle a par ailleurs souligné qu'actuellement, la MSPB "porte" avec "ses personnels […] aujourd'hui les activités" sur le site de l'HIA.
Le ministère des armées a néanmoins accepté une démarche de conciliation, avec un représentant pour cette dernière et un pour la Maison de santé protestante.
En cas d'insuccès, la MSPB prévoit néanmoins d'engager un recours devant la justice.
Le ministère des armées, interrogé par APMnews, a quant à lui assuré qu'il avait "parfaitement respecté ses engagements".
"La possibilité, pour chacun des partenaires, d'une sortie du partenariat est prévue dans les documents contractuels du partenariat. Le ministère des armées, attentif à la préservation de l'offre de soins, a affirmé sa volonté d'accompagner la réorientation du partenariat Bahia pour aboutir sur un accord qui convienne à l'ensemble des parties. Dans le cadre du dialogue, les parties se sont accordées sur la fin du partenariat dans sa forme actuelle et sur un retrait progressif des ressources humaines militaires entre 2024 et 2027", a-t-il fait valoir.
Le ministère a ajouté avoir demandé en novembre 2023 "un processus de médiation entre les acteurs locaux de l'Etat et la MSPB dans une démarche amiable pour mettre fin au projet Bahia".
"Malgré les travaux nourris engagés", le ministère a pointé "l'absence de consensus permettant la conclusion d'un protocole transactionnel".
Le ministère a en outre confirmé avoir "accepté de poursuivre [le] dialogue à travers un processus de conciliation conduit par le préfet" avec la MSPB.
Il a enfin de nouveau justifié l'arrêt du processus de regroupement par le besoin d'"une augmentation des capacités de prise en charge spécifique du SSA [service de santé des armées] au profit des blessés militaires, notamment psychiques".
Cela implique une évolution de l'HIA en hôpital de santé des armées (HSA) "pour permettre au SSA de disposer de 48 lits et places en totale autonomie militaire, soit environ +50% par rapport à l'existant, ou +70% par rapport à ce qui était prévu dans le projet Bahia".
Et de compléter: "Les conditions de sécurité et d'environnement médical permettront aussi une meilleure prise en charge."
jyp/nc/APMnews
Informations professionnelles
- AFMU
- Agenda
- Annonces de postes
- Annuaire de l'urgence
- Audits
- Calculateurs
- Cas cliniques
- Cochrane PEC
- COVID-19
- DynaMed
- E-learning
- Géodes
- Grand public
- Librairie
- Médecine factuelle
- Outils professionnels
- Podcast
- Portail de l'urgence
- Recherche avancée
- Recommandations
- Recommandations SFMU
- Référentiels SFMU
- Textes réglementaires
- UrgencesDPC
- Webinaire
- Weblettre

BORDEAUX: LA MSPB "EN DANGER" FINANCIÈREMENT APRÈS L'ABANDON PAR L'ARMÉE DU PROJET DE REGROUPEMENT AVEC L'HIA ROBERT-PICQUÉ
BORDEAUX, TALENCE (Gironde), 18 juin 2025 (APMnews) - Blandine Filet, directrice générale de la Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle (MSPB), a dénoncé mercredi l'absence d'accompagnement financier de l'Etat après le choix du ministère des armées d'abandonner le projet de regroupement entre l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Robert-Picqué et la MSPB, dit "projet Bahia", et a évoqué un risque de cessation de paiement de son établissement.
La préfecture de la Gironde avait annoncé en octobre 2024 l'abandon du projet de regroupement entre les deux établissements de santé, faisant le choix de réorganiser le soutien santé à destination des militaires blessés "à Bordeaux en recentrant l'hôpital d'instruction des armées Robert-Picqué sur son activité de rééducation et de réhabilitation, physique et psychique dans un nouveau centre [ad hoc], implanté sur ce site", rappelle-t-on (cf dépêche du 15/10/2024 à 18:23).
Ce choix était motivé par "l'évolution du contexte géostratégique et des menaces à laquelle la France doit faire face, en particulier sur le plan militaire".
La fin du projet Bahia "déséquilibre [un] budget d'investissement qui était équilibré à l'époque", a regretté Blandine Filet, interviewée par APMnews.
Elle a rappelé que la MSPB s'est engagée dans la création d'"une extension de notre hôpital actuel pour héberger toutes les activités, c'est-à-dire la somme des activités des deux sites".
Le projet de regroupement entre l'HIA et la Maison de santé protestante représentait initialement 90 millions d'euros (M€) d'investissement lors de la signature en 2016 (cf dépêche du 23/11/2017 à 16:51). La MSPB a dû emprunter plus de 67 M€ dans ce cadre.
Il était prévu dans l'accord que l'armée "participe sous la forme d'[…]un droit d'accès au plateau technique d'un montant de 1,2 M€ par an pendant 20 ans", soit 24 M€ de "préjudice", a exposé la directrice générale.
Mais la MSPB réclame in fine 35 M€ de dédommagement, soit les 24 M€ réactualisés en tenant compte des surcoûts en termes de taux d'intérêt pour l'emprunt souscrit "juste au moment de la guerre en Ukraine" qui n'"étaient plus du tout les mêmes que lorsqu'on a signé l'accord en 2016" avec le ministère des armées. A cela s'ajoutent d'autres "surcoûts" et "l'inflation".
La directrice générale a fait part au total d'un surcoût de 30 M€ par rapport aux 90 M€ d'investissements prévus initialement dans le projet du regroupement.
Questionné mardi par APMnews, le ministère des armées a fait valoir que les 35 M€ réclamés "ne [peuvent] être acceptés dès lors que [cela] constituerait une libéralité, ce qui entraînerait sinon la responsabilité de gestionnaire public des entités signataires du ministère des armées. Le ministère des armées n'est pas fondé à aller [jusqu'à] cette somme, l'équilibre financier de la MSPB, comme tout établissement de santé, étant du ressort d'un soutien par l'agence régionale de santé."
Le ministère a ajouté avoir accepté d'octroyer à la Maison de santé protestante un "montant de l'indemnité résultant de l'application du contrat", soit 3,5 M€, avec "un retrait progressif des ressources humaines militaires entre 2024 et 2027".
Ces 3,5 M€ représentent "le droit d'accès consommé […] puisqu'on a construit un premier bâtiment pour les consultations avec des personnels militaires et le maintien de professionnels militaires jusqu'en 2027", a résumé la directrice générale.
Un déficit qui se creuse pour la MSPB
Blandine Filet a expliqué que son Espic (établissement de santé privé d'intérêt collectif) avait pâti d'un déficit de 8 M€ en 2024 sur un budget global de 155 M€, sans bénéficier d'aides.
L'établissement s'attend à être dans le rouge à hauteur de 11 M€ en 2025 "avec la SMA [sécurisation modulée à l'activité] qui disparaît", a-t-elle estimé, soulignant un risque de cessation de paiement.
La directrice générale a évoqué une "alerte du commissaire aux comptes" relancée à "plusieurs reprises depuis l'année dernière".
Dans une vidéo diffusée samedi sur son compte Facebook, la MSPB fait valoir que "des services entiers risquent de fermer", dont "des services vitaux", citant la maternité, les urgences et la réanimation. L'établissement a évoqué 1.600 emplois menacés.
"L'armée s'est retirée sans prévenir et sans assumer. […] Nous avons respecté nos engagements, l'Etat doit respecter les siens", ont lancé des soignants témoignant leur soutien à la Maison de santé protestante.
Blandine Filet a dit à APMnews "comprendre" que le ministère des armées "change d'orientation et de projet", mais a insisté sur l'importance d'accompagner la MSPB face aux importants préjudices économiques que cela engendre pour son Espic.
Selon la directrice générale, l'ARS a promis de traiter son Espic "comme tous les autres établissements qui sont en difficulté", mais elle a déploré ne pas avoir pas obtenu l'aide financière nécessaire.
La MSPB envisage la voie judiciaire si la conciliation échoue
Par ailleurs, la directrice générale de la Maison de santé protestante a regretté qu'"on n'[ait] pas eu de vraie réunion de travail sur la façon dont on allait dissoudre" Bahia, ni même de courrier, rappelant que ce projet était lancé dans le cadre d'un groupement de coopération sanitaire (GCS) qui "existe" toujours.
Elle a par ailleurs souligné qu'actuellement, la MSPB "porte" avec "ses personnels […] aujourd'hui les activités" sur le site de l'HIA.
Le ministère des armées a néanmoins accepté une démarche de conciliation, avec un représentant pour cette dernière et un pour la Maison de santé protestante.
En cas d'insuccès, la MSPB prévoit néanmoins d'engager un recours devant la justice.
Le ministère des armées, interrogé par APMnews, a quant à lui assuré qu'il avait "parfaitement respecté ses engagements".
"La possibilité, pour chacun des partenaires, d'une sortie du partenariat est prévue dans les documents contractuels du partenariat. Le ministère des armées, attentif à la préservation de l'offre de soins, a affirmé sa volonté d'accompagner la réorientation du partenariat Bahia pour aboutir sur un accord qui convienne à l'ensemble des parties. Dans le cadre du dialogue, les parties se sont accordées sur la fin du partenariat dans sa forme actuelle et sur un retrait progressif des ressources humaines militaires entre 2024 et 2027", a-t-il fait valoir.
Le ministère a ajouté avoir demandé en novembre 2023 "un processus de médiation entre les acteurs locaux de l'Etat et la MSPB dans une démarche amiable pour mettre fin au projet Bahia".
"Malgré les travaux nourris engagés", le ministère a pointé "l'absence de consensus permettant la conclusion d'un protocole transactionnel".
Le ministère a en outre confirmé avoir "accepté de poursuivre [le] dialogue à travers un processus de conciliation conduit par le préfet" avec la MSPB.
Il a enfin de nouveau justifié l'arrêt du processus de regroupement par le besoin d'"une augmentation des capacités de prise en charge spécifique du SSA [service de santé des armées] au profit des blessés militaires, notamment psychiques".
Cela implique une évolution de l'HIA en hôpital de santé des armées (HSA) "pour permettre au SSA de disposer de 48 lits et places en totale autonomie militaire, soit environ +50% par rapport à l'existant, ou +70% par rapport à ce qui était prévu dans le projet Bahia".
Et de compléter: "Les conditions de sécurité et d'environnement médical permettront aussi une meilleure prise en charge."
jyp/nc/APMnews