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16/10 2020
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COVID-19: CRAINTE DES INTERNES SUR LEUR CAPACITÉ À AIDER POUR LA 2E VAGUE

PARIS, 16 octobre 2020 (APMnews) - Deux représentants de syndicats d'internes ont fait part jeudi de leurs craintes sur la capacité des internes à aider lors de la 2e vague, en raison du calendrier de leur formation mais aussi des problèmes de rémunération rencontrés lors de la 1re vague, lors d'une audition au Sénat.

Le président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), Justin Breysse, et le président du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP), Julien Flouriot, ont été auditionnés par la commission d'enquête du Sénat "pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la Covid-19 et de sa gestion", présidée par Alain Milon (LR, Vaucluse).

Parmi les difficultés rencontrées lors de la 1re vague, Julien Flouriot a soulevé les lourdeurs administratives liées à la réaffectation d'internes dans un autre hôpital pour aider les services surchargés. "On a dû mettre en place un système de validation avec les directions des affaires médicales des hôpitaux, les coordonnateurs [de diplôme], les ARS [agences régionales de santé], ça a été dense pendant un moment", a-t-il observé.

Le sujet de la rémunération des internes en cas de changement d'hôpital a particulièrement cristallisé les tensions, ont-ils tous les deux pointé.

Julien Flouriot a déploré que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) n'ait pas tranché sur l'établissement devant payer l'interne dans la foire aux questions qu'elle a mise en place pour aider les acteurs de terrain dans la gestion des internes. Il y a eu "des situations où aucun des deux hôpitaux ne voulait payer l’interne".

"Jusqu’au mois d’août, j’ai géré avec les directions des affaires médicales des hôpitaux d’Ile-de-France des internes qui n’ont pas été payés pendant 2 mois", a-t-il relaté. "Ces internes m’ont déjà dit qu'ils ne viendraient pas [pour la 2e vague]".

Justin Breysse a observé que l'Isni avait défendu le fait que l'établissement d'origine rémunère l'interne réaffecté.

Il a par ailleurs rapporté que près de la moitié (46%) des internes avaient déclaré avoir eu une mauvaise formation à la prévention du risque de contamination et à la prise en charge des patients pendant la 1re vague. Les internes auraient été 60% à se former eux-mêmes n'ayant accès à aucune formation dispensée par leur établissement. L'Isni a mis en place une plateforme numérique pour pallier ce manque.

Dans une enquête réalisée par l'Isni sur 980 internes, les deux tiers déclarent ne pas avoir eu de matériel de protection en quantité suffisante (masques, surblouses...) et seulement la moitié (53%) de ceux qui présentaient des symptômes du Covid ont pu accéder à des tests de dépistage.

"On sait que plus d’un interne sur deux qui connaissait son diagnostic positif au Covid a été obligé de travailler", a-t-il ajouté, remarquant que les arrêts maladie étaient en moyenne de 8 jours mais qu'il n'y avait aucun contrôle et que des internes ne se sont pas mis en arrêt en raison du manque de personnel.

"Il n'y aura plus de réserves"

Maintenant, il y a en plus la fatigue car de nombreux internes n'ont pas compté leurs heures et n'ont pas pu prendre des congés cet été, a observé Justin Breysse. "Il n’y aura plus de réserves comme on a pu avoir lors de la 1re vague", a-t-il mis en garde. "Enormément d’internes sont épuisés et ils ont compris que, s’ils allaient aider dans les services, ils se mettraient en danger, ils ne le feront plus".

Face aux difficultés administratives et financières et à la fatigue, qui s'ajoutent au ras le bol qui existait déjà avant la crise lié au manque de moyens, "leurs espoirs et leur volonté de directement aller au front" apparaissent désormais "un peu entachés", a renchéri Julien Fleuriot. "Ils iront mais je ne sais pas comment".

Justin Breysse a indiqué ne pas se faire d'illusion quant à une amélioration de la gestion des internes lors de la 2e vague, notamment à la lecture du Ségur de la santé qui a simplement permis aux internes d'être payés au smic horaire (cf dépêche du 17/07/2020 à 17:12 et dépêche du 22/09/2020 à 10:48). Il s'est déclaré "complètement pessimiste".

Les deux représentants des internes ont rappelé que dans 15 jours, arriveront 8.000 nouveaux internes dans toute la France.

Ils iront "au front" mais c'est "sur leur capacité" que Justin Breysse a "plus de doute". "Les 1ers jours de novembre vont [...] être une période particulière dans les hôpitaux" car ces nouveaux internes qui n'ont jamais eu de fonctions de prescripteur se retrouveront du jour au lendemain responsables de patients et "quasiment seuls dans les services", dans un contexte de Covid.

Julien Flouriot a aussi observé que les internes en année de recherche ne sont pas actuellement dans un laboratoire mais suivent des cours et sont donc moins facilement mobilisables.

Des réaffectations organisées par les internes

Justin Breysse est revenu sur la réaffectation des internes au début de la 1re vague, tout en déplorant que les internes ne soient "plus un interlocuteur de gestion de la crise sanitaire" pour les autorités.

D'habitude "nos rapports avec les instances nationales" sont "d’assez bonne qualité" mais, là il y a eu un "retard à l’allumage".

Il a indiqué avoir envoyé un courrier le 19 février, à l'issue d'un mouvement de grève "historique" contre le manque de moyens et de personnel (cf dépêche du 12/02/2020 à 17:48), afin de s'organiser mais n'avoir reçu une réponse et une proposition de rendez-vous que le 19 mars. Il déplore ce "mois de latence" sans consigne ni initiative de l'administration pour réaffecter les internes.

"Nous avons donc décidé de prendre l’initiative de ces réaffectations" car "les administrations ont été particulièrement absentes", a-t-il ajouté.

Il a été décidé de recenser les internes ainsi que leurs compétences et de lancer un appel à la mobilisation générale pour faire revenir ceux en vacances ou en année de recherche. "On ne voulait pas attendre les réquisitions" qui risquaient de les placer "au mauvais endroit au mauvais moment". "Nous avons dû créer nos propres cellules de crise pour organiser" les réaffectations, a indiqué Justin Breysse.

Afin d'obtenir les mesures réglementaires nécessaires aux réaffectations, un courrier a été cosigné par les conférences des doyens de faculté de médecine, des directeurs généraux de CHU et de présidents de commission médicale d'établissement (CME) de CHU, a-t-il indiqué. Mais il y a eu "une sorte de sidération" de l'administration avant d'y arriver et jusqu'au 18 mars, on mettait "en danger la responsabilité pénale" des internes. Cela a finalement conduit à la diffusion d'une instruction.

Il a également déploré l'absence de priorisation pour le rapatriement des internes à l’étranger. "On nous a renvoyés vers le ministère des affaires étrangères sans aucune aide pour rapatrier des forces sur le territoire".

Des rendez-vous hebdomadaires ont ensuite été organisés avec les cabinets des ministères de tutelle. Il a aussi été décidé de reporter d'un mois la fin du semestre.

Julien Flouriot a indiqué que dès le 16 mars, à l’instar des internes du Grand Est, les représentants des internes franciliens ont proposé à l’ARS de s’organiser eux-mêmes pour récolter tous les noms des volontaires et recenser leurs compétences. En 2 mois, cette démarche a permis de recenser 1.900 internes pour aider les services en difficultés, dont 1.200 en 48 heures.

Pour gérer ces mouvements au niveau de l'Ile-de-France, "on a recruté 31 internes" à temps plein (enceintes ou atteints de pathologies chroniques). "Ils ont pu rassembler un réseau de 250 internes à travers les hôpitaux" de la région, donnant des informations quotidiennes sur les tensions et les besoins de renforts, et "participer à près de 600 transferts dans les services en difficultés", a rapporté Julien Flouriot.

Le syndicat s'est aussi débrouillé pour obtenir des logements et des facilités de transports pour l’ensemble des internes envoyés dans les hôpitaux périphériques, grâce entre autres au soutien de la région Ile-de-France (conciergerie gratuite, logements notamment par le Crous et voitures mises à disposition).

Parallèlement, la cellule de soutien psychique et moral pour les internes franciliens a triplé ses effectifs pour aider les internes à faire face à l'anxiété liée au manque de matériel de protection et à la peur de se contaminer ou de contaminer des patients ou sa famille (cf dépêche du 22/05/2020 à 15:42).

Enfin, les deux représentants ont déploré l'impact de la crise sur la qualité de leur formation. Julien Flouriot a pris l'exemple des internes en chirurgie qui n'ont pu être correctement formés avec la fermeture des blocs et celui des internes qui voulaient être formés à la recherche mais ont rejoint un hôpital. Pour Justin Breysse, la seule solution serait de refaire "3 mois de formation" en plus à la fin de l'internat.

cb/cd/APMnews

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PARIS, 16 octobre 2020 (APMnews) - Deux représentants de syndicats d'internes ont fait part jeudi de leurs craintes sur la capacité des internes à aider lors de la 2e vague, en raison du calendrier de leur formation mais aussi des problèmes de rémunération rencontrés lors de la 1re vague, lors d'une audition au Sénat.

Le président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), Justin Breysse, et le président du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP), Julien Flouriot, ont été auditionnés par la commission d'enquête du Sénat "pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la Covid-19 et de sa gestion", présidée par Alain Milon (LR, Vaucluse).

Parmi les difficultés rencontrées lors de la 1re vague, Julien Flouriot a soulevé les lourdeurs administratives liées à la réaffectation d'internes dans un autre hôpital pour aider les services surchargés. "On a dû mettre en place un système de validation avec les directions des affaires médicales des hôpitaux, les coordonnateurs [de diplôme], les ARS [agences régionales de santé], ça a été dense pendant un moment", a-t-il observé.

Le sujet de la rémunération des internes en cas de changement d'hôpital a particulièrement cristallisé les tensions, ont-ils tous les deux pointé.

Julien Flouriot a déploré que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) n'ait pas tranché sur l'établissement devant payer l'interne dans la foire aux questions qu'elle a mise en place pour aider les acteurs de terrain dans la gestion des internes. Il y a eu "des situations où aucun des deux hôpitaux ne voulait payer l’interne".

"Jusqu’au mois d’août, j’ai géré avec les directions des affaires médicales des hôpitaux d’Ile-de-France des internes qui n’ont pas été payés pendant 2 mois", a-t-il relaté. "Ces internes m’ont déjà dit qu'ils ne viendraient pas [pour la 2e vague]".

Justin Breysse a observé que l'Isni avait défendu le fait que l'établissement d'origine rémunère l'interne réaffecté.

Il a par ailleurs rapporté que près de la moitié (46%) des internes avaient déclaré avoir eu une mauvaise formation à la prévention du risque de contamination et à la prise en charge des patients pendant la 1re vague. Les internes auraient été 60% à se former eux-mêmes n'ayant accès à aucune formation dispensée par leur établissement. L'Isni a mis en place une plateforme numérique pour pallier ce manque.

Dans une enquête réalisée par l'Isni sur 980 internes, les deux tiers déclarent ne pas avoir eu de matériel de protection en quantité suffisante (masques, surblouses...) et seulement la moitié (53%) de ceux qui présentaient des symptômes du Covid ont pu accéder à des tests de dépistage.

"On sait que plus d’un interne sur deux qui connaissait son diagnostic positif au Covid a été obligé de travailler", a-t-il ajouté, remarquant que les arrêts maladie étaient en moyenne de 8 jours mais qu'il n'y avait aucun contrôle et que des internes ne se sont pas mis en arrêt en raison du manque de personnel.

"Il n'y aura plus de réserves"

Maintenant, il y a en plus la fatigue car de nombreux internes n'ont pas compté leurs heures et n'ont pas pu prendre des congés cet été, a observé Justin Breysse. "Il n’y aura plus de réserves comme on a pu avoir lors de la 1re vague", a-t-il mis en garde. "Enormément d’internes sont épuisés et ils ont compris que, s’ils allaient aider dans les services, ils se mettraient en danger, ils ne le feront plus".

Face aux difficultés administratives et financières et à la fatigue, qui s'ajoutent au ras le bol qui existait déjà avant la crise lié au manque de moyens, "leurs espoirs et leur volonté de directement aller au front" apparaissent désormais "un peu entachés", a renchéri Julien Fleuriot. "Ils iront mais je ne sais pas comment".

Justin Breysse a indiqué ne pas se faire d'illusion quant à une amélioration de la gestion des internes lors de la 2e vague, notamment à la lecture du Ségur de la santé qui a simplement permis aux internes d'être payés au smic horaire (cf dépêche du 17/07/2020 à 17:12 et dépêche du 22/09/2020 à 10:48). Il s'est déclaré "complètement pessimiste".

Les deux représentants des internes ont rappelé que dans 15 jours, arriveront 8.000 nouveaux internes dans toute la France.

Ils iront "au front" mais c'est "sur leur capacité" que Justin Breysse a "plus de doute". "Les 1ers jours de novembre vont [...] être une période particulière dans les hôpitaux" car ces nouveaux internes qui n'ont jamais eu de fonctions de prescripteur se retrouveront du jour au lendemain responsables de patients et "quasiment seuls dans les services", dans un contexte de Covid.

Julien Flouriot a aussi observé que les internes en année de recherche ne sont pas actuellement dans un laboratoire mais suivent des cours et sont donc moins facilement mobilisables.

Des réaffectations organisées par les internes

Justin Breysse est revenu sur la réaffectation des internes au début de la 1re vague, tout en déplorant que les internes ne soient "plus un interlocuteur de gestion de la crise sanitaire" pour les autorités.

D'habitude "nos rapports avec les instances nationales" sont "d’assez bonne qualité" mais, là il y a eu un "retard à l’allumage".

Il a indiqué avoir envoyé un courrier le 19 février, à l'issue d'un mouvement de grève "historique" contre le manque de moyens et de personnel (cf dépêche du 12/02/2020 à 17:48), afin de s'organiser mais n'avoir reçu une réponse et une proposition de rendez-vous que le 19 mars. Il déplore ce "mois de latence" sans consigne ni initiative de l'administration pour réaffecter les internes.

"Nous avons donc décidé de prendre l’initiative de ces réaffectations" car "les administrations ont été particulièrement absentes", a-t-il ajouté.

Il a été décidé de recenser les internes ainsi que leurs compétences et de lancer un appel à la mobilisation générale pour faire revenir ceux en vacances ou en année de recherche. "On ne voulait pas attendre les réquisitions" qui risquaient de les placer "au mauvais endroit au mauvais moment". "Nous avons dû créer nos propres cellules de crise pour organiser" les réaffectations, a indiqué Justin Breysse.

Afin d'obtenir les mesures réglementaires nécessaires aux réaffectations, un courrier a été cosigné par les conférences des doyens de faculté de médecine, des directeurs généraux de CHU et de présidents de commission médicale d'établissement (CME) de CHU, a-t-il indiqué. Mais il y a eu "une sorte de sidération" de l'administration avant d'y arriver et jusqu'au 18 mars, on mettait "en danger la responsabilité pénale" des internes. Cela a finalement conduit à la diffusion d'une instruction.

Il a également déploré l'absence de priorisation pour le rapatriement des internes à l’étranger. "On nous a renvoyés vers le ministère des affaires étrangères sans aucune aide pour rapatrier des forces sur le territoire".

Des rendez-vous hebdomadaires ont ensuite été organisés avec les cabinets des ministères de tutelle. Il a aussi été décidé de reporter d'un mois la fin du semestre.

Julien Flouriot a indiqué que dès le 16 mars, à l’instar des internes du Grand Est, les représentants des internes franciliens ont proposé à l’ARS de s’organiser eux-mêmes pour récolter tous les noms des volontaires et recenser leurs compétences. En 2 mois, cette démarche a permis de recenser 1.900 internes pour aider les services en difficultés, dont 1.200 en 48 heures.

Pour gérer ces mouvements au niveau de l'Ile-de-France, "on a recruté 31 internes" à temps plein (enceintes ou atteints de pathologies chroniques). "Ils ont pu rassembler un réseau de 250 internes à travers les hôpitaux" de la région, donnant des informations quotidiennes sur les tensions et les besoins de renforts, et "participer à près de 600 transferts dans les services en difficultés", a rapporté Julien Flouriot.

Le syndicat s'est aussi débrouillé pour obtenir des logements et des facilités de transports pour l’ensemble des internes envoyés dans les hôpitaux périphériques, grâce entre autres au soutien de la région Ile-de-France (conciergerie gratuite, logements notamment par le Crous et voitures mises à disposition).

Parallèlement, la cellule de soutien psychique et moral pour les internes franciliens a triplé ses effectifs pour aider les internes à faire face à l'anxiété liée au manque de matériel de protection et à la peur de se contaminer ou de contaminer des patients ou sa famille (cf dépêche du 22/05/2020 à 15:42).

Enfin, les deux représentants ont déploré l'impact de la crise sur la qualité de leur formation. Julien Flouriot a pris l'exemple des internes en chirurgie qui n'ont pu être correctement formés avec la fermeture des blocs et celui des internes qui voulaient être formés à la recherche mais ont rejoint un hôpital. Pour Justin Breysse, la seule solution serait de refaire "3 mois de formation" en plus à la fin de l'internat.

cb/cd/APMnews

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