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COVID-19: L'ANCIEN DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SANTÉ WILLIAM DAB ÉMET DES DOUTES SUR L'INTÉRÊT DU CONFINEMENT GÉNÉRALISÉ
William Dab a été DGS d'août 2003 à mars 2005, après avoir été conseiller technique, en charge du pôle santé publique et sécurité sanitaire au cabinet de l'ancien ministre de la santé Jean-François Mattei, entre juillet 2002 et août 2003.
"Mon constat est que l'OMS [Organisation mondiale de la santé] a déclenché l'urgence de santé publique de portée internationale le 30 janvier et que jusqu'au 16 mars, il ne s'est pas passé grand-chose dans notre pays", a déclaré William Dab devant la commission d'enquête sur l'impact, la gestion et les conséquences de l'épidémie de coronavirus.
Pour lui, la France en a fait à la fois "trop" et "pas assez".
Tout en reconnaissant qu'il ne savait pas ce qu'il aurait décidé lui-même s'il était au pouvoir, il a craint que la France en ait "trop fait car si l'objet du confinement était de soulager les tensions hospitalières, il était logique de le faire dans 3 régions, et pas dans les autres".
Il a expliqué qu'il notait "un problème de cohérence du discours". "Soit on nous dit, 'nous voulons stopper la circulation virale en France et il est logique de confiner tout le monde', soit on dit, 'le but du confinement est d'éviter l'effondrement hospitalier', et je dis que la décision n'était pas cohérente avec ce but", a-t-il détaillé.
"C'est pareil pour le déconfinement, certaines régions auraient pu être déconfinées plus vite que d'autres", a-t-il ajouté par la suite.
L'ancien DGS a estimé que la France avait été "remarquable dans le domaine des soins". "Nous sommes un des pays où il y a eu le moins de perte de chance", a-t-il affirmé.
Mais la France n'en a "pas fait assez" car "nous étions en déficit de capacités d'action sur le terrain", a-t-il poursuivi.
Considérant comme "frappant que 6 semaines après le début du confinement", il y ait encore "plusieurs milliers de patients hospitalisés chaque jour", il a constaté que Santé publique France "ne pouvait investiguer" pour savoir où ces personnes avaient été contaminées. Il a jugé qu'il aurait fallu "adapter le plan de pandémie grippale" dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une épidémie de grippe.
Il s'est montré aussi très critique sur l'absence de préparation du pays à une telle pandémie qui était pourtant "inévitable".
Au-delà d'aspects conjoncturels, comme le manque de masques ou de tests, "il y a deux raisons structurelles qui s'additionnent" pour expliquer ce manque de préparation puis d'action sur le terrain et qui sont "la faiblesse du domaine de la santé publique en France et une vision comptable des missions de l'Etat".
"En France, la santé publique a toujours été prise comme un secteur purement administratif et sans valeur ajoutée". "Si nous disposons aujourd'hui d'une expertise de santé publique qui est bonne, nous avons une grande faiblesse des forces sur le terrain." "C'est là que nous rencontrons des difficultés de gestion", a-t-il affirmé.
Il a observé que Santé publique France avait "perdu 20% de ses postes". Mais si ses "ressources ont diminué", ses "missions sont restées les mêmes", a-t-il souligné en considérant que cela conduit à "un pilotage par les moyens, plus que par les objectifs".
"Tout cela fait que collectivement, nous avons du mal à apprendre, malgré les alertes comme le Sras, H1N1, Ebola, la vache folle [...] C'est comme si, nous n'apprenions pas et nous avions beaucoup de chance", a-t-il déploré. "Notre difficulté à faire un retour d'expérience est la grande raison pour laquelle la France s'est retrouvée dans cette situation", a-t-il ajouté.
William Dab a cependant reconnu la difficulté à gérer la situation actuelle du fait des "nombreuses incertitudes" qui demeurent sur, par exemple, l'efficacité réelle des masques, la mutation éventuelle du virus, son caractère éventuellement saisonnier ou encore son mode de transmission éventuel par aérosol.
Mais c'était "une véritable erreur de diagnostic de présenter l'épidémie de Covid-19 comme une épidémie de grippe", s'est-il insurgé.
Interrogé sur la canicule de l'été 2003, William Dab qui était au ministère de la santé à cette période (au cabinet de Jean-François Mattei puis à la DGS), a précisé que le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, établi par la suite, a souligné "le rôle que j'ai joué et le fait que j'ai été le premier à donner l'alerte".
"Je savais comme épidémiologiste que les vagues de chaleur étaient à risque de mortalité important mais 19.000 morts, non, cela ne m'a jamais traversé l'esprit", a-t-il cependant reconnu. Il a ajouté qu'en tant que DGS, il avait eu une lettre de mission lui demandant de préparer des plans de préparation à des situations d'urgence.
Le premier plan établi a été le plan canicule qui est appliqué depuis chaque année, a été "amélioré" et "adapté" et a permis de "sauver énormément de vies", a-t-il souligné.
Lancer un grand plan de formation de professionnels de santé publique
Pour l'ancien DGS, il est aujourd'hui "urgent de lancer un très grand plan de formation de professionnels de santé publique", l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) pouvant "y participer grandement" avec d'autres établissements d'enseignement supérieur. "Si nous prenons des gens qui ont déjà une formation de base dans le domaine de la santé, on peut les amener à être intervenants en santé publique en 18 mois à 2 ans."
"Rien ne coûte moins cher que la prévention", a insisté William Dab. "Ce qu'il nous fallait en moyens de santé publique est sans commune mesure à ce que vont coûter ces deux mois de confinement."
"Il faut savoir prendre des risques en sécurité sanitaire, il faut parfois investir et quand on investit en prévention, on gagne." "Il ne faut pas changer sans arrêt mais avoir une continuité", a-t-il ajouté en réponse à une question sur les stocks de masques.
Une coordination nationale de la recherche clinique "aurait été nécessaire"
Interrogé sur la gouvernance scientifique mise en place à l'occasion de la crise créée par l'épidémie de Covid-19, le médecin a souligné le "travail extraordinaire" effectué par le comité scientifique, présidé par le Pr Jean-François Delfraissy. "Ce que [ses membres] ont dit n'est pas sujet à controverses", a-t-il déclaré.
Il a cependant estimé que dans ce type de situation de tension, il faut "résister aux tentations" de création de nouveaux organismes. "J'aurai plutôt essayé un comité de liaison, entre l'Inserm, le CNRS, les académies, le Haut conseil de la santé publique [HCSP], la Haute autorité de santé [HAS], les présidents des comités scientifiques des agences". "Ceci aurait permis de donner une feuille de route à chacun des organismes, d'avoir un bureau de coordination de l'expertise", a-t-il justifié.
William Dab a surtout critiqué le pilotage de la recherche sur le Covid. Dans ce domaine, "nous avons perdu en efficacité". "En particulier, le pilotage des essais thérapeutiques n'a pas été suffisamment fort, du coup, il y a eu des doublons, on a manqué de patients pour faire tous les essais prévus."
"En recherche clinique, une coordination nationale de toutes les ressources aurait vraiment été nécessaire", a-t-il insisté.
Sur hydroxychloroquine (Plaquenil*, Sanofi), "je regrette amèrement qu'on ait vendu dans les médias, y compris par pétition, sa prescription", a déclaré William Dab. "Moyennant quoi, comme on a fait un battage médiatique avant d'avoir la preuve, tout le monde s'est rué sur le médicament et tous les essais thérapeutiques ont été sabotés".
"Quand on regarde les dossiers, on n'a franchement pas l'impression que c'est le traitement miracle qu'on nous a vendu", a-t-il poursuivi. En revanche, "avec la dexaméthasone, on a une piste extrêmement sérieuse de réduction de la mortalité du Covid".
san/ab/APMnews
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COVID-19: L'ANCIEN DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SANTÉ WILLIAM DAB ÉMET DES DOUTES SUR L'INTÉRÊT DU CONFINEMENT GÉNÉRALISÉ
William Dab a été DGS d'août 2003 à mars 2005, après avoir été conseiller technique, en charge du pôle santé publique et sécurité sanitaire au cabinet de l'ancien ministre de la santé Jean-François Mattei, entre juillet 2002 et août 2003.
"Mon constat est que l'OMS [Organisation mondiale de la santé] a déclenché l'urgence de santé publique de portée internationale le 30 janvier et que jusqu'au 16 mars, il ne s'est pas passé grand-chose dans notre pays", a déclaré William Dab devant la commission d'enquête sur l'impact, la gestion et les conséquences de l'épidémie de coronavirus.
Pour lui, la France en a fait à la fois "trop" et "pas assez".
Tout en reconnaissant qu'il ne savait pas ce qu'il aurait décidé lui-même s'il était au pouvoir, il a craint que la France en ait "trop fait car si l'objet du confinement était de soulager les tensions hospitalières, il était logique de le faire dans 3 régions, et pas dans les autres".
Il a expliqué qu'il notait "un problème de cohérence du discours". "Soit on nous dit, 'nous voulons stopper la circulation virale en France et il est logique de confiner tout le monde', soit on dit, 'le but du confinement est d'éviter l'effondrement hospitalier', et je dis que la décision n'était pas cohérente avec ce but", a-t-il détaillé.
"C'est pareil pour le déconfinement, certaines régions auraient pu être déconfinées plus vite que d'autres", a-t-il ajouté par la suite.
L'ancien DGS a estimé que la France avait été "remarquable dans le domaine des soins". "Nous sommes un des pays où il y a eu le moins de perte de chance", a-t-il affirmé.
Mais la France n'en a "pas fait assez" car "nous étions en déficit de capacités d'action sur le terrain", a-t-il poursuivi.
Considérant comme "frappant que 6 semaines après le début du confinement", il y ait encore "plusieurs milliers de patients hospitalisés chaque jour", il a constaté que Santé publique France "ne pouvait investiguer" pour savoir où ces personnes avaient été contaminées. Il a jugé qu'il aurait fallu "adapter le plan de pandémie grippale" dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une épidémie de grippe.
Il s'est montré aussi très critique sur l'absence de préparation du pays à une telle pandémie qui était pourtant "inévitable".
Au-delà d'aspects conjoncturels, comme le manque de masques ou de tests, "il y a deux raisons structurelles qui s'additionnent" pour expliquer ce manque de préparation puis d'action sur le terrain et qui sont "la faiblesse du domaine de la santé publique en France et une vision comptable des missions de l'Etat".
"En France, la santé publique a toujours été prise comme un secteur purement administratif et sans valeur ajoutée". "Si nous disposons aujourd'hui d'une expertise de santé publique qui est bonne, nous avons une grande faiblesse des forces sur le terrain." "C'est là que nous rencontrons des difficultés de gestion", a-t-il affirmé.
Il a observé que Santé publique France avait "perdu 20% de ses postes". Mais si ses "ressources ont diminué", ses "missions sont restées les mêmes", a-t-il souligné en considérant que cela conduit à "un pilotage par les moyens, plus que par les objectifs".
"Tout cela fait que collectivement, nous avons du mal à apprendre, malgré les alertes comme le Sras, H1N1, Ebola, la vache folle [...] C'est comme si, nous n'apprenions pas et nous avions beaucoup de chance", a-t-il déploré. "Notre difficulté à faire un retour d'expérience est la grande raison pour laquelle la France s'est retrouvée dans cette situation", a-t-il ajouté.
William Dab a cependant reconnu la difficulté à gérer la situation actuelle du fait des "nombreuses incertitudes" qui demeurent sur, par exemple, l'efficacité réelle des masques, la mutation éventuelle du virus, son caractère éventuellement saisonnier ou encore son mode de transmission éventuel par aérosol.
Mais c'était "une véritable erreur de diagnostic de présenter l'épidémie de Covid-19 comme une épidémie de grippe", s'est-il insurgé.
Interrogé sur la canicule de l'été 2003, William Dab qui était au ministère de la santé à cette période (au cabinet de Jean-François Mattei puis à la DGS), a précisé que le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, établi par la suite, a souligné "le rôle que j'ai joué et le fait que j'ai été le premier à donner l'alerte".
"Je savais comme épidémiologiste que les vagues de chaleur étaient à risque de mortalité important mais 19.000 morts, non, cela ne m'a jamais traversé l'esprit", a-t-il cependant reconnu. Il a ajouté qu'en tant que DGS, il avait eu une lettre de mission lui demandant de préparer des plans de préparation à des situations d'urgence.
Le premier plan établi a été le plan canicule qui est appliqué depuis chaque année, a été "amélioré" et "adapté" et a permis de "sauver énormément de vies", a-t-il souligné.
Lancer un grand plan de formation de professionnels de santé publique
Pour l'ancien DGS, il est aujourd'hui "urgent de lancer un très grand plan de formation de professionnels de santé publique", l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) pouvant "y participer grandement" avec d'autres établissements d'enseignement supérieur. "Si nous prenons des gens qui ont déjà une formation de base dans le domaine de la santé, on peut les amener à être intervenants en santé publique en 18 mois à 2 ans."
"Rien ne coûte moins cher que la prévention", a insisté William Dab. "Ce qu'il nous fallait en moyens de santé publique est sans commune mesure à ce que vont coûter ces deux mois de confinement."
"Il faut savoir prendre des risques en sécurité sanitaire, il faut parfois investir et quand on investit en prévention, on gagne." "Il ne faut pas changer sans arrêt mais avoir une continuité", a-t-il ajouté en réponse à une question sur les stocks de masques.
Une coordination nationale de la recherche clinique "aurait été nécessaire"
Interrogé sur la gouvernance scientifique mise en place à l'occasion de la crise créée par l'épidémie de Covid-19, le médecin a souligné le "travail extraordinaire" effectué par le comité scientifique, présidé par le Pr Jean-François Delfraissy. "Ce que [ses membres] ont dit n'est pas sujet à controverses", a-t-il déclaré.
Il a cependant estimé que dans ce type de situation de tension, il faut "résister aux tentations" de création de nouveaux organismes. "J'aurai plutôt essayé un comité de liaison, entre l'Inserm, le CNRS, les académies, le Haut conseil de la santé publique [HCSP], la Haute autorité de santé [HAS], les présidents des comités scientifiques des agences". "Ceci aurait permis de donner une feuille de route à chacun des organismes, d'avoir un bureau de coordination de l'expertise", a-t-il justifié.
William Dab a surtout critiqué le pilotage de la recherche sur le Covid. Dans ce domaine, "nous avons perdu en efficacité". "En particulier, le pilotage des essais thérapeutiques n'a pas été suffisamment fort, du coup, il y a eu des doublons, on a manqué de patients pour faire tous les essais prévus."
"En recherche clinique, une coordination nationale de toutes les ressources aurait vraiment été nécessaire", a-t-il insisté.
Sur hydroxychloroquine (Plaquenil*, Sanofi), "je regrette amèrement qu'on ait vendu dans les médias, y compris par pétition, sa prescription", a déclaré William Dab. "Moyennant quoi, comme on a fait un battage médiatique avant d'avoir la preuve, tout le monde s'est rué sur le médicament et tous les essais thérapeutiques ont été sabotés".
"Quand on regarde les dossiers, on n'a franchement pas l'impression que c'est le traitement miracle qu'on nous a vendu", a-t-il poursuivi. En revanche, "avec la dexaméthasone, on a une piste extrêmement sérieuse de réduction de la mortalité du Covid".
san/ab/APMnews