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08/06 2020
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COVID-19: L'ARS ILE-DE-FRANCE "A INVENTÉ DES DISPOSITIFS QUI N'ÉTAIENT PAS DANS SON COEUR DE MÉTIER" (AURÉLIEN ROUSSEAU)

(Propos recueillis par Maryannick LE BRIS)

PARIS, 8 juin 2020 (APMnews) - L'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France a transformé son organisation et "inventé des dispositifs qui n'étaient pas dans son coeur de métier" pour adapter les réponses sanitaires à la crise du Covid-19, a expliqué son directeur général, Aurélien Rousseau, vendredi dans un entretien à APMnews, estimant que cette agilité fait partie des enseignements à tirer de la pandémie.

APMnews: Quel bilan tirez-vous de la façon dont l'ARS a traversé la crise sanitaire?

Aurélien Rousseau, directeur général de l'ARS Ile-de-France
Aurélien Rousseau, directeur général de l'ARS Ile-de-France

Aurélien Rousseau: Il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif. Mais il est sûr que la crise a cristallisé beaucoup de sujets que l’on avait identifiés, notamment le lien entre la ville et l’hôpital, entre l’hôpital et le médico-social, la puissance de l’outil numérique… Elle a permis de voir que l’on était sur la bonne voie et de franchir certains obstacles. L’ARS a été le lieu de régulation de ces questions.

La régulation s’est notamment traduite par l'association, depuis le début, des établissements publics, privés et privés solidaires aux conférences téléphoniques que le directeur de l'offre de soins, Didier Jaffre, a tenues chaque jour. Quand il a fallu trouver plus de 1.000 lits de réanimation supplémentaires [pour passer d'une capacité de 1.200 à 3.000 lits, ndlr], le privé a donc pris sa place. Il en est de même pour le dispositif mis en oeuvre pour connaître les stocks de médicaments en temps réel.

Il ne s'est pas seulement agi de coordination, mais aussi d'action, par exemple pour venir en soutien des Ehpad [établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes]. Une centaine de doctrines ont été travaillées avec les sociétés savantes et les acteurs de terrain pour venir en appui des établissements.

A-t-on été capables de gérer la crise? Pour moi la réponse est incontestablement oui. Les ARS sont aussi nées des grandes difficultés à gérer certaines crises sanitaires, comme celle du H1N1. Elles gèrent des crises depuis leurs débuts.

L’organisation de la montée en puissance des capacités en réanimation, de l’affectation des respirateurs, du contrôle de l’affectation des médicaments, ont relevé de la responsabilité de l’agence, de même que le pilotage des évacuations sanitaires, le lancement d’une plateforme de renforts, que l'on a montée en cinq jours avec une start-up.

On a inventé des dispositifs qui n’étaient pas dans notre coeur de métier. Quand j’ai décidé de lancer un appel aux dons pour les masques afin de compléter le dispositif d’affectation qui était piloté par le national, on a inventé une nouvelle mission de logistique. Elle a ici mobilisé 40 personnes, de l’agence et des renforts, des militaires de l’opération résilience ou encore des personnels de la brigade des sapeurs-pompiers.

L'agence a réinventé son fonctionnement en permanence, fait exploser ses organisations pour s'organiser en cellules. On a eu une cellule qui s’est occupée des enjeux funéraires, car cela a été une préoccupation majeure pour les établissements. L’ARS a aussi appris le décloisonnement interne, ce sur quoi nous allons devoir aussi capitaliser.

Le secteur privé n'a-t-il pas tardé à être mobilisé?

Je ne considère pas qu'il y a eu du retard dans cette mobilisation. Quand les activités ont été déprogrammées, les établissements privés n’ont pas eu de malades tout de suite, pendant une dizaine de jours, en raison de la stratégie de régulation, selon laquelle les établissements de référence ont d'abord été mobilisés, puis les établissements de deuxième ligne, et ensuite les autres ressources. En Ile-de-France, le secteur privé a contribué à l’effort de montée en charge à hauteur de 18% des lits de réanimation.

L'ARS est-elle toujours sur un fonctionnement de crise?

Oui, car la crise n'est pas terminée. Tandis que certaines sont désarmées, les cellules consacrées à l'organisation du tracing de niveau 3 [clusters et cas complexes] et au pilotage des tests PCR ont pris un poids majeur (cf dépêche du 08/06/2020 à 16:17). La semaine prochaine sera mise en place une cellule dédiée au traitement accéléré de toutes les réclamations reçues des usagers.

La cellule bed management est revenue à un fonctionnement avec nos agents, alors qu'elle a réuni jusqu'à 40 personnes, après que j'ai passé un appel au volontariat début mars, notamment parce que nous avions eu 80 personnes contaminées dans nos équipes. C'est ainsi que Guillaume Wasmer [directeur marketing stratégique et projets santé de Nehs, ndlr] est resté un mois pour copiloter la cellule, son groupe mutualiste ayant accepté de le mettre à disposition.

Nous avons eu beaucoup de renforts -venus de l'Anap [Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux] pour armer la cellule bed management, du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes, de l'Igas [Inspection générale des affaires sociales], dont Mathias Albertone [ancien sous-directeur des ressources humaines du système de santé à la direction générale de l'offre de soins -DGOS], qui est aussi venu nous prêter main forte. Nous avons encore aujourd'hui une quarantaine de renforts présents.

Les difficultés sur les masques, sujet sur lequel les collectivités locales sont intervenues, illustrent pour certains le manque d'agilité des ARS...

Les ARS n’ont jamais été en charge de l’approvisionnement en masques, qui est parti du stock stratégique national. L’idée un temps caressée, dans les années 2010, de mettre en place un stock tactique dans les agences n’a jamais été mise en oeuvre.

Nous avons eu pour mission d'intervenir en appui. Nous avons vérifié qu'une fois les stocks arrivés dans les GHT [groupements hospitaliers de territoire], la distribution était bien assurée, vers les Ehpad par exemple. Par ailleurs, nous avons eu la volonté d’organiser la récolte de dons de masques, dont ceux issus des collectivités qui ont décidé au début de la crise de donner une partie de leur stock au bénéfice des soignants, ce qui a été très précieux.

A l'ARS Ile-de-France, ce sont en tout 10 millions de masques que l’on a récupérés en dons, et que l’on a redistribués immédiatement, en soutien par exemple des établissements médico-sociaux dont la dotation initiale mettait quelques jours à arriver.

Les collectivités se sont effectivement ensuite mobilisées en achetant des masques. La période où elles ont obtenu des commandes importantes correspond à celle à laquelle l’Etat avait réussi à rouvrir des canaux d’approvisionnement pour les soignants.

S'agissant de l'agilité de l'agence, 400 personnes sont restées sur le pont, au siège et dans les délégations départementales. Certains agents ont transformé leur métier. On a réussi à faire des choses dont je ne nous pensais pas capables. On a pris aussi, avec une part d'autonomie, des décisions extrêmement rapidement face aux urgences. Je souhaite que cette agilité soit projetée dans le futur, dans la perspective de l'ARS de demain.

Concernant les Ehpad, les difficultés à avoir des informations ont donné un sentiment d'opacité.

La situation diffère de celle du secteur sanitaire, d'abord parce qu'il y a 700 Ehpad dans la région. Il n’existait pas pour eux de système de remontées d'information. Une autre difficulté était liée à l’hésitation d'attribuer ou non les décès au Covid, notamment pour des patients en fin de vie. Nous avons mis en place très rapidement un questionnaire destiné aux directeurs d'Ehpad pour faire remonter leur situation, leurs besoins et les cas déclarés. Ayant eu assez peu de retours sur ce questionnaire traité à la main, on a mis en place un système d'information, avant la création du système d’information national.

Très tôt, à l’ARS, on a appelé tous les jours, pendant deux mois, tous les Ehpad de la région. On a envoyé 3.000 personnes en renfort, renforcé les 29 filières gériatriques, financé des postes, de médecins coordonnateurs ou d'infirmières de nuit. J'ai pris la décision de faire tester systématiquement les personnels et les résidents de tous les Ehpad de la région (cf dépêche du 02/06/2020 à 17:11)… Je ne dis pas que tout a été parfait, mais aucun des Ehpad ne s’est retrouvé enfermé dans un huis clos.

Par ailleurs, l’hôpital n’a jamais tourné le dos aux Ehpad. La médiane d’âge des patients en réanimation n’a pas bougé pendant l'épidémie, elle est restée entre 60 et 61. Cela veut dire qu’il n’y a pas eu de régulation au détriment des personnes âgées dépendantes.

A partir des enseignements de la crise, quelles évolutions envisager pour l'ARS?

S'il est encore trop tôt pour tirer tous les enseignements, l’enjeu de la territorialisation, du contact avec les acteurs locaux, de la construction de coalitions pour faire face à une situation de crise, est évident.

A l'agence, la moitié des effectifs sont en délégations départementales. Celles-ci ont été des acteurs majeurs pour informer, construire avec les élus des réponses. J’ai donné aux délégations une obligation de résultat, mais elles ont choisi les moyens et l’organisation les plus efficaces en fonction des situations et des acteurs locaux.

Il faudra donc sans doute consolider, renforcer le rôle des délégations. Depuis janvier, les délégués départementaux sont d'ailleurs des directeurs de délégations, qui sont des emplois fonctionnels, signe du renforcement de leur place et de leur autorité.

La territorialisation, axe majeur de notre projet stratégique, est cependant aussi de la responsabilité du siège d’apprendre à mieux différencier, à mieux s’adapter.

L'approche régionale a été décisive dans la réponse sanitaire, et on a vu l'efficacité de la coopération du public et du privé quand elle se fait dans la transparence et la loyauté. L'hôpital est sorti de ses murs, avec les opérations de dépistage et les dispositifs de suivi à domicile.

Je sortirai également de cette crise avec la conviction que l’on doit renforcer encore nos politiques de santé publique et nos politiques de lutte contre les inégalités, parce que c’est ce qui prend à la gorge quand on voit les surmortalités exceptionnelles constatées dans certains territoires. C’est là que le lien renforcé notamment avec les collectivités va nous être utile, pour projeter des politiques encore plus proches des populations.

La nation sait encore plus ce qu’elle doit à ses soignants. Beaucoup de sujets existaient avant, mais la crise a imposé qu’il est indispensable d’apporter les réponses.

L'agence doit désormais tirer les conclusions de ses actions et de son organisation, de ce qu'elle a réussi et moins réussi. Nous devons aussi être partie prenante et organisateur de la remontée de propositions et d’initiatives dans le cadre du "Ségur de la santé".

mlb/ab/APMnews

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(Propos recueillis par Maryannick LE BRIS)

PARIS, 8 juin 2020 (APMnews) - L'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France a transformé son organisation et "inventé des dispositifs qui n'étaient pas dans son coeur de métier" pour adapter les réponses sanitaires à la crise du Covid-19, a expliqué son directeur général, Aurélien Rousseau, vendredi dans un entretien à APMnews, estimant que cette agilité fait partie des enseignements à tirer de la pandémie.

APMnews: Quel bilan tirez-vous de la façon dont l'ARS a traversé la crise sanitaire?

Aurélien Rousseau, directeur général de l'ARS Ile-de-France
Aurélien Rousseau, directeur général de l'ARS Ile-de-France

Aurélien Rousseau: Il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif. Mais il est sûr que la crise a cristallisé beaucoup de sujets que l’on avait identifiés, notamment le lien entre la ville et l’hôpital, entre l’hôpital et le médico-social, la puissance de l’outil numérique… Elle a permis de voir que l’on était sur la bonne voie et de franchir certains obstacles. L’ARS a été le lieu de régulation de ces questions.

La régulation s’est notamment traduite par l'association, depuis le début, des établissements publics, privés et privés solidaires aux conférences téléphoniques que le directeur de l'offre de soins, Didier Jaffre, a tenues chaque jour. Quand il a fallu trouver plus de 1.000 lits de réanimation supplémentaires [pour passer d'une capacité de 1.200 à 3.000 lits, ndlr], le privé a donc pris sa place. Il en est de même pour le dispositif mis en oeuvre pour connaître les stocks de médicaments en temps réel.

Il ne s'est pas seulement agi de coordination, mais aussi d'action, par exemple pour venir en soutien des Ehpad [établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes]. Une centaine de doctrines ont été travaillées avec les sociétés savantes et les acteurs de terrain pour venir en appui des établissements.

A-t-on été capables de gérer la crise? Pour moi la réponse est incontestablement oui. Les ARS sont aussi nées des grandes difficultés à gérer certaines crises sanitaires, comme celle du H1N1. Elles gèrent des crises depuis leurs débuts.

L’organisation de la montée en puissance des capacités en réanimation, de l’affectation des respirateurs, du contrôle de l’affectation des médicaments, ont relevé de la responsabilité de l’agence, de même que le pilotage des évacuations sanitaires, le lancement d’une plateforme de renforts, que l'on a montée en cinq jours avec une start-up.

On a inventé des dispositifs qui n’étaient pas dans notre coeur de métier. Quand j’ai décidé de lancer un appel aux dons pour les masques afin de compléter le dispositif d’affectation qui était piloté par le national, on a inventé une nouvelle mission de logistique. Elle a ici mobilisé 40 personnes, de l’agence et des renforts, des militaires de l’opération résilience ou encore des personnels de la brigade des sapeurs-pompiers.

L'agence a réinventé son fonctionnement en permanence, fait exploser ses organisations pour s'organiser en cellules. On a eu une cellule qui s’est occupée des enjeux funéraires, car cela a été une préoccupation majeure pour les établissements. L’ARS a aussi appris le décloisonnement interne, ce sur quoi nous allons devoir aussi capitaliser.

Le secteur privé n'a-t-il pas tardé à être mobilisé?

Je ne considère pas qu'il y a eu du retard dans cette mobilisation. Quand les activités ont été déprogrammées, les établissements privés n’ont pas eu de malades tout de suite, pendant une dizaine de jours, en raison de la stratégie de régulation, selon laquelle les établissements de référence ont d'abord été mobilisés, puis les établissements de deuxième ligne, et ensuite les autres ressources. En Ile-de-France, le secteur privé a contribué à l’effort de montée en charge à hauteur de 18% des lits de réanimation.

L'ARS est-elle toujours sur un fonctionnement de crise?

Oui, car la crise n'est pas terminée. Tandis que certaines sont désarmées, les cellules consacrées à l'organisation du tracing de niveau 3 [clusters et cas complexes] et au pilotage des tests PCR ont pris un poids majeur (cf dépêche du 08/06/2020 à 16:17). La semaine prochaine sera mise en place une cellule dédiée au traitement accéléré de toutes les réclamations reçues des usagers.

La cellule bed management est revenue à un fonctionnement avec nos agents, alors qu'elle a réuni jusqu'à 40 personnes, après que j'ai passé un appel au volontariat début mars, notamment parce que nous avions eu 80 personnes contaminées dans nos équipes. C'est ainsi que Guillaume Wasmer [directeur marketing stratégique et projets santé de Nehs, ndlr] est resté un mois pour copiloter la cellule, son groupe mutualiste ayant accepté de le mettre à disposition.

Nous avons eu beaucoup de renforts -venus de l'Anap [Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux] pour armer la cellule bed management, du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes, de l'Igas [Inspection générale des affaires sociales], dont Mathias Albertone [ancien sous-directeur des ressources humaines du système de santé à la direction générale de l'offre de soins -DGOS], qui est aussi venu nous prêter main forte. Nous avons encore aujourd'hui une quarantaine de renforts présents.

Les difficultés sur les masques, sujet sur lequel les collectivités locales sont intervenues, illustrent pour certains le manque d'agilité des ARS...

Les ARS n’ont jamais été en charge de l’approvisionnement en masques, qui est parti du stock stratégique national. L’idée un temps caressée, dans les années 2010, de mettre en place un stock tactique dans les agences n’a jamais été mise en oeuvre.

Nous avons eu pour mission d'intervenir en appui. Nous avons vérifié qu'une fois les stocks arrivés dans les GHT [groupements hospitaliers de territoire], la distribution était bien assurée, vers les Ehpad par exemple. Par ailleurs, nous avons eu la volonté d’organiser la récolte de dons de masques, dont ceux issus des collectivités qui ont décidé au début de la crise de donner une partie de leur stock au bénéfice des soignants, ce qui a été très précieux.

A l'ARS Ile-de-France, ce sont en tout 10 millions de masques que l’on a récupérés en dons, et que l’on a redistribués immédiatement, en soutien par exemple des établissements médico-sociaux dont la dotation initiale mettait quelques jours à arriver.

Les collectivités se sont effectivement ensuite mobilisées en achetant des masques. La période où elles ont obtenu des commandes importantes correspond à celle à laquelle l’Etat avait réussi à rouvrir des canaux d’approvisionnement pour les soignants.

S'agissant de l'agilité de l'agence, 400 personnes sont restées sur le pont, au siège et dans les délégations départementales. Certains agents ont transformé leur métier. On a réussi à faire des choses dont je ne nous pensais pas capables. On a pris aussi, avec une part d'autonomie, des décisions extrêmement rapidement face aux urgences. Je souhaite que cette agilité soit projetée dans le futur, dans la perspective de l'ARS de demain.

Concernant les Ehpad, les difficultés à avoir des informations ont donné un sentiment d'opacité.

La situation diffère de celle du secteur sanitaire, d'abord parce qu'il y a 700 Ehpad dans la région. Il n’existait pas pour eux de système de remontées d'information. Une autre difficulté était liée à l’hésitation d'attribuer ou non les décès au Covid, notamment pour des patients en fin de vie. Nous avons mis en place très rapidement un questionnaire destiné aux directeurs d'Ehpad pour faire remonter leur situation, leurs besoins et les cas déclarés. Ayant eu assez peu de retours sur ce questionnaire traité à la main, on a mis en place un système d'information, avant la création du système d’information national.

Très tôt, à l’ARS, on a appelé tous les jours, pendant deux mois, tous les Ehpad de la région. On a envoyé 3.000 personnes en renfort, renforcé les 29 filières gériatriques, financé des postes, de médecins coordonnateurs ou d'infirmières de nuit. J'ai pris la décision de faire tester systématiquement les personnels et les résidents de tous les Ehpad de la région (cf dépêche du 02/06/2020 à 17:11)… Je ne dis pas que tout a été parfait, mais aucun des Ehpad ne s’est retrouvé enfermé dans un huis clos.

Par ailleurs, l’hôpital n’a jamais tourné le dos aux Ehpad. La médiane d’âge des patients en réanimation n’a pas bougé pendant l'épidémie, elle est restée entre 60 et 61. Cela veut dire qu’il n’y a pas eu de régulation au détriment des personnes âgées dépendantes.

A partir des enseignements de la crise, quelles évolutions envisager pour l'ARS?

S'il est encore trop tôt pour tirer tous les enseignements, l’enjeu de la territorialisation, du contact avec les acteurs locaux, de la construction de coalitions pour faire face à une situation de crise, est évident.

A l'agence, la moitié des effectifs sont en délégations départementales. Celles-ci ont été des acteurs majeurs pour informer, construire avec les élus des réponses. J’ai donné aux délégations une obligation de résultat, mais elles ont choisi les moyens et l’organisation les plus efficaces en fonction des situations et des acteurs locaux.

Il faudra donc sans doute consolider, renforcer le rôle des délégations. Depuis janvier, les délégués départementaux sont d'ailleurs des directeurs de délégations, qui sont des emplois fonctionnels, signe du renforcement de leur place et de leur autorité.

La territorialisation, axe majeur de notre projet stratégique, est cependant aussi de la responsabilité du siège d’apprendre à mieux différencier, à mieux s’adapter.

L'approche régionale a été décisive dans la réponse sanitaire, et on a vu l'efficacité de la coopération du public et du privé quand elle se fait dans la transparence et la loyauté. L'hôpital est sorti de ses murs, avec les opérations de dépistage et les dispositifs de suivi à domicile.

Je sortirai également de cette crise avec la conviction que l’on doit renforcer encore nos politiques de santé publique et nos politiques de lutte contre les inégalités, parce que c’est ce qui prend à la gorge quand on voit les surmortalités exceptionnelles constatées dans certains territoires. C’est là que le lien renforcé notamment avec les collectivités va nous être utile, pour projeter des politiques encore plus proches des populations.

La nation sait encore plus ce qu’elle doit à ses soignants. Beaucoup de sujets existaient avant, mais la crise a imposé qu’il est indispensable d’apporter les réponses.

L'agence doit désormais tirer les conclusions de ses actions et de son organisation, de ce qu'elle a réussi et moins réussi. Nous devons aussi être partie prenante et organisateur de la remontée de propositions et d’initiatives dans le cadre du "Ségur de la santé".

mlb/ab/APMnews