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21/10 2020
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COVID-19: LE MINISTÈRE PAS INFORMÉ SUR LES STOCKS STRATÉGIQUES D'OCTOBRE 2018 À JANVIER 2020 (GRÉGORY EMERY)

PARIS, 21 octobre 2020 (APMnews) - Grégory Emery, conseiller en charge de la sécurité sanitaire auprès de l'ancienne ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn entre octobre 2018 à mai 2020, a assuré mardi lors d'une audition à l'Assemblée nationale qu'aucune information concernant l'état des stocks stratégiques gérés par Santé publique France (SPF) n'était parvenu au cabinet jusqu'en janvier 2020.

Grégory Emery était entendu par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les impacts du Covid-19 en France et sur la gestion de l'épidémie.

Il a intégré le cabinet d'Agnès Buzyn en juin 2018 en tant que conseiller en charge des produits de santé, du numérique et des affaires diplomatiques et européennes. Son périmètre a été étendu à la sécurité sanitaire en octobre 2018. Il a été reconduit lors de la prise de fonction d'Olivier Véran, avant de quitter son poste le 31 mai 2020. Après un très court passage à l'Agence française de développement (AFD), il a rejoint en juin le cabinet d'Edouard Philippe, alors premier ministre, avant de réintégrer le cabinet d'Olivier Véran en août (cf dépêche du 14/08/2020 à 10:17).

Largement questionné par les députés sur la gestion du stock stratégique de masques de protection, chirurgicaux et FFP2, il a rappelé que "c'est à l'Eprus depuis 2007, et à SPF depuis mai 2016, que revient la mission de gérer les stocks".

"Il est très clair qu'entre octobre 2018 et janvier 2020, rien de particulier n'est remonté au cabinet de la ministre concernant les stocks stratégiques gérés par SPF", a-t-il déclaré, après avoir prêté serment et qualifié l'exercice de l'audition d'"impressionnant" pour un conseiller, peu habitué à faire partie des personnes interrogées par les parlementaires.

Il est remonté jusqu'en mai 2017, date de la prise de fonction d'Agnès Buzyn, expliquant que, dans le dossier remis à la ministre au moment de la passation de pouvoir, il n'était pas fait mention du stock stratégique de masques. L'expression "ne figure pas parmi les alertes remontées dans la note de transmission du DGS [|directeur général de la santé] de l'époque [Benoît Vallet]", a-t-il précisé.

Le sujet a émergé au niveau du conseiller ministériel le 23 janvier 2020, dans des échanges avec le DGS nommé en janvier 2018, Jérôme Salomon, date à laquelle on dénombrait 581 cas et 17 décès à Wuhan (Chine), a rappelé Grégory Emery.

Le cabinet de la ministre apprend alors que le stock disponible se compose de 33 millions de masques chirurgicaux pédiatriques, 65,9 millions de masques chirurgiaux pour adultes, et que ces volumes doivent être complétés "avant fin février" de 10,6 millions de masques pédiatriques et 54,6 millions pour adulte. Il est ensuite précisé qu'il n'existe pas de stocks de masques FFP2.

Un état des lieux des stocks dans les services de maladies infectieuses est alors lancé, avec un retour le 30 janvier, suivi d'une note adressée à la ministre se concentrant sur les masques FFP2 "du fait de l'absence de stock d'Etat", a relaté le conseiller.

"Dès le 7 février" est donné l'accord du ministère pour demander, sous l'égide du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) l'ouverture de nouvelles lignes de production et la distribution aux établissements de santé et Ehpad d'un "stock d'amorce" pour couvrir les besoins sur un mois.

Sujet non prioritaire

Questionné par Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes), rapporteur de la mission, pour savoir s'il y avait eu "erreur" ou "faute" de la ministre et de son cabinet, dans la mesure où ils ne se sont pas préoccupés de l'état de ces stocks, Grégory Emery a estimé qu'il appartenait à "la commission ou à la justice" de le déterminer.

"Moi, factuellement, ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai pas reçu l'information. Jamais le sujet n'a été évoqué en réunion de sécurité sanitaire", réunissant chaque mercredi des représentants du cabinet ministériel, de la DGS et des agences sous tutelle, a-t-il asséné.

Il a ajouté ne pas avoir eu connaissance, avant le début des auditions par les commissions d'enquête parlementaire, des échanges écrits entre la DGS et SPF sur la gestion des stocks stratégiques de masques, mentionné par l'ancien directeur de SPF, François Bourdillon, devant les parlemantaires (cf dépêche du 18/06/2020 à 19:14). La DGS y demandait notamment à SPF de commander 100 millions de masques.

Selon Grégory Emery, l'information n'est pas remontée au ministère car "la DGS et SPF étaient d'accord sur la constitution de stocks et l'action correctrice à mettre en place". "Je pense que ce dossier n'était pas signalé avec un niveau d'alerte prioritaire, pas plus en octobre 2018 qu'en octobre 2017" peu après la prise de fonctions d'Agnès Buzyn, a-t-il commenté.

Il a par ailleurs rappelé qu'aux mois de janvier et février, les prises de parole et les actions des ministres des solidarités et de la santé ont été faites "dans un cadre de pensée qui est que le masque chirurgical sera utilisé pour les malades et les cas contacts" uniquement, conformément à un avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) de 2011.

Il s'est par ailleurs livré à un rappel de la chronologie des faits en matière d'alertes sur l'état de la pandémie et sur les recommandations de santé publique associées, recoupant le témoignage d'Agnès Buzyn face à la commission parlementaire.

Revoir le plan pandémie

Grégory Emery a reconnu devant les députés que "ce qui a manqué dans la gestion des stocks de masques, c'est sans nul doute une approche industrielle". "Après quel est le bon schéma? Quel volume? Entrepôt central et rien dans les territoires? Ce sont des discussions et échanges que nous devrons avoir à l'issue de la crise", a-t-il déclaré.

Il a également renvoyé à la période post-crise la "révision du plan pandémie". Il a estimé que ce qui avait été "compliqué" avec le Covid-19 est que le plan prévu en cas de pandémie grippale "n'était pas totalement adapté" du fait de l'absence d'antiviraux disponibles pour traiter les patients, de la forte présence de cas asymptomatiques et de la forte contagiosité.

C'est la raison pour laquelle le ministère a préféré prendre comme référence un autre plan, le plan Orsan REB [Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles-risques épidémiques et biologiques], a-t-il expliqué.

Il a aussi indiqué s'être rendu compte en février 2020 que la doctrine de gestion des stocks mise en place en 2013 par le SGDSN, prévoyant notamment que chaque employeur détermine l'opportunité de constituer un stock de masques FFP2, "n'est pas connue des acteurs", avec notamment trois régions (Grand Est, Guadeloupe et Martinique) où sont signalés des stocks "inférieurs à 15 jours".

Un gestion "plus fine" de stocks déjà mise en place

"Sur les stocks liés au Covid-19, notamment ceux relatifs aux masques et aux médicaments, il y a un monitorage plus fin qui s'opère", a poursuivi le conseiller ministériel.

Il a mentionné une "note complète sur l'état des stocks stratégiques pour couvrir l'ensemble des risques" de SPF envoyée au ministère il y a "une dizaine de jours". Cette note comprend notamment des propositions en termes de renouvellement des stocks, de nouvelles acquisitions, pour faire face au Covid ou à tout autre risque sanitaire, a-t-il précisé.

La note doit encore donner lieu à un arbitrage interministériel, qui mobilisera aussi le SGDSN, a-t-il ajouté.

"Il faut monitorer différemment le sujet", a appuyé Grégory Emery. Concernant l'action de SPF, il a émis l'idée de conditionner le financement de l'agence sur le budget de l'assurance maladie à la présentation d'actions menées sur la gestion des stocks. "Plusieurs pistes d'actions peuvent sortir pour rendre ça plus clair et plus transparent", a-t-il noté.

rm/eh/APMnews

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PARIS, 21 octobre 2020 (APMnews) - Grégory Emery, conseiller en charge de la sécurité sanitaire auprès de l'ancienne ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn entre octobre 2018 à mai 2020, a assuré mardi lors d'une audition à l'Assemblée nationale qu'aucune information concernant l'état des stocks stratégiques gérés par Santé publique France (SPF) n'était parvenu au cabinet jusqu'en janvier 2020.

Grégory Emery était entendu par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les impacts du Covid-19 en France et sur la gestion de l'épidémie.

Il a intégré le cabinet d'Agnès Buzyn en juin 2018 en tant que conseiller en charge des produits de santé, du numérique et des affaires diplomatiques et européennes. Son périmètre a été étendu à la sécurité sanitaire en octobre 2018. Il a été reconduit lors de la prise de fonction d'Olivier Véran, avant de quitter son poste le 31 mai 2020. Après un très court passage à l'Agence française de développement (AFD), il a rejoint en juin le cabinet d'Edouard Philippe, alors premier ministre, avant de réintégrer le cabinet d'Olivier Véran en août (cf dépêche du 14/08/2020 à 10:17).

Largement questionné par les députés sur la gestion du stock stratégique de masques de protection, chirurgicaux et FFP2, il a rappelé que "c'est à l'Eprus depuis 2007, et à SPF depuis mai 2016, que revient la mission de gérer les stocks".

"Il est très clair qu'entre octobre 2018 et janvier 2020, rien de particulier n'est remonté au cabinet de la ministre concernant les stocks stratégiques gérés par SPF", a-t-il déclaré, après avoir prêté serment et qualifié l'exercice de l'audition d'"impressionnant" pour un conseiller, peu habitué à faire partie des personnes interrogées par les parlementaires.

Il est remonté jusqu'en mai 2017, date de la prise de fonction d'Agnès Buzyn, expliquant que, dans le dossier remis à la ministre au moment de la passation de pouvoir, il n'était pas fait mention du stock stratégique de masques. L'expression "ne figure pas parmi les alertes remontées dans la note de transmission du DGS [|directeur général de la santé] de l'époque [Benoît Vallet]", a-t-il précisé.

Le sujet a émergé au niveau du conseiller ministériel le 23 janvier 2020, dans des échanges avec le DGS nommé en janvier 2018, Jérôme Salomon, date à laquelle on dénombrait 581 cas et 17 décès à Wuhan (Chine), a rappelé Grégory Emery.

Le cabinet de la ministre apprend alors que le stock disponible se compose de 33 millions de masques chirurgicaux pédiatriques, 65,9 millions de masques chirurgiaux pour adultes, et que ces volumes doivent être complétés "avant fin février" de 10,6 millions de masques pédiatriques et 54,6 millions pour adulte. Il est ensuite précisé qu'il n'existe pas de stocks de masques FFP2.

Un état des lieux des stocks dans les services de maladies infectieuses est alors lancé, avec un retour le 30 janvier, suivi d'une note adressée à la ministre se concentrant sur les masques FFP2 "du fait de l'absence de stock d'Etat", a relaté le conseiller.

"Dès le 7 février" est donné l'accord du ministère pour demander, sous l'égide du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) l'ouverture de nouvelles lignes de production et la distribution aux établissements de santé et Ehpad d'un "stock d'amorce" pour couvrir les besoins sur un mois.

Sujet non prioritaire

Questionné par Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes), rapporteur de la mission, pour savoir s'il y avait eu "erreur" ou "faute" de la ministre et de son cabinet, dans la mesure où ils ne se sont pas préoccupés de l'état de ces stocks, Grégory Emery a estimé qu'il appartenait à "la commission ou à la justice" de le déterminer.

"Moi, factuellement, ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai pas reçu l'information. Jamais le sujet n'a été évoqué en réunion de sécurité sanitaire", réunissant chaque mercredi des représentants du cabinet ministériel, de la DGS et des agences sous tutelle, a-t-il asséné.

Il a ajouté ne pas avoir eu connaissance, avant le début des auditions par les commissions d'enquête parlementaire, des échanges écrits entre la DGS et SPF sur la gestion des stocks stratégiques de masques, mentionné par l'ancien directeur de SPF, François Bourdillon, devant les parlemantaires (cf dépêche du 18/06/2020 à 19:14). La DGS y demandait notamment à SPF de commander 100 millions de masques.

Selon Grégory Emery, l'information n'est pas remontée au ministère car "la DGS et SPF étaient d'accord sur la constitution de stocks et l'action correctrice à mettre en place". "Je pense que ce dossier n'était pas signalé avec un niveau d'alerte prioritaire, pas plus en octobre 2018 qu'en octobre 2017" peu après la prise de fonctions d'Agnès Buzyn, a-t-il commenté.

Il a par ailleurs rappelé qu'aux mois de janvier et février, les prises de parole et les actions des ministres des solidarités et de la santé ont été faites "dans un cadre de pensée qui est que le masque chirurgical sera utilisé pour les malades et les cas contacts" uniquement, conformément à un avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) de 2011.

Il s'est par ailleurs livré à un rappel de la chronologie des faits en matière d'alertes sur l'état de la pandémie et sur les recommandations de santé publique associées, recoupant le témoignage d'Agnès Buzyn face à la commission parlementaire.

Revoir le plan pandémie

Grégory Emery a reconnu devant les députés que "ce qui a manqué dans la gestion des stocks de masques, c'est sans nul doute une approche industrielle". "Après quel est le bon schéma? Quel volume? Entrepôt central et rien dans les territoires? Ce sont des discussions et échanges que nous devrons avoir à l'issue de la crise", a-t-il déclaré.

Il a également renvoyé à la période post-crise la "révision du plan pandémie". Il a estimé que ce qui avait été "compliqué" avec le Covid-19 est que le plan prévu en cas de pandémie grippale "n'était pas totalement adapté" du fait de l'absence d'antiviraux disponibles pour traiter les patients, de la forte présence de cas asymptomatiques et de la forte contagiosité.

C'est la raison pour laquelle le ministère a préféré prendre comme référence un autre plan, le plan Orsan REB [Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles-risques épidémiques et biologiques], a-t-il expliqué.

Il a aussi indiqué s'être rendu compte en février 2020 que la doctrine de gestion des stocks mise en place en 2013 par le SGDSN, prévoyant notamment que chaque employeur détermine l'opportunité de constituer un stock de masques FFP2, "n'est pas connue des acteurs", avec notamment trois régions (Grand Est, Guadeloupe et Martinique) où sont signalés des stocks "inférieurs à 15 jours".

Un gestion "plus fine" de stocks déjà mise en place

"Sur les stocks liés au Covid-19, notamment ceux relatifs aux masques et aux médicaments, il y a un monitorage plus fin qui s'opère", a poursuivi le conseiller ministériel.

Il a mentionné une "note complète sur l'état des stocks stratégiques pour couvrir l'ensemble des risques" de SPF envoyée au ministère il y a "une dizaine de jours". Cette note comprend notamment des propositions en termes de renouvellement des stocks, de nouvelles acquisitions, pour faire face au Covid ou à tout autre risque sanitaire, a-t-il précisé.

La note doit encore donner lieu à un arbitrage interministériel, qui mobilisera aussi le SGDSN, a-t-il ajouté.

"Il faut monitorer différemment le sujet", a appuyé Grégory Emery. Concernant l'action de SPF, il a émis l'idée de conditionner le financement de l'agence sur le budget de l'assurance maladie à la présentation d'actions menées sur la gestion des stocks. "Plusieurs pistes d'actions peuvent sortir pour rendre ça plus clair et plus transparent", a-t-il noté.

rm/eh/APMnews

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