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03/12 2020
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COVID-19: SANTÉ PUBLIQUE FRANCE ÉTAIT MAL PRÉPARÉE ET DISPOSAIT DE MOYENS INSUFFISANTS (RAPPORT PARLEMENTAIRE)

PARIS, 3 décembre 2020 (APMnews) - La mission d'information de l'Assemblée nationale sur le Covid-19 a souligné le "manque de préparation" de Santé publique France à la crise sanitaire et des "sous-effectifs chroniques" qui ont participé à "l'impossibilité d'assurer une distribution efficace" des équipements de protection individuelle (EPI), dans un rapport provisoire dont APMnews a eu copie.

Cette mission, chargée d'enquêter sur la gestion et les conséquences de l'épidémie de Covid-19, a adopté mercredi, sans l'appui de la majorité présidentielle, un rapport très critique pour les autorités sanitaires et politiques (cf dépêche du 02/12/2020 à 18:54), à la suite d'une série d'auditions menées entre mars et octobre (cf synthèse APM).

Pour le rapporteur de la mission, Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes), "ce n'est pas tant l'action de Santé publique France pendant la crise qui est en cause que son manque de préparation, d'outils de réponse et de moyens alloués en amont pour y faire face qui doit interroger, l'agence ayant semblé désarmée, sous-dotée pour assurer une mission logistique qui s'est avérée cardinale".

Son rapport revient longuement sur la pénurie de masques à laquelle le pays a été confronté (cf dépêche du 02/12/2020 à 19:33) et suggère une vaste refonte de la politique de gestion des stocks stratégiques, pointant notamment une intégration de l'Etablissement de préparation aux urgences sanitaires (Eprus) à Santé publique France (SPF) en 2016 qui a "nui à la capacité de l'agence à constituer et à gérer les stocks stratégiques" (cf dépêche du 02/12/2020 à 19:20).

Il note que les commandes d'EPI "passées dans l'urgence" et la mise en place de la logistique associée a requis de créer une organisation nouvelle "pour suppléer" les équipes de SPF "manifestement sous-dimensionnées": la cellule de coordination interministérielle logistique et moyens sanitaires (CCIL-MS).

Les missions de l'agence ont "pour l'essentiel été limitées, dans la crise, à la passaition de commande dont les ordres formels lui parvenaient de la DGS [direction générale de la santé], ainsi qu'à la réception de produits dans ses plateformes et à l'organisation des contrôles qualité", relève le rapport.

Il fait état d'une "distribution chaotique organisée par un opérateur en surchauffe", avec des EPI "arrivés tardivement" et distribués "dans la confusion, en particulier pendant la première étape de confinement". Il a rappelé aussi les "nombreuses critiques" formulées contre le distributeur Geodis, choisi pour acheminer les produits du 17 au 24 mars, avant un retour au circuit classique de distribution par les dépositaires et grossistes-répartiteurs (cf dépêche du 01/10/2020 à 15:40).

Capacités de stockage inadaptées

La rapport revient également sur "l'inadaptation des capacités de stockage" de SPF "pour faire face à des flux de volume et de fréquence exceptionnels", "la lenteur du processus de contrôle des stocks avant distribution" et la "difficulté à suivre l'état des stocks en temps réel".

Sur les capacités de stockage, la mission d'information rappelle que la plateforme nationale de stockage de SPF, située à Marolles-Vitry (Marne), "a été conçue dans une logique de stocks de longue durée, et non de flux", qu'elle a "très vite atteint ses limites capacitaires" et que les sept plateformes "zonales" décentralisées de l'agence ne stockaient fin 2019 qu'une partie infime des masques (environ 3%).

La "libération" des produits a aussi été jugée "trop lente" à cause d'un "fort taux de 'repalletisation' (de 30 à 100% selon les fournisseurs)", et de la "lenteur des procédures de contrôle de la qualité […] en raison d'un dispositif sous-dimensionné".

Le rapport observe par ailleurs que, mi-mai, la DGS a demandé un "plan d'action" à remettre sous 24 heures à la directrice générale de SPF pour que l'agence "se mette en situation de remplir la mission de distribution", ce qui témoigne pour la mission parlementaire de "l'inadéquation de la réponse de l'opérateur".

En termes d'effectifs, le rapport indique que SPF disposait de 10,4 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2019 pour l'acquisition et la distribution de stocks stratégiques et que ces ressources ont été dépassées par "le changement d'échelle de la problématique logistique". "Si des renforts ont été employés, ils l'ont été dans l'urgence, sans qu'une telle montée en puissance des effectifs n'ait été prévue ou organisée en amont", a ajouté la mission.

Elle a aussi observé un système informatique de la plateforme de Marolles "pas adapté" à une situation de crise de grande ampleur, et la mise en place d'un nouvel informatique le 18 mai qui a permis d'avoir "une visibilité deux fois par jour des stocks de l'ensemble des sites de stockage".

Face à ces constats, la mission d'information a proposé de "repenser le rôle" de l'agence dans la logistique de crise, d'"adapter le réseau des sites de stockage", d'"anticiper et planifier des procédures de réponse à une crise sanitaire" dans sa dimension logistique par SPF et de "garantir un suivi en temps réel des stocks".

Constatant également un recours "trop limité" aux préfets et aux capacités logistiques des sapeurs-pompiers. Elle a préconisé d'"accroître" le rôle des représentants de l'Etat dans l'organisation logistique "de la distribution de produits sanitaires en cas de crise" et de "définir en amont" celui de la sécurité civile, des sapeurs-pompiers et de l'armée.

Elaboration d'un "plan 'pandémie' générique"

La mission d'information déplore d'une façon générale le manque de préparation à la crise sanitaire, et souligne notamment que les exercices de préparation à une pandémie ont été "progressivement espacés" à la fin des années 2000 et que "plus aucun exercice spécifique aux pandémies grippales n'a été réalisé à partir de 2013".

Elle reconnaît que l'augmentation de la menace terroriste, devenue "critique" en 2015, "a fait légitimement glisser l'attention prioritaire des pouvoirs publics".

Le rapporteur, Eric Ciotti, a proposé de reprendre des exercices de type "pandémie" à un "rythme régulier" ou à "ne procéder qu'à des exercices partiels sur certains aspects du plan".

Il a recommandé l'élaboration d'un "plan 'pandémie' générique", "non uniquement grippale" et "adapté à une plus large variété de situations". Ce plan devrait être "mobilisable rapidement" et faire l'objet d'"actualisations régulières".

Le rapporteur a conseillé de "lui conférer un volet capacitaire établissant les ressources critiques nécessaires et leur volumétrie, en équipements et en ressources humaines".

rm/eh/APMnews

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PARIS, 3 décembre 2020 (APMnews) - La mission d'information de l'Assemblée nationale sur le Covid-19 a souligné le "manque de préparation" de Santé publique France à la crise sanitaire et des "sous-effectifs chroniques" qui ont participé à "l'impossibilité d'assurer une distribution efficace" des équipements de protection individuelle (EPI), dans un rapport provisoire dont APMnews a eu copie.

Cette mission, chargée d'enquêter sur la gestion et les conséquences de l'épidémie de Covid-19, a adopté mercredi, sans l'appui de la majorité présidentielle, un rapport très critique pour les autorités sanitaires et politiques (cf dépêche du 02/12/2020 à 18:54), à la suite d'une série d'auditions menées entre mars et octobre (cf synthèse APM).

Pour le rapporteur de la mission, Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes), "ce n'est pas tant l'action de Santé publique France pendant la crise qui est en cause que son manque de préparation, d'outils de réponse et de moyens alloués en amont pour y faire face qui doit interroger, l'agence ayant semblé désarmée, sous-dotée pour assurer une mission logistique qui s'est avérée cardinale".

Son rapport revient longuement sur la pénurie de masques à laquelle le pays a été confronté (cf dépêche du 02/12/2020 à 19:33) et suggère une vaste refonte de la politique de gestion des stocks stratégiques, pointant notamment une intégration de l'Etablissement de préparation aux urgences sanitaires (Eprus) à Santé publique France (SPF) en 2016 qui a "nui à la capacité de l'agence à constituer et à gérer les stocks stratégiques" (cf dépêche du 02/12/2020 à 19:20).

Il note que les commandes d'EPI "passées dans l'urgence" et la mise en place de la logistique associée a requis de créer une organisation nouvelle "pour suppléer" les équipes de SPF "manifestement sous-dimensionnées": la cellule de coordination interministérielle logistique et moyens sanitaires (CCIL-MS).

Les missions de l'agence ont "pour l'essentiel été limitées, dans la crise, à la passaition de commande dont les ordres formels lui parvenaient de la DGS [direction générale de la santé], ainsi qu'à la réception de produits dans ses plateformes et à l'organisation des contrôles qualité", relève le rapport.

Il fait état d'une "distribution chaotique organisée par un opérateur en surchauffe", avec des EPI "arrivés tardivement" et distribués "dans la confusion, en particulier pendant la première étape de confinement". Il a rappelé aussi les "nombreuses critiques" formulées contre le distributeur Geodis, choisi pour acheminer les produits du 17 au 24 mars, avant un retour au circuit classique de distribution par les dépositaires et grossistes-répartiteurs (cf dépêche du 01/10/2020 à 15:40).

Capacités de stockage inadaptées

La rapport revient également sur "l'inadaptation des capacités de stockage" de SPF "pour faire face à des flux de volume et de fréquence exceptionnels", "la lenteur du processus de contrôle des stocks avant distribution" et la "difficulté à suivre l'état des stocks en temps réel".

Sur les capacités de stockage, la mission d'information rappelle que la plateforme nationale de stockage de SPF, située à Marolles-Vitry (Marne), "a été conçue dans une logique de stocks de longue durée, et non de flux", qu'elle a "très vite atteint ses limites capacitaires" et que les sept plateformes "zonales" décentralisées de l'agence ne stockaient fin 2019 qu'une partie infime des masques (environ 3%).

La "libération" des produits a aussi été jugée "trop lente" à cause d'un "fort taux de 'repalletisation' (de 30 à 100% selon les fournisseurs)", et de la "lenteur des procédures de contrôle de la qualité […] en raison d'un dispositif sous-dimensionné".

Le rapport observe par ailleurs que, mi-mai, la DGS a demandé un "plan d'action" à remettre sous 24 heures à la directrice générale de SPF pour que l'agence "se mette en situation de remplir la mission de distribution", ce qui témoigne pour la mission parlementaire de "l'inadéquation de la réponse de l'opérateur".

En termes d'effectifs, le rapport indique que SPF disposait de 10,4 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2019 pour l'acquisition et la distribution de stocks stratégiques et que ces ressources ont été dépassées par "le changement d'échelle de la problématique logistique". "Si des renforts ont été employés, ils l'ont été dans l'urgence, sans qu'une telle montée en puissance des effectifs n'ait été prévue ou organisée en amont", a ajouté la mission.

Elle a aussi observé un système informatique de la plateforme de Marolles "pas adapté" à une situation de crise de grande ampleur, et la mise en place d'un nouvel informatique le 18 mai qui a permis d'avoir "une visibilité deux fois par jour des stocks de l'ensemble des sites de stockage".

Face à ces constats, la mission d'information a proposé de "repenser le rôle" de l'agence dans la logistique de crise, d'"adapter le réseau des sites de stockage", d'"anticiper et planifier des procédures de réponse à une crise sanitaire" dans sa dimension logistique par SPF et de "garantir un suivi en temps réel des stocks".

Constatant également un recours "trop limité" aux préfets et aux capacités logistiques des sapeurs-pompiers. Elle a préconisé d'"accroître" le rôle des représentants de l'Etat dans l'organisation logistique "de la distribution de produits sanitaires en cas de crise" et de "définir en amont" celui de la sécurité civile, des sapeurs-pompiers et de l'armée.

Elaboration d'un "plan 'pandémie' générique"

La mission d'information déplore d'une façon générale le manque de préparation à la crise sanitaire, et souligne notamment que les exercices de préparation à une pandémie ont été "progressivement espacés" à la fin des années 2000 et que "plus aucun exercice spécifique aux pandémies grippales n'a été réalisé à partir de 2013".

Elle reconnaît que l'augmentation de la menace terroriste, devenue "critique" en 2015, "a fait légitimement glisser l'attention prioritaire des pouvoirs publics".

Le rapporteur, Eric Ciotti, a proposé de reprendre des exercices de type "pandémie" à un "rythme régulier" ou à "ne procéder qu'à des exercices partiels sur certains aspects du plan".

Il a recommandé l'élaboration d'un "plan 'pandémie' générique", "non uniquement grippale" et "adapté à une plus large variété de situations". Ce plan devrait être "mobilisable rapidement" et faire l'objet d'"actualisations régulières".

Le rapporteur a conseillé de "lui conférer un volet capacitaire établissant les ressources critiques nécessaires et leur volumétrie, en équipements et en ressources humaines".

rm/eh/APMnews

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