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04/03 2021
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COVID-19: TENTATIVES DE SUICIDE ET CAS GRAVES ANXIODÉPRESSIFS CHEZ LES MOINS DE 15 ANS (FRANK BELLIVIER)

PARIS, 4 mars 2021 (APMnews) - Les tentatives de suicides semblent être plus fréquentes chez les moins de 15 ans et les cas d'anxiété et de dépression tendent à devenir plus graves avec la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19, par rapport à ce qui est observé habituellement dans cette tranche d'âge, a rapporté le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, Frank Bellivier, lors d'une table ronde organisée jeudi par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.

En ouverture de cette discussion sur les conséquences de l'épidémie de Covid-19 sur la santé psychique des Français, Frank Bellivier a donné "une photographie de la situation actuelle" à partir des différentes données remontées notamment par Santé publique France, le réseau des services d'accueil des urgences, de SOS Médecins, des référents santé mentale des agences régionales de santé (ARS).

"Un phénomène inquiétant tend à se confirmer ces derniers temps: les tentatives de suicide chez les moins de 15 ans", a-t-il souligné. "C'est un phénomène qui reste rare mais augmente, de sources convergentes."

Dans cette population, une plus grande fréquence des décompensations anxieuses et dépressives "reste incertaine" mais surtout, ces situations apparaissent "plus graves que par le passé", a poursuivi Frank Bellivier.

Enfin, les troubles de la conduite alimentaire sont également signalés davantage de manière convergente, dans cette population et chez des adolescents "de plus en plus jeunes et des tableaux de plus en plus graves". "Ceci est corroboré par les binômes pédiatres/pédopsychiatres mis en place et convergent avec les données des services d'accueil des urgences, avec notamment près de 60% des lits des services de pédiatrie occupés par des situations de pédopsychiatrie."

Le responsable de l'unité santé mentale de Santé publique France, Enguerrand du Roscoat, a confirmé que les données du réseau Oscour des services d'accueil des urgences montrent une augmentation des passages pour troubles de l'humeur, dont des troubles dépressifs, chez les moins de 15 ans "dès septembre dernier et des augmentations récentes sur les semaines 7 et 8 de 2021 [soit la dernière quinzaine de février, ndlr]".

Une hausse des gestes suicidaires a également été observée "en tout début d'année et là, ça semble diminuer". "Il faudra regarder sur la durée pour avoir des données consolidées."

Des résultats d'une enquête sur les effets du confinement chez des adolescents de 9 à 16 ans sont par ailleurs attendus, a ajouté Enguerrand du Roscoat. Cependant, il manque en particulier des données sur les enfants de moins de 11 ans. Pour ces derniers, un projet d'enquête pérenne sur leur santé mentale est en cours de discussion avec la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), a-t-il précisé.

Les étudiants, population fragile

Les étudiants constituent une autre population particulièrement impactée par la crise sanitaire, a ajouté le Pr Christophe Tzourio, directeur du centre de recherche sur la santé des populations (Inserm/université de Bordeaux) et directeur scientifique de l'Espace santé étudiants de l'université de Bordeaux.

Les problèmes de santé mentale chez les étudiants, à la fois des troubles anxieux, dépressifs, du stress et des pensées suicidaires, ont été mis en évidence avec l'analyse des données des cohortes i-Share, d'une part sur les effets du premier confinement et Confins, d'autre part sur la fragilité de cette population par rapport aux autres (cf dépêche du 12/02/2021 à 18:40).

Le Pr Tzourio a insisté sur la différence entre ces problèmes de santé mentale et les indicateurs psychiatriques: "La santé mentale va se dégrader avant que les étudiants aient recours aux soins, en raison des coûts notamment, et ces problèmes ne vont pas se refléter immédiatement dans une demande de soins psychiatriques".

"Il est dommage d'intervenir si tard alors que probablement pour un certain nombre, on aurait pu éviter" la survenue de la maladie psychiatrique. "L'isolement est extrêmement douloureux à cet âge où se constitue le cerveau social. Pour les étudiants, c'est un besoin physique d'être avec leurs pairs", a-t-il souligné.

Pour l'ensemble de la population, l'isolement apparaît comme un facteur aggravant majeur de l'altération du bien-être mental, comme l'ont montré les résultats d'une grande enquête sur les effets du confinement et les facteurs de résilience menée auprès de 19.000 Français de plus de 16 ans lors du premier au printemps 2020 puis de 1.300 personnes lors du deuxième à l'automne 2020, a ajouté le Pr Nicolas Franck du CH Le Vinatier de Bron (métropole de Lyon).

"Pas de vague de décompensation psychiatrique"

En population générale adulte, la synthèse de l'ensemble des données disponibles donne "une photographie hétérogène", a par ailleurs indiqué Frank Bellivier. Il n'apparaît "pas de vague de décompensation psychiatrique au niveau national mais il est tout à fait clair que certains centres d'urgence connaissent une hausse de leur activité globale".

Les différentes sources dont il dispose confirment les données de l'enquête Coviprev de Santé publique France: depuis plusieurs mois, les niveaux de troubles anxieux et dépressifs se maintiennent à un niveau élevé (cf dépêche du 29/01/2021 à 12:14).

Les données du réseaux SOS Médecins indiquent aussi pour l'ensemble de la population une hausse des appels pour angoisse, a ajouté Enguerrand du Roscoat. Dans Coviprev, qui devient mensuelle, une question sur les pensées suicidaires a été inclue. Des résultats sont par ailleurs attendus sur les gestes suicidaires et les troubles de l'humeur aux urgences et dans l'enquête Epicov pilotée par l'Inserm et la Drees, a-t-il poursuivi.

Au total, environ un tiers de la population française souffre d'un état dépressif ou anxieux. L'un des principaux enjeux, que la crise actuelle rend encore plus aigu, est de "détecter et prendre en charge précocement la souffrance psychique avant qu'elle ne se chronicise, que des troubles s'installent et deviennent difficiles à traiter".

L'ensemble des intervenants à cette table ronde ont souligné l'importance de bâtir "une culture de la santé mentale" en France (cf APM VL8QPFS2F).

ld/ab/APMnews

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PARIS, 4 mars 2021 (APMnews) - Les tentatives de suicides semblent être plus fréquentes chez les moins de 15 ans et les cas d'anxiété et de dépression tendent à devenir plus graves avec la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19, par rapport à ce qui est observé habituellement dans cette tranche d'âge, a rapporté le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, Frank Bellivier, lors d'une table ronde organisée jeudi par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.

En ouverture de cette discussion sur les conséquences de l'épidémie de Covid-19 sur la santé psychique des Français, Frank Bellivier a donné "une photographie de la situation actuelle" à partir des différentes données remontées notamment par Santé publique France, le réseau des services d'accueil des urgences, de SOS Médecins, des référents santé mentale des agences régionales de santé (ARS).

"Un phénomène inquiétant tend à se confirmer ces derniers temps: les tentatives de suicide chez les moins de 15 ans", a-t-il souligné. "C'est un phénomène qui reste rare mais augmente, de sources convergentes."

Dans cette population, une plus grande fréquence des décompensations anxieuses et dépressives "reste incertaine" mais surtout, ces situations apparaissent "plus graves que par le passé", a poursuivi Frank Bellivier.

Enfin, les troubles de la conduite alimentaire sont également signalés davantage de manière convergente, dans cette population et chez des adolescents "de plus en plus jeunes et des tableaux de plus en plus graves". "Ceci est corroboré par les binômes pédiatres/pédopsychiatres mis en place et convergent avec les données des services d'accueil des urgences, avec notamment près de 60% des lits des services de pédiatrie occupés par des situations de pédopsychiatrie."

Le responsable de l'unité santé mentale de Santé publique France, Enguerrand du Roscoat, a confirmé que les données du réseau Oscour des services d'accueil des urgences montrent une augmentation des passages pour troubles de l'humeur, dont des troubles dépressifs, chez les moins de 15 ans "dès septembre dernier et des augmentations récentes sur les semaines 7 et 8 de 2021 [soit la dernière quinzaine de février, ndlr]".

Une hausse des gestes suicidaires a également été observée "en tout début d'année et là, ça semble diminuer". "Il faudra regarder sur la durée pour avoir des données consolidées."

Des résultats d'une enquête sur les effets du confinement chez des adolescents de 9 à 16 ans sont par ailleurs attendus, a ajouté Enguerrand du Roscoat. Cependant, il manque en particulier des données sur les enfants de moins de 11 ans. Pour ces derniers, un projet d'enquête pérenne sur leur santé mentale est en cours de discussion avec la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), a-t-il précisé.

Les étudiants, population fragile

Les étudiants constituent une autre population particulièrement impactée par la crise sanitaire, a ajouté le Pr Christophe Tzourio, directeur du centre de recherche sur la santé des populations (Inserm/université de Bordeaux) et directeur scientifique de l'Espace santé étudiants de l'université de Bordeaux.

Les problèmes de santé mentale chez les étudiants, à la fois des troubles anxieux, dépressifs, du stress et des pensées suicidaires, ont été mis en évidence avec l'analyse des données des cohortes i-Share, d'une part sur les effets du premier confinement et Confins, d'autre part sur la fragilité de cette population par rapport aux autres (cf dépêche du 12/02/2021 à 18:40).

Le Pr Tzourio a insisté sur la différence entre ces problèmes de santé mentale et les indicateurs psychiatriques: "La santé mentale va se dégrader avant que les étudiants aient recours aux soins, en raison des coûts notamment, et ces problèmes ne vont pas se refléter immédiatement dans une demande de soins psychiatriques".

"Il est dommage d'intervenir si tard alors que probablement pour un certain nombre, on aurait pu éviter" la survenue de la maladie psychiatrique. "L'isolement est extrêmement douloureux à cet âge où se constitue le cerveau social. Pour les étudiants, c'est un besoin physique d'être avec leurs pairs", a-t-il souligné.

Pour l'ensemble de la population, l'isolement apparaît comme un facteur aggravant majeur de l'altération du bien-être mental, comme l'ont montré les résultats d'une grande enquête sur les effets du confinement et les facteurs de résilience menée auprès de 19.000 Français de plus de 16 ans lors du premier au printemps 2020 puis de 1.300 personnes lors du deuxième à l'automne 2020, a ajouté le Pr Nicolas Franck du CH Le Vinatier de Bron (métropole de Lyon).

"Pas de vague de décompensation psychiatrique"

En population générale adulte, la synthèse de l'ensemble des données disponibles donne "une photographie hétérogène", a par ailleurs indiqué Frank Bellivier. Il n'apparaît "pas de vague de décompensation psychiatrique au niveau national mais il est tout à fait clair que certains centres d'urgence connaissent une hausse de leur activité globale".

Les différentes sources dont il dispose confirment les données de l'enquête Coviprev de Santé publique France: depuis plusieurs mois, les niveaux de troubles anxieux et dépressifs se maintiennent à un niveau élevé (cf dépêche du 29/01/2021 à 12:14).

Les données du réseaux SOS Médecins indiquent aussi pour l'ensemble de la population une hausse des appels pour angoisse, a ajouté Enguerrand du Roscoat. Dans Coviprev, qui devient mensuelle, une question sur les pensées suicidaires a été inclue. Des résultats sont par ailleurs attendus sur les gestes suicidaires et les troubles de l'humeur aux urgences et dans l'enquête Epicov pilotée par l'Inserm et la Drees, a-t-il poursuivi.

Au total, environ un tiers de la population française souffre d'un état dépressif ou anxieux. L'un des principaux enjeux, que la crise actuelle rend encore plus aigu, est de "détecter et prendre en charge précocement la souffrance psychique avant qu'elle ne se chronicise, que des troubles s'installent et deviennent difficiles à traiter".

L'ensemble des intervenants à cette table ronde ont souligné l'importance de bâtir "une culture de la santé mentale" en France (cf APM VL8QPFS2F).

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