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03/08 2020
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COVID-19: UNE COOPÉRATION PUBLIC-PRIVÉ OPÉRANTE MAIS PERFECTIBLE POUR LA PRISE EN CHARGE EN RÉANIMATION DANS LE GRAND EST

PARIS, STRASBOURG, 3 août 2020 (APMnews) - Des médecins urgentistes-réanimateurs et des acteurs de la cellule de crise pour la coordination de la réanimation dans le Grand Est dressent un bilan en demi-teinte sur la prise en charge des patients atteints du Covid-19 nécessitant une hospitalisation en réanimation durant la phase aiguë de la crise sanitaire en Alsace.

"Pendant toute la durée de la crise, on faisait tous les jours une réunion téléphonique sur la réanimation, avec tous les établissements supports de GHT [groupement hospitalier de territoire] du Grand Est et avec des représentants d’établissements privés", a rapporté le Dr Francis Fellinger, ancien inspecteur général des affaires sociales (Igas), contacté lundi par APMnews.

L'ex-Igas, qui a rejoint l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) au début de l'été après son départ à la retraite, est venu le 17 mars en appui de la cellule de crise mise en place par l'agence régionale de santé (ARS Grand Est), qui réunissait la directrice de l’offre, Anne Muller, la directrice de la stratégie, Carole Cretin, et la conseillère médicale, Arielle Brunner.

"On avait un relevé quotidien, outre les retours qu’on avait par les systèmes d’information, qui étaient assez variables d’un établissement à l’autre", a poursuivi Francis Fellinger. "Ils avaient des établissements en avance, avec des systèmes automatisés qui faisaient des mises à jour heure par heure, mais ce n’était pas le cas partout."

Cette carence sur les systèmes d'information permettant de connaître la capacité en lits de réanimation de chaque établissement a également été pointée mardi par le Dr Marc Noizet, chef du pôle urgences et du Samu du Groupe hospitalier de la région de Mulhouse Sud-Alsace (GHRMSA), lors de son audition par la mission d'enquête du Sénat sur la crise sanitaire du Covid-19.

Devant les sénateurs, le Dr Noizet a pointé des "difficultés de pilotage et gestion de la crise au niveau régional, notamment sur la coordination de la disponibilité des lits de réanimation et des transferts inter-établissements liés d’une part, à des outils numériques inadaptés, et d’autre part, à un manque d’expertise dans la gestion de crise [des] tutelles régionales".

"Pour avoir une gestion efficace, il faut des chiffres, et aujourd’hui nous avons des systèmes d’information qui ne produisent pas de chiffres, ou qui ne sont pas coordonnés, utilisables, exploitables, de manière centrale", a développé le chef du service d'urgence du GHRMSA.

"Sur la gestion des lits de réanimation, nous disposions du répertoire de l'offre opérationnel des ressources, comme toutes les régions, avec la possibilité de transmettre la disponibilité des lits", a-t-il expliqué, mais "le contenu de cet outil était inopérant, nous ne savions pas où étaient les lits".

Le Dr Noizet a cependant fait état d'une "collaboration inédite entre public et privé et entre ville et hôpital" en Alsace.

"Il y a eu une très forte mobilisation de l’ensemble des établissements privés de France dans cette guerre contre le Covid, avec une très forte implication de l’ensemble des médecins, des médecins libéraux, parfois salariés dans des établissements privés, et de l’ensemble du personnel médical et paramédical", a abondé le Dr Albert Birynczyk, président du Syndicat national des urgentistes de l’hospitalisation privée, également entendu mardi par la commission d'enquête du Sénat.

Le Dr Birynczyk a souligné que l'orientation des patients se faisait "prioritairement vers les établissements publics de niveau 1 ou de niveau 2", en ajoutant qu'on pouvait penser "que certains établissements [privés] ont peut-être eu l’impression de servir de soupape au système".

Devant la commission d'enquête, le Dr Bernard Llagonne (chirurgien), président de la commission médicale d'établissement (CME) de la clinique d’Épernay (Marne, groupe Kapa santé), vice-président du syndicat Le Bloc et de l’union régionale des professionnels de santé - médecins libéraux (URPS-ML) Grand Est, a tiré un bilan plus amer de la participation des établissements privés: "Les cliniques n’ont pas été sollicitées pendant 15 jours".

"Nous avons été choqués pendant cette crise par le manque de collaboration entre les structures, hôpital et cliniques", a-t-il ajouté, "nous avons été mis à l’écart des instances de reprise de la chirurgie qui ont été managées par les GHT".

"Si certains pensent qu'il s’agissait d’ouvrir ses portes pour faire de la réa, je pense qu’on s’est un petit peu trompé", a commenté Patrick Wisniewski, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) du Grand Est et directeur de la clinique de l’Orangerie (Elsan) à Strasbourg, joint mercredi par APMnews.

"On a fait une réunion et on a défini quelques grands principes, et dès le 18 mars c'était opérationnel, chacun a mis un peu d’eau dans son vin", a expliqué de son côté Francis Fellinger au sujet de la coopération des établissements publics et privés au niveau de la métropole de Strasbourg.

"On est passé, du 17 au 28 mars, d'une centaine de lits de réanimation à 260 lits ouverts et occupés", a souligné l'ancien Igas.

Pour faciliter la coopération entre public et privé, une cellule de coordination territoriale a été créée pour le Bas-Rhin, avec des représentants venant du public et du privé, chaque établissement proposant un membre, souvent de jeunes retraités, "pour éviter d’enlever des moyens médicaux sur le terrain".

"Il y avait une équipe qui fonctionnait en 3x8 au sein du Samu", a mis en avant le Dr Fellinger, "tout le monde était bien conscient qu'on vivait un moment historique et qu’on n’avait pas le droit à l’erreur".

L'ancien Igas a cependant reconnu qu'il avait rencontré "plus de difficultés au moment d’organiser les filières post-réa".

"Le 20 mars, les autorisations [exceptionnelles de réanimation] ont été données [par l'ARS aux établissements privés], et le 21 mars on accueillait le premier patient", a complété Patrick Wisniewski.

"Lorsque le premier ministre [Edouard Philippe] est venu à Strasbourg, nous avons tous souligné la qualité de fonctionnement de cette cellule territoriale", a-t-il assuré.

Pour le président de la FHP Grand Est, le système sanitaire gagnerait cependant en résilience et en réactivité en cas de crise sanitaire si des autorisations de réanimation pérennes étaient plus largement attribuées aux établissements privés: "Comme on donne difficilement des lits de réanimation dans le privé, on ne peut pas avoir, du jour au lendemain du personnel qualifié en réa, des anesthésistes, des Iade [infirmiers anesthésistes], si on n’a pas de la réa au long cours".

gl/ab/APMnews

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PARIS, STRASBOURG, 3 août 2020 (APMnews) - Des médecins urgentistes-réanimateurs et des acteurs de la cellule de crise pour la coordination de la réanimation dans le Grand Est dressent un bilan en demi-teinte sur la prise en charge des patients atteints du Covid-19 nécessitant une hospitalisation en réanimation durant la phase aiguë de la crise sanitaire en Alsace.

"Pendant toute la durée de la crise, on faisait tous les jours une réunion téléphonique sur la réanimation, avec tous les établissements supports de GHT [groupement hospitalier de territoire] du Grand Est et avec des représentants d’établissements privés", a rapporté le Dr Francis Fellinger, ancien inspecteur général des affaires sociales (Igas), contacté lundi par APMnews.

L'ex-Igas, qui a rejoint l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) au début de l'été après son départ à la retraite, est venu le 17 mars en appui de la cellule de crise mise en place par l'agence régionale de santé (ARS Grand Est), qui réunissait la directrice de l’offre, Anne Muller, la directrice de la stratégie, Carole Cretin, et la conseillère médicale, Arielle Brunner.

"On avait un relevé quotidien, outre les retours qu’on avait par les systèmes d’information, qui étaient assez variables d’un établissement à l’autre", a poursuivi Francis Fellinger. "Ils avaient des établissements en avance, avec des systèmes automatisés qui faisaient des mises à jour heure par heure, mais ce n’était pas le cas partout."

Cette carence sur les systèmes d'information permettant de connaître la capacité en lits de réanimation de chaque établissement a également été pointée mardi par le Dr Marc Noizet, chef du pôle urgences et du Samu du Groupe hospitalier de la région de Mulhouse Sud-Alsace (GHRMSA), lors de son audition par la mission d'enquête du Sénat sur la crise sanitaire du Covid-19.

Devant les sénateurs, le Dr Noizet a pointé des "difficultés de pilotage et gestion de la crise au niveau régional, notamment sur la coordination de la disponibilité des lits de réanimation et des transferts inter-établissements liés d’une part, à des outils numériques inadaptés, et d’autre part, à un manque d’expertise dans la gestion de crise [des] tutelles régionales".

"Pour avoir une gestion efficace, il faut des chiffres, et aujourd’hui nous avons des systèmes d’information qui ne produisent pas de chiffres, ou qui ne sont pas coordonnés, utilisables, exploitables, de manière centrale", a développé le chef du service d'urgence du GHRMSA.

"Sur la gestion des lits de réanimation, nous disposions du répertoire de l'offre opérationnel des ressources, comme toutes les régions, avec la possibilité de transmettre la disponibilité des lits", a-t-il expliqué, mais "le contenu de cet outil était inopérant, nous ne savions pas où étaient les lits".

Le Dr Noizet a cependant fait état d'une "collaboration inédite entre public et privé et entre ville et hôpital" en Alsace.

"Il y a eu une très forte mobilisation de l’ensemble des établissements privés de France dans cette guerre contre le Covid, avec une très forte implication de l’ensemble des médecins, des médecins libéraux, parfois salariés dans des établissements privés, et de l’ensemble du personnel médical et paramédical", a abondé le Dr Albert Birynczyk, président du Syndicat national des urgentistes de l’hospitalisation privée, également entendu mardi par la commission d'enquête du Sénat.

Le Dr Birynczyk a souligné que l'orientation des patients se faisait "prioritairement vers les établissements publics de niveau 1 ou de niveau 2", en ajoutant qu'on pouvait penser "que certains établissements [privés] ont peut-être eu l’impression de servir de soupape au système".

Devant la commission d'enquête, le Dr Bernard Llagonne (chirurgien), président de la commission médicale d'établissement (CME) de la clinique d’Épernay (Marne, groupe Kapa santé), vice-président du syndicat Le Bloc et de l’union régionale des professionnels de santé - médecins libéraux (URPS-ML) Grand Est, a tiré un bilan plus amer de la participation des établissements privés: "Les cliniques n’ont pas été sollicitées pendant 15 jours".

"Nous avons été choqués pendant cette crise par le manque de collaboration entre les structures, hôpital et cliniques", a-t-il ajouté, "nous avons été mis à l’écart des instances de reprise de la chirurgie qui ont été managées par les GHT".

"Si certains pensent qu'il s’agissait d’ouvrir ses portes pour faire de la réa, je pense qu’on s’est un petit peu trompé", a commenté Patrick Wisniewski, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) du Grand Est et directeur de la clinique de l’Orangerie (Elsan) à Strasbourg, joint mercredi par APMnews.

"On a fait une réunion et on a défini quelques grands principes, et dès le 18 mars c'était opérationnel, chacun a mis un peu d’eau dans son vin", a expliqué de son côté Francis Fellinger au sujet de la coopération des établissements publics et privés au niveau de la métropole de Strasbourg.

"On est passé, du 17 au 28 mars, d'une centaine de lits de réanimation à 260 lits ouverts et occupés", a souligné l'ancien Igas.

Pour faciliter la coopération entre public et privé, une cellule de coordination territoriale a été créée pour le Bas-Rhin, avec des représentants venant du public et du privé, chaque établissement proposant un membre, souvent de jeunes retraités, "pour éviter d’enlever des moyens médicaux sur le terrain".

"Il y avait une équipe qui fonctionnait en 3x8 au sein du Samu", a mis en avant le Dr Fellinger, "tout le monde était bien conscient qu'on vivait un moment historique et qu’on n’avait pas le droit à l’erreur".

L'ancien Igas a cependant reconnu qu'il avait rencontré "plus de difficultés au moment d’organiser les filières post-réa".

"Le 20 mars, les autorisations [exceptionnelles de réanimation] ont été données [par l'ARS aux établissements privés], et le 21 mars on accueillait le premier patient", a complété Patrick Wisniewski.

"Lorsque le premier ministre [Edouard Philippe] est venu à Strasbourg, nous avons tous souligné la qualité de fonctionnement de cette cellule territoriale", a-t-il assuré.

Pour le président de la FHP Grand Est, le système sanitaire gagnerait cependant en résilience et en réactivité en cas de crise sanitaire si des autorisations de réanimation pérennes étaient plus largement attribuées aux établissements privés: "Comme on donne difficilement des lits de réanimation dans le privé, on ne peut pas avoir, du jour au lendemain du personnel qualifié en réa, des anesthésistes, des Iade [infirmiers anesthésistes], si on n’a pas de la réa au long cours".

gl/ab/APMnews

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