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21/04 2021
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COVID: L'AP-HM EST ARRIVÉE AUX LIMITES DE SES CAPACITÉS (JEAN-OLIVIER ARNAUD)

(Par Sylvain LABAUNE)

MARSEILLE, 21 avril 2021 (APMnews) - La situation continue de se dégrader à l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) avec un nombre croissant de patients Covid-19 lourds et l'institution est arrivée aux limites de ses capacités, a expliqué mardi à APMnews le directeur général, Jean-Olivier Arnaud.

Mercredi, l'AP-HM prenait en charge 346 patients Covid dont 101 en réanimation. Depuis le 1er août 2020, 723 malades sont décédés à l'institution.

"On oscille actuellement entre 95 et 105 réanimations Covid", mais les chiffres évoluent sans cesse du fait notamment des décès et des "2 ou 3 évacuations sanitaires qui sont réalisées par semaine", a expliqué mercredi le Pr Dominique Rossi, président de la commission médicale d'établissement (CME), présent lors de l'interview.

"Nous sommes donc toujours sur un plateau extrêmement haut" avec un capacitaire en réanimation "presque doublé" avec près de 200 lits ouverts contre 110 lits hors période de crise, afin de prendre en charge aussi les 80 malades non Covid qui sont en ce moment en réanimation, a-t-il continué.

"Nous ne vivons pas une augmentation exponentielle comme pendant la 1re vague de Covid" mais "ce qui est terrible, c'est que nous sommes épuisés par la longueur", a-t-il commenté. Le nombre de patients Covid augmentant de façon lente mais continue depuis fin 2020.

Les pics des dernières vagues sont "quasiment atteints" et "le problème c'est qu'on ne sait pas quand le pic de cette dernière vague arrivera", s'est inquiété Dominique Rossi.

Le pic absolu en réanimation avait été enregistré le 7 avril 2020 avec 112 patients. Pendant la 2e vague, il avait été atteint le 18 novembre 2020 avec 108 patients en réanimation (cf dépêche du 16/04/2021 à 17:49).

De nombreux patients Covid "très lourds" hors réanimation

Outre les patients en réanimation, "nous avons beaucoup de patients très lourds en unités de soins continus, aux urgences, ou maintenus dans les services de médecine grâce à un renforcement des équipes médicales", a souligné Jean-Olivier Arnaud.

Ces malades sont notamment pris en charge avec le système d'oxygénation à très haut débit Optiflow* (Fisher & Paykel Healthcare), sans lequel le nombre de patients en réanimation "aurait été beaucoup plus important", a-t-il continué. Au total, "nous sommes presque à 250 patients lourds Covid en comptant ceux en réanimation".

"Si on avait eu les mêmes équipements que lors de la 1re vague et en particulier pas d'Optiflow, aujourd'hui nous ne serions pas à 101 malades en réanimation mais plutôt à 130", a complété Dominique Rossi.

Par ailleurs, "nous sommes un centre de recours et nous avons beaucoup de malades sous oxygénation par membrane extracorporelle (Ecmo), qui est le stade ultime de l'oxygénation, car cela demande une compétence technique très importante", a souligné le président de CME.

"Aujourd'hui, 50% des patients en réanimation ont moins de 65 ans" soit une moyenne beaucoup plus jeune que lors des précédentes vagues. En revanche, les durées moyennes de séjour (DMS) "sont toujours aux alentours d'une vingtaine de jours", a continué le Pr Rossi.

Outre le nombre de décès, une des problématiques majeures est la convalescence des patients Covid lourds. Par exemple, "si un patient de 45 ans passe 5 semaines en réanimation, il va très probablement sortir vivant mais il va mettre un an pour s'en remettre", a alerté le président de CME.

Parallèlement à la problématique de la réanimation, il est donc très important de prendre en compte "la réhabilitation physique, psychologique, respiratoire, etc.", a-t-il plaidé.

Avec 70% de déprogrammation, il n'est pas possible d'aller au-delà

Pour arriver à un capacitaire de près de 200 de lits de réanimation ouverts, la déprogrammation est "maximale" et "nous ne pouvons pas faire plus" avec un taux de déprogrammation qui est actuellement de "70%", a alerté Dominique Rossi.

"Les blocs [opératoires] sont à genoux" et "nous sommes en grande difficulté pour maintenir une activité minimale, c'est-à-dire le recours et les urgences vitales", a continué le président de CME.

Jean-Olivier Arnaud a souligné que l'AP-HM n'a pas bénéficié de renforts en personnels d'autres établissements pendant cette 3e vague. De fait, "mécaniquement des patients sont déprogrammés car nous prenons sur les effectifs des blocs opératoires pour les mettre dans les équipes de réanimation".

Ainsi, la "tension est extrêmement forte sur les programmations de patients en chirurgie". L'activité Covid "continue, c'est long, on est fatigués, on nous demande de déprogrammer". "Les établissements privés déprogramment aussi mais ne sont pas tenus de déprogrammer comme nous", a commenté le directeur général.

Le CHU marseillais arrive aux limites de ses capacités. En cas d'une nouvelle dégradation de la situation et de la nécessité d'ouvrir d'autres lits de réanimation à Marseille, "nous allons devoir obtenir qu'il y ait une déprogrammation beaucoup plus radicale dans les établissements privés, voire demander qu'ils aident l'AP-HM en ressources humaines pour maintenir un minimum d'interventions chirurgicales vitales", a-t-il continué.

Il faudra également "accroître les transferts de patients dans la mesure du possible". Depuis 10 jours, l'AP-HM a évacué "une dizaine" de patients en réanimation vers Nice ainsi qu'à Nîmes et Montpellier, a indiqué le directeur général.

Mais quoi qu'il arrive, "jamais on ne refusera un patient qui a besoin de nous et on trouvera toujours une solution pour les prendre en charge", a insisté le directeur général.

Les formations des Iade et Ibode suspendues pour venir en renfort

Concernant les recrutements, l'AP-HM n'arrive que "très très peu" à embaucher. Le "marché du recrutement est complètement asséché", a déploré Jean-Olivier Arnaud.

Malgré tout, depuis le début de l'année "300 à 400 personnes en plus ont été recrutées". Et depuis le début de la crise, "le turn-over de personnels recrutés spécialement pour le Covid se situe probablement autour de 600 ou 700 professionnels".

Il manquait la semaine dernière "au moins une vingtaine d'Iade [infirmiers anesthésistes] et 3 ou 4 médecins réanimateurs", a-t-il continué.

C'est pour cela que "nous avons obtenu de la part du directeur général" de l'agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), Philippe De Mester, la suspension pour 15 jours de la formation des écoles préparant aux diplômes d'Etat d'infirmier anesthésiste (Iade) et d'infirmier de bloc opératoire (Ibode) pour que les élèves viennent aider l'AP-HM "sur la base du volontariat", a-t-il indiqué.

Quinze élèves Iade sont ainsi venus en renfort depuis que la décision de suspension a été actée vendredi par l'ARS.

Par ailleurs, l'ARS "a sollicité fortement" la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) pour que le personnel des cliniques privés sans service de réanimation viennent en renfort de l'AP-HM, mais "cela se fera sur la base du volontariat et il faudra qu'ils acceptent de venir", a rapporté Dominique Rossi.

Désormais, la "question qui se pose aujourd'hui c'est la sortie de crise", a par ailleurs déclaré Jean-Olivier Arnaud. Les patients Covid qui entrent en ce moment à l'AP-HM "resteront hospitalisés pendant 6 à 7 semaines et nous allons continuer à en avoir encore d'autres pendant longtemps".

Ainsi, le CHU marseillais "va vivre encore sous un régime de crise probablement jusqu'à la fin de l'année" même si la situation épidémiologique s'améliore à l'extérieur, a-t-il souligné.

syl/ab/APMnews

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MARSEILLE, 21 avril 2021 (APMnews) - La situation continue de se dégrader à l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) avec un nombre croissant de patients Covid-19 lourds et l'institution est arrivée aux limites de ses capacités, a expliqué mardi à APMnews le directeur général, Jean-Olivier Arnaud.

Mercredi, l'AP-HM prenait en charge 346 patients Covid dont 101 en réanimation. Depuis le 1er août 2020, 723 malades sont décédés à l'institution.

"On oscille actuellement entre 95 et 105 réanimations Covid", mais les chiffres évoluent sans cesse du fait notamment des décès et des "2 ou 3 évacuations sanitaires qui sont réalisées par semaine", a expliqué mercredi le Pr Dominique Rossi, président de la commission médicale d'établissement (CME), présent lors de l'interview.

"Nous sommes donc toujours sur un plateau extrêmement haut" avec un capacitaire en réanimation "presque doublé" avec près de 200 lits ouverts contre 110 lits hors période de crise, afin de prendre en charge aussi les 80 malades non Covid qui sont en ce moment en réanimation, a-t-il continué.

"Nous ne vivons pas une augmentation exponentielle comme pendant la 1re vague de Covid" mais "ce qui est terrible, c'est que nous sommes épuisés par la longueur", a-t-il commenté. Le nombre de patients Covid augmentant de façon lente mais continue depuis fin 2020.

Les pics des dernières vagues sont "quasiment atteints" et "le problème c'est qu'on ne sait pas quand le pic de cette dernière vague arrivera", s'est inquiété Dominique Rossi.

Le pic absolu en réanimation avait été enregistré le 7 avril 2020 avec 112 patients. Pendant la 2e vague, il avait été atteint le 18 novembre 2020 avec 108 patients en réanimation (cf dépêche du 16/04/2021 à 17:49).

De nombreux patients Covid "très lourds" hors réanimation

Outre les patients en réanimation, "nous avons beaucoup de patients très lourds en unités de soins continus, aux urgences, ou maintenus dans les services de médecine grâce à un renforcement des équipes médicales", a souligné Jean-Olivier Arnaud.

Ces malades sont notamment pris en charge avec le système d'oxygénation à très haut débit Optiflow* (Fisher & Paykel Healthcare), sans lequel le nombre de patients en réanimation "aurait été beaucoup plus important", a-t-il continué. Au total, "nous sommes presque à 250 patients lourds Covid en comptant ceux en réanimation".

"Si on avait eu les mêmes équipements que lors de la 1re vague et en particulier pas d'Optiflow, aujourd'hui nous ne serions pas à 101 malades en réanimation mais plutôt à 130", a complété Dominique Rossi.

Par ailleurs, "nous sommes un centre de recours et nous avons beaucoup de malades sous oxygénation par membrane extracorporelle (Ecmo), qui est le stade ultime de l'oxygénation, car cela demande une compétence technique très importante", a souligné le président de CME.

"Aujourd'hui, 50% des patients en réanimation ont moins de 65 ans" soit une moyenne beaucoup plus jeune que lors des précédentes vagues. En revanche, les durées moyennes de séjour (DMS) "sont toujours aux alentours d'une vingtaine de jours", a continué le Pr Rossi.

Outre le nombre de décès, une des problématiques majeures est la convalescence des patients Covid lourds. Par exemple, "si un patient de 45 ans passe 5 semaines en réanimation, il va très probablement sortir vivant mais il va mettre un an pour s'en remettre", a alerté le président de CME.

Parallèlement à la problématique de la réanimation, il est donc très important de prendre en compte "la réhabilitation physique, psychologique, respiratoire, etc.", a-t-il plaidé.

Avec 70% de déprogrammation, il n'est pas possible d'aller au-delà

Pour arriver à un capacitaire de près de 200 de lits de réanimation ouverts, la déprogrammation est "maximale" et "nous ne pouvons pas faire plus" avec un taux de déprogrammation qui est actuellement de "70%", a alerté Dominique Rossi.

"Les blocs [opératoires] sont à genoux" et "nous sommes en grande difficulté pour maintenir une activité minimale, c'est-à-dire le recours et les urgences vitales", a continué le président de CME.

Jean-Olivier Arnaud a souligné que l'AP-HM n'a pas bénéficié de renforts en personnels d'autres établissements pendant cette 3e vague. De fait, "mécaniquement des patients sont déprogrammés car nous prenons sur les effectifs des blocs opératoires pour les mettre dans les équipes de réanimation".

Ainsi, la "tension est extrêmement forte sur les programmations de patients en chirurgie". L'activité Covid "continue, c'est long, on est fatigués, on nous demande de déprogrammer". "Les établissements privés déprogramment aussi mais ne sont pas tenus de déprogrammer comme nous", a commenté le directeur général.

Le CHU marseillais arrive aux limites de ses capacités. En cas d'une nouvelle dégradation de la situation et de la nécessité d'ouvrir d'autres lits de réanimation à Marseille, "nous allons devoir obtenir qu'il y ait une déprogrammation beaucoup plus radicale dans les établissements privés, voire demander qu'ils aident l'AP-HM en ressources humaines pour maintenir un minimum d'interventions chirurgicales vitales", a-t-il continué.

Il faudra également "accroître les transferts de patients dans la mesure du possible". Depuis 10 jours, l'AP-HM a évacué "une dizaine" de patients en réanimation vers Nice ainsi qu'à Nîmes et Montpellier, a indiqué le directeur général.

Mais quoi qu'il arrive, "jamais on ne refusera un patient qui a besoin de nous et on trouvera toujours une solution pour les prendre en charge", a insisté le directeur général.

Les formations des Iade et Ibode suspendues pour venir en renfort

Concernant les recrutements, l'AP-HM n'arrive que "très très peu" à embaucher. Le "marché du recrutement est complètement asséché", a déploré Jean-Olivier Arnaud.

Malgré tout, depuis le début de l'année "300 à 400 personnes en plus ont été recrutées". Et depuis le début de la crise, "le turn-over de personnels recrutés spécialement pour le Covid se situe probablement autour de 600 ou 700 professionnels".

Il manquait la semaine dernière "au moins une vingtaine d'Iade [infirmiers anesthésistes] et 3 ou 4 médecins réanimateurs", a-t-il continué.

C'est pour cela que "nous avons obtenu de la part du directeur général" de l'agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), Philippe De Mester, la suspension pour 15 jours de la formation des écoles préparant aux diplômes d'Etat d'infirmier anesthésiste (Iade) et d'infirmier de bloc opératoire (Ibode) pour que les élèves viennent aider l'AP-HM "sur la base du volontariat", a-t-il indiqué.

Quinze élèves Iade sont ainsi venus en renfort depuis que la décision de suspension a été actée vendredi par l'ARS.

Par ailleurs, l'ARS "a sollicité fortement" la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) pour que le personnel des cliniques privés sans service de réanimation viennent en renfort de l'AP-HM, mais "cela se fera sur la base du volontariat et il faudra qu'ils acceptent de venir", a rapporté Dominique Rossi.

Désormais, la "question qui se pose aujourd'hui c'est la sortie de crise", a par ailleurs déclaré Jean-Olivier Arnaud. Les patients Covid qui entrent en ce moment à l'AP-HM "resteront hospitalisés pendant 6 à 7 semaines et nous allons continuer à en avoir encore d'autres pendant longtemps".

Ainsi, le CHU marseillais "va vivre encore sous un régime de crise probablement jusqu'à la fin de l'année" même si la situation épidémiologique s'améliore à l'extérieur, a-t-il souligné.

syl/ab/APMnews

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