Actualités de l'Urgence - APM

DÉBAT AUTOUR DE LA PRATIQUE AVANCÉE POUR LES INFIRMIERS ANESTHÉSISTES APRÈS LA PUBLICATION DU RAPPORT IGAS
Une mission de l'Igas a rendu mercredi un rapport portant sur les "trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé".
Parmi les recommandations de cette mission, qu'APMnews a dévoilé mardi (cf dépêche du 04/01/2022 à 18:48), l'Igas propose de "subdiviser la pratique avancée en deux valences", avec d'un côté "les infirmiers en pratique avancée spécialisés", catégorie dans laquelle serait créée une mention "anesthésie" permettant de rattacher les Iade, et de l'autre "les infirmiers praticiens en pratique avancée".
Christophe Paysant, président du Syndicat national des infirmiers anesthésistes (Snia), joint par APMnews mercredi, a estimé que les rapporteurs jettent "un pavé dans la mare", ce rapport étant "assez iconoclaste".
Le président du syndicat, qui estime que les Iade sont "techniquement" des infirmiers en pratique avancée (IPA), a rappelé que ces professionnels ont pourtant "totalement été oubliés" au moment de la création de la pratique avancée en France.
Le syndicat indique donc, dans un communiqué qu'il a diffusé mercredi, ne pouvoir "que se réjouir" de la mise en évidence de cette "incohérente omission". Si Christophe Paysant a jugé que la reconnaissance de deux formes de pratique avancée "semble assez intelligent", il a estimé qu'il faudra "travailler pour discuter ensemble" de la place des Iade.
Pour les médecins spécialisés en anesthésie réanimation, si "la proposition de définir un statut différencié spécifique doit être saluée", "l'argumentaire qui sous-tend cette proposition" est en revanche, "comme le reste du document, rédigé de manière partisane, non professionnelle et à charge contre les médecins", dénonce le Conseil national professionnel d'anesthésie-réanimation et médecine péri-opératoire (CNP-ARMPO), dans une lettre ouverte publiée mercredi.
Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHAR-E) estime également, dans un communiqué diffusé mercredi, que "l'ensemble des conclusions du rapport tend à suggérer que le médecin n'a aucune valeur ajoutée dans la prise en charge de la santé de nos concitoyens, répondant ainsi à la volonté politique de démédicaliser la santé en France".
Les deux organisations dénoncent d'ailleurs que le choix "délibérément partial" ait été fait de sous-représenter les professions médicales dans les organisations auditionnées, selon les termes du CNP-ARMPO.
La notion de supervision médicale
Pour le SNPHAR-E, la partie du rapport consacrée à l'anesthésie "dévoie totalement le décret de 1994 fondateur de la qualité et de la sécurité des soins en anesthésie". Ce décret, qui détaille les "conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l'anesthésie", dispose entre autres que "l'anesthésie est réalisée sur la base d'un protocole établi et mis en oeuvre sous la responsabilité d'un médecin anesthésiste-réanimateur" (cf dépêche du 27/08/1999 à 11:51).
Pour le CNP-ARMPO aussi, les conclusions de la mission témoignent "d'une méconnaissance des liens, des organisations et des textes qui régissent la pratique de l'anesthésie en France".
Il rappelle que "c'est bien le binôme Iade - médecin anesthésiste-réanimateur dans le cadre d'une délégation et non d'un transfert de tâche qui garantit la sécurité du patient, sous responsabilité médicale", tel que le prévoit notamment un décret de 2017, disposant notamment que l'Iade "exerce ses activités sous le contrôle exclusif d'un médecin anesthésiste-réanimateur" (cf dépêche du 13/03/2017 à 10:24).
Pour le CNP-ARMPO, la mission "oppose les médecins anesthésistes-réanimateurs aux Iade en termes de compétences, de responsabilité et d’autonomie".
"Si un statut particulier valorisant les compétences des Iade et l'excellence de leur formation doit être proposé, il ne peut l'être que si ce statut s'inscrit dans les termes des décrets" de 1994 et 2017, "qui sanctuarisent la pratique de l'anesthésie, de la consultation médicale pré-opératoire à la salle de surveillance post-interventionnelle", conclut le CNP-ARMPO.
Si "l'élaboration d'un nouveau statut unifié pour les infirmiers de spécialités est nécessaire et doit être traité sérieusement", "des voies juridiques considérées comme solides sont actuellement explorées par les professionnels concernés et leurs représentations", explique le SNPHAR-E.
Le Snia juge pour sa part "que la volonté portée par les Iade de pérenniser le fonctionnement sécuritaire de l'activité d'anesthésie n'est pas remise en cause par ce rapport pour permettre l'accès à cette évolution statutaire", comme expliqué dans son communiqué.
"En effet, le statut d'IPA spécialisé proposé par les inspecteurs reprend la notion de supervision médicale qui régit actuellement la relation professionnelle entre médecins anesthésistes et infirmier(e)s-anesthésistes", ajoute-t-il. Dans son rapport, l'Igas mentionne que les IPA spécialisées travailleraient "à proximité mais pas nécessairement sous supervision du médecin".
"Les modifications de régime de responsabilité évoquées par le rapport ne remettent pas en cause le rôle médical dans l'élaboration et la conduite de la stratégie d'anesthésie", assure le Snia, qui estime que "la mission y voit au contraire un renforcement de l'engagement des Iade au profit de la sécurité des patients".
Ne pas perdre "l'identité professionnelle" des Iade
Le Snia souhaite, à la lecture de ce rapport, "apporter quelques interrogations et préoccupations".
Il s'inquiète ainsi du "maintien de l'identité professionnelle Iade si la profession intègre la création de l'IPA dit 'spécialisé' telle que décrite dans le rapport". A APMnews, Christophe Paysant a précisé revendiquer "d'être des praticiens avancés mais pas d'être des IPA".
Le syndicat appelle par ailleurs à ne pas "restreindre la polyvalence en soins critiques des Iade au seul champ de l'anesthésie, alors que [leurs] domaines de compétence reconnus sont l'anesthésie réanimation, la médecine d'urgence et la prise en charge de la douleur".
Plus largement, il considère que "de nombreuses questions persistent, notamment sur [...] le périmètre réglementaire de ce statut et les bouleversements inhérents à ces évolutions (cursus de formation, centres d'enseignement, modalités d'accès...)".
Parmi les autres critiques, le SNPHAR-E pointe également, dans son communiqué, "la confusion [et] les contre-vérités égrenées tout au long de ce rapport". "Nombre d'assertions ne reposent sur aucune donnée chiffrée, sur des lobbies internationaux sans légitimité voire sur des informations fausses", dénonce de son côté le CNP-ARMO.
Pour le CNP-ARMPO, ce rapport "ne peut en aucun cas être considéré comme base de travail législatif ou règlementaire".
Le SNPHAR-E "demande au ministre d'avoir une lecture critique sur la partialité a priori" et sur la "faiblesse méthodologique" du rapport, "de ne prendre des décisions que si elles sont consensuelles entre les représentants des médecins anesthésistes-réanimateurs et des Iade, après concertations communes", "de reconnaître le statut spécifique des Iade, dans le respect" des décrets de 1994 et 2017, et "de réaffirmer le rôle du médecin dans la prise en charge de la santé des Français".
Christophe Paysant a précisé à APMnews que les représentants des Iade participeraient à un rendez-vous le lundi 10 janvier avec le ministère, pour discuter de ce rapport. Pour rappel, les infirmiers anesthésistes observent un mouvement de grève reconductible depuis le 2 novembre, notamment pour bénéficier de la reconnaissance d'un statut de "praticien avancé" (cf dépêche du 30/11/2021 à 18:18).
af/ed/APMnews
Informations professionnelles
- AFMU
- Agenda
- Annonces de postes
- Annuaire de l'urgence
- Audits
- Calculateurs
- Cas cliniques
- Cochrane PEC
- COVID-19
- DynaMed
- E-learning
- Géodes
- Grand public
- Librairie
- Médecine factuelle
- Outils professionnels
- Podcast
- Portail de l'urgence
- Recherche avancée
- Recommandations
- Recommandations SFMU
- Référentiels SFMU
- Textes réglementaires
- UrgencesDPC
- Webinaire
- Weblettre

DÉBAT AUTOUR DE LA PRATIQUE AVANCÉE POUR LES INFIRMIERS ANESTHÉSISTES APRÈS LA PUBLICATION DU RAPPORT IGAS
Une mission de l'Igas a rendu mercredi un rapport portant sur les "trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé".
Parmi les recommandations de cette mission, qu'APMnews a dévoilé mardi (cf dépêche du 04/01/2022 à 18:48), l'Igas propose de "subdiviser la pratique avancée en deux valences", avec d'un côté "les infirmiers en pratique avancée spécialisés", catégorie dans laquelle serait créée une mention "anesthésie" permettant de rattacher les Iade, et de l'autre "les infirmiers praticiens en pratique avancée".
Christophe Paysant, président du Syndicat national des infirmiers anesthésistes (Snia), joint par APMnews mercredi, a estimé que les rapporteurs jettent "un pavé dans la mare", ce rapport étant "assez iconoclaste".
Le président du syndicat, qui estime que les Iade sont "techniquement" des infirmiers en pratique avancée (IPA), a rappelé que ces professionnels ont pourtant "totalement été oubliés" au moment de la création de la pratique avancée en France.
Le syndicat indique donc, dans un communiqué qu'il a diffusé mercredi, ne pouvoir "que se réjouir" de la mise en évidence de cette "incohérente omission". Si Christophe Paysant a jugé que la reconnaissance de deux formes de pratique avancée "semble assez intelligent", il a estimé qu'il faudra "travailler pour discuter ensemble" de la place des Iade.
Pour les médecins spécialisés en anesthésie réanimation, si "la proposition de définir un statut différencié spécifique doit être saluée", "l'argumentaire qui sous-tend cette proposition" est en revanche, "comme le reste du document, rédigé de manière partisane, non professionnelle et à charge contre les médecins", dénonce le Conseil national professionnel d'anesthésie-réanimation et médecine péri-opératoire (CNP-ARMPO), dans une lettre ouverte publiée mercredi.
Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHAR-E) estime également, dans un communiqué diffusé mercredi, que "l'ensemble des conclusions du rapport tend à suggérer que le médecin n'a aucune valeur ajoutée dans la prise en charge de la santé de nos concitoyens, répondant ainsi à la volonté politique de démédicaliser la santé en France".
Les deux organisations dénoncent d'ailleurs que le choix "délibérément partial" ait été fait de sous-représenter les professions médicales dans les organisations auditionnées, selon les termes du CNP-ARMPO.
La notion de supervision médicale
Pour le SNPHAR-E, la partie du rapport consacrée à l'anesthésie "dévoie totalement le décret de 1994 fondateur de la qualité et de la sécurité des soins en anesthésie". Ce décret, qui détaille les "conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l'anesthésie", dispose entre autres que "l'anesthésie est réalisée sur la base d'un protocole établi et mis en oeuvre sous la responsabilité d'un médecin anesthésiste-réanimateur" (cf dépêche du 27/08/1999 à 11:51).
Pour le CNP-ARMPO aussi, les conclusions de la mission témoignent "d'une méconnaissance des liens, des organisations et des textes qui régissent la pratique de l'anesthésie en France".
Il rappelle que "c'est bien le binôme Iade - médecin anesthésiste-réanimateur dans le cadre d'une délégation et non d'un transfert de tâche qui garantit la sécurité du patient, sous responsabilité médicale", tel que le prévoit notamment un décret de 2017, disposant notamment que l'Iade "exerce ses activités sous le contrôle exclusif d'un médecin anesthésiste-réanimateur" (cf dépêche du 13/03/2017 à 10:24).
Pour le CNP-ARMPO, la mission "oppose les médecins anesthésistes-réanimateurs aux Iade en termes de compétences, de responsabilité et d’autonomie".
"Si un statut particulier valorisant les compétences des Iade et l'excellence de leur formation doit être proposé, il ne peut l'être que si ce statut s'inscrit dans les termes des décrets" de 1994 et 2017, "qui sanctuarisent la pratique de l'anesthésie, de la consultation médicale pré-opératoire à la salle de surveillance post-interventionnelle", conclut le CNP-ARMPO.
Si "l'élaboration d'un nouveau statut unifié pour les infirmiers de spécialités est nécessaire et doit être traité sérieusement", "des voies juridiques considérées comme solides sont actuellement explorées par les professionnels concernés et leurs représentations", explique le SNPHAR-E.
Le Snia juge pour sa part "que la volonté portée par les Iade de pérenniser le fonctionnement sécuritaire de l'activité d'anesthésie n'est pas remise en cause par ce rapport pour permettre l'accès à cette évolution statutaire", comme expliqué dans son communiqué.
"En effet, le statut d'IPA spécialisé proposé par les inspecteurs reprend la notion de supervision médicale qui régit actuellement la relation professionnelle entre médecins anesthésistes et infirmier(e)s-anesthésistes", ajoute-t-il. Dans son rapport, l'Igas mentionne que les IPA spécialisées travailleraient "à proximité mais pas nécessairement sous supervision du médecin".
"Les modifications de régime de responsabilité évoquées par le rapport ne remettent pas en cause le rôle médical dans l'élaboration et la conduite de la stratégie d'anesthésie", assure le Snia, qui estime que "la mission y voit au contraire un renforcement de l'engagement des Iade au profit de la sécurité des patients".
Ne pas perdre "l'identité professionnelle" des Iade
Le Snia souhaite, à la lecture de ce rapport, "apporter quelques interrogations et préoccupations".
Il s'inquiète ainsi du "maintien de l'identité professionnelle Iade si la profession intègre la création de l'IPA dit 'spécialisé' telle que décrite dans le rapport". A APMnews, Christophe Paysant a précisé revendiquer "d'être des praticiens avancés mais pas d'être des IPA".
Le syndicat appelle par ailleurs à ne pas "restreindre la polyvalence en soins critiques des Iade au seul champ de l'anesthésie, alors que [leurs] domaines de compétence reconnus sont l'anesthésie réanimation, la médecine d'urgence et la prise en charge de la douleur".
Plus largement, il considère que "de nombreuses questions persistent, notamment sur [...] le périmètre réglementaire de ce statut et les bouleversements inhérents à ces évolutions (cursus de formation, centres d'enseignement, modalités d'accès...)".
Parmi les autres critiques, le SNPHAR-E pointe également, dans son communiqué, "la confusion [et] les contre-vérités égrenées tout au long de ce rapport". "Nombre d'assertions ne reposent sur aucune donnée chiffrée, sur des lobbies internationaux sans légitimité voire sur des informations fausses", dénonce de son côté le CNP-ARMO.
Pour le CNP-ARMPO, ce rapport "ne peut en aucun cas être considéré comme base de travail législatif ou règlementaire".
Le SNPHAR-E "demande au ministre d'avoir une lecture critique sur la partialité a priori" et sur la "faiblesse méthodologique" du rapport, "de ne prendre des décisions que si elles sont consensuelles entre les représentants des médecins anesthésistes-réanimateurs et des Iade, après concertations communes", "de reconnaître le statut spécifique des Iade, dans le respect" des décrets de 1994 et 2017, et "de réaffirmer le rôle du médecin dans la prise en charge de la santé des Français".
Christophe Paysant a précisé à APMnews que les représentants des Iade participeraient à un rendez-vous le lundi 10 janvier avec le ministère, pour discuter de ce rapport. Pour rappel, les infirmiers anesthésistes observent un mouvement de grève reconductible depuis le 2 novembre, notamment pour bénéficier de la reconnaissance d'un statut de "praticien avancé" (cf dépêche du 30/11/2021 à 18:18).
af/ed/APMnews