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DÉCÈS AUX URGENCES DE L'HÔPITAL LARIBOISIÈRE EN 2018: LE PARQUET REQUIERT LA RELAXE DE L'AP-HP
La famille de la patiente de 55 ans, Micheline Myrtil, retrouvée morte dans la salle d'attente du service des urgences de Lariboisière le 18 décembre 2018, 12 heures après son arrivée, avait porté plainte contre X (cf dépêche du 31/12/2018 à 18:00). L'AP-HP avait été mise en examen en mars 2021 du chef d'homicide involontaire (cf dépêche du 30/03/2021 à 16:34).
Après s'être prononcé fin 2022 pour le renvoi de l'AP-HP devant le tribunal correctionnel (cf dépêche du 05/01/2023 à 12:41), le parquet de Paris avait requis un non-lieu. Puis le procès a été confirmé à l'automne 2024 par le juge d'instruction (cf dépêche du 04/11/2024 à 12:47).
En janvier 2019, un rapport d'autopsie versé à l'enquête judiciaire ouverte par le parquet de Paris pour déterminer les causes de la mort de la patiente avait conclu à un décès à la suite d'une défaillance respiratoire (cf dépêche du 25/01/2019 à 15:19).
Amenée à l'hôpital par les pompiers le lundi 17 décembre 2018 en début de soirée, Micheline Myrtil avait été accueillie par l'infirmière d'accueil et d'orientation et placée en brancard dans la salle d'attente du "circuit court". Elle a été vue deux fois par l'infirmière qui l'avait initialement évaluée.
Au milieu de la nuit, elle a été considérée comme étant sortie, après avoir été appelée plusieurs fois sans succès, et a été retrouvée décédée vers 6h dans la salle d'attente du service d'accueil des urgences de l'hôpital.
L'AP-HP avait aussitôt diligenté une enquête conjointe avec l'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France. En janvier 2019, leur rapport a conclu à des dysfonctionnements dans la procédure d'enregistrement et de vérification de l'identité, ainsi que dans la surveillance de la patiente. Il a révélé que les appels de la patiente, sous un nom erroné, n'avaient pas abouti à l'identification de cette dernière dans une salle d'attente surchargée, soulignant un délai de prise en charge très important.
Des "dysfonctionnements" ne constituant pas "une faute pénale"
La mission avait aussi pointé "un problème global d'insuffisance de surface du SAU [service d'accueil des urgences ] de Lariboisière" et que la charge de travail cette nuit-là n'avait "pas permis d'appliquer la procédure de surveillance de la salle d'attente du circuit court". Elle avait relevé un ratio des effectifs médicaux du service inférieur, au regard de son activité, à la moyenne de l'AP-HP et aux recommandations professionnelles.
Le CHU francilien avait alors annoncé avoir déjà pris plusieurs mesures en matière d'effectifs et de renforcement des procédures du service (cf dépêche du 14/01/2019 à 14:51).
Au terme des deux jours d'audience, qui ont eu lieu jeudi et vendredi, le parquet a requis la relaxe de l'AP-HP, a précisé lundi à APMnews Me Mario Stasi, avocat du CHU, confirmant une information diffusée dans plusieurs médias, dont Mediapart et RCI Martinique.
Pour l'AP-HP et le parquet, si des "dysfonctionnements" ont eu lieu lors de la prise en charge de Micheline Myrtil, "ils ne constituent en rien une faute pénale", en l'absence, selon eux, de "causalité certaine entre ces dysfonctionnements et le décès" de la patiente, a-t-il expliqué.
Le parquet a tenu compte d'un contexte "d'encombrement anormal" des urgences au moment de l'arrivée de Micheline Myrtil, a également rapporté Me Stasi, tout en rappelant les "dysfonctionnements" observés dans le respect du protocole de prise en charge aux urgences.
L'expertise a montré que la patiente a été victime d'un cas rare de "méningite foudroyante sans symptôme visible", a souligné l'avocat.
Décision le 9 février
Selon l'article de Mediapart, le Pr Pierre Coriat, mandaté comme expert, a expliqué que, même si elle avait été prise en charge correctement, "Micheline Myrtil avait 10% à 15%" de risques de décéder de "cette infection invasive à méningocoque foudroyante". "Au début, cela ressemble à une grippe", a pointé l'expert, cité par le site d'information, expliquant la suite des symptômes. "La défaillance du service des urgences à partir de 20 heures a occasionné une perte de chance de survie de 80%", selon ses propos rapportés dans l'article.
L'absence de causalité "certaine" a donc justifié que le parquet requière la relaxe. Me Eddy Arneton, avocat de la famille de la patiente, conteste ce raisonnement. "Il n'y a pas de débat sur les fautes de l'AP-HP" et ces dernières "ont conduit à l'absence de prise en charge de Mme Myrtil, et cette absence de prise en charge a inéluctablement conduit à [son] décès", a-t-il réagi, joint par APMnews lundi.
"En conséquence, le lien de causalité est certain", oppose-t-il. "Deux magistrats instructeurs ont considéré que le lien entre les fautes de l'AP-HP et [le] décès était certain", puis le procureur de la République, "en cours de route, a changé d'analyse, puisqu'initialement, le parquet de Paris avait sollicité le renvoi de l'AP-HP devant le tribunal correctionnel", s'est-il étonné.
Parmi les "fautes de l'AP-HP" selon lui caractérisées, l'avocat a mentionné "un sous-effectif, des locaux sous-dimensionnés, une salle d'attente qui n'est pas visible pour l'infirmière d'accueil et d'orientation" et le "placement dans une impossibilité de faire" du personnel.
Tandis que le parquet argue de l'absence de causalité certaine entre une prise en charge défaillante et le décès, pour Me Arneton, il n'y a "pas eu de prise en charge". Que la patiente "ait [reçu] du doliprane n'est pas une prise en charge", conteste-t-il.
"Il y a un grand décalage entre reconnaître des défaillances et ne jamais reconnaître les vraies fautes de l'AP-HP", a-t-il ajouté, estimant que l'institution s'était "défaussée sur son personnel soignant".
Le délibéré a été fixé au 9 février, a confirmé le parquet à APMnews.
mlb/lb/APMnews
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La famille de la patiente de 55 ans, Micheline Myrtil, retrouvée morte dans la salle d'attente du service des urgences de Lariboisière le 18 décembre 2018, 12 heures après son arrivée, avait porté plainte contre X (cf dépêche du 31/12/2018 à 18:00). L'AP-HP avait été mise en examen en mars 2021 du chef d'homicide involontaire (cf dépêche du 30/03/2021 à 16:34).
Après s'être prononcé fin 2022 pour le renvoi de l'AP-HP devant le tribunal correctionnel (cf dépêche du 05/01/2023 à 12:41), le parquet de Paris avait requis un non-lieu. Puis le procès a été confirmé à l'automne 2024 par le juge d'instruction (cf dépêche du 04/11/2024 à 12:47).
En janvier 2019, un rapport d'autopsie versé à l'enquête judiciaire ouverte par le parquet de Paris pour déterminer les causes de la mort de la patiente avait conclu à un décès à la suite d'une défaillance respiratoire (cf dépêche du 25/01/2019 à 15:19).
Amenée à l'hôpital par les pompiers le lundi 17 décembre 2018 en début de soirée, Micheline Myrtil avait été accueillie par l'infirmière d'accueil et d'orientation et placée en brancard dans la salle d'attente du "circuit court". Elle a été vue deux fois par l'infirmière qui l'avait initialement évaluée.
Au milieu de la nuit, elle a été considérée comme étant sortie, après avoir été appelée plusieurs fois sans succès, et a été retrouvée décédée vers 6h dans la salle d'attente du service d'accueil des urgences de l'hôpital.
L'AP-HP avait aussitôt diligenté une enquête conjointe avec l'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France. En janvier 2019, leur rapport a conclu à des dysfonctionnements dans la procédure d'enregistrement et de vérification de l'identité, ainsi que dans la surveillance de la patiente. Il a révélé que les appels de la patiente, sous un nom erroné, n'avaient pas abouti à l'identification de cette dernière dans une salle d'attente surchargée, soulignant un délai de prise en charge très important.
Des "dysfonctionnements" ne constituant pas "une faute pénale"
La mission avait aussi pointé "un problème global d'insuffisance de surface du SAU [service d'accueil des urgences ] de Lariboisière" et que la charge de travail cette nuit-là n'avait "pas permis d'appliquer la procédure de surveillance de la salle d'attente du circuit court". Elle avait relevé un ratio des effectifs médicaux du service inférieur, au regard de son activité, à la moyenne de l'AP-HP et aux recommandations professionnelles.
Le CHU francilien avait alors annoncé avoir déjà pris plusieurs mesures en matière d'effectifs et de renforcement des procédures du service (cf dépêche du 14/01/2019 à 14:51).
Au terme des deux jours d'audience, qui ont eu lieu jeudi et vendredi, le parquet a requis la relaxe de l'AP-HP, a précisé lundi à APMnews Me Mario Stasi, avocat du CHU, confirmant une information diffusée dans plusieurs médias, dont Mediapart et RCI Martinique.
Pour l'AP-HP et le parquet, si des "dysfonctionnements" ont eu lieu lors de la prise en charge de Micheline Myrtil, "ils ne constituent en rien une faute pénale", en l'absence, selon eux, de "causalité certaine entre ces dysfonctionnements et le décès" de la patiente, a-t-il expliqué.
Le parquet a tenu compte d'un contexte "d'encombrement anormal" des urgences au moment de l'arrivée de Micheline Myrtil, a également rapporté Me Stasi, tout en rappelant les "dysfonctionnements" observés dans le respect du protocole de prise en charge aux urgences.
L'expertise a montré que la patiente a été victime d'un cas rare de "méningite foudroyante sans symptôme visible", a souligné l'avocat.
Décision le 9 février
Selon l'article de Mediapart, le Pr Pierre Coriat, mandaté comme expert, a expliqué que, même si elle avait été prise en charge correctement, "Micheline Myrtil avait 10% à 15%" de risques de décéder de "cette infection invasive à méningocoque foudroyante". "Au début, cela ressemble à une grippe", a pointé l'expert, cité par le site d'information, expliquant la suite des symptômes. "La défaillance du service des urgences à partir de 20 heures a occasionné une perte de chance de survie de 80%", selon ses propos rapportés dans l'article.
L'absence de causalité "certaine" a donc justifié que le parquet requière la relaxe. Me Eddy Arneton, avocat de la famille de la patiente, conteste ce raisonnement. "Il n'y a pas de débat sur les fautes de l'AP-HP" et ces dernières "ont conduit à l'absence de prise en charge de Mme Myrtil, et cette absence de prise en charge a inéluctablement conduit à [son] décès", a-t-il réagi, joint par APMnews lundi.
"En conséquence, le lien de causalité est certain", oppose-t-il. "Deux magistrats instructeurs ont considéré que le lien entre les fautes de l'AP-HP et [le] décès était certain", puis le procureur de la République, "en cours de route, a changé d'analyse, puisqu'initialement, le parquet de Paris avait sollicité le renvoi de l'AP-HP devant le tribunal correctionnel", s'est-il étonné.
Parmi les "fautes de l'AP-HP" selon lui caractérisées, l'avocat a mentionné "un sous-effectif, des locaux sous-dimensionnés, une salle d'attente qui n'est pas visible pour l'infirmière d'accueil et d'orientation" et le "placement dans une impossibilité de faire" du personnel.
Tandis que le parquet argue de l'absence de causalité certaine entre une prise en charge défaillante et le décès, pour Me Arneton, il n'y a "pas eu de prise en charge". Que la patiente "ait [reçu] du doliprane n'est pas une prise en charge", conteste-t-il.
"Il y a un grand décalage entre reconnaître des défaillances et ne jamais reconnaître les vraies fautes de l'AP-HP", a-t-il ajouté, estimant que l'institution s'était "défaussée sur son personnel soignant".
Le délibéré a été fixé au 9 février, a confirmé le parquet à APMnews.
mlb/lb/APMnews
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